Read Ebook: Raffael by Knackfuss H Hermann
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Ebook has 305 lines and 63325 words, and 7 pages
Annotator: Maurice Tourneux
M?MOIRES DE MARMONTEL
PUBLI?S AVEC PR?FACE, NOTES ET TABLES PAR MAURICE TOURNEUX
TOME PREMIER
PARIS
LIBRAIRIE DES BIBLIOPHILES
M DCCC XCI
PR?FACE
? la fin de 1795, l'encombrement des <
M?MOIRES D'UN P?RE POUR SERVIR ? L'INSTRUCTION DE SES ENFANS
LIVRE PREMIER
C'est pour mes enfans que j'?cris l'histoire de ma vie; leur m?re l'a voulu. Si quelque autre y jette les yeux, qu'il me pardonne des d?tails minutieux pour lui, mais que je crois int?ressans pour eux. Mes enfans ont besoin de recueillir les le?ons que le temps, l'occasion, l'exemple, les situations diverses par o? j'ai pass?, m'ont donn?es. Je veux qu'ils apprennent de moi ? ne jamais d?sesp?rer d'eux-m?mes, mais ? s'en d?fier toujours; ? craindre les ?cueils de la bonne fortune, et ? passer avec courage les d?troits de l'adversit?.
J'ai eu sur eux l'avantage de na?tre dans un lieu o? l'in?galit? de condition et de fortune ne se faisoit presque pas sentir. Un peu de bien, quelque industrie, ou un petit commerce, formoient l'?tat de presque tous les habitans de Bort, petite ville de Limosin o? j'ai re?u le jour. La m?diocrit? y tenoit lieu de richesse; chacun y ?toit libre et utilement occup?. Ainsi la fiert?, la franchise, la noblesse du naturel, n'y ?toient alt?r?es par aucune sorte d'humiliation, et nulle part le sot orgueil n'?toit plus mal re?u ni plus t?t corrig?. Je puis donc dire que, durant mon enfance, quoique n? dans l'obscurit?, je n'ai connu que mes ?gaux; de l? peut-?tre un peu de roideur que j'ai eue dans le caract?re, et que la raison m?me et l'?ge n'ont jamais assez amollie.
Bort, situ? sur la Dordogne, entre l'Auvergne et le Limosin, est effrayant au premier aspect pour le voyageur, qui, de loin, du haut de la montagne, le voit au fond d'un pr?cipice, menac? d'?tre submerg? par les torrens que forment les orages, ou ?cras? par une cha?ne de rochers volcaniques, les uns plant?s comme des tours sur la hauteur qui domine la ville, et les autres d?j? pendans et ? demi d?racin?s; mais Bort devient un s?jour riant lorsque l'oeil, rassur?, se prom?ne dans le vallon. Au-dessus de la ville, une ?le verdoyante que la rivi?re embrasse, et qu'animent le mouvement et le bruit d'un moulin, est un bocage peupl? d'oiseaux. Sur les deux bords de la rivi?re, des vergers, des prairies et des champs cultiv?s par un peuple laborieux, forment des tableaux vari?s. Au-dessous de la ville le vallon se d?ploie d'un c?t? en un vaste pr? que des sources d'eau vive arrosent, de l'autre en des champs couronn?s par une enceinte de collines dont la douce pente contraste avec les rochers oppos?s. Plus loin, cette enceinte est rompue par un torrent qui, des montagnes, roule et bondit ? travers des for?ts, des rochers et des pr?cipices, et vient tomber dans la Dordogne par une des plus belles cataractes du continent, soit pour le volume des eaux, soit pour la hauteur de leur chute; ph?nom?ne auquel il ne manque, pour ?tre renomm?, que de plus fr?quens spectateurs.
