Read Ebook: Une rencontre: roman de deux touristes sur le Saint-Laurent et le Saguenay by Howells William Dean Fr Chette Louis Honor Translator
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Ebook has 2013 lines and 65578 words, and 41 pages
--Mais, en effet, s'?cria Dick, le Pr?sident n'a pas aboli Boston. Vivez pour Boston!
Et depuis lors le docteur v?cut en r?alit? pour un Boston id?al--du moins en autant qu'il s'agit d'un projet jamais abandonn?, jamais accompli, de faire quelque jour une visite ? la m?tropole du Massachusetts.
Mais en attendant, il y avait autre chose. Et comme la proclamation lui avait donn? une patrie enfin digne de lui, il voulait faire honneur ? celle-ci en en ?tudiant les antiquit?s.
Dans sa jeunesse, avant que son esprit se tourn?t si ?nergiquement vers la question de l'esclavage, il avait d?j? un go?t assez prononc? pour les myst?rieuses constructions pr?historiques de l'Ohio. Et chacun de ses gar?ons retourna au camp avec instruction de prendre note de chaque particularit? pouvant jeter quelque lumi?re sur cet int?ressant sujet.
Ils auraient d'amples loisirs pour leurs recherches, puisque la proclamation, insistait le docteur Ellison, mettait virtuellement fin ? la guerre.
Ces hautes antiquit?s n'?taient qu'un point de d?part pour le docteur. Il arrivait de l?, par degr?s, jusqu'aux temps historiques; et le hasard voulut que, lorsque le colonel Ellison et son ?pouse, en route pour l'Est, s'arr?t?rent, en 1870, ? Eri?creek, ils le trouvassent plong? dans l'histoire de la vieille guerre fran?aise.
Le colonel n'avait pas encore d?cid? de prendre la route canadienne; autrement il n'aurait pas ?chapp? aux recommandations d'avoir ? explorer tous les endroits int?ressants de Montr?al et de Qu?bec, ayant quelque rapport avec cette ancienne lutte.
Ils partirent, emmenant Kitty avec eux aux chutes de Niagara--qu'elle n'avait jamais visit?es, sans doute parce qu'elles ?taient tout pr?s.
Mais aussit?t que le docteur Ellison re?ut la d?p?che lui annon?ant que Kitty devait descendre le Saint-Laurent jusqu'? Qu?bec, et qu'elle reviendrait par la voie de Boston, il se mit ? son pupitre et lui ?crivit une lettre des plus explicites.
Il voulait qu'elle visit?t Faneuil Hall, ? cause des souvenirs de la r?volution, mais aussi parce que c'?tait l? que Wendell Phillips avait prononc? son premier discours contre l'esclavage.
Elle devait voir les collections de la soci?t? Historique du Massachusetts, et, si la chose ?tait possible, certains endroits int?ressants de la vieille Colonie, dont il donnait les noms.
Tous ces personnages ?taient aux yeux du docteur Ellison, des Bostoniens dans l'acception la plus id?ale du mot, et il ne pouvait pas se les figurer l'un sans les autres.
Peut-?tre ?tait-il pour lui plus probable que Kitty les verrait tous ensemble, que s?par?ment.
Peut-?tre m?me ?taient-ils moins ? ses yeux des contemporains en chair et en os, que les diff?rentes figures d'un grand tableau historique.
"Enfin, je veux que tu te rappelles, ma ch?re enfant, ?crivait-il, que dans Boston, tu es non seulement au berceau de la libert? am?ricaine, mais dans l'endroit encore plus sacr? de sa r?surrection. L? a pris naissance tout ce qu'il y a de noble, de grand, de lib?ral et d'?clair? dans notre vie nationale. Et je suis s?r que tu y trouveras le caract?re g?n?ral de la population marqu? au cachet de la plus magnanime d?mocratie. Si je pouvais t'envier quelque chose, ma ch?re enfant, je t'envierais certainement l'avantage que tu as de visiter une ville o? l'homme n'est appr?ci? qu'? sa valeur personnelle, o? la couleur, la richesse, la famille, la profession et autres vulgaires et fausses distinctions sociales, sont compl?tement effac?es par le m?rite individuel."
Kitty re?ut la lettre de son oncle la veille de son d?part pour le Saguenay, et trop tard pour ex?cuter ses recommandations concernant Qu?bec. Mais, en ce qui regardait Boston, elle ?tait bien r?solue de se rendre aux d?sirs du vieillard jusqu'aux derni?res limites du possible.
Elle savait du reste que l'aimable M. March devait ?tre en connaissance avec quelques-uns de ces personnages.
Kitty avait la lettre de son oncle dans sa poche, et se disposait ? l'en tirer pour la relire, lorsque autre chose attira son attention.
Le bateau devait partir ? sept heures et il ?tait d?j? sept heures et demie. Trois voyageurs anglais arpentaient le pont en face de Kitty, avec une certaine impatience, car on savait, gr?ce au subtil proc?d? par lequel toute mati?re d'int?r?t g?n?ral transpire toujours dans ces sortes d'endroits, que le d?jeuner ne serait pas servi avant le d?part du vapeur, et ces braves Anglais paraissaient munis de l'app?tit qui accompagne toujours les admirables facult?s digestives de leur nation.
Mais ils avaient aussi une bonne humeur qui ne s'allie pas si g?n?ralement avec l'app?tit de ces insulaires.
