Read Ebook: L'Illustration No. 3740 7 Novembre 1914 by Various
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Au lecteur.
Cette version num?ris?e reproduit int?gralement le texte original, et l'orthographe d'origine a ?t? conserv?e. Seules quelques erreurs typographiques ?videntes ont ?t? corrig?es. La liste de ces corrections se trouve ? la fin du texte.
La ponctuation a ?galement fait l'objet de quelques corrections mineures.
L'ILLUSTRATION
SAMEDI 7 NOVEMBRE 1914
LES GRANDES HEURES
LES ANONYMES
Aussi ne pourra-t-on plus fouler un champ, se baisser sous les branches, traverser une prairie... regarder simplement ? terre sans ranimer l'image inconnue de ces morts et les envelopper d'un grand manteau d'amour. Nous les sentirons avec nous, plus m?l?s ? la vie, plus libres, ayant des coud?es plus franches que s'ils ?taient rel?gu?s dans l'enceinte des n?cropoles... Ils feront partie des saisons. L'an prochain devant un bl? plus beau, devant une vigne plus lourde, on dira: <
Dans l'ordinaire, ils ?taient <
Ah! cela! c 'est le sommet du magnifique, le sublime qui d?concerte! Puisque vous aussi, humbles et glorieux combattants, vous voulez, comme la foule des soldats tomb?s, rester ? l'?cart et dans l'ombre apr?s la bataille, nous exaucerons votre voeu. Mais malgr? vous, plus tard, le secret percera... Si vite qu'en vous effa?ant vous glissiez dans l'avenir, par les rues de vos villes d?vast?es et reconstruites, le long de vos cath?drales toujours debout, on saura vous deviner. Vous ne passerez plus qu'au milieu d'un murmure ardent de reconnaissance. On vous d?signera d'une main qui b?nit: < HENRI LAVEDAN. LE PR?SIDENT DE LA R?PUBLIQUE A DUNKERQUE ET A FURNES M. Raymond Poincar? vient, pour la seconde fois, de passer quelques jours au milieu des troupes: voyage de bon augure, qui a co?ncid? avec d'heureuses nouvelles du front, et qui a ?t? marqu?, pour le pr?sident de la R?publique, par deux visites d'un haut int?r?t. Arriv? ? Paris le jeudi 29 octobre, M. Poincar? consacrait tout d'abord ses deux premi?res journ?es de s?jour ? visiter les gares o? passent les bless?s, divers h?pitaux o? ils sont soign?s, ? rendre hommage, ? la veille de la Toussaint, aux morts inhum?s dans les cimeti?res militaires des environs de Paris. Samedi, guid? par le g?n?ral Galli?ni, le chef de l'Etat parcourait plusieurs sections du camp retranch? de Paris, s'int?ressant ? l'installation des travaux de d?fense, descendant alertement dans les tranch?es, et surtout f?licitant chaleureusement les nombreux territoriaux qu'il rencontra ? leur poste, de leur entrain, de leur z?le, de leur patriotique d?vouement. Enfin poussant jusqu'aux champs de bataille de la Marne, il y saluait de nombreuses tombes de combattants anglais ou fran?ais. Le lendemain, dimanche, M. Raymond Poincar? partait pour Dunkerque. M. Millerand, ministre de la Guerre, l'accompagnait. A Dunkerque, ils rencontraient lord Kitchener, ministre de la Guerre britannique, M. de Broqueville, ministre de la Guerre de Belgique, et, tout naturellement, le g?n?ral Joffre. Des longs entretiens qui eurent lieu r?sulta, plus que jamais, la certitude d'un accord complet entre les alli?s. Le soir, le pr?sident retenait ? d?ner M. de Broqueville et lord Kitchener. Puis, dans la nuit, le chef du War Office repartait pour Londres. Lundi, le pr?sident de la R?publique, en compagnie du ministre de la Guerre, du g?n?ral Joffre et du g?n?ral Duparge, secr?taire g?n?ral de la Pr?sidence, franchissant la fronti?re, se rendait en Belgique saluer le roi des Belges et sa vaillante