C'est pr?s de l? qu'est situ?e cette petite m?tairie de Saint-Thomas, o? je lisois Virgile ? l'ombre des arbres fleuris qui entouroient nos ruches d'abeilles, et o? je faisois de leur miel des go?ters si d?licieux. C'est de l'autre c?t? de la ville, au-dessus du moulin et sur la pente de la c?te, qu'est cet enclos o?, les beaux jours de f?te, mon p?re me menoit cueillir des raisins de la vigne que lui-m?me il avoit plant?e, ou des cerises, des prunes et des pommes des arbres qu'il avoit greff?s.
Mais ce qui, dans mon souvenir, fait le charme de ma patrie, c'est l'impression qui me reste des premiers sentimens dont mon ?me fut comme imbue et p?n?tr?e par l'inexprimable tendresse que ma famille avoit pour moi. Si j'ai quelque bont? dans le caract?re, c'est ? ces douces ?motions, ? ce bonheur habituel d'aimer et d'?tre aim?, que je crois le devoir. Ah! quel pr?sent nous fait le Ciel lorsqu'il nous donne de bons parens!
Je dus aussi beaucoup ? une certaine am?nit? de moeurs qui r?gnoit alors dans ma ville; et il falloit bien que la vie simple et douce qu'on y menoit e?t de l'attrait, puisqu'il n'y avoit rien de plus rare que de voir les enfans de Bort s'en ?loigner. Leur jeunesse ?toit cultiv?e, et, dans les coll?ges voisins, leur colonie se distinguoit; mais ils revenoient dans leur ville, comme un essaim d'abeilles ? la ruche apr?s le butin.
J'avois appris ? lire dans un petit couvent de religieuses, bonnes amies de ma m?re. Elles n'?levoient que des filles; mais, en ma faveur, elles firent une exception ? cette r?gle. Une demoiselle bien n?e, et qui, depuis longtemps, vivoit retir?e dans cet hospice, avoit eu la bont? d'y prendre soin de moi. Je dois bien ch?rir sa m?moire et celle des religieuses, qui m'aimoient comme leur enfant.
De l? je passai ? l'?cole d'un pr?tre de la ville, qui, gratuitement et par go?t, s'?toit vou? ? l'instruction des enfans. Fils unique d'un cordonnier, le plus honn?te homme du monde, cet eccl?siastique ?toit un vrai mod?le de la pi?t? filiale. J'ai encore pr?sent l'air de biens?ance et d'?gards mutuels qu'avoient l'un avec l'autre le vieillard et son fils, le premier n'oubliant jamais la dignit? du sacerdoce, ni le second la saintet? du caract?re paternel. L'abb? Vaissi?re , apr?s avoir rempli ses fonctions ? l'?glise, partageoit le reste de son temps entre la lecture et les le?ons qu'il nous donnoit. Dans le beau temps, un peu de promenade, et, quelquefois, pour exercice une partie de mail dans la prairie, ?toient ses seuls amusemens. Il ?toit s?rieux, s?v?re, et d'une figure imposante. Pour toute soci?t?, il avoit deux amis, gens estim?s dans notre ville. Ils ont v?cu ensemble dans la plus paisible intimit?, se r?unissant tous les jours et tous les jours se retrouvant les m?mes, sans alt?ration, sans refroidissement dans le plaisir de se revoir; et, pour compl?ment de bonheur, ils sont morts ? peu d'intervalle. Je n'ai gu?re vu d'exemple d'une si douce et si constante ?galit? dans le cours de la vie humaine.
