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Read Ebook: Mémoires de Céleste Mogador Volume 4 by Chabrillan C Leste V Nard De Comtesse

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Ebook has 1777 lines and 68274 words, and 36 pages

Note sur la transcription: L'orthographe d'origine a ?t? conserv?e et n'a pas ?t? harmonis?e, mais les erreurs clairement introduites par le typographe ont ?t? corrig?es.

M?MOIRES

C?LESTE MOGADOR

Paris.--IMP. DE LA LIBRAIRIE NOUVELLE.--Bourdilliat, 15, rue Breda

M?MOIRES

C?LESTE

MOGADOR

TOME QUATRI?ME

PARIS

LIBRAIRIE NOUVELLE

BOULEVARD DES ITALIENS, 15

La traduction et la reproduction sont r?serv?es

M?MOIRES DE C?LESTE MOGADOR

XLVI

D?PART.

La mesure de la douleur ?tait au comble dans mon ?me, et pour me soustraire ? tant de peines, je me serais tu?e sans la lettre que je re?us des gens chez qui ?tait ma fille adoptive. La femme venait de tomber dangereusement malade; l'on me disait qu'on ne pouvait la garder. Je passai une nuit tr?s-agit?e et je me mis en route qu'il faisait ? peine jour. Le pauvre petit ange commen?ait ? parler; elle m'appelait sa m?re; je la ramenai chez moi; je la serrai sur mon coeur, et je lui demandai en larmes s'il ?tait vrai qu'un jour elle me maudirait.--Pauvre petite! elle ne pouvait comprendre, pourtant elle passait ses bras autour de mon cou, et m'embrassait en me disant: <> Je n'avais pas le droit de mourir; si Dieu m'avait envoy? cette innocente cr?ature, c'?tait peut-?tre pour me donner l'occasion de r?parer le mal que j'avais fait.

Deux jours plus tard, trois hommes vinrent saisir chez moi pour une somme de quarante-six mille francs, que Robert devait ? son bijoutier, pour cette garantie qu'il avait donn?e si imprudemment. J'avais toujours eu horreur du papier timbr? et de ceux qui l'apportent; je les voyais toujours appara?tre, dans mon imagination, avec de grosses moustaches, de grosses cannes et de vilains chapeaux. Je devins presque folle de peur et de chagrin.

Je voulais ?crire ? Robert; mais je jetai la plume avec rage.

--Non! dis-je, je serai plus g?n?reuse que lui, je ne l'accablerai pas. Tant mieux qu'il ne me reste rien que mes larmes, nous nous en irons loin de cette ville maudite. Je travaillerai pour t'?lever, ma petite Caroline; j'en ai perdu l'habitude, tant mieux! j'aurai plus de peine.

J'avais fini ma pi?ce ? neuf heures.

En sortant pour rentrer chez moi, je vis un homme dans le passage; il se glissait comme une ombre le long des murs et semblait me fuir. Je pressai le pas, car sa tournure m'avait frapp?e. Je me pla?ai en face de lui.

C'?tait Robert, p?le, d?fait; son oeil, si ardent d'ordinaire, ?tait voil? de tristesse, mais l'ironie ?tait toujours sur ses l?vres d?daigneuses.

--Ah! lui dis-je, vous ne m'?viterez pas; vous me devez une explication. Il se peut que j'aie ?t? coupable, mais vous n'avez pas le droit de me torturer comme vous le faites depuis quelque temps. Dieu seul juge irr?vocablement. Vous ne pouvez partir en me laissant l'id?e qu'un homme me maudit sous le ciel. D'ailleurs, vous ?tes d?j? trop veng?; vos mal?dictions s'accomplissent. On m'intente des proc?s que je ne soutiendrai pas. Je vais quitter ce monde aussi malheureuse que vous.

Mes larmes me coup?rent la voix. Il me fit monter en voiture et m'accompagna chez moi.

--J'avais peur de ce qui arrive, me dit-il, et c'est ce qui m'a ramen? ? Paris. Mes biens ont ?t? vendus la moiti? de leur valeur. Non-seulement je suis ruin?, mais il me reste des dettes.

--Oui, et moi l'on m'attaque, disant que ce que j'ai est ? vous. C'est une infamie, car ils savent bien le contraire; mais ils se disent: Une femme comme celle-l?, nous aurons bon march? d'elle.

--Eh bien! me dit-il, faites-les mentir. C?leste, d?fendez-vous avec tout ce que vous avez d'?nergie et d'intelligence! vous avez votre droit; il y a des juges. J'emporterais des regrets trop amers, si je vous savais malheureuse. Je voulais me faire soldat; mais je suis trop vieux, j'ai trente-trois ans. Je vais partir au bout du monde, en Australie. Peut-?tre pourrai-je vivre, comme tant d'autres, loin de la France; ne rien demander ? personne, ne pas donner le spectacle de ma mis?re, c'est tout ce que je veux. Je n'ai pas d'id?es, je vais aller o? le navire me conduira.

