Read Ebook: Paris romantique: Voyage en France de Mrs. Trollope (Avril-Juin 1835) by Trollope Frances Milton Boulenger Jacques Translator
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Ebook has 521 lines and 59293 words, and 11 pages
et ce serait ici une trahison, je suppose, que de douter qu'il ne se cache, sous ces blouses sales et ces jupons us?s, autant de raffinement et d'intelligence que nous pouvons esp?rer d'en trouver sous le satin et la dentelle.
C'est un fait indiscutable, je crois, que, lorsque les immortels de Paris ?lev?rent des barricades dans les rues, ils d?molirent plus ou moins les barri?res de la soci?t?. Mais c'est l? un mal que n'ont pas besoin de d?plorer les gens qui songent ? l'avenir. La nature elle-m?me, du moins telle qu'elle se montre quand l'homme abandonne les for?ts, pour vivre en soci?t? dans les cit?s, la nature prend soin elle-m?me de remettre tout en ordre.
<
et quand, un matin, tous les hommes se r?veilleraient ?gaux, l'heure du coucher ne serait pas arriv?e que certains auraient d?j? compris que la destin?e leur impose de faire le lit des autres. Telle est la loi naturelle. La force brutale de la foule n'est pas plus capable de l'enfreindre que le boeuf de nous faire tirer la charrue ou l'?l?phant de nous arracher les dents pour en faire des jouets ? ses petits.
LA SOCI?T? FRAN?AISE.--INF?RIORIT? DE L'ANGLAISE.--SIMPLICIT? CHARMANTE DES R?UNIONS.--ABSENCE DE C?R?MONIE ET DE PARADE.--L'IMMORALIT? FRAN?AISE EST UN PR?JUG? DES ANGLAIS.
J'aime toutes les curiosit?s de Paris--et je d?signe par ce terme aussi bien ce qui est grand et durable, que ce qui est toujours changeant et toujours nouveau;--mais je suis plus port?e, comme vous le croirez facilement, ? ?couter des conversations int?ressantes qu'? contempler toutes les merveilles que l'on peut admirer dans la ville.
Et ici, laissez-moi vous dire, ainsi qu'? tous mes compatriotes aux oreilles de qui ces notes parviendront, que tout voyage ? Paris, quel que soit l'esprit d'entreprise qu'on y apporte et les sommes que l'on se sente dispos? ? y d?penser, sera sans valeur si l'on ne peut entrer en relations avec la bonne soci?t? fran?aise.
Il est vrai qu'il est quelquefois beaucoup plus amusant pour un ?tranger arrivant ? Paris de regarder simplement toutes les nouveaut?s ext?rieures qui l'entourent. Cet air indescriptible de ga?et? qui fait que chaque jour de soleil a l'air d'un jour de f?te; cette l?g?ret? d'esprit qui semble appartenir ? tous les rangs; le timbre plaisant des voix, les regards p?tillants des yeux; les jardins, les fleurs, les statues de Paris, tout cela produit un v?ritable enchantement.
Mais <
Ce n'est pas seulement pour s'amuser une heure que je conseillerais aux Anglais de cultiver assidument la bonne soci?t? fran?aise. Les relations qu'une longue paix a permises entre Paris et nous ont grandement am?lior? nos habitudes nationales. Nos d?ners ne sont plus d?shonor?s par l'ivresse, et nos compatriotes hommes et femmes, quand ils arrangent une partie pour se divertir, ne sont plus s?par?s par l'?tiquette pendant la moiti? du temps que dure la r?union.
Mais nous avons beaucoup ? apprendre encore, et le ton g?n?ral de nos r?unions quotidiennes peut ?tre tr?s perfectionn? par l'exemple des usages et des mani?res parisiennes.
Ce n'est pas ? ces grandes et brillantes r?ceptions qui se renouvellent trois ou quatre fois par saison dans les maisons tr?s ?l?gantes, que nous trouverions beaucoup ? apprendre. Une belle f?te chez lady A., dans Grosvenor Square, est aussi semblable ? une grande r?ception chez lady B., dans Berkeley Square, qu'une belle soir?e ? Paris l'est ? une ? Londres. Il y a beaucoup de jolies femmes, d'hommes ?l?gants, de satins, de gazes, de velours, de diamants, de cha?nes, de d?corations, de moustaches, d'imp?riales, et peut-?tre tr?s peu, parmi tout cela, de v?ritable plaisir.