? cette ?cole, j'avois un camarade qui fut pour moi, d?s mon enfance, un objet d'?mulation. Son air sage et pos?, son application ? l'?tude, le soin qu'il prenoit de ses livres, o? je n'apercevois jamais aucune tache, ses blonds cheveux toujours si bien peign?s, son habit toujours propre dans sa simplicit?, son linge toujours blanc, ?toient pour moi un exemple sensible; et il est rare qu'un enfant inspire ? un enfant l'estime que j'avois pour lui. Il s'appeloit Durant. Son p?re, laboureur d'un village voisin, ?toit connu du mien; j'allois en promenade, avec son fils, le voir dans son village. Comme il nous recevoit, ce bon vieillard en cheveux blancs! la bonne cr?me, le bon lait, le bon pain bis qu'il nous donnoit! et que d'heureux pr?sages il se plaisoit ? voir dans mon respect pour sa vieillesse! Que ne puis-je aller sur sa tombe semer des fleurs! Il doit reposer en paix, car de sa vie il ne fit que du bien. Vingt ans apr?s, nous nous sommes, son fils et moi, retrouv?s ? Paris sur des routes bien diff?rentes; mais je lui ai reconnu le m?me caract?re de sagesse et de biens?ance qu'il avoit ? l'?cole; et ce n'a pas ?t? pour moi une l?g?re satisfaction que celle de nommer un de ses enfans au bapt?me. Revenons ? mes premiers ans.
Mes le?ons de latin furent interrompues par un accident singulier. J'avois un grand d?sir d'apprendre, mais la nature m'avoit refus? le don de la m?moire. J'en avois assez pour retenir le sens de ce que je lisois, mais les mots ne laissoient aucune trace dans ma t?te; et, pour les y fixer, c'?toit la m?me peine que si j'avois ?crit sur un sable mouvant. Je m'obstinois ? suppl?er, par mon application, ? la foiblesse de mon organe; ce travail exc?da les forces de mon ?ge, mes nerfs en furent affect?s. Je devins comme somnambule: la nuit, tout endormi, je me levois sur mon s?ant, et, les yeux entr'ouverts, je r?citois ? haute voix les le?ons que j'avois apprises. <
Ce regret de mon p?re ?toit d'un homme sage, et je dois le justifier. J'?tois l'a?n? d'un grand nombre d'enfans; mon p?re, un peu rigide, mais bon par excellence sous un air de rudesse et de s?v?rit?, aimoit sa femme avec idol?trie. Il avoit bien raison: la plus digne des femmes, la plus int?ressante, la plus aimable dans son ?tat, c'?toit ma tendre m?re. Je n'ai jamais con?u comment, avec la simple ?ducation de notre petit couvent de Bort, elle s'?toit donn? et tant d'agr?ment dans l'esprit, et tant d'?l?vation dans l'?me, et singuli?rement, dans le langage et dans le style, ce sentiment des convenances si juste, si d?licat, si fin, qui sembloit ?tre en elle le pur instinct du go?t. Mon bon ?v?que de Limoges, le vertueux Co?tlosquet, m'a parl? souvent ? Paris, avec le plus tendre int?r?t, des lettres que lui avoit ?crites ma m?re en me recommandant ? lui.
Mon p?re avoit pour elle autant de v?n?ration que d'amour. Il ne lui reprochoit que son foible pour moi, et ce foible avoit une excuse: j'?tois le seul de ses enfans qu'elle avoit nourri de son lait; sa trop fr?le sant? ne lui avoit plus permis de remplir un devoir si doux. Sa m?re ne m'aimoit pas moins. Je crois la voir encore, cette bonne petite vieille: le charmant naturel! la douce et riante gaiet?! ?conome de la maison, elle pr?sidoit au m?nage, et nous donnoit ? tous l'exemple de la tendresse filiale: car elle avoit aussi sa m?re, et la m?re de son mari, dont elle avoit le plus grand soin. Je date d'un peu loin en parlant de mes bisa?eules; mais je me souviens bien qu'? l'?ge de quatre-vingts ans elles vivoient encore, buvant au coin du feu le petit coup de vin et se rappelant le vieux temps, dont elles nous faisoient des contes merveilleux.
