Read Ebook: Voyage en Espagne d'un Ambassadeur Marocain (1690-1691) by Wazir Al Ghassani Muhammad Ibn Abd Al Wahhab Sauvaire Henri Joseph Translator
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page
Ebook has 165 lines and 43672 words, and 4 pages
J'ai rencontr? un jour ? Madrid un personnage dont le nom m'?chappe en ce moment: il ?tait dans une voiture lui appartenant et plusieurs dames, les unes jeunes, les autres ?g?es, mais toutes d'une grande distinction et d'une beaut? remarquable, l'accompagnaient. Il s'arr?ta et, apr?s nous avoir salu?s ? plusieurs reprises, il nous t?moigna, ainsi que les dames qui ?taient avec lui, beaucoup d'affabilit? et de pr?venances. Nous r?pond?mes comme nous le devions ? sa courtoisie. Lorsqu'il voulut partir, il se fit conna?tre, en disant: <
De m?me un certain nombre d'habitants de Grenade, investis dans cette ville de charges et de fonctions, avaient leur r?sidence ? Madrid. Ils venaient nous voir en compagnie de don Alonso, un des descendants du roi de Grenade; ils faisaient remonter leur origine ? la race qui ?tait ? Grenade. La perversit? s'est empar?e d'eux. Que Dieu nous en pr?serve! Parfois ils nous posaient des questions sur la religion de l'isl?m et sur des points s'y rattachant. Quand ils entendaient nos r?ponses, relativement aux dogmes religieux, aux lois de la purification, base de l'islamisme, etc., ils ?taient ?merveill?s de ce qu'ils entendaient, y pr?taient la plus grande attention et en faisaient l'?loge en pr?sence des chr?tiens, sans se pr?occuper de l'assistance. Ils ne cess?rent, durant notre s?jour dans la ville de Madrid, de nous faire de fr?quentes visites et de venir r?guli?rement nous voir. Ils nous montraient beaucoup d'amiti? et d'affection. Nous demandons ? Dieu, qu'il soit exalt?! de les conduire dans la droite voie et de les guider vers la religion solide.
De cette ville d'Andujar ? une ville qu'on appelle Linar?s, il y a vingt-quatre milles. A une distance de trois ou quatre milles de la ville d'Andujar, on se s?pare du Guadalquivir, qu'on laisse sur sa droite, au point o? l'on descend des montagnes. Linar?s est une ville moyenne, ayant conserv? des vestiges d'une ancienne civilisation. La majeure partie de ses habitants se compose des descendants des Andalos. En dehors de la ville existent de nombreuses mines de plomb; ce m?tal est transport? dans beaucoup de villes d'Espagne.
Cet ordre vit dans la malpropret? et est vou? ? la vie monacale la plus s?v?re. Quant aux autres religieuses, elles passent leur vie, il est vrai, emprisonn?es, ne sortent jamais ni ne se marient, sont r?gl?es dans leur costume et subissent d'autres privations mondaines. N?anmoins il y a loin de ces ordres ? l'ordre rigide dont nous parlons. Les autres religieuses suivent les pratiques des moines en ce qui regarde la malpropret? et la richesse. Il est tel moine, en effet, que tu trouves ayant embrass? cet ?tat comme un moyen d'arriver aux biens de ce monde et de les amasser; car, s'il a quelque influence aupr?s du gouvernement, il touche sur les revenus de la dotation des milliers destin?s, suivant lui, ? le faire vivre. Il en est qui ont pris l'habit pour se reposer des peines et des fatigues du monde; le repos leur suffit. D'autres s'en servent en guise de bouclier qui les cache et les prot?ge, en m?me temps qu'il les met ? l'abri des propos des gens, attendu que personne ne peut dire quoique ce soit d'un moine, ni l'accuser d'une vilaine action, en e?t-il ?t? le t?moin et l'e?t-il constat?e. Ces hommes sont les ?gar?s, les pauvres, les d?voy?s du chemin de la v?rit?. Ils se sont ?gar?s et ont ?gar? les autres. Que Dieu en d?barrasse la terre et la remplisse de l'invocation perp?tuelle de son nom! Les circonstances nous ont entra?n? ? ces r?flexions.
Revenons maintenant ? la description de la ville de Linar?s o? nous avons vu ces religieuses. Ainsi que nous l'avons dit, c'est une ville de moyenne grandeur et conservant des vestiges de civilisation. Ses habitants sont affables. Par suite de leur affabilit? et de leurs habitudes hospitali?res, tous, hommes et femmes, se rassembl?rent et apport?rent des instruments de musique. Ils ont coutume de danser, homme et femme ensemble. Ainsi, l'homme qui d?sire danser se l?ve et choisit sa danseuse, jeune ou ?g?e; il la salue en ?tant le chapeau qu'il a sur la t?te et lui donne la main en signe d'accord; elle ne peut absolument refuser. Les habitants de cette ville sont pour le plus grand nombre adonn?s au labourage et ? l'agriculture. Il n'y existe aucune maison de commerce, ni aucun objet de trafic, car elle n'est pas compt?e parmi les cit?s civilis?es.