Je croirais, m?me, ? vrai dire, que nous avons plut?t l'avantage dans ces r?unions nombreuses: en effet, nous changeons fr?quemment de place, car nous passons d'une pi?ce ? l'autre pour prendre nos glaces, et, comme les assistants jouissent par groupes de ce r?pit dans la suffocation, on trouve chez nous non seulement l'occasion de respirer, mais aussi celle de parler durant quelques minutes sans ?tre d?rang?s.
C'est cette aisance, cette absence habituelle de c?r?monie et de parade, cette horreur de la contrainte et de l'ennui sous toutes ces formes, qui rendent le ton des mani?res fran?aises infiniment plus agr?able que celui des n?tres. Et ? quel point je dis vrai, seuls le savent ceux qui, par quelque heureux hasard, poss?dent un bon <> pour les portes parisiennes.
En d?pit de la vanit? surabondante que l'on attribue aux Fran?ais, ils en montrent certainement infiniment moins que nous dans leurs rapports avec leurs semblables.
J'ai vu une comtesse, de la plus vieille et de la meilleure noblesse, recevoir les visiteurs ? la porte ext?rieure de son appartement avec autant de gr?ce et d'?l?gance que si une triple cha?ne de grands laquais portant sa livr?e e?t pass? les noms des arrivants du vestibule au salon. Or, ce n'?tait pas l? manque de richesse: cocher, laquais, suivante et tout ce qui s'ensuit, elle les avait; seulement elle les avait envoy?s en course, et jamais il n'?tait entr? dans son esprit que sa dignit? pourrait avoir ? souffrir de se montrer sans eux. En un mot, la vanit? fran?aise n'appara?t pas dans les petites choses; et c'est pr?cis?ment pour cette raison que le ton charmant de la soci?t? est d?barrass? de l'inqui?te, susceptible, fastueuse et ?go?ste ?tiquette qui entrave si ?troitement la soci?t? anglaise.
Beaucoup de nos compatriotes, mon amie, trouveront dangereuses ces louanges du charme de la soci?t? fran?aise, parce qu'elles glorifient et donnent en exemple les mani?res d'un peuple dont la moralit? est consid?r?e comme beaucoup moins stricte que la n?tre. Si je pensais, en approuvant ainsi ce qui est agr?able, diminuer de l'?paisseur d'un cheveu l'intervalle que nous croyons exister entre eux et nous ? cet ?gard, je changerais mon approbation en bl?me, et ma louange superficielle en noire r?probation; mais, ? ceux qui m'exprimeraient une telle crainte, je r?pondrais en leur assurant que l'intimit? des milieux dans lesquels j'ai eu l'honneur d'?tre admise n'a rien offert ? mes observations personnelles qui autorise la moindre attaque contre la moralit? de la soci?t? parisienne. On ne trouverait nulle part, on ne saurait souhaiter un raffinement plus scrupuleux et plus d?licat dans le ton et les mani?res. Et je suspecte fort que beaucoup des tableaux de la d?pravation fran?aise que nous ont rapport?s nos voyageurs ont ?t? pris dans des milieux o? les recommandations que j'engage si fort mes compatriotes ? se procurer n'?taient pas absolument n?cessaires pour p?n?trer. Mais on ne pense pas, je suppose, que je parle ici de ces milieux-l?.
INQUI?TUDE CAUS?E PAR LE PROCHAIN JUGEMENT DES PRISONNIERS DE LYON.--LE <
Nous avons ?prouv? une v?ritable panique caus?e par les bruits que l'on fait courir sur le terrible proc?s qui est tout pr?s d'avoir lieu. Beaucoup de gens craignent que des sc?nes terribles ne se passent dans Paris quand il commencera.
Les journaux de tous les partis en sont remplis ? tel point qu'on n'y peut trouver autre chose; et tous ceux qui sont oppos?s au gouvernement, de quelque couleur qu'ils soient, parlent de la fa?on dont la proc?dure a ?t? men?e comme de l'abus de pouvoir le plus tyrannique que l'on ait encore vu dans l'Europe moderne.
