Read Ebook: Voyage en Espagne d'un Ambassadeur Marocain (1690-1691) by Wazir Al Ghassani Muhammad Ibn Abd Al Wahhab Sauvaire Henri Joseph Translator
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page
Ebook has 165 lines and 43672 words, and 4 pages
Translator: Henry Sauvaire
BIBLIOTH?QUE ORIENTALE ELZ?VIRIENNE
VOYAGE EN ESPAGNE
ANGERS, IMPRIMERIE BURDIN ET Cie, RUE GARNIER, 4.
VOYAGE
EN ESPAGNE
d'un
AMBASSADEUR MAROCAIN
TRADUIT DE L'ARABE
PAR
H. SAUVAIRE
PARIS
ERNEST LEROUX, ?DITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCI?T? ASIATIQUE DE L'?COLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC. 28, RUE BONAPARTE, 28
Robernier, par Montfort ,
le 31 mars 1884.
VOYAGE EN ESPAGNE
D'UN
AMBASSADEUR MAROCAIN
DU PORT DE LA MONTAGNE DE TAREQ
Notre arriv?e dans ce port eut lieu dans la soir?e du mercredi . Le jour de notre embarquement ? la Qasbah d'Afr?g qui domine Ceuta, nous trouv?mes dans le port un navire tout pr?t, charg? de provisions et de soldats et de tous les engins n?cessaires. Il avait ?t? envoy? par le duc r?sidant dans la ville de San Lucar, sur l'ordre de son souverain. Ce duc, qui a le commandement sup?rieur de toute cette c?te, est un des grands d'Espagne les plus notables, attendu que, chez cette nation, on n'investit du commandement de la c?te limitrophe de notre pays qu'un personnage occupant un rang ?lev? dans la noblesse et portant le titre de duc ou de comte, et personne autre. Ce grand navire avait donc ?t? envoy? par le duc pr?cit? par l'entremise du gouverneur de Q?l?s ; il avait jet? l'ancre devant Ceuta, que Dieu en fasse de nouveau une demeure de l'isl?m! Mais comme le vent d'est soufflait et qu'avec ce vent les Espagnols ne pouvaient tenir pr?s de Ceuta ni sur la c?te environnante, ils avaient ramen? le navire au port du Mont de la Conqu?te, o? ils restaient en attendant le vent qui leur perm?t de retourner au port de Ceuta et d'y stationner jusqu'? ce qu'ils nous eussent embarqu?s. D?s que nous f?mes descendus dans la plaine de Ceuta, les habitants de la ville sortirent ? notre rencontre en compagnie du fils du capitaine, et nous inform?rent qu'on attendait l'arriv?e du b?timent, qui ?tait au Mont de la Conqu?te. <
Nous continu?mes ? voguer pendant la moiti? de la journ?e jusqu'au moment de la pri?re de midi. Nous aper??mes alors la ville de Cadix, qui est une grande cit?, sise sur une presqu'?le, sur la mer. Une de ses parties s'?tend jusqu'? la terre ferme; elle est environn?e par la mer sur environ les sept huiti?mes de son p?rim?tre. Elle poss?de un grand port, si vaste qu'il est impossible d'en ?valuer l'?tendue, et qui contient un nombre incalculable de grands et de petits navires. Comme c'est une ville consid?rable, il s'y rend de tous c?t?s des voyageurs et des commer?ants; tous les vents y conduisent. Les chr?tiens y viennent de tous les villages et de toutes les villes, situ?s dans son voisinage ou ? proximit?, pour y vendre, acheter, faire leurs provisions ou servir. L? se r?unissent en quantit? innombrable de petits navires qui y apportent des denr?es et des vivres, grains, fruits, etc.
Lorsque le gouverneur de la ville vit ce jour-l? souffler le vent qui nous am?nerait, de nombreuses dispositions furent prises pour notre r?ception et l'on fit de grands pr?paratifs: on r?unit l'infanterie et la cavalerie de la garnison et, sur mer comme sur terre, les canons furent charg?s. Tout le monde sortit sur le rivage pour attendre notre arriv?e.