En d?pit de cette prosp?rit? et du grand nombre de hameaux, villages et villes qui existent en Espagne, personne ne peut voyager seul pendant la dur?e des travaux agricoles dans la Sierra Morena et dans toute la province de la Manche, tant est grande la crainte qui y r?gne, tant il y a de brigands. Les chr?tiens qui ?taient charg?s du soin de nous conduire prenaient leurs pr?cautions et se tenaient pr?ts, d?s que nous parv?nmes dans cette r?gion. Ils n'aimaient pas qu'aucun de nos compagnons et de nos gens all?t en avant ou rest?t en arri?re, de peur des accidents. Rencontrions-nous trois ou quatre individus, nous leur demandions pourquoi ils passaient par petits groupes. <
Je rencontrai ? Torre Juan Abad, pendant que je revenais de Madrid, un homme d'un village appel? Qousara, distant de quelques milles dudit Torre. M'ayant salu? et souhait? la bienvenue, il me dit qu'il ?tait li? de grande amiti? avec don Alonso, le petit-neveu du roi de Grenade, et pr?tendit qu'il lui avait ?crit de Madrid une lettre dans laquelle il lui imposait l'obligation de nous accompagner dans cet endroit dangereux, et le pressait de ne pas nous quitter pendant notre trajet ? travers ce pays, o? l'on s'attend constamment ? quelque attaque. Cet homme ?tait du nombre des brigands de cette montagne. Il ?tait tr?s fort et tr?s courageux. On raconte qu'? l'?poque o? il se livrait au brigandage, le roi d'Espagne envoya un jour un d?tachement de trois cents archers pour le saisir. Il se cacha dans un coin de ces montagnes, et les hommes s'en retourn?rent sans avoir pu mettre la main sur lui. Il revint alors dans sa maison ? Qousara et, aujourd'hui, il y habite sans rien craindre ni pour sa personne, ni pour ses biens. Cependant il d?sirerait obtenir du roi un sauf-conduit au moyen duquel il serait en s?ret? et qu'il garderait en signe de r?habilitation et de gr?ce. Quant ? lui, pour sa personne, il n'a peur de rien. Nous avons vu ses p?turages et ses chevaux paissant librement sur une grande ?tendue de terrain, pr?s de la ville. Ils ?taient laiss?s en libert? au milieu des p?turages. Lui-m?me nous a cit? les actes de brigandage qu'il a commis dans cette montagne; mais actuellement il en t?moigne du repentir. <
Pendant que nous nous trouvions dans la ville de San Lucar, sur l'Oc?an, il nous arrivait de Madrid des lettres du cardinal et des ministres d'Espagne, qui avaient trois jours de date. Nous en ?tions ?merveill?s, la distance entre les deux villes ?tant de plus de trois cents milles.
C'est de cette mani?re que les choses se passent dans les autres pays d'Europe. Toutefois le courrier est oblig?, ? la premi?re ?tape, de produire une pi?ce sign?e par celui qui l'exp?die, attestant qu'il est envoy? dans tel pays, pour que l'h?telier lui donne le cheval et l'homme qui doit l'accompagner. Une fois qu'il a remis ce certificat au premier h?telier, ce que lui donne celui-ci est comme une garantie et une caution, dans la crainte qu'on n'ait affaire ? quelqu'un qui s'enfuit ? cause d'une mauvaise action qu'il aurait commise ou d'un acte quelconque du m?me genre, et contre lequel il est n?cessaire de se pr?munir. Dans ce cas les h?teliers encourraient une peine ou seraient tax?s d'inexp?rience. Le courrier n'a donc plus besoin, apr?s la premi?re ?tape, ni de certificat, ni de constatation. Le loyer du cheval et du domestique qui l'accompagne est fix? chez eux pour chaque heure. L'h?telier est tenu de pourvoir ? tout le n?cessaire. Il acquitte une redevance d?termin?e entre les mains de l'agent pr?pos? aux perceptions de ce genre, lesquelles font partie des droits d'octroi et revenus du roi. Le courrier paye ce qu'il doit et l'h?telier donne ce ? quoi il est tenu pour ce service particulier, qu'il afferme au commencement de chaque ann?e. La plupart des revenus des europ?ens proviennent des droits d'octroi et autres semblables.