Je ne sais si cette accusation est fond?e; mais il y a pour le moins une apparence plausible dans l'objection qu'on peut lui faire. Il n'est pas difficile de voir que l'article 28 de la Charte dit:--< crimes de haute trahison et des attentats contre la s?ret? de l'Etat, qui seront d?finis par la Loi.>> Or, quoique cette d?finition par la loi ne soit pas encore, ? ce que l'on m'a dit, un travail tout ? fait termin?, les crimes, pour lesquels les prisonniers seront jug?s, paraissent quelque chose de si semblable ? de la haute trahison, que la premi?re partie de l'article peut s'appliquer ? eux. Pour les journaux, les pamphlets, et les publications r?publicaines de toutes sortes, la d?tention et le proc?s sont une violation scandaleuse des droits nouvellement acquis par < Ces nouvelles et ces r?cits, d'ailleurs, varient consid?rablement et nous laissent fort inquiets sur ce qui va arriver. Celui-l? affirme que Paris peut d'un moment ? Beaucoup enfin d?clarent que le proc?s ne sera jamais jug?; que le gouvernement se sert audacieusement de l'image du Monstre pour effrayer les gens; et qu'une amnistie g?n?rale terminera l'affaire. En v?rit?, ce serait une t?che fatigante que de rapporter seulement la moiti? des histoires qui courent en ce moment ? ce sujet; mais je vous assure que voir tous ces pr?paratifs et ?couter tout cela, c'est assez pour devenir nerveuse; et beaucoup de familles anglaises ont trouv? plus prudent de quitter Paris... ?LOQUENCE DE LA CHAIRE.--L'ABB? COEUR.--SERMON A SAINT-ROCH.--?L?GANCE DU PUBLIC.--COSTUME DU JEUNE CLERG?. Depuis mon retour dans cette changeante France, j'ai constat? une nouveaut? qui m'a ?t? tr?s agr?able, c'est la consid?ration et le go?t que l'on y a maintenant pour l'?loquence de la chaire... Il y a environ une douzaine d'ann?es, je voulus savoir si l'on trouvait encore ? Paris quelques traces de la glorieuse ?loquence des Bossuet et des F?nelon. J'entendis des sermons ? Notre-Dame, ? Saint-Roch, ? Saint Eustache; mais jamais course au talent fut aussi peu couronn?e de succ?s. Les pr?dicateurs ?taient cruellement m?diocres; aussi bien, ils avaient l'air d'hommes communs et sans culture, ce qui ?tait d'ailleurs, et est encore, je crois, bien souvent le cas. Les ?glises ?taient ? peu pr?s vides; et les rares personnes dispers?es ?? et l? dans leurs splendides bas-c?t?s ?taient g?n?ralement des vieilles femmes du peuple. Que le changement est grand aujourd'hui!... < La conversation continua sur les pr?dicateurs en vogue, et je me rendis compte que j'?tais tout ? fait dans l'ignorance. D'autres noms c?l?bres furent cit?s: Lacordaire, Deguerry, et quelques autres que je ne me rappelle pas, et on parlait d'eux comme si leur r?putation devait n?cessairement s'?tendre d'un p?le ? l'autre, mais, en v?rit?, je ne connaissais pas plus ces messieurs que les chapelains priv?s des princes de Chili. Toutefois j'inscrivis leurs noms avec beaucoup de docilit?; et plus j'?coutais, plus je me r?jouissais en pensant que la Semaine Sainte et P?ques allaient venir bient?t; car j'?tais bien d?cid?e ? profiter de cette ?poque si favorable ? la pr?dication pour conna?tre une chose parfaitement nouvelle pour moi; un sermon populaire ? Paris. Je perdis peu de temps pour r?aliser ce projet. L'?glise de Saint-Roch est, je crois, la plus ? la mode de Paris, et l? nous ?tions s?res d'entendre le c?l?bre abb? Coeur: ces deux raisons nous d?cid?rent ? ?couter ? Saint-Roch notre < Comme nous demandions ces renseignements ? l'?glise, on nous apprit que, si nous d?sirions nous procurer des chaises, il nous serait indispensable de venir au moins une heure avant la grand'messe qui pr?c?dait le sermon. C'?tait assez effrayant pour des h?r?tiques qui avaient une foule d'affaires sur les bras. Mais je voulus absolument ex?cuter mon projet et je me