Il resta chez moi. Nous pay?mes nos joies pass?es par de longues nuits de larmes.

Une lettre du Berry nous tira de notre abattement.

On venait de saisir ma maison et nos meubles. On me disait qu'on allait attaquer l'hypoth?que qu'il m'avait donn?e en payement.

Tout me manquait ? la fois... et je voyais venir la mis?re.

Les reproches injustes dont il m'accablait depuis quelque temps me revinrent en m?moire. En me trouvant si malheureuse, je les lui rendis avec usure.

--Eh bien! lui disais-je, vous qui n'aviez qu'insulte et m?pris pour moi, qui me souhaitiez la mis?re, l'h?pital ou la prison, vous pouvez partir heureux. Allons, nous sommes quittes.--Une chose me console, c'est que je vous ai pr?dit ce qui nous arriverait ? tous deux. Vous avez beau m'accabler, vous devez me rendre justice. Oh! le difficile, c'est de forcer votre orgueilleuse nature ? s'avouer vaincue.--Partez! laissez-moi avec mon d?sespoir, car je vous le reprocherais. Il vous reste une famille, ? vous; ? moi, il ne me reste que la mis?re et les tourments.

Robert me regarda fixement, sans me r?pondre un mot. Il scrutait ma volont?; elle dut lui para?tre implacable, car il sortit lentement, acceptant mes paroles comme un ordre d'exil.

Je fus chez un avou? qui me donna l'adresse d'un avocat, et je me mis en mesure de faire t?te ? l'orage qui se pr?parait. Pour traverser cette nouvelle crise, j'appelai ? moi tout mon courage. Abattue cent fois, je me relevai par des efforts surnaturels. On me tra?na devant les tribunaux. Mes adversaires, qui se sentaient vuln?rables, crurent se grandir en me tra?nant dans la boue. Ils prirent mon pass? et l'imprim?rent; si bien que, partout o? j'allais, on s'?loignait de moi. Ils me march?rent tellement sur le coeur que je devins cruelle. Je ne pensais plus qu'? me venger; puis je retombais, an?antie, dans mon impuissance.

Je quittai l'appartement rue Joubert pour le temps que durerait ce proc?s; car je ne voulais pas, si les juges ?taient tromp?s par de fausses apparences ?tre chass?e de chez moi. Je ne pouvais me faire d'illusion; la lutte qui se pr?parait devait ?tre longue, p?nible; elle fut cruelle.

Je louai, avenue de Saint-Cloud, une petite maison et un jardin pour ma fille qui avait besoin d'air.

Toutes les femmes que j'avais connues dansaient en rond comme des sorci?res autour de ma ruine. Je ne voulus pas leur laisser cette joie; je t?chai de les tromper, de me tromper moi-m?me, et, l'inqui?tude au coeur, j'exag?rai ma vie de luxe et de plaisirs.

Robert ?tait parti. Il avait lutt? jusqu'au dernier moment; vaincu, il regarda sa ruine en face, et, se sentant faible devant sa volont?, il sut du moins prendre une r?solution courageuse; il mit cinq mille lieues entre lui et la poussi?re que faisait ce d?sastre de son bonheur perdu et de son opulence bris?e.

Ce d?part, qui devait influer si profond?ment sur ma vie, ne me fit pas tout d'abord l'impression que je devais en ressentir. Cette impression a ?t? successive. Un mot de moi, et Robert serait revenu; ce mot, je ne voulus pas le dire. Je sentais trop bien que dans l'?tat de nos ?mes et dans la situation de nos affaires, la continuation de notre liaison aurait fait notre malheur ? tous deux. J'esp?rais que, le voyant loin de moi, sa famille lui rendrait son appui. Je restai inflexible. Plus tard, ? mesure que j'appris les souffrances de son exil, mon coeur se d?tendit. J'appr?ciais mieux que je ne l'avais fait d'abord la grandeur du sacrifice qu'il m'avait fait en s'?loignant de moi. Pauvre Robert! nous avons assez souffert l'un par l'autre; il m'a assez d?vou?, sacrifi? sa vie, pour qu'on me pardonne l'orgueil que m'inspire le courage qu'il a montr? au milieu de toutes les tortures morales et physiques qu'il a subies dans ses lointains voyages.

J'avais song? d'abord ? en faire moi-m?me le r?cit; mais, en relisant sa correspondance, j'ai compris que ce que j'avais de mieux ? faire, c'?tait de le laisser parler lui-m?me.

La premi?re lettre que je re?us de lui ?tait dat?e de Londres.