arm?e. Le roi Albert, inform? de ce projet, ?tait venu au-devant de ses h?tes jusqu'? la fronti?re. Rien ne saurait dire la cordialit?, la chaleur de cette entrevue, en un pareil moment. En termes ?mus, M. Poincar? exprima de nouveau ? l'h?ro?que souverain sa fervente admiration, celle de la France enti?re pour la magnifique attitude de la nation et de l'arm?e belges group?es derri?re leur roi, et les voeux que tous nous formons pour la Belgique, dont la cause, autant que la n?tre, nous est sacr?e; le remerciant, le roi Albert fit un vif ?loge de l'arm?e fran?aise. Puis il conduisit, en automobile, ? la r?sidence royale, le pr?sident, qui put offrir ? la reine ses respectueux hommages. LES H?ROS DE NOTRE PAYS LETTRE DE NOTRE ENVOY? SP?CIAL DANS LE NORD Le terme vous crispe un peu la bouche? C'est que vous n'avez pas entendu le jeune chef qui les commande prononcer: < Et si vous connaissiez les poilus, donc! Je veux vous en parler, parce que, durant cette semaine o? le souvenir de nos morts nous obs?de, o? l'atmosph?re porte la m?lancolie renouvel?e qui nous vient des journ?es ?troites qui accourent et des anciennes tristesses qui remontent, o?, cette ann?e, il y aura tant de voiles et tant de larmes, o?, d?j?, nous ne nous d?fendons plus d'appr?hender l'?re des deuils qui suivra le temps glorieux de la Victoire, je dois ? ces diables terr?s de telles heures d'enthousiasme et une all?gresse si r?confortante que je voudrais vous les communiquer. Vous vous imaginez que la vie dans les tranch?es est lugubre, que les visages y sont marqu?s de chagrin, que les ?paules s'y vo?tent, que le meilleur de notre gaiet? est noy?, qu'il n'y a de place que pour les entretiens s?v?res et pour les chuchotements? D?trompez-vous, sous peine de faire injure ? nos fr?res qui combattent. Les h?ros de notre pays n'ont pas, d'ordinaire, cette allure de condamn?s. Ce sont de simples hommes, un peu plus gais que de coutume, qui s'accommodent sans fa?on de tout ce qu'ils ne peuvent ?viter de d?sagr?able et qui, pour le reste, se < Je reviens de chez eux les muscles retremp?s, l'esprit fouett?, le coeur gonfl?, la t?te bourr?e d'histoires, mais je ne puis me faire ? cette id?e que, sous l'invisible r?seau des obus et des balles, post? en pleine bataille, je n'ai rien vu de la bataille. Des champs vides, des moulins ? vent d?molis, des bois au pied desquels jaillissent ? l'improviste les bouquets noirs des gros obus ou bien de petits nuages blancs qui s'accrochent subitement ? la lisi?re, se gonflent et disparaissent... C'est tout ce que l'on surprend de la bataille! Quant ? ce que l'on entend, c'est une autre affaire... Mais je veux vous parler des poilus! Il y avait f?te chez eux, l'autre jour. On d?corait un jeune aide-major qui, en pleine action, aux environs de Capy, ?tait all? ramasser des bless?s et s'?tait trouv? pris dans une d?gel?e de mitraille. Ils ?taient trois ou quatre ? sa mesure qui, sans se pr?occuper de la musique infernale du plomb et de l'acier, acharn?s ? leur t?che, faisaient des pansements comme ? l'h?pital, quand un shrapnell ?clata au-dessus d'eux; on se regarda, on se compta, quelqu'un envoya un bon mot et l'on se remit ? la besogne. Mais un autre projectile arriva; celui-ci ?tait un obus qui tomba au milieu du groupe, tua des bless?s, en blessa d'autres ? nouveau et coucha tout le monde. Le m?decin-major, qui commandait le service, se redressa et, s'apercevant que son aide ne mettait pas assez de h?te ? l'imiter, lui cria: --Dites donc, cher ami, la pause n'a pas sonn?! Et l'autre de r?pliquer paisiblement: --Pardon, monsieur le m?decin-major, mais je crois que j'ai l'hum?rus bris?. C'est, ma foi, une belle r?ponse de m?decin qui ne perd pas l'esprit! Il avait bien l'hum?rus bris?... les < On l'a d?cor? cette semaine. UNE C?R?MONIE MILITAIRE SUR LA LIGNE DES TRANCH?ES.