soumis, avec une petite partie de ma famille, ? la p?nitence pr?liminaire d'une longue heure silencieuse en face de la chaire de Saint-Roch. La pr?caution ?tait, au reste, parfaitement n?cessaire, car la presse ?tait effroyable; mais, ce qui nous consola, elle ?tait toute compos?e de personnes tr?s ?l?gantes, si bien que l'heure nous sembla ? peine assez longue pour passer en revue les toilettes, les plumes ondoyantes et les fleurs ?panouies, qui ne cessaient de s'entasser autour de nous. Rien de plus joli que cette collection de chapeaux, si ce n'?tait celle des yeux qu'ils abritaient. La proportion des femmes aux hommes ?tait peut-?tre de douze ? un. <<--Je d?sirerais savoir>>, demanda pr?s de moi un jeune homme ? une jolie femme, sa voisine, < La dame ne r?pondit que par une figure indign?e. Quelques instants apr?s, les doutes du jeune homme, s'il en avait eu, cess?rent. Un homme, fort loin de para?tre malade et plus loin encore de para?tre vieux, monta dans la chaire, et tout aussit?t quelques milliers d'yeux brillants se riv?rent sur lui. Le silence et la profonde attention avec lesquelles ses paroles ?taient accueillies, sans que le moindre bruit, ni un mot, ni un coup d'oeil les vinssent interrompre, montra combien devait ?tre grande son influence sur l'?l?gant et nombreux public qui l'?coutait, et combien son ?loquence irr?sistible. Au reste, quoique < Son ton ?tait simple et affectueux; son langage fort mais sans violence; il s'adressait plus au coeur de ses auditeurs qu'? leur intelligence, et c'?taient bien leurs coeurs qui lui r?pondaient, car beaucoup pleuraient abondamment. Un grand nombre de pr?tres assistaient ? ce sermon, rev?tus de leurs costumes eccl?siastiques et assis aux places qui leur sont r?serv?es en face de la chaire. Ils se trouv?rent de la sorte pr?s de nous, et nous e?mes ainsi toute facilit? de remarquer sur eux les r?sultats de ce < Au lieu de cette tonsure d'autrefois, qui nous inspirait du respect parce que, faite souvent sur une ?paisse chevelure dont le noir d'?b?ne ou le ch?tain brillant parlaient encore de jeunesse, elle marquait le sacrifice d'un avantage ext?rieur ? un sentiment de d?votion,--au lieu de cela, nous aper??mes des t?tes sans tonsure, et m?me plus d'une paire de favoris florissants, ?videmment entretenus, arrang?s et calamistr?s avec le plus grand soin, tandis que quelque s?v?re capuchon ? trois cornes pendait derri?re les riches et ondoyantes chevelures de ces jeunes t?tes. L'effet d'un tel contraste est singulier. Toutefois, en d?pit de cet abandon de la tonsure sacerdotale par le jeune clerg?, il y aurait eu dans la double rang?e de t?tes qui regardaient la chaire, plusieurs belles ?tudes ? faire pour un artiste; et rien, depuis que l'humanit? expie la faute d'Adam, ne pouvait ?tre mieux en harmonie que les physionomies et l'habillement religieux de ceux ? qui ces t?tes appartenaient. Les m?mes causes produisent, je pense, en tous temps les m?mes effets; et c'est pourquoi, parmi les vingt pr?tres de Saint-Roch, en 1835, il me sembla reconna?tre l'original de plus d'un noble et pieux visage avec lequel les grands peintres d'Italie, d'Espagne et des Flandres m'ont familiaris?e. Le contraste entre les yeux profonds et l'expression aust?re de quelques-uns de ces fronts consacr?s, et la brillante et vive ?l?gance des jolies femmes qui les entouraient, ?tait saisissant; et la lumi?re douce des vitraux, la majestueuse dimension de cette ?glise formaient un spectacle ?mouvant et pittoresque... Avant que nous quittassions l'?glise, cent cinquante gar?ons et filles, de dix ? quatorze ans, s'assembl?rent pour le cat?chisme qui leur fut fait par un jeune pr?tre derri?re l'autel de la Vierge. Le ton de celui-l? ?tait familier, caressant et bon, et ses cheveux, qui cachaient ses oreilles, lui donnaient l'air d'un jeune saint Jean. LONGCHAMPS.