CORRESPONDANCE.

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>>Je ne veux pourtant pas quitter l'Europe sans vous ?crire une derni?re fois. Ce matin encore, je voyais Douvres, les c?tes de France, et mes yeux ne les ont quitt?es que quand ils n'ont plus rien vu. Adieu mes r?ves, mes joies, mon bonheur! J'ai tout laiss?, et me voici bient?t entre la mer et les cieux, dans l'immensit?, tout seul avec mon n?ant. Voil? le fruit d'un amour insens?, la mis?re et l'isolement! Heureusement que mon corps ne pourra supporter tout ce que l'avenir me pr?pare. En arrivant ici, j'ai trouv? la glace de mon n?cessaire cass?e, et le verre de votre portrait aussi. C'est mauvais signe, tant mieux! C'est peut-?tre la fin qui arrive. Je suis malade. Je n'ai pas eu la force de supporter m?me cette travers?e de quelques heures. Merci, mon Dieu, merci! Tout s'use et vous trouverez peut-?tre que je n'ai pas m?rit? de tant souffrir.

>>J'attends ici, ? Londres, un b?timent qui part le 9. Mon passage est retenu. Ah! je voudrais que vous vissiez dans mes yeux et sur ma figure la trace de votre destruction. Mais je serai bien veng? de votre cruaut? pour moi; et quand cela ne serait que mon souvenir, il vous p?sera toute votre vie; je ne reviendrai jamais, je le sens, et mon pressentiment ne me trompe pas; mais souvenez-vous, C?leste, que tous ces gens auxquels vous m'avez sacrifi? n'auront pour vous que m?pris. Vous serez seule ? votre tour, et pas un ami ne vous restera. Oh! vous ?tes belle aujourd'hui, vous ?tes sublime, vous valez beaucoup, vous ?tes une si belle courtisane, quand vous voulez. Et puis, mon souvenir n'est-il pas l?? Mogador! Qui a su d?vorer, d?chirer, marcher sur une destin?e comme la mienne? Mogador! pour laquelle ce pauvre Robert a tout sacrifi?!... Mais cela doit ?tre une bien belle fille! Robert, qui a pass? par-dessus les pr?jug?s, qui lui donnait le bras devant tout Paris!

>>Oh! qu'elle a ?t? bonne pour moi, C?leste! que de reconnaissance pour tant d'amour! Comme elle a pris piti? de mes larmes! Comme elle s'est bien veng?e de ce Robert qui avait invent? le seul moyen de la faire revenir pr?s de lui, en la prenant par l'amour-propre! Elle a eu jusqu'? son dernier sou.

>>Elle n'a pas eu une minute de regret, pas un instant d'?lan de reconnaissance ni de piti?! Allez, allez, C?leste, c'est plus que de l'infamie, c'est de la monstruosit?. Vous ne vous ?tes servie de moi que pour arriver ? vos fins. Eh bien, je ne fais qu'un voeu, c'est qu'au moins ce que j'ai fait vous profite. Pensez quelquefois qu'il y a de par le monde un homme que vous avez condamn? ? plus que la mort, et que cet homme n'a pour vous sur les l?vres que des paroles d'amour et de pardon. Le monde ne rira pas de lui; il mourra, mais de mis?re et de d?sespoir. Jusque-l? il est seul, seul avec ses r?ves ?vanouis, sans personne ? qui il puisse dire: Je souffre, car je l'aime! Il a tout laiss? derri?re lui en quittant l'Europe. Il n'emporte m?me pas son nom, car il le quitte en partant. Rien! rien! Je pars sans un baiser, sans une bonne parole! Que de fois pendant ces longues nuits, ? bord du bateau, mon coeur port? pr?s de vous n'aura pour consolation que la pens?e des caresses que vous donnerez ? un autre dans le m?me moment.

>>Depuis que je vous connais, je n'ai pas eu une pens?e pour une autre femme que pour vous. Cette pens?e va ?tre encore la seule pendant cinq mois de travers?e, et si Dieu veut que je n'arrive pas, on jettera mon corps ? la mer, et je mourrai avec votre image dans le coeur jusqu'au dernier soupir. Regardez quelquefois mon portrait; il y a de ces sympathies mystiques et pour ainsi dire magn?tiques; vous y verrez quelquefois une larme couler de mes yeux, ou peut-?tre un sourire que je vous enverrai en mourant. Si le cadre tombe, que mon portrait s'ab?me, se d?chire, c'est que je mourrai. Enfin, si la nuit on te dit: Je t'aime, C?leste, c'est encore moi, moi seul et pas d'autre, entends-tu? Si tu vas au Poin?onnet, regarde partout, et chaque fleur te dira que je ne pensais qu'? toi.

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