Ajoutez au m?nage trois soeurs de mon a?eule, et la soeur de ma m?re, cette tante qui m'est rest?e; c'?toit au milieu de ces femmes et d'un essaim d'enfans que mon p?re se trouvoit seul: avec tr?s peu de bien tout cela subsistoit. L'ordre, l'?conomie, le travail, un petit commerce, et surtout la frugalit?, nous entretenoient dans l'aisance. Le petit jardin produisoit presque assez de l?gumes pour les besoins de la maison: l'enclos nous donnoit des fruits; et nos coings, nos pommes, nos poires, confits au miel de nos abeilles, ?toient, durant l'hiver, pour les enfans et pour les bonnes vieilles, les d?jeuners les plus exquis. Le troupeau de la bergerie de Saint-Thomas habilloit de sa laine tant?t les femmes et tant?t les enfans; mes tantes la filoient; elles filoient aussi le chanvre du champ qui nous donnoit du linge; et les soir?es o?, ? la lueur d'une lampe qu'alimentoit l'huile de nos noyers, la jeunesse du voisinage venoit teiller avec nous ce beau chanvre, formoient un tableau ravissant. La r?colte des grains de la petite m?tairie assuroit notre subsistance; la cire et le miel des abeilles, que l'une de mes tantes cultivoit avec soin, ?toient un revenu qui co?toit peu de frais; l'huile, exprim?e de nos noix encore fra?ches, avoit une saveur, une odeur, que nous pr?f?rions au go?t et au parfum de celle de l'olive. Nos galettes de sarrasin, humect?es, toutes br?lantes, de ce bon beurre du Mont-Dore, ?toient pour nous le plus friand r?gal. Je ne sais pas quel mets nous e?t paru meilleur que nos raves et nos ch?taignes; et en hiver, lorsque ces belles raves grilloient le soir ? l'entour du foyer, ou que nous entendions bouillonner l'eau du vase o? cuisoient ces ch?taignes si savoureuses et si douces, le coeur nous palpitoit de joie. Je me souviens aussi du parfum qu'exhaloit un beau coing r?ti sous la cendre, et du plaisir qu'avoit notre grand'm?re ? le partager entre nous. La plus sobre des femmes nous rendoit tous gourmands. Ainsi, dans un m?nage o? rien n'?toit perdu, de petits objets r?unis entretenoient une sorte d'aisance, et laissoient peu de d?pense ? faire pour suffire ? tous nos besoins. Le bois mort dans les for?ts voisines ?toit en abondance et presque en non-valeur; il ?toit permis ? mon p?re d'en tirer sa provision. L'excellent beurre de la montagne et les fromages les plus d?licats ?toient communs et co?toient peu; le vin n'?toit pas cher, et mon p?re lui-m?me en usoit sobrement.
Mais enfin, quoique bien modique, la d?pense de la maison ne laissoit pas d'?tre ? peu pr?s la mesure de nos moyens; et, quand je serois au coll?ge, la pr?voyance de mon p?re s'exag?roit les frais de mon ?ducation. D'ailleurs, il regardoit comme un temps assez mal employ? celui qu'on donnoit aux ?tudes: le latin, disoit-il, ne faisoit que des fain?ans. Peut-?tre aussi avoit-il quelque pressentiment du malheur que nous e?mes de nous le voir ravir par une mort pr?matur?e; et, en me faisant de bonne heure prendre un ?tat d'une utilit? moins tardive et moins incertaine, pensoit-il ? laisser un second p?re ? ses enfans. Cependant, press? par ma m?re, qui d?siroit passionn?ment qu'au moins son fils a?n? f?t ses ?tudes, il consentit ? me mener au coll?ge de Mauriac.