L'homme, qui portait une ?l?gante casquette de Glengarry ainsi qu'un complet gris assez commun, donnait l'un de ses bras ? une dame d'un ext?rieur gai et sans fa?on, qui paraissait ?tre sa femme, et l'autre ? une aimable et jolie jeune fille qui lui ressemblait assez pour ?tre sa soeur.
Il marchait rapidement de long en large, disant qu'il voulait s'ouvrir l'app?tit pour le d?jeuner.
Cela faisait rire les deux dames ? tel point que la plus ?g?e, perdant l'?quilibre, brisa l'un de ses hauts talons de bottines, qu'elle jeta prestement par dessus bord.
Puis elle s'assit, et bient?t l'attention de nos trois voyageurs se concentra sur le steamer de Liverpool, qui venait d'entrer en rade, et se dirigeait vers son quai, avec tout un peuple de passagers mass? sur son gaillard d'arri?re.
--Il arrive d'Angleterre, dit le mari, d'un ton expressif.
--C'est pourtant vrai! fit la jeune femme. Passe-moi la lorgnette, Jenny.
Puis, apr?s avoir longtemps examin? le vaisseau:
--Dire qu'il est parti d'Angleterre! ajouta-t-elle.
Ils regard?rent encore durant deux ou trois minutes, puis la pens?e de la femme se reporta sur le retard de leur propre vaisseau, ainsi que sur le d?jeuner:
--Et nous, nous ne partons pas ? sept heures, vous savez, dit-elle avec cet air d'avoir trouv? quelque chose de neuf, que les Anglais prennent g?n?ralement pour d?biter leurs lieux communs.
--Non, r?pondit la jeune fille, nous attendons le bateau de Montr?al.
--Songez donc qu'il vient d'Angleterre! reprit l'autre, dont les regards ?taient retourn?s au steamer de Liverpool.
--Le voici, le steamer de Montr?al, s'?cria le mari; il double la pointe l?-bas. Voyez-vous la fum?e?
Il indiquait quelque chose dans le lointain avec sa lorgnette, et t?chait de percer le brouillard qui flottait ? l'horizon.
--Non, pardieu! c'est une scierie m?canique qu'on aper?oit sur la rive.
--Oh Harry! exclam?rent les deux femmes avec un accent de reproche.
--Ma foi, que voulez-vous? reprit-il; je n'ai point chang? le bateau en scierie. Il faut croire que ?a toujours ?t? une scierie.
Une demi-heure plus tard, lorsque le vapeur de Montr?al apparut en r?alit?, les deux femmes persist?rent ? le prendre pour une scierie m?canique, jusqu'? ce qu'il se montr?t tout entier en plein chenal.
Leur propre embarcation remonta le courant au devant de lui.
Les deux masses flottantes se touch?rent. Il y eut quelque frottement; puis on jeta une passerelle entre les deux.
Un jeune homme, mis avec ?l?gance, se tenait pr?t ? monter sur le bateau du Saguenay, ayant ? ses c?t?s un porte-faix charg? d'une lourde malle. Il paraissait ?tre la seule personne ? s'embarquer.
Nos trois Anglais, pench?s sur le plat-bord, regard?rent un instant le nouveau venu d'un air de m?contentement non dissimul?.
--Sur ma parole! s'?cria la plus ?g?e des deux femmes, avons-nous attendu si longtemps pour un seul homme?
--Chut, Edith! interrompit la plus jeune, c'est un Anglais!
Et tous trois reconnurent tacitement le droit d'un Anglais, non seulement de faire attendre un vaisseau, mais d'arr?ter tout le syst?me solaire au besoin, s'il poss?de un billet de passage pour n'importe quelle plan?te du firmament; et cela, pendant que M. Miles Arbuton, de Boston, Etat de Massachusetts, passait commod?ment d'un vapeur ? l'autre.
Il avait plus d'une fois ?t? pris pour un Anglais, et l'erreur de ces bonnes gens, s'il l'e?t connue, ne l'aurait aucunement surpris.
Peut-?tre m?me aurait-elle eu pour effet d'adoucir un peu le jugement qu'il porta sur eux, quand il les aper?ut en face de lui, ? la table du d?jeuner. Mais il n'en savait rien, et il reconnut en eux des Anglais assez vulgaires, avec certains airs de cabotins ou de chanteurs de profession.
Au lieu d'une toilette de voyage, la jeune fille portait une robe d'un bleu vif et clair; et, au-dessus de ses yeux bleu-ciel et de ses joues brillantes de fra?cheur, une couronne de cheveux couleur d'?pis m?rs se d?roulait en boucles et en tresses abondantes.
C'?tait magnifique, ? distance; mais de pr?s, c'?tait un peu fauve.
M. Arbuton laissa tomber son regard, de la figure ? la robe bleu-clair, laquelle n'?tait ni neuve ni tr?s fra?che; et, avec une l?g?re expression de froide indiff?rence, il concentra son attention sur son m?diocre d?jeuner de voyageur.
Au m?me instant, il se trouvait ?tre lui-m?me un objet d'int?r?t pour une autre jeune personne plac?e ? c?t? de nos Anglais, et dont les yeux d'un gris tendre jetaient de temps en temps vers lui un regard o? l'on d?couvrait un vague sentiment d'impressionnabilit?.
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