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Read Ebook: Hampshire Days by Hudson W H William Henry

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Ebook has 726 lines and 91019 words, and 15 pages

COURS FAMILIER DE LITT?RATURE

UN ENTRETIEN PAR MOIS

PAR M. A. DE LAMARTINE

PARIS ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR, RUE DE LA VILLE L'?V?QUE, 43. 1858

L'auteur se r?serve le droit de traduction et de reproduction ? l'?tranger.

COURS FAMILIER DE LITT?RATURE

REVUE MENSUELLE.

Paris.--Typographie de Firmin Didot fr?res, fils et Cie, rue Jacob, 56.

VIE ET OEUVRES DE P?TRARQUE.

Il y a deux amours: l'amour des sens et l'amour des ?mes. Tous les deux sont dans l'ordre de la nature, puisque la perp?tuit? de la race humaine a ?t? attach?e ? cet instinct dans les ?tres vulgaires, et ce sentiment dans les ?tres d'?lite. En cherchant bien la diff?rence essentielle qui existe entre l'amour des sens et l'amour des ?mes, on arrive ? conclure ceci: C'est que l'amour des sens a pour mobile et pour objet le plaisir, et que l'amour des ?mes a pour mobile et pour objet la passion du beau; aussi le premier n'inspire-t-il que des d?sirs ou des app?tits, et le second inspire-t-il des admirations, des enthousiasmes et pour ainsi dire des cultes. Il y a plus: l'amour des sens inspire souvent des vices et des crimes; l'amour des ?mes inspire, au contraire, des chefs-d'oeuvre et des vertus: c'est ainsi que vous voyez dans l'antiquit? l'amour sensuel caract?ris? par H?l?ne, Ph?dre, Clytemnestre; et que vous voyez dans les temps modernes l'amour des ?mes se caract?riser dans la chevalerie, dans H?lo?se, dans Laure, par l'h?ro?sme, par la fid?lit?, par la saintet? m?me la plus id?ale et la plus mystique.

Cet amour des ?mes ou cette passion du beau, sentiment qui se rapproche le plus du pieux enthousiasme pour la beaut? incr??e, devait par sa nature m?me inspirer ? la terre la plus c?leste po?sie, car ce sentiment est une sorte de pi?t? par reflet; pi?t? qui traverse la cr?ature comme un rayon traverse l'alb?tre pour s'?lever jusqu'? la contemplation du beau infini, Dieu.

Cette pi?t? transpire dans les vers de l'amant de Laure; Laure pour lui n'est pas une femme, c'est une incarnation du beau, dans laquelle il adore la divinit? de l'amour. Voil? pourquoi son livre inspire ? ceux qui savent le go?ter une d?votion ? la beaut? qui est presque aussi pure que la d?votion ? la saintet?; voil? pourquoi une mauvaise pens?e n'est jamais sortie de ses vers; voil? pourquoi on r?ve, on pleure et on prie avec ces vers divins qui ne vous enivrent que d'encens comme dans un sanctuaire. C'est de ce po?te sacr?, c'est de ce psalmiste de l'amour des ?mes que je veux vous entretenir aujourd'hui. La France l'a peu connu, Boileau l'a d?nigr? sans le comprendre, l'Italie elle-m?me n'a pas su reconna?tre assez en lui son second Virgile et son second Platon; Platon chr?tien, mille fois sup?rieur en vers ? la prose du Platon pa?en. L'Italie lui a trop pr?f?r? son Dante, g?nie sublime mais sauvage, aux proportions d?sordonn?es d'un r?ve de Pathmos; la grandeur frappe plus que la perfection les peuples qui naissent ou qui renaissent ? la litt?rature: Dante ?mane du moyen ?ge encore barbare; P?trarque ?mane de l'antiquit? la plus raffin?e, mais tous les deux cependant sont chr?tiens. Dante par ses machines po?tiques emprunt?es ? l'Apocalypse, P?trarque par l'intellectualit? de son amour, respirent la suavit? du mysticisme ?vang?lique. Quant ? moi, je consid?re P?trarque, sans aucune comparaison possible, comme le plus parfait po?te de l'?me de tous les temps et de tous les pays, depuis la mort du doux Virgile. Notre langue elle-m?me n'a rien ? lui opposer en d?licatesse de style et en path?tique de coeur, pas m?me l'harmonieux et tendre Racine: Racine chante pour une cour et pour un roi; P?trarque, pour Laure et pour son Dieu. L'inspiration est plus brillante dans Racine, elle est plus path?tique et plus recueillie dans P?trarque; les vers de P?trarque aussi, quoique moins sonores, sont bien plus pleins: ce sont les proverbes de l'amour et de la douleur; il en est rest? des milliers dans la circulation des ?mes aimantes ou des coeurs saignants. Toutes les vagues de l'Adriatique, toutes les collines d'Arqu?, toutes les grottes de Vaucluse, toutes les brises d'Italie, roulent avec les larmes ou les soupirs des amants un vers de P?trarque. Ses sonnets sont les m?dailles du coeur humain.