A quatre milles de cette h?tellerie, on trouve un endroit o? il y a un petit fleuve, et une autre h?tellerie pour loger les voyageurs, ainsi qu'une ?glise ? laquelle accourent les chr?tiens de toutes les localit?s, villages ou villes. Cette ?glise poss?de un merveilleux jardin contenant une source d'eau douce et occupant un vaste espace ? perte de vue. Dans cet espace se tient une fois l'an un march?, le premier jour du mois de.... Les voyageurs, les commer?ants et les trafiquants s'y rendent de tous c?t?s et s'y r?unissent de tous les points. Pendant quinze jours, le centre de cette contr?e est habit? sans qu'on ?l?ve aucune construction; puis on se disperse et il n'est de nouveau repeupl? que l'ann?e suivante au jour fix? du m?me mois. Ils appellent cela, dans leur langue, une foire; ce qui signifie <
Nous entr?mes donc dans la maison du clerc, qui nous t?moigna une grande joie et nous montra tous les tableaux et autres objets du m?me genre qu'il avait et dont il ?tait grand amateur. Il nous pria et nous supplia de boire avec lui du vin dont il nous fit un pompeux ?loge, nous assurant qu'il ?tait chez lui depuis longtemps et vieux de nombre d'ann?es. Nous lui r?pond?mes: <
De cette ville appel?e Manzanar?s vers une autre ville qu'on nomme Mora, c'est-?-dire <
Nous arriv?mes ? Getaf? au milieu du jour. Nous y trouv?mes un des principaux serviteurs du roi, nomm? Carlos del Castillo et portant le titre de comte. Il ?tait dans une voiture du roi lui-m?me, qui l'avait envoy? au-devant de nous, ce comte ?tant le fonctionnaire charg? par lui d'aller ? la rencontre des ambassades qui lui sont adress?es des ?tats musulmans et autres. Tel est l'office de ce comte; il n'en a pas d'autre. Cette charge lui vaut trois mille ?cus par an. Lorsqu'il nous rencontra, il mit pied ? terre, nous salua au nom de son souverain et nous fit monter dans la voiture qui l'avait amen?, apr?s nous avoir souhait? la bienvenue et t?moign? la plus grande politesse. Il voyagea avec nous dans la direction de Madrid. Quand nous en f?mes ? un mille environ, nous aper??mes une foule nombreuse de gens accourus ? notre rencontre, les uns en voiture, les autres ? pied ou ? cheval, etc. Nous arriv?mes ? la ville. Elle est situ?e sur une ?l?vation, au bord d'un grand fleuve qui descend de montagnes couvertes de neige; ces montagnes sont celles qui s?parent cette r?gion de la Castille appel?e Vieille Castille. Madrid se trouve dans la Castille qui porte le nom de Nouvelle-Castille. Le fleuve a beaucoup d'eau pendant l'hiver ? cause des neiges qui tombent sur ces montagnes; on l'appelle Manzanar?s. Il est travers? par deux grands ponts dont l'un est admirablement construit. L'autre avait ?t? d?truit par le courant: on est en train de r?unir les mat?riaux pour sa reconstruction. Les piliers sont d?j? achev?s, et l'on a ?tabli par-dessus des poutres solides sur lesquelles peuvent passer les voitures, les charrettes et autres v?hicules, ainsi que les gens. Nous entr?mes donc dans la ville. C'est une ville grande, bien b?tie, vaste, spacieuse et renfermant une population consid?rable. Nous y trouv?mes des prisonniers joyeux et contents, proclamant ? haute voix la profession de foi et la b?n?diction sur le proph?te, que Dieu le b?nisse et le salue! et faisant des voeux de victoire pour notre ma?tre El Manso?r billah. Les enfants chr?tiens r?p?taient leurs cris. Nous pass?mes, en entrant, devant le palais du roi. Nous l'aper??mes debout ? une fen?tre et regardant de derri?re la vitre. <
Isabelle resta sur le tr?ne des ann?es; elle sortait, rentrait, montait ? cheval, galopait et se livrait ? tous les exercices pratiqu?s par les hommes. De son temps un amiral espagnol d?couvrit le pays des Indiens actuellement en leur possession. Il vit que les habitants vivaient dans l'anarchie et comme des b?tes de somme. Ils n'avaient aucun ?quipement militaire; celui-ci consistait en morceaux de bois dans lesquels ils mettaient une pierre ? briquet, et ils combattaient ainsi. S'?tant donc aper?u de l'?tat de ces gens et ayant reconnu combien ils ?taient simples et ignorants, il revint en Espagne en informer la reine Isabelle. La reine lui fit ?quiper trois vaisseaux et envoya avec lui de la cavalerie et des canons. Ayant regagn? le pays qu'il avait vu, il y d?barqua. Les naturels le combattirent; mais il les vainquit, se rendit ma?tre d'eux et se saisit de leur roi. Les Espagnols continuent ? poss?der dans l'Inde de nombreux territoires et de vastes r?gions d'o? ils tirent chaque ann?e de quoi les enrichir. Par suite de la conqu?te de ces pays indiens, des profits qu'ils rapportent et des richesses consid?rables qui en sont tir?es, la nation espagnole est devenue aujourd'hui la plus riche et celle qui a les plus grands revenus de la chr?tient?. Toutefois l'amour du bien-?tre et les douceurs de la civilisation dominent chez elle, et c'est ? peine si l'on trouve un individu de cette nation qui fasse le commerce ou voyage ? l'?tranger dans un but de trafic, comme c'est l'habitude d'autres peuples chr?tiens, tels que les Hollandais, les Anglais, les Fran?ais, les G?nois, etc. De m?me ces vils m?tiers auxquels se livrent les gens de la basse classe et la lie du peuple sont repouss?s par cette nation, qui se regarde comme sup?rieure aux autres nations chr?tiennes. Le plus grand nombre de ceux qui s'occupent de ces basses professions en Espagne sont les Fran?ais, et cela parce que leur pays n'offre que tr?s difficilement des moyens d'existence et des ressources. Ils envahissent l'Espagne pour y servir et pour acqu?rir et amasser de l'argent. En peu de temps ils arrivent ? une grande fortune. Il en est parmi eux qui abandonnent leur pays et se fixent dans celui-ci. Bien qu'il y fasse cher vivre, les b?n?fices y sont consid?rables.