Accabl? de caresses, baign? de douces larmes et charg? de b?n?dictions, je partis donc avec mon p?re; il me portoit en croupe, et le coeur me battoit de joie; mais il me battit de frayeur quand mon p?re me dit ces mots: <
Apr?s nous avoir accueillis avec cette gr?ce touchante, et invit? mon p?re ? revenir savoir quel seroit le succ?s de l'examen que j'allois subir, me voyant encore bien timide, il commen?a par me rassurer; il me donna ensuite, pour ?preuve, un th?me: ce th?me ?toit rempli de difficult?s presque toutes insolubles pour moi. Je le fis mal, et apr?s l'avoir lu: <
Je fus log?, selon l'usage du coll?ge, avec cinq autres ?coliers, chez un honn?te artisan de la ville; et mon p?re, assez triste de s'en aller sans moi, m'y laissa avec mon paquet, et des vivres pour la semaine; ces vivres consistoient en un gros pain de seigle, un petit fromage, un morceau de lard et deux ou trois livres de boeuf; ma m?re y avoit ajout? une douzaine de pommes. Voil?, pour le dire une fois, quelle ?toit toutes les semaines la provision des ?coliers les mieux nourris du coll?ge. Notre bourgeoise nous faisoit la cuisine, et pour sa peine, son feu, sa lampe, ses lits, son logement, et m?me les l?gumes de son petit jardin qu'elle mettoit au pot, nous lui donnions par t?te vingt-cinq sous par mois; en sorte que, tout calcul?, hormis mon v?tement, je pouvois co?ter ? mon p?re de quatre ? cinq louis par an. C'?toit beaucoup pour lui, et il me tardoit de lui ?pargner cette d?pense.
Le lendemain de mon arriv?e, comme je me rendois le matin dans ma classe, je vis ? sa fen?tre mon r?gent, qui, du bout du doigt, me fit signe de monter chez lui. <
Je ne puis dire assez avec quel tendre z?le il prit soin de m'instruire et quel attrait il sut donner ? ses le?ons. Au seul nom de ma m?re, dont je lui parlois quelquefois, il sembloit en respirer l'?me; et, quand je lui communiquois les lettres o? l'amour maternel lui exprimoit sa reconnoissance, les larmes lui couloient des yeux.
Du mois d'octobre, o? nous ?tions, jusqu'aux f?tes de P?ques, il n'y eut point pour moi ni amusement, ni dissipation; mais, apr?s cette demi-ann?e, familiaris? avec toutes mes r?gles, ferme dans leur application, et comme d?gag? des ?pines de la syntaxe, je cheminai plus librement. D?s lors je fus l'un des meilleurs ?coliers de la classe, et peut-?tre le plus heureux: car j'aimois mon devoir, et, presque s?r de le faire assez bien, ce n'?toit pour moi qu'un plaisir. Le choix des mots et leur emploi, en traduisant de l'une en l'autre langue, m?me d?j? quelque ?l?gance dans la construction des phrases, commenc?rent ? m'occuper; et ce travail, qui ne va point sans l'analyse des id?es, me fortifia la m?moire. Je m'aper?us que c'?toit l'id?e attach?e au mot qui lui faisoit prendre racine; et la r?flexion me fit bient?t sentir que l'?tude des langues ?toit aussi l'art de d?m?ler les nuances de la pens?e, de la d?composer, d'en former le tissu, d'en saisir avec pr?cision les caract?res et les rapports; qu'avec les mots autant de nouvelles id?es s'introduisoient et se d?veloppoient dans la t?te des jeunes gens; et qu'ainsi les premi?res classes ?toient un cours de philosophie ?l?mentaire bien plus riche, plus ?tendu et plus r?ellement utile qu'on ne pense, lorsqu'on se plaint que, dans les coll?ges, on n'apprenne que du latin.
Ce fut ce travail de l'esprit que me fit observer, dans l'?tude des langues, un vieillard ? qui mon r?gent m'avoit recommand?. Ce vieux j?suite, le P. Bourzes, ?toit l'un des hommes les plus vers?s dans la connoissance de la bonne latinit?. Charg? de suivre et d'achever le travail du P. Vani?re, dans son dictionnaire po?tique latin, il avoit humblement demand? ? faire en m?me temps la classe de cinqui?me dans ce petit coll?ge des montagnes d'Auvergne. Il se prit d'int?r?t pour moi, et m'invita ? l'aller voir les matins des jours de cong?. Vous croyez bien que je n'y manquois pas, et il avoit la bont? de donner ? mon instruction quelquefois des heures enti?res. H?las! le seul office que je pouvois lui rendre ?toit de lui servir la messe; mais c'?toit un m?rite ? ses yeux, et voici pourquoi.