D?s que nous f?mes pr?s de la ville, ? la distance de deux milles environ, un capitaine arriva vers nous dans une embarcation du gouverneur qu'il avait orn?e de toutes sortes de tapis de soie et de brocart, et sur laquelle il avait arbor? un des pavillons du roi. ?tant mont? ? bord, il salua de la part de son sup?rieur et pr?senta pour excuse les pr?paratifs de notre r?ception. Nous descend?mes du grand navire dans la chaloupe et nous dirige?mes vers la ville. Nous trouv?mes le gouverneur de la ville debout sur le bord du rivage; avec lui ?tait accourue la population enti?re, hommes, femmes et enfants. Il n'avait pas laiss? dans la ville un seul chanteur ou musicien qu'il ne l'e?t amen?; tant sur les remparts de la ville qu'? bord des grands navires, il n'y avait pas un canon qu'il ne f?t tirer. Ledit gouverneur nous accueillit avec la plus grande courtoisie et se montra extr?mement heureux de notre venue. Tous les prisonniers que renfermait la ville de Cadix, hommes, femmes et enfants, vinrent aussi ? notre rencontre; transport?s d'all?gresse, ils proclamaient ? haute voix la profession de foi musulmane et appelaient les b?n?dictions de Dieu sur le proph?te, que Dieu le b?nisse et le salue! en faisant des voeux pour la victoire de notre seigneur El Manso?r billah . Nous leur donn?mes des conseils et leur prom?mes que notre ma?tre, que Dieu l'assiste! ne les abandonnerait pas, tant qu'il jouirait de la faveur divine. Ce jour fut pour eux une f?te ? cause de la bonne nouvelle qu'ils re?urent de leur d?livrance que Dieu allait leur accorder par l'entremise du seigneur El Manso?r billah, d'autant plus qu'il ?tait devenu certain pour eux que notre ma?tre, que Dieu l'assiste! n'avait d'autre but et d'autre intention en rassemblant tous les chr?tiens qui ?taient dans les fers, que de d?livrer les Musulmans des mains de l'ennemi infid?le, puisse Dieu l'an?antir et prolonger l'existence de notre souverain!
Le gouverneur nous ayant conduits ? la ville, nous mena dans une grande maison qu'il avait pr?par?e pour notre installation; il l'avait fournie de toutes sortes de provisions vari?es. Il ne cessa pas de veiller ? tous nos besoins ainsi que les notables de la ville qui l'accompagnaient, pendant cette journ?e et toute la nuit jusqu'au lendemain. Il se mit ensuite ? nous questionner sur le but de notre voyage et nous demanda si nous avions besoin de rester chez lui pour nous reposer quelques jours. Nous lui r?pond?mes: <
Le lendemain, le gouverneur et ceux qui l'accompagnaient s'occup?rent de bonne heure des pr?paratifs de notre d?part. Comme d'habitude, tout ce qu'il y avait dans la ville de soldats, de cavaliers et d'autres gens sortirent encore pour nous reconduire. Le gouverneur avait envoy? en avant, ? Chantamaria, un de ses officiers charg? de pr?venir de notre arriv?e dans cette ville, afin qu'on nous pr?par?t un logis.
Dans la matin?e du jour o? nous sort?mes de Cadix et pendant que nous nous occupions du d?part, voil? qu'entra chez nous un pr?tre chr?tien de Turquie, qui avait ?t? ?lev? au pays de Constantinople: il nous informa de la victoire remport?e, gr?ce ? la faveur divine, par l'arm?e des Musulmans et nous apprit que le sultan Solyman, puisse-t-il ?tre assist? de Dieu! avait, avec l'aide du Tout-Puissant, d?livr? Belgrade ainsi que toute la province et les alentours; qu'il ?tait fier d'en avoir renvers? les remparts et s'occupait de restaurer les murailles qui avaient ?t? d?truites: il avait mis des ouvriers charg?s de la reconstruction et des aides-ma?ons, au nombre de douze mille. Nous nous r?jou?mes de la victoire que Dieu, qu'il soit exalt?! avait accord?e aux Musulmans. Les chr?tiens regardaient comme un haut fait d'armes du Sultan d'avoir conquis cette ville et de l'avoir reprise par la force, et lui d?cernaient les plus grands ?loges.
D?s le lendemain matin nous re??mes la visite d'un des principaux du duc investi du commandement de cette c?te, et dont la r?sidence ?tait San Lucar; il apportait les excuses du duc, qu'une maladie avait emp?ch? de venir; nous les agr??mes.