Les Espagnols se consid?rent pour la plupart comme employ?s du gouvernement ou faisant partie de l'arm?e, et regardent comme au-dessous d'eux de s'occuper d'un m?tier ou de se livrer au trafic et au commerce, dans l'espoir qu'ils seront compt?s parmi les nobles ou que, s'ils n'arrivent pas eux-m?mes ? la noblesse, ils la l?gueront ? leurs descendants. C'est une de leurs habitudes que tous les artisans, gens de m?tiers et commer?ants ne peuvent monter en voiture dans la capitale o? est le roi. Lorsque l'un d'eux d?sire obtenir la noblesse ou approcher du gouvernement pour ?tre mis au nombre de ses employ?s, il abandonne ces professions qu'il regarde comme d?shonorantes, avec l'espoir que sa descendance obtiendra apr?s lui un titre nobiliaire.
Quant ? lui, en ce qui le concerne, il n'y parviendra pas, quelques efforts qu'il fasse, ? moins qu'il ne soit un de ces riches commer?ants qui ne tiennent pas la balance ni ne s'asseyent dans une boutique, tels que les grands n?gociants ayant un vaste commerce et d'immenses richesses gr?ce auxquels ils n'ont pas besoin de vendre et d'acheter dans les magasins et les march?s. Celui-l?, en effet, arrive ? la noblesse en quittant le n?goce et ne s'en occupant plus du tout.
La noblesse chez eux consiste ? porter sur l'?paule, sur le v?tement dont ils s'enveloppent, une croix dessin?e d'une mani?re d?termin?e. C'est l? un degr? de noblesse qu'atteint seul celui qui jouit d'une certaine influence dans la chr?tient?. Il faut qu'il compte sept a?eux chr?tiens d'apr?s des t?moignages de chr?tiens de toute ?poque et qui d?clarent conna?tre son p?re et son a?eul et avoir entendu d'autres et de plus ?g?s qu'eux certifier qu'un tel, de telle descendance, est chr?tien, fils de chr?tien, jusqu'au septi?me de ses a?eux et que parmi ceux-ci il n'y en a eu aucun auquel on puisse reprocher une tache ni m?me un soup?on de juda?sme ou de toute autre religion non chr?tienne. Il re?oit alors l'autorisation de faire dessiner cette croix sur son ?paule, apr?s avoir donn? dans ce but de fortes sommes aux membres du Conseil et ensuite aux moines qui lui octroient aussi la permission de la porter. C'est l? une de leurs croyances et de leurs pratiques erron?es. Ce signe de la croix n'est obtenu, ainsi que nous venons de le dire, que par ceux dont l'origine est chr?tienne, pure, et par ceux qui, descendant des Andalos et appartenant aux grands de leur nation se sont ensuite faits chr?tiens pour leurs int?r?ts: on leur a alors donn? ce signe qui indique qu'ils appartenaient dans l'origine ? l'islamisme; ce signe est celui de leur noblesse dans cette mauvaise religion, dont Dieu nous pr?serve!
Charles-Quint soumit, pendant son r?gne, des provinces de l'Espagne et d'autres du pays de France, d'Allemagne, de Venise, etc. C'est de lui que nous avons parl? pr?c?demment comme ayant fait la guerre au roi de France: il l'amena prisonnier ? Madrid, puis le rel?cha moyennant une ran?on.
Quand ce Philippe II fut mont? sur le tr?ne, il fut un des rois les plus sc?l?rats de son temps. Il porta aussi la guerre en diff?rents pays et assi?gea une des m?tropoles de la France. Il l'attaqua avec les canons et les mortiers , esp?rant la renverser.
Quand S?bastien eut ?t? tu? et que les Portugais eurent essuy? un d?sastre pareil, leur roi n'avait pas de fils pour lui succ?der sur le tr?ne. Il avait, ? ce qu'on pr?tend, deux fr?res: l'un ?tait cardinal; l'autre r?gna apr?s lui pendant peu de jours et mourut sans post?rit?. La race de leurs rois s'?tant cons?quemment ?teinte par la mort de ces deux fr?res, Philippe II h?rita du tr?ne de Portugal du fait de sa m?re Isabelle, suivant les lois et r?glements qui appellent chez eux la femme ? h?riter du tr?ne en l'absence d'h?ritier m?le.