--LE CAR?ME. Je crois que vous savez, mon amie, bien que pour ma part je l'ignorasse, que le mercredi, le jeudi et le vendredi de la semaine sainte les Parisiens font chaque ann?e une sorte de p?lerinage ? cette partie du bois de Boulogne qu'on nomme Longchamps. J'?tais intrigu?e par l'origine de cette gaie et brillante promenade de personnes et d'?quipages, qui ne se rassemblent ?videmment qu'afin de se donner le plaisir d'?tre vus et de voir, et cela pendant des jours g?n?ralement consacr?s aux exercices religieux. L'explication que j'en ai eue, je vous la communique, esp?rant que vous l'ignorez. < Ce spectacle ravissant peut rivaliser avec celui d'un dimanche de printemps ? Hyde-Park quant au nombre et ? l'?l?gance des ?quipages, mais le surpasse par la longueur et la beaut? de la route que l'on suit. Bien que l'on appelle toujours < De trois ? six heures, ce vaste espace est plein de monde; et je n'imaginais r?ellement pas que tant d'?quipages bien attel?s pussent ?tre r?unis ailleurs qu'? Londres. La famille royale avait l? plusieurs belles voitures; celle du duc d'Orl?ans ?tait particuli?rement remarquable par la beaut? de ses chevaux et son ?l?gance d'ensemble. Les ministres d'Etat et toutes les l?gations ?trang?res ?taient l? ?galement; plusieurs dans des ?quipages vraiment parfaits, avec des chasseurs ? plumets de diverses couleurs; beaucoup avaient attel? ? quatre de tr?s beaux chevaux, r?ellement bien harnach?s. Enfin une quantit? de particuliers montraient aussi des voitures, ravissantes par les jolies femmes qu'elles renfermaient et tout cela contribuait fort ? l'?clat de la sc?ne. Le seul personnage toutefois, ? part le duc d'Orl?ans, qui e?t deux voitures, deux chasseurs emplum?s et deux fois deux paires de chevaux richement harnach?s, ?tait un certain M. T..., commer?ant am?ricain, dont la grande fortune, et encore plus les colossales d?penses, consternent les compatriotes raisonnables. On nous a assur? que l'excentricit? de ce gentleman trans-atlantique est telle que, pendant les trois jours qu'a dur? la promenade de Longchamps, il s'est montr? chaque fois avec des livr?es diff?rentes. Apparemment qu'il n'a aucune raison de famille pour pr?f?rer une couleur ? une autre. N?anmoins le temps ?tait loin, le premier jour, d'?tre favorable: le vent ?tait si aigrement froid que je d?commandai la voiture que j'avais demand?e, et, au lieu d'aller ? Longchamps, nous rest?mes ? nous chauffer assis au coin du feu; avant trois heures, la terre ?tait d?j? couverte de neige. Le jour suivant promettant d'?tre meilleur, nous nous aventur?mes; mais le spectacle fut f?cheux; beaucoup de voitures ?taient ouvertes et les dames qui les occupaient frissonnaient dans leurs claires et flottantes robes de printemps. Car c'est ? Longchamps que paraissent d'abord les modes de la nouvelle saison; et avant cette promenade d?cisive personne ne peut dire, pour renseign? qu'il soit sur ce chapitre, quel chapeau, quelle ?charpe, quel schall, ou quelle couleur sera pr?f?r? par les ?l?gantes de Paris durant la saison ? venir. Cons?quemment les modistes avaient fait leur devoir et avanc? le printemps. Mais c'?tait une tristesse de voir tant de ravissantes branches de lilas, de gracieuses et flexibles cytises, dont chacune ?tait une oeuvre d'art, tordues et tortur?es, pli?es et cass?es par le vent. On e?t dit que le paresseux printemps, humili? de voir imiter si parfaitement les fleurs qu'il avait lui-m?me oubli? d'apporter, envoyait ce souffle incl?ment pour les d?truire. Tout fut ab?m?. Les rubans aux teintes tendres furent bient?t couverts de gr?sil; tandis que les plumes, au lieu de flotter, comme elles auraient d? sous la brise, livraient une furieuse bataille au vent.
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