--La remise de la croix de la L?gion d'honneur ? un aide-major bless?. Quelques jours avant, le colonel P... lui avait ?crit: < Je pourrais vous l'envoyer ? l'ambulance; je pr?f?re vous la remettre sur le front. Vous nous manquez, nous serons tous contents de vous revoir...>> Et l'on a conduit l'aide-major Lucien sur le front, sur le front m?me, ? 600 m?tres des tranch?es allemandes, avec prise d'armes et drapeau d?ploy?. J'?tais de la f?te et c'est une des plus belles f?tes de ma vie. Jamais je n'ai vu plus de grandeur dans pareille simplicit?, jamais semblable c?r?monie n'avait rev?tu pour moi une telle signification! Et jamais, non plus, le drapeau ne m'avait paru plus clair, plus gai, plus cr?ne, plus beau, plus ch?rissable que sur cette route, au milieu de ces cultures, dans cette plaine, au-dessus de laquelle, inlassablement, depuis trois semaines, court le m?tal porte-destin. Pour atteindre l'endroit qu'avait choisi le colonel, il fallait descendre ? l'or?e d'un boqueteau et franchir un joli petit espace d?nud? que les poilus de l?-bas connaissent bien et qu'ils n'abordent jamais sans grommeler: < Nous ?tions bien une vingtaine qui devions traverser la r?gion exploit?e par ce maniaque et il y aurait eu, pour lui, un joli tableau ? faire; mais il faut croire que le perch? mangeait sa soupe ou qu'il ne voulait pas troubler notre f?te. Nous pass?mes par petits groupes, ? peine inqui?t?s par quelques mouches, qui sont nombreuses cette ann?e; ? 200 m?tres de l?, le piquet d'honneur avait pris les armes. On aurait dit que chaque homme avait conscience du bon tour qu'on jouait aux voisins. Les visages ?taient ?panouis, les yeux avaient des ?clairs malicieux; on s'amusait, allons! Le colonel, lui aussi, prenait du bon temps. Pourtant, c'?tait le moins insouciant; il aurait ?t? si d?sol? qu'il y e?t de la casse! De temps ? autre, l'oreille tendue, il levait les yeux vers la cime des arbres... Une brindille se d?tacha d'une branche et tomba. Enfin, la compagnie sortit de la tranch?e, s'aligna et, aussit?t, un commandement ?clata: --Pr?sentez... arme! A cet instant, le drapeau apparut sur la route. On ne vit plus que LUI et je m'imaginai que, l?-bas, tout pr?s, on devait suivre le jeu de son ?toffe dans le vent. Il me semblait immense, il me semblait ?clatant: il ?tait immense, il ?tait ?clatant et l'officier qui le portait ne le diminuait pas. Coupait-on encore du bois ? la cime des arbres?... Nous ne nous en pr?occupions plus. Une bord?e de notre 75 nous calotta. Nous nous trouvions dans la ligne de tir et le son nous arrivait, sec et dur, ? croire que nous avions la batterie ? 100 m?tres et que nous en recevions le souffle. Ensuite, le colonel, qui nous avait pri?s ? d?jeuner, nous introduisit dans la salle ? manger qui est de construction et de style 1914: trois marches pour y p?n?trer, des murs uniform?ment bruns--terre de Sienne, si vous voulez--un plafond aux poutres apparentes sur fond de gerbes de bl?, assez haut pour permettre au plus bel homme du r?giment de se tenir debout sans courber la taille... Coquetterie: la table, ? la nappe blanche immacul?e, ?tait par?e de fleurs. Voyez-vous, il y a des d?tails qu'on ne trouve que chez nous et qui sont la marque de notre ?me.
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