Jamais l'oeuvre et l'?crivain ne sont plus indissolublement unis que dans les vers de P?trarque, en sorte qu'il est impossible d'admirer la po?sie sans raconter le po?te: cela est naturel, car le sujet de P?trarque c'est lui-m?me; ce qu'il chante c'est ce qu'il sent. Il est ce qu'on appelle un po?te intime, comme Byron de nos jours; une si puissante et si path?tique individualit?, qu'elle envahit tout ce qu'il ?crit, et que si l'homme n'existait pas le po?te cesserait d'?tre. On a beau dire, ce sont l? les premiers des po?tes; les autres n'?crivent que leur imagination, ceux-l? ?crivent leur ?me. Or qu'est-ce que la belle imagination en comparaison de l'?me? Les uns ne sont que des artistes, les autres sont des hommes. Voil? le caract?re de P?trarque, racontons sa vie.

Il y a peu de grands hommes remueurs du monde sur lesquels on ait autant ?crit que sur cet homme s?questr?, solitaire, absorb? dans sa pi?t?, dans son amour et dans ses vers; pour les uns il est po?sie, pour les autres histoire, pour ceux-ci amour, pour ceux-l? politique. Disons le mot: sa vie est le roman d'une grande ?me.

Il naquit ? Florence, la ville o? tout renaissait au quatorzi?me si?cle. Son p?re ?tait un de ces citoyens consid?rables dans la r?publique, que le flux et le reflux des partis en lutte firent exiler avec le Dante, son contemporain et son ami.

P?trarque re?ut le jour ? Arezzo, petite ville de Toscane, qui servait de refuge aux exil?s. Son p?re et sa m?re le transport?rent au berceau d'asile en asile autour de leur patrie, qui leur ?tait interdite. Ils finirent par s'?tablir ? Avignon, o? le pape Cl?ment V venait de fixer sa r?sidence. ? l'?ge de dix ans, son p?re le mena ? Vaucluse; ces rochers, ces ab?mes, ces eaux, cette solitude, frapp?rent son imagination d'un tel charme, que son ?me s'attacha du premier regard ? ces lieux, avec lesquels il a associ? son nom, et que Vaucluse devint le r?ve de son enfance; il ?tudia tour ? tour ? Montpellier, ? Bologne, sous les ma?tres toscans; il n?gligea bient?t toutes ses ?tudes pour la po?sie qui ?tait n?e avec lui de l'amiti? de son p?re avec Dante.

Les papes cependant s'effor?aient de transformer par la magnificence des ?difices Avignon en une Rome des Gaules; la vie qu'on y menait ?tait ?l?gante et raffin?e; les jeunes gens m?me ? qui la tonsure donnait droit aux b?n?fices eccl?siastiques sans leur imposer les devoirs du sacerdoce, fr?quentaient les acad?mies et les palais des femmes plus que les ?glises; leur costume ?tait recherch? et eff?min?, <> dit P?trarque dans une lettre ? son fr?re G?rard, o? il lui retrace ces vanit?s de leur jeunesse, <>

La po?sie en langue vulgaire, c'est-?-dire en italien, faisait partie principale des ?l?gances de cette soci?t?. Les femmes, auxquelles on s'effor?ait de plaire, n'entendaient pas le langage savant. Le jeune po?te excellait d?j? dans l'ode et dans le sonnet, deux formes r?centes de cette po?sie; mais son ambition de gloire po?tique ?tait immense, sa modestie ?tait inqui?te; on voit cette na?vet? de ses d?couragements dans une de ses conversations avec son ma?tre intellectuel, Jean de Florence, vieillard contemporain du Dante, qui professait alors les hautes sciences ? Avignon.