Quelques chr?tiens sont soup?onn?s de juda?sme. C'est pourquoi il existe ? Madrid un tribunal compos? de plusieurs docteurs de leur religion; tous sont des vieillards. On appelle leur tribunal l'inquisition. Ils s'enqui?rent de quiconque est soup?onn? de juda?sme, f?t-ce m?me sous le plus l?ger pr?texte. Ils se saisissent de lui et le mettent en prison, apr?s avoir pris ses biens, tous ses effets et ses tr?sors, qu'ils se partagent imm?diatement entre eux. Ils le laissent une ann?e en prison et l'interrogent alors sur ce dont il est soup?onn?. Lorsqu'il nie, ils lui disent: <
Le dit tribunal est celui d?sign? pour faire les enqu?tes sur cette question et autres semblables dans le but de conna?tre ceux qui suivent leur religion et ceux qu'on soup?onne d'y porter la moindre atteinte. Personne ne peut diriger une attaque contre ces juges ni les accuser d'erreur ou de passion: ils trouveraient un moyen pour le perdre et un chemin pour s'emparer de lui. Personne, pas m?me le roi, n'a le pouvoir de d?livrer quelqu'un d'entre leurs mains. Quand quelqu'un est sous le coup d'une de ces imputations et qu'il se r?fugie aupr?s du roi pour obtenir sa protection, le souverain ne peut le sauver ni le soustraire ? leurs poursuites. C'est au point qu'un de ses ministres, de ses serviteurs ou de ses officiers sur le compte duquel ils auraient un soup?on serait dans l'impossibilit? de leur ?chapper: ils le prendraient partout o? ils le trouveraient, f?t-ce aupr?s du roi, dans l'?glise ou ailleurs. Pendant notre s?jour ? Madrid, ils accus?rent un des officiers particuliers du roi et de ses ministres d'appartenir ? la religion juive: ils se sont empar?s de lui et l'ont emprisonn? ? Tol?de, o? il est encore actuellement. De m?me ils ont accus? un autre personnage pendant que nous nous trouvions ? Madrid; c'?tait un des fonctionnaires pr?pos?s ? une branche des revenus particuliers du roi; ils l'ont saisi lui, sa femme, ses enfants, toute sa famille et ses serviteurs et les ont jet?s en prison o? ils sont jusqu'? pr?sent. Ils ont mis la main sur les biens et sur tous les effets que contenait la maison de ce fonctionnaire dont la fortune est consid?rable.
Les gens accus?s de juda?sme parmi ces nations sont nombreux; la majorit? appartient ? la nation portugaise. Ils descendent, pour la plupart, des juifs qui habitaient ces pays ? l'?poque des Maures, en vertu d'un pacte et d'un trait? de protection que ceux-ci leur avaient accord?s. Lors de la d?faite des musulmans, ils se r?fugi?rent du c?t? du Portugal et s'y cach?rent en se faisant passer pour chr?tiens. Il en existe, dit-on, beaucoup en Portugal; un plus grand nombre qu'en Espagne.
Ce Charles II a grandi avec le Conseil; il a ?pous? la fille de sa tante maternelle, soeur de sa m?re; c'est la fille de l'oncle paternel de l'empereur qui est en Allemagne. Il y a aujourd'hui un an qu'il s'est mari? avec elle. Il ne va en aucun endroit, ne conduit aucune arm?e, ne prend part ? aucune guerre. Il aime ? tel point la vie s?dentaire qu'il ne monte jamais ni cheval ni autre b?te, mais sort seulement et toujours en voiture avec la reine. Le plus souvent il se rend ? ses lieux de chasse en voiture; il va sans cesse aux ?glises et se livre ? tous les actes de d?votion en usage chez les Espagnols.
Aussit?t que nous l'e?mes quitt?, le jour de notre r?ception, apr?s lui avoir remis la lettre du sultan, il donna la missive au chr?tien d'Alep, le drogman, pour la traduire et la transcrire en espagnol. La lettre traduite, il la lut et vit ce qu'elle contenait et ce que prescrivait le Commandeur des Croyants, que Dieu l'assiste! ? savoir la restitution de cinq mille manuscrits et de cinq cents captifs. L'injonction du descendant d'?Aly lui pesa. Il ne savait comment faire face ? cette demande. Il connaissait que de la part de notre souverain, ? qui Dieu donne la victoire! elle ?tait p?remptoire, et il ne pouvait tergiverser, tant ?tait grande l'impression que produisait sur lui et les membres de son Conseil la renomm?e de sagesse et de hauteur de vues de ce descendant d'?Aly, que Dieu le maintienne par sa gr?ce! Il se concerta avec les membres du Conseil, qui furent d'avis de r?pondre favorablement ? la demande du seigneur im?m et que se conformer ? son ordre partout ob?i, que Dieu l'exalte! ?tait pr?f?rable et plus avantageux pour eux. Ils agit?rent la question pendant nombre de jours.
Nous nous rendions chez le roi pour lui rendre visite, lorsque l'invitation nous en ?tait faite.
Apr?s qu'ils eurent tenu conseil au sujet de l'ordre du sultan et pr?tendu que les livres musulmans avaient ?t? br?l?s, d'apr?s ce qu'on raconte en Espagne, ils nous d?p?ch?rent pour nous entretenir de l'affaire le premier secr?taire du Conseil et le Cardinal, chef de leur religion en m?me temps que repr?sentant du pape qui est ? Rome; c'est ? lui que ressortissent toutes les affaires int?ressant leur religion ou soumises ? leur conseil. Or comme le seigneur im?m, que Dieu l'assiste! leur avait donn? dans sa noble missive la latitude, s'ils ne trouvaient pas les manuscrits ou s'ils avaient des difficult?s pour les r?unir, de les remplacer en compl?tant le nombre de mille captifs musulmans, ils cherch?rent des pr?textes pour laisser de c?t? une partie des mille; mais ils ne purent l'?chapper et furent oblig?s de se conformer . Lors donc que le seigneur im?m, que Dieu lui donne la victoire! eut accept?, ils s'occup?rent de rechercher les prisonniers et de les rassembler.