Ce bon vieillard ?toit, dans ses pri?res, tourment? de scrupules pour des distractions dont il se d?fendoit avec la plus p?nible contention d'esprit: c'?toit surtout en disant la messe qu'il redoubloit d'efforts pour fixer sa pens?e ? chaque mot qu'il pronon?oit; et, lorsqu'il en venoit aux paroles du sacrifice, les gouttes de sueur tomboient de son front chauve et prostern?. Je voyois tout son corps fr?mir de respect et d'effroi, comme s'il avoit vu les vo?tes du ciel s'entr'ouvrir sur l'autel et le Dieu vivant y descendre. Il n'y eut jamais d'exemple d'une foi plus vive et plus profonde: aussi, apr?s avoir rempli ce saint devoir, en ?toit-il comme ?puis?.
Il se d?lassoit avec moi par le plaisir qu'il avoit ? m'instruire, et par celui que j'avois moi-m?me ? recevoir ses instructions. Ce fut lui qui m'apprit que l'ancienne litt?rature ?toit une source intarissable de richesses et de beaut?s, et qui m'en donna cette soif que soixante ans d'?tude n'ont pas encore ?teinte. Ainsi, dans un coll?ge obscur, je me trouvois avoir pour ma?tre un des hommes les plus lettr?s qui fussent peut-?tre au monde; mais je n'eus pas longtemps ? jouir de cet avantage: le P. Bourzes fut transf?r?, et, six ans apr?s, je le retrouvai dans la maison professe de Toulouse, infirme et presque d?laiss?. C'?toit un vice bien odieux, dans le r?gime et les moeurs des j?suites, que cet abandon des vieillards! L'homme le plus laborieux, le plus longtemps utile, d?s qu'il cessoit de l'?tre, ?toit mis au rebut; duret? insens?e autant qu'elle ?toit inhumaine, parmi des ?tres vieillissans, et dont chacun seroit rebut? ? son tour.
? l'?gard de notre coll?ge, son caract?re distinctif ?toit une police exerc?e par les ?coliers sur eux-m?mes. Les chambr?es r?unissoient des ?coliers de diff?rentes classes, et parmi eux l'autorit? de l'?ge ou celle du talent, naturellement ?tablie, mettoit l'ordre et la r?gle dans les ?tudes et dans les moeurs.. Ainsi l'enfant qui, loin de sa famille, sembloit hors de la classe ?tre abandonn? ? lui-m?me, ne laissoit pas d'avoir parmi ses camarades des surveillans et des censeurs. On travailloit ensemble et autour de la m?me table; c'?toit un cercle de t?moins qui, sous les yeux des uns et des autres, s'imposoient r?ciproquement le silence et l'attention. L'?colier oisif s'ennuyoit d'une immobilit? muette et se lassoit bient?t de son oisivet?; l'?colier inhabile, mais appliqu?, se faisoit plaindre; on l'aidoit, on l'encourageoit; si ce n'?toit pas le talent, c'?toit la volont? qu'on estimoit en lui; mais il n'y avoit ni indulgence ni piti? pour le paresseux incurable; et, lorsqu'une chambr?e enti?re ?toit atteinte de ce vice, elle ?toit comme d?shonor?e: tout le coll?ge la m?prisoit, et les parens ?toient avertis de n'y pas mettre leurs enfans. Nos bourgeois avoient donc eux-m?mes un grand int?r?t ? ne loger que des ?coliers studieux. J'en ai vu renvoyer uniquement pour cause de paresse et d'indiscipline. Ainsi, dans presque aucun de ces groupes d'enfans, l'oisivet? n'?toit soufferte; jamais l'amusement et la dissipation ne venoient qu'apr?s le travail.