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L'illustre vieillard consola et raffermit son disciple; il lui dit que cette s?cheresse momentan?e d'imagination dont il s'affligeait n'?tait que le progr?s de son esprit, qui, en lui faisant mieux voir jusqu'o? il pouvait monter, le d?courageait ? tort, par le sentiment de la distance qu'il y avait entre son talent d'aujourd'hui et son id?al futur. <> On s'?tonne de ce m?pris pour le barreau dans un jeune homme dont Cic?ron ?tait l'oracle et l'idole.

Son ami Jacques Colonna l'encourageait de son exemple et de ses conseils ? pers?v?rer dans la philosophie et dans la po?sie. <>

Heureux en amiti?, le jeune po?te ne le fut pas moins en amour. On pressent que nous allons parler de sa passion pour Laure, passion qui fut sa vie, sa faute et sa gloire.

Pour bien juger de la criminalit? ou de l'innocence de cette passion dans un jeune po?te qui n'avait de l'?tat eccl?siastique que le costume, la tonsure et les b?n?fices, il faut se reporter ? la d?finition des deux amours qui commencent cet entretien. Ce que P?trarque et ce que le temps de P?trarque entendaient ici par amour, n'?tait en r?alit? que la passion du beau, l'admiration, l'enthousiasme, le d?vouement de l'?me ? un ?tre d'id?ale perfection physique et morale; culte en un mot, mais culte divin ? travers une beaut? mortelle.

On verra que cet amour, qui ne porta jamais la moindre atteinte ? la chastet? de Laure ni ? la vertu de son amant, n'eut pas d'autre caract?re que celui d'adoration intellectuelle aux yeux de son ?poque et de la post?rit?. P?trarque cependant, devenu plus aust?re dans ses jugements sur lui-m?me ? un autre ?ge, en parle ainsi avec une certaine ambigu?t? de remords ou de justification dans le premier sonnet de ses oeuvres apr?s la mort de Laure. Il faut le lire pour bien comprendre la nature de son sentiment. Le voici:

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Ne soyons donc, en lisant ces vers, ni plus s?v?res ni plus indulgents que P?trarque lui-m?me, d?plorant dans sa vertu, non le crime, mais la fragilit? de son amour. P?trarque s'accusait m?me de cette fragilit? dans ce sonnet. Ce culte po?tique pour la beaut? ne souillait pas plus la femme vertueuse qui en ?tait l'objet, qu'un chevalier ne souillait sa dame en en portant les couleurs et en lui consacrant ses exploits.

L'histoire de Laure a ?t? ?crite avec l'orgueil de la parent? par l'abb? de Sades, descendant de cette femme ang?lique; par un hasard de la destin?e, ma famille maternelle remonte ?galement ? cette source. L'arbre chronologique de cette famille ne laisse ? cet ?gard aucun doute. Ma m?re avait du sang de Laure dans les veines comme elle en avait le charme et la pi?t?. Je ne m'en glorifie pas, car il n'y a point de gloire dans le hasard; mais je m'en suis toujours f?licit?, car la po?sie et la beaut? ont ?t? toujours ? mes yeux les vraies noblesses des femmes.

La rencontre qui d?cida de la vie et de l'immortalit? du jeune po?te est racont?e par lui dans toutes ses circonstances d'ann?e, de lieu, de jour et d'heure, comme un ?v?nement de l'histoire du monde. Il retrace m?me les dispositions indiff?rentes de coeur o? l'amour l'avait laiss? jusque-l?. <> ?crit-il; et ailleurs: <>

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Cette merveille ?tait Laure, dont le nom, immortalis? par P?trarque, pourrait se passer de toute autre g?n?alogie.