Pendant tout le temps qu'on alla dans les provinces afin de r?unir les prisonniers, le roi nous recevait, s'enqu?rait de notre sant? et ordonnait qu'on nous conduis?t dans ses jardins de plaisance et ses lieux de chasse; qu'on nous men?t dans son palais visiter les appartements, les chambres et les jardins qu'il contenait. Il d?sirait par ce moyen nous procurer des r?cr?ations. Il ne laissa pas ? Madrid une grande maison de ses principaux officiers et de ses serviteurs particuliers sans nous la faire montrer. Nous visit?mes tous les jardins et tous les lieux de plaisance qu'ils poss?daient. Toutes les fois que nous le rencontrions, il manifestait sa bonne humeur et sa joie de nous voir, et il ne manqua jamais de nous honorer et de nous t?moigner un bon accueil pendant la dur?e de notre s?jour dans la capitale.
Nous avons vu ?galement un cheval semblable dans un autre palais appartenant au roi et situ? en dehors de la ville. La maison se trouve dans un jardin, sur le bord du fleuve qui passe sous la ville. Le cheval est dans la m?me position que le premier et surmont? de m?me de la statue de Philippe IV, p?re du roi.
Cette ville, c'est-?-dire Madrid, bien qu'elle e?t ?t? la r?sidence de quelques-uns des anc?tres du roi , n'avait pas atteint le degr? de civilisation et de grandeur auquel elle est parvenue aujourd'hui; l'on n'y voyait pas ces rues larges et spacieuses. Avant le r?gne du p?re et de l'a?eul de ce souverain, la r?sidence royale ?tait une ville appel?e Valladolid, ? trois journ?es de Madrid. Quand son a?eul se fixa dans la nouvelle capitale, la population s'accrut et avec elle augmenta le nombre des b?tisses et des habitations; car la plupart des chr?tiens notables de l'Espagne y habitent avec le roi et quiconque poss?de une province ou une ville y laisse quelqu'un charg? de le repr?senter.
Les march?s de cette ville sont tr?s grands et tr?s vastes, et pleins de marchands, d'acheteurs et de marchandises, d'artisans et de gens de m?tier de l'un et de l'autre sexe. A ces march?s se rendent tous les habitants des villages et des hameaux voisins de Madrid; son territoire embrasse, en effet, un grand nombre de villages.
Les villageois apportent ? la ville toutes les sortes d'aliments, de comestibles et de fruits qui se vendent. Le pain m?me, sauf une faible quantit?, ne se fabrique pas ? Madrid, et la plus grande partie de ce qui s'en consomme vient des villages du dehors. Ce sont les femmes qui se chargent de cet approvisionnement: elles apportent le pain, mont?es sur des b?tes de somme et, assises sur le dos de leurs b?tes, elles stationnent dans le march? pour le vendre. Quelques-unes d'entre elles se rendent dans les maisons pour fournir ? chacune la quantit? dont elle a besoin, car il est d'usage chez les chr?tiens qu'aucun d'eux ne p?trit chez lui et toutes ses provisions sont tir?es du march?.
Il y a au march? un nombre consid?rable de boutiques o? l'on fait cuire les mets et les appr?te pour les ?trangers, les gens de passage et les voyageurs qui n'ont pas de domicile habituel. L'homme entre dans les boutiques et commande ? la femme qui s'y trouve de lui servir tel mets qu'il d?sire: viande, poulets, poisson ou autre, suivant ses go?ts et son app?tit. Il mange et boit; puis il paye ? la femme le prix de ce qu'il a consomm?.
On trouve dans ce march? une quantit? innombrable de viande d'animaux sauvages et d'oiseaux morts sans avoir ?t? ?gorg?s; quelques-uns sont encore en vie, ? la disposition des personnes qui d?sirent recueillir le sang pour le manger.
Au milieu de son esplanade, une foule de femmes vendent du pain, des l?gumes, des fruits et de la viande de toute esp?ce.
C'est sur cette place que les Espagnols c?l?brent leurs f?tes et leurs foires, telles que la f?te des taureaux et autres. Il est, en effet, dans leurs habitudes que quand vient le mois de mai, le 10 ou le 15 du mois, ils choisissent des taureaux vigoureux, gras, et les am?nent sur cette place, qu'ils d?corent de toutes sortes de tentures de soie et de brocart; ils s'asseyent dans des salons donnant sur la place et l?chent les taureaux un ? un au milieu de celle-ci. Alors, quiconque pr?tend ? la bravoure et d?sire donner des preuves de la sienne arrive, mont? sur son cheval, pour combattre le taureau avec l'?p?e. Il en est qui meurent et d'autres qui tuent . L'endroit de cette place o? se tient le roi est connu. Il assiste ? ce spectacle accompagn? de la reine et de toute sa suite. Le public, suivant le d?sir plus ou moins grand de chacun, est aux fen?tres, car elles se paient ce jour-l? seul, ou une journ?e de f?te semblable, pour une seule place, autant que le loyer d'une ann?e enti?re.