Un usage, que je n'ai vu ?tabli que dans ce coll?ge, y donnoit aux ?tudes, vers la fin de l'ann?e, un redoublement de ferveur. Pour monter d'une classe ? une autre, il y avoit un s?v?re examen ? subir, et l'une des t?ches que nous avions ? remplir pour cet examen ?toit un travail de m?moire. Selon la classe, c'?toit, pour la po?sie, du Ph?dre ou de l'Ovide, ou du Virgile ou de l'Horace, et, pour la prose, du Cic?ron, du Tite-Live, du Quinte-Curce ou du Salluste; le tout ensemble, ? retenir par coeur, formoit une masse d'?tudes assez consid?rable. On s'y prenoit de loin; et ce travail, pour ne pas empi?ter sur nos ?tudes accoutum?es, se faisoit d?s le point du jour jusqu'? la classe du matin. Il se faisoit dans la campagne, o?, divis?s par bandes, et, chacun son livre ? la main, nous allions bourdonnant comme de vrais essaims d'abeilles. Dans la jeunesse, il est p?nible de s'arracher au sommeil du matin; mais les plus diligens de la bande faisoient violence aux plus tardifs; moi-m?me bien souvent je me sentois tirer de mon lit encore endormi; et, si depuis j'ai eu dans l'organe de la m?moire un peu plus de souplesse et de docilit?, je le dois ? cet exercice.
L'esprit d'ordre et d'?conomie ne distinguoit pas moins que le go?t du travail notre police scolastique. Les nouveaux venus, les plus jeunes, apprenoient des anciens ? soigner leurs habits, leur linge, ? conserver leurs livres, ? m?nager leurs provisions. Tous les morceaux de lard, de boeuf ou de mouton que l'on mettoit dans la marmite, ?toient proprement enfil?s comme des grains de chapelet; et, si dans le m?nage il survenoit quelques d?bats, la bourgeoise en ?toit l'arbitre. Quant aux morceaux friands qu'? certains jours de f?tes nos familles nous envoyoient, le r?gal en ?toit commun, et ceux qui ne recevoient rien n'en ?toient pas moins convi?s. Je me souviens avec plaisir de l'attention d?licate qu'avoient les plus fortun?s de la troupe ? ne pas faire sentir aux autres cette affligeante in?galit?. Lorsqu'il nous arrivoit quelqu'un de ces pr?sens, la bourgeoise nous l'annon?oit; mais il lui ?toit d?fendu de nommer celui de nous qui l'avoit re?u, et lui-m?me il auroit rougi de s'en vanter. Cette discr?tion faisoit, dans mes r?cits, l'admiration de ma m?re.
Nos r?cr?ations se passoient en exercices ? l'antique: en hiver, sur la glace, au milieu de la neige; dans le beau temps, au loin dans la campagne, ? l'ardeur du soleil; et ni la course, ni la lutte, ni le pugilat, ni le jeu de disque et de la fronde, ni l'art de la natation, n'?toient ?trangers pour nous. Dans les chaleurs, nous allions nous baigner ? plus d'une lieue de la ville; pour les petits, la p?che des ?crevisses dans les ruisseaux; pour les grands, celles des anguilles et des truites dans les rivi?res, ou la chasse des cailles au filet apr?s la moisson, ?toient nos plaisirs les plus vifs; et, au retour d'une longue course, malheur aux champs d'o? les pois verts n'?toient pas encore enlev?s! Aucun de nous n'auroit ?t? capable de voler une ?pingle; mais dans notre morale il avoit pass? en maxime que ce qui se mangeoit n'?toit pas un larcin. Je m'abstenois tant qu'il m'?toit possible de cette esp?ce de pillage; mais, sans y avoir coop?r?, il est vrai cependant que j'y participois, d'abord en fournissant mon contingent de lard pour l'assaisonnement des pois, et puis en les mangeant avec tous les complices. Faire comme les autres me sembloit un devoir d'?tat dont je n'osois me dispenser; sauf ? capituler ensuite avec mon confesseur, en restituant ma part du larcin en aum?nes.