On a longtemps ignor? celui de sa famille, il est ?tonnant que P?trarque ne l'ait jamais prononc?; des recherches incessantes et r?centes ont enfin restitu? Laure ? la noble maison de Noves, d'o? elle ?tait indubitablement issue. Cette maison habitait le bourg de Noves, sur les rives de la Durance, ? quelque distance d'Avignon; c'est de cette seigneurie qu'elle tirait son nom. Le p?re de Laure ?tait Audibert de Noves, sa m?re se nommait Ermessende; on ne conna?t pas son autre nom. Audibert de Noves habitait pendant l'hiver une maison de sa famille ? Avignon, Laure y ?tait n?e. Le sonnet fun?raire de P?trarque, jet? par lui dans son cercueil et retrouv? quand ce cercueil fut ouvert, atteste ce droit d'Avignon ? s'appeler la patrie natale de Laure.

Le testament ?galement retrouv? d'Audibert de Noves, qui mourut jeune comme sa fille, parle de Laure, sa fille a?n?e, ? laquelle il l?gue 6,000 liv. tournois pour sa dot. Cette somme, consid?rable pour le quatorzi?me si?cle, est l'indice de la richesse de la maison de Noves.

Ermessende de Noves, veuve d'Audibert, fut tutrice de ses trois enfants; elle accorda la main de Laure, encore enfant, ? Hugues de Sades, gentilhomme d'une famille illustre et s?natoriale d'Avignon; le contrat de mariage, retrouv? aussi, est dat? de Noves, 16 janvier 1325, dans l'?glise de Notre-Dame.

Voil? tout ce qu'on sait aujourd'hui d'authentique, gr?ce ? l'abb? de Sades, sur Laure de Noves. Sans doute les oeuvres latines de P?trarque, ses confidences ?crites et ses lettres famili?res auraient r?v?l? bien des circonstances de cet amour et bien des d?tails sur ces deux familles de Noves et de Sades; mais P?trarque raconte lui-m?me qu'il a d?truit toutes ces traces de sa passion avant sa mort.

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Quelle perte pour les ?rudits, les curieux et les amants! Les cendres du foyer des po?tes sont pleines de myst?res sem?s ainsi au vent.

? dater de l'heure o? il vit Laure, l'?me de P?trarque ne fut plus qu'un chant d'enthousiasme, de d?sir, d'amour, de regrets consacr?s ? cette vision. Elle ?tait pour lui la B?atrice du Dante sortie de l'enfance et du r?ve, et arriv?e ? la r?alit? et ? la perfection de la beaut?. Ses sonnets, o? il d?guisait ? peine le nom de Laure sous l'image un peu trop transparente et un peu trop pu?rilement allusive du laurier , remplissaient les soci?t?s d'Avignon, de Florence et de Rome de son amour. Cette publicit? de culte n'offensait ni la vertu de son idole ni la susceptibilit? de son ?poux. Laure ?tait au-dessus du soup?on, Hugues de Sades au-dessus de la jalousie. Un tel amour divinis? par de tels vers ?tait, ? cette ?poque, une gloire et non un affront pour une famille. Un po?te ?tait un paladin joutant en public en l'honneur de sa dame. Tel para?t avoir ?t? toujours le caract?re de l'amour de P?trarque; s'il fut pay? quelquefois de reconnaissance, de gr?ce et de sourire, il ne fut jamais pay? d'aucun retour criminel; c'?tait une folie du g?nie que l'on pardonnait et qu'on encourageait m?me dans une adoration sans myst?re.

Cette adoration multipliait sous toutes les formes ses hommages: Laure ?tait pass?e ? l'?tat de divinit? dans l'?me de son amant; ce culte avait cependant l'onction, la d?votion, le mysticisme de tout autre culte; il avait ses reliques et ses stations; il consacrait la m?moire des jours o? il ?tait n?, des ?v?nements qui le nourrissaient, et bient?t, h?las! de son calvaire et de sa s?pulture. Lisez ce second de ses sonnets, comm?moration de la premi?re rencontre de Laure dans l'?glise.

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