Le roi a r?uni ? cette occasion toute sa cour et nous a fait pr?parer un emplacement en face de celui qui lui est destin?; il l'a fait richement orner comme le sien et nous a envoy? inviter ? assister ? la c?r?monie, voulant par l? nous distraire et nous r?cr?er. Nous nous sommes donc dirig?s vers cet endroit; nous y avons trouv? une multitude compacte d'hommes et de femmes pour laquelle, malgr? ses dimensions, il ?tait devenu trop ?troit, et avons beaucoup souffert de l'encombrement de la foule. Dans les march?s et dans les rues il y avait encore plus de monde que sur la place. Ayant gagn? l'endroit qui avait ?t? pr?par? pour nous, nous y sommes mont?s. A peine ?tions-nous assis en face du roi que celui-ci nous a salu?s ? plusieurs reprises, a lev? son chapeau et pris place ainsi que la reine et sa m?re, entour? de sa suite et de ses ministres. Alors a d?fil? la procession avec la croix et les images et la statue de ce moine que le pape les a autoris?s ? f?ter. Ils lui ont ?lev? de nombreuses ?glises dans chaque ville ou village; ils ont aussi institu? dans chaque localit?, suivant l'importance de la ville ou du village, une f?te en son honneur.
Les moines de son ordre sont ceux qui s'occupent de traiter les malades, de les servir, etc.; car, comme de son vivant il faisait partie des moines adonn?s ? cette oeuvre, tous se sont mis ? fonder des h?pitaux dans ses ?glises et ? se livrer avec beaucoup de z?le au soin des malades. Il existe, en effet, en Espagne une quantit? innombrable d'h?pitaux: il y en a, dans la ville de Madrid, quatorze qui sont immenses, tr?s propres et enti?rement pourvus de lits, de provisions de bouche, de boissons, de rem?des, et du personnel n?cessaire aux malades. Ils mettent, pour les femmes malades, des femmes ?g?es qui les servent et les soignent, et pour les hommes, des infirmiers de leur sexe. Ces ?tablissements sont dans un ?tat parfait d'entretien, et le traitement a lieu sans que le malade soit priv? de rien dont il ait besoin, soit peu, soit beaucoup. J'en ai visit? plusieurs; j'y ai vu que les d?penses ?taient faites sans aucune parcimonie. Dans chaque h?pital, il y a un certain nombre d'armoires garnies chacune de tout le n?cessaire: huile, vinaigre, rem?des, boissons. J'ai trouv? dans la cuisine, en fait de viandes, du mouton, des poules, des lapins, des perdrix, du porc, etc., pour l'usage des malades.
Quand le m?decin est entr? aupr?s du malade, qu'il lui a t?t? le pouls et a reconnu son ?tat, il ?crit un papier qu'il remet au gardien, et celui-ci le donne aux serviteurs attach?s ? la cuisine, lesquels apportent ce que le m?decin a prescrit. J'ai vu aussi chez eux une autre chambre qui contient les effets des malades. Voici ce qui se passe: lorsqu'un malade entre ? l'h?pital, on lui enl?ve tous les v?tements qu'il porte, on les d?pose dans la chambre destin?e ? cet objet; on y attache une ?tiquette sur laquelle on inscrit la nature des effets et le nom de leur propri?taire, et on rev?t celui-ci d'autres habillements qu'on tient l? tout pr?ts pour les malades et qui sont achet?s sur les fonds dont l'h?pital est dot?.
On lui fournit un lit garni de deux couvertures, de deux draps et d'un oreiller. Chaque huit jours on lave les v?tements qu'il a sur lui et on lui en donne d'autres. Une fois gu?ri, on lui rend les habillements avec lesquels il est venu et il s'en va o? bon lui semble.
Si le malade meurt, il est envelopp? dans un linceul aux frais de l'h?pital et l'on s'enquiert de sa famille, ? laquelle on remet les effets qu'il a laiss?s dans l'?tablissement.
Chacun de ces h?pitaux poss?de un m?decin auquel on assigne une maison d'habitation ? proximit? de l'h?pital; le loyer en est pay? ainsi que toutes ses provisions de bouche, les choses de premi?re n?cessit? pour lui et ses domestiques, et tous ses frais d'entretien sur les revenus dont jouit l'?tablissement, afin qu'il se trouve toujours pr?sent et qu'il ne soit ni absent, ni pr?occup? de ses moyens d'existence.
Ces religieux, qui appartiennent ? l'ordre du moine saint Jean, se consacrent pour la plupart au service des malades; ce qui constitue pour eux un article de foi.
Il existe aussi au march? de Madrid un lieu destin? aux correspondances et aux lettres provenant de toutes les villes, r?gions et provinces.
En effet, chaque jour de la semaine, arrivent des lettres de quelque ville. Quiconque attend une lettre se rend aux boutiques ?tablies dans ce but et regarde s'il lui est venu quelque chose ou non. Trouve-t-il une lettre, il en acquitte le port pour une somme d?termin?e, ?quivalente au quart d'une once de notre pays. De m?me, celui qui veut envoyer sa missive dans un pays l'?crit aussi et la jette ? l'endroit connu, sans rien payer pour l'envoi, attendu que c'est celui qui la re?oit qui acquitte le port. Cela se pratique de la sorte pour les villes distantes d'un demi-mois et moins, quelle que soit la ville. Mais pour les pays ?loign?s comme l'Italie, Rome, Naples, les Flandres, la France, l'Angleterre, etc., qui sont tr?s loin, le port d'une lettre provenant de l'un de ces pays se paie son poids d'argent. Ces lettres produisent de tr?s grandes sommes.
Par le courrier arriv? d'Italie et de Rome et dont il vient d'?tre fait mention, on a re?u la nouvelle de la mort du pape qui est ? Rome, que Dieu l'envoie rejoindre les grands de sa nation! Jusqu'? pr?sent, personne n'a ?t? ?lu pour le remplacer.