Nous travers?mes cette ville dans la matin?e et continu?mes notre voyage ce jour-l? jusqu'? ce que nous atteign?mes, dans la soir?e, une ville qu'on appelle El Bridjah . C'est une petite ville, plut?t habit?e par des nomades. Les vestiges de ses remparts sont ?galement en ruines et effac?s. Le gouverneur et le juge vinrent ? notre rencontre. On nous installa dans une maison appartenant ? un de leurs grands et toute la population accourut pour nous saluer.
Une des plus grandes marques de gracieuset? que nous donn?rent les habitants d'Utrera fut qu'ils amen?rent chez nous, pendant la nuit que nous pass?mes dans leur ville, les moines qui excellent ? chanter dans leurs ?glises. Ils tenaient des instruments de musique, un entre autres qu'ils appellent harpe; il est garni d'un grand nombre de cordes et ressemble ? un m?tier de tisserand. Ils pr?tendent que c'est l? l'instrument dont jouait le proph?te David, que sur lui et sur notre proph?te soient la pri?re et le salut! J'en ai vu un de cette forme que tenait une de ces statues qu'ils placent dans leurs appartements et dans leurs maisons et qu'ils disent repr?senter le proph?te David, sur qui soit le salut! Tous leurs r?cits historiques, en effet, et leurs dogmes religieux sont emprunt?s ? la religion des enfants d'Isra?l et ? l'Ancien Testament, ? ce qu'ils pr?tendent, sauf toutefois ce qu'ils ont ajout? et qui forme la s?paration entre eux et les juifs, les chr?tiens s'?tant prononc?s ? l'unanimit? pour le Messie, d'o? est venue l'inimiti? qui existe entre les deux sectes. Depuis cette ?poque ils n'ont cess? de raconter dans leurs dogmes religieux, dans leurs croyances corrompues et dans leur ?garement ce que leur relate le pape qui est ? Rome, que Dieu l'envoie rejoindre les grands de sa nation!
< < < < < < < < T?moin de la beaut? de cette ville et de son magnifique panorama, j'ai ajout? aux deux vers d'El Djaz?ry, qui m'ont servi de mod?le, deux autres vers de ma composition: < < < << par la main de quelqu'un qui r?partit exactement les r?compenses, est agr?able ? Dieu et tire son origine de la plus ?minente des cr?atures.>> Quand nous nous trouv?mes pr?s de la ville, le gouverneur sortit dans une voiture, accompagn? de ses fils et de quelques-uns des officiers, mont?s sur de petits chevaux lui appartenant et qu'il pr?tendait--pr?tention bien contraire ? la v?rit?--?tre des meilleurs et des plus rapides de l'Andalos. Il vint ? notre rencontre hors de la ville et nous souhaita la bienvenue avec infiniment de courtoisie et d'amabilit?. Nous ayant conduits en ville, il nous promena ? travers ses march?s, ses places et ses rues. C'est une ville civilis?e, ni petite ni grande; elle est tr?s propre et les habitants sont dou?s de bont? et de beaut?. Au milieu se dresse la mosqu?e-cath?drale qu'elle renferme. Ce monument, de moyenne dimension, admirable de formes, solidement construit et dont le parvis est complant? d'orangers, remonte au temps des Musulmans et est encore tel qu'il ?tait. Le gouverneur de la ville nous conduisit ensuite ? sa demeure, grande et vaste maison, o? il nous re?ut tr?s bien et nous prodigua les marques de consid?ration, ne manquant ? aucune de ses obligations soit dans sa conduite correcte, soit dans son langage. Nous pass?mes cette nuit chez lui. Le lendemain nous quitt?mes la ville et, ? son extr?mit?, nous trouv?mes un pont merveilleux sur lequel s'?l?ve la porte de cette ville. Sous le pont l'on voit des moulins et des constructions en grand nombre. De cette ville nous arriv?mes ? Cordoue. Quand nous f?mes pr?s de la ville, les habitants sortirent ? notre rencontre, ainsi que tous les prisonniers qu'elle renfermait et qui proclamaient ? haute voix la profession de foi musulmane et faisaient des voeux de victoire pour notre ma?tre El Manso?r billah. Les enfants des Chr?tiens r?p?taient les m?mes cris que les Musulmans. Lorsque nous e?mes p?n?tr? dans l'int?rieur, nous trouv?mes une cit? grande, populeuse et o? s'exer?aient toutes sortes d'arts et de m?tiers. La plupart des marchands sont des femmes. Nous loge?mes dans la