Pendant notre s?jour ? San Lucar a eu lieu l'?lection d'un autre personnage ? sa place. Cette dignit?, chez les adorateurs de la croix, est tr?s importante, attendu que celui qui en est investi leur explique les dogmes et les jugements, leur ?dicte les lois, leur ordonne de faire ce qu'il veut et leur d?fend ce qui lui d?pla?t, au gr? de son caprice. Il leur est impossible d'avoir une opinion diff?rente de la sienne, et ils ne peuvent que se soumettre, car le contredire serait pour eux sortir de leur religion.
L'?lection de ce pape se fait de la mani?re suivante: Au-dessous de lui sont soixante-douze religieux faisant partie de leurs plus grands savants; tous portent le titre de cardinal. La dignit? de cardinal, chez eux, est inf?rieure ? celle de pape. Lors donc que le pape meurt et est envoy? en enfer o? il est livr? au feu ?ternel, chacun des soixante-douze entre dans sa chambre, se ferme dedans et se met en pri?res, ? ce qu'il croit, de fa?on ? n'?tre en communication avec personne et ? ne parler ? qui que ce soit. On lui apporte seulement sa nourriture. Il demeure ainsi quatre mois. Une fois ce d?lai expir?, chacun d'eux r?fl?chit en lui-m?me pour savoir quel est celui des soixante et onze personnages que, d'apr?s lui, il agr?era et choisira comme offrant toutes les garanties de confiance, de loyaut? et de pi?t?. Il ?crit alors son nom sur un morceau de papier et le d?pose dans une bo?te ferm?e de mani?re ? ce que personne, ni lui ni les autres, ne puisse voir l'int?rieur.
Chacun des dits cardinaux ?crit autant de bulletins qu'il choisit de personnes et d?pose le bulletin ? l'endroit pr?par? pour cet objet. Quand le jour fix? ? cet effet est venu et qu'ils ont fini d'?crire et de choisir, ils se r?unissent en assembl?e, ouvrent la bo?te et lisent les bulletins. Celui dont le nom se trouve inscrit le plus grand nombre de fois sur les bulletins, ils l'acceptent ? l'unanimit? et l'investissent de la dignit? papale, apr?s qu'ils ont pris de lui les engagements et les pactes les plus formels d'observer les conditions d?termin?es chez eux de loyaut? et de sinc?rit?, et que lui-m?me a re?u d'eux les promesses prescrites en cette circonstance. D?s lors il est pour eux le pape. Ils ont l'habitude, que Dieu les an?antisse! de ne choisir qu'un vieillard ayant d?pass? sa quatre-vingti?me ann?e. Celui qu'ils ont ?lu pape, cette fois, est moins ?g?. Ils ont pr?tendu que personne de son ?ge n'avait ?t?, avant lui, pr?f?r? aux autres.
Avant ces derni?res ann?es, il existait chez eux un autre usage: on n'?lisait ? ces fonctions qu'un Italien de la province de Rome et de son territoire, pour un motif qui les avait forc?s d'agir ainsi, et qui est qu'ayant ?lu un pape qui appartenait ? la nation fran?aise, celui-ci se mit ? amasser des richesses qu'il envoyait secr?tement dans son pays. C'est pourquoi ils tomb?rent alors d'accord que la papaut? ne serait plus donn?e ni ? un Fran?ais, ni ? un Espagnol, dont les nations sont puissantes et anim?es de l'esprit de parti, mais qu'on en investirait quelqu'un originaire de l'Italie, des ?tats romains et de leur d?pendance. Celui qu'on nommerait serait un des parents du pape, et personne autre que lui ne pourrait rien entreprendre dans la totalit? des provinces italiennes. Le pape qu'on a ?lu cette ann?e, apr?s la mort de son pr?d?cesseur, est originaire du pays de Naples, qui fait partie de l'Italie, mais se trouve cependant aux mains des Espagnols. Cette r?gle a ?t? enfreinte cette fois, et la dignit? papale a donc ?t? confi?e ? quelqu'un qui est d'une province appartenant ? l'Espagne.
C'est ce pape qui impose aux chr?tiens le je?ne ? certains jours de l'ann?e, pour un motif qu'il leur interpr?te, et qui leur d?fend de manger de la viande le vendredi et le samedi. Il leur tient, suivant sa mani?re de voir, tel langage qu'il trouve bon et leur interdit d'?pouser une proche parente ou une ni?ce, soit du c?t? paternel, soit du c?t? maternel, ? moins d'avoir obtenu son autorisation. Cette autorisation co?te beaucoup d'argent, celui qui veut avoir la permission d'?pouser sa proche parente ayant ? d?penser de fortes sommes pour les interm?diaires et les frais de route, ? une si grande distance. Il n'a de facilit?s qu'autant qu'il est puissant et riche; il trouve alors la voie ouverte pour obtenir l'autorisation de se marier. Le pape accorde aussi aux chr?tiens la permission d'?pouser une proche parente, lorsqu'il y a eu entre un homme et une femme des relations intimes suivies d'une grossesse et que cette femme est sa proche parente. Dans ce cas, l'autorisation est donn?e d'une mani?re g?n?rale, sans qu'il soit besoin de recourir au pape.
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page