maison du gouverneur. Dans les environs de la ville de Cordoue, sur la rive du fleuve, existent en nombre incalculable, des champs de culture et des p?tures pour l'?l?ve des chevaux; car les chevaux du territoire de Cordoue et de ses environs dans la contr?e andalousienne sont, aux yeux des Chr?tiens, les plus beaux de l'Espagne enti?re avec toute son ?tendue. C'est pour ce motif que le monarque espagnol d?fend d'y faire couvrir les juments par des ?nes, et un ch?timent s?v?re attend celui qui contreviendrait ? cette d?fense: ses biens seraient confisqu?s ou bien il serait emprisonn? ou subirait une autre peine. La production des mulets a lieu chez eux dans une contr?e connue sous le nom de Manche, ce qui veut dire signe . La Manche est un tr?s vaste pays, de six jours de marche. Le sol en est rude, pierreux; il ne produit que l'absinthe et autres plantes s?ches. Cette contr?e s?pare l'Andalousie de la Nouvelle-Castille. Les mulets y ressemblent ou ? peu pr?s ? ceux de la Syrie. Le fleuve est travers? par un grand nombre de ponts tr?s bien construits. A la porte de la ville de Cordoue il en est un grand au-dessous duquel on voit des vestiges d'un autre pont. On pr?tend que le plus bas est celui qu'?tablirent les Musulmans; d?truit par le courant, il y a environ dix ans aujourd'hui, les chr?tiens ont ?lev? un peu au-dessus un autre pont nouveau, compos? de dix-sept arches. De Cordoue ? une ville qu'on appelle El Carpio, on compte quinze milles. C'est une petite ville situ?e sur une ?l?vation du terrain, ?galement ? proximit? du Guadalquivir. Sur le fleuve sont install?es des machines ? irrigation et des norias qui font monter l'eau du fleuve jusqu'? des jardins group?s au-dessous de la ville. Les habitants sont laboureurs et agriculteurs; ce sont presque des nomades. Sur les deux rives du fleuve on aper?oit un tr?s grand nombre de hameaux et de villages. La plupart des descendants de ces christianis?s qui sont ? Andujar comptent parmi les nobles de la ville; toutefois leur noblesse n'est pas consid?r?e l'?gale de celle qui passe en h?ritage aux chr?tiens de p?re en fils, comme les titres de duc, de comte et autres semblables. Toute la noblesse dont ils jouissent aujourd'hui consiste pour les descendants des Abenc?rages devenus chr?tiens ? se transmettre par h?ritage le privil?ge de porter sur l'?paule une croix dessin?e sur le v?tement dont ils s'enveloppent. Tel est le signe auquel se distinguent les nobles parmi eux. Les fonctions dont sont investis les restes de cette famille sont la secr?tairerie, le gouvernement des villes, la police et autres n'ayant ni une grande importance ni une puissante autorit?, telles que le commandement des arm?es et le gouvernement des grandes provinces ou des villes capitales comme S?ville et autres du m?me rang. Quoi qu'il en soit, ces gens-l? sont tr?s nombreux, dans ces districts: leur nombre est incalculable. Parmi eux, les uns revendiquent cette g?n?alogie et d'autres, non. Il en est m?me qui ont horreur d'en entendre parler. Ceux qui r?pudient cette descendance et se refusent ? la reconna?tre se pr?tendent originaires des montagnes de la Navarre, montagnes ?loign?es de la Castille et o? s'?taient r?fugi?s les d?bris des chr?tiens lors de la conqu?te de l'Andalos par les Musulmans. Ils s'enorgueillissent de rapporter leur origine ? ces montagnes et au territoire limitrophe. Les descendants de ces anciens Musulmans actuellement investis d'une fonction gouvernementale ne repoussent pas leur g?n?alogie. J'ai rencontr? un jour ? Madrid un personnage dont le nom m'?chappe en ce moment: il ?tait dans une voiture lui appartenant et plusieurs dames, les unes jeunes, les autres ?g?es, mais toutes d'une grande distinction et d'une beaut? remarquable, l'accompagnaient. Il s'arr?ta et, apr?s nous avoir salu?s ? plusieurs reprises, il nous t?moigna, ainsi que les dames qui ?taient avec lui, beaucoup d'affabilit? et de pr?venances. Nous r?pond?mes comme nous le devions ? sa courtoisie. Lorsqu'il voulut partir, il se fit conna?tre, en disant: <
Add to tbrJar First Page Next Page