Cependant je voyois dans une classe au-dessus de la mienne un ?colier dont la sagesse et la vertu se conservoient inalt?rables, et je me disois ? moi-m?me que le seul bon exemple ? suivre ?toit le sien; mais, en le regardant avec des yeux d'envie, je n'osois croire avoir le droit de me distinguer comme lui. Amalvy ?toit consid?r? dans le coll?ge ? tant de titres, et tellement hors de pair au milieu de nous, qu'on trouvoit naturel et juste l'esp?ce d'intervalle qu'il laissoit entre nous et lui. Dans ce rare jeune homme, toutes les qualit?s de l'esprit et de l'?me sembloient s'?tre accord?es pour le rendre accompli. La nature l'avait dou? de cet ext?rieur que l'on croiroit devoir ?tre r?serv? au m?rite. Sa figure ?toit noble et douce, sa taille haute, son maintien grave, son air s?rieux, mais serein. Je le voyois arriver au coll?ge ayant toujours ? ses c?t?s quelques-uns de ses condisciples, qui ?toient fiers de l'accompagner. Social avec eux, sans ?tre familier, il ne se d?pouilloit jamais de cette dignit? que donne l'habitude de primer entre ses semblables. La croix, qui ?toit l'empreinte de cette primaut?, ne quittoit point sa boutonni?re; pas un m?me n'osoit pr?tendre ? la lui enlever. Je l'admirois, j'avois du plaisir ? le voir, et, toutes les fois que je l'avois vu, je m'en allois m?content de moi-m?me. Ce n'?toit pas qu'? force de travail je ne fusse, d?s la troisi?me, assez distingu? dans ma classe; mais j'avois deux ou trois rivaux; Amalvy n'en avoit aucun. Je n'avois point acquis dans mes compositions cette constance de succ?s qui nous ?tonnoit dans les siennes, et j'avois encore moins cette m?moire facile et s?re dont Amalvy ?toit dou?. Il ?toit plus ?g? que moi; c'?toit ma seule consolation, et mon ambition ?toit de l'?galer lorsque je serois ? son ?ge. En d?m?lant, autant qu'il m'est possible, ce qui se passoit dans mon ?me, je puis dire avec v?rit? que dans ce sentiment d'?mulation ne se glissa jamais le malin vouloir de l'envie: je ne m'affligeois pas qu'il y e?t au monde un Amalvy, mais j'aurois demand? au Ciel qu'il y en e?t deux, et que je fusse le second.
Un avantage, plus pr?cieux encore que l'?mulation, ?toit dans ce coll?ge l'esprit de religion qu'on avoit soin d'y entretenir. Quel pr?servatif salutaire, pour les moeurs de l'adolescence, que l'usage et l'obligation d'aller tous les mois ? confesse! La pudeur de cet humble aveu de ses fautes les plus cach?es en ?pargnoit peut-?tre un plus grand nombre que tous les motifs les plus saints.
Ce fut donc ? Mauriac, depuis onze ans jusqu'? quinze, que je fis mes humanit?s, et en rh?torique je me soutins presque habituellement le premier de ma classe. Ma bonne m?re en ?toit ravie. Lorsque mes vestes de basin lui ?toient renvoy?es, elle regardoit vite si la cha?ne d'argent qui suspendoit la croix avoit noirci ma boutonni?re; et, lorsqu'elle y voyoit cette marque de mon triomphe, toutes les m?res du voisinage ?toient instruites de sa joie; nos bonnes religieuses en rendoient gr?ces au Ciel; mon cher abb? Vaissi?re en ?toit rayonnant de gloire. Le plus doux de mes souvenirs est encore celui du bonheur dont je faisois jouir ma m?re; mais autant j'avois de plaisir ? l'instruire de mes succ?s, autant je prenois soin de lui dissimuler mes peines: car j'en ?prouvois quelquefois d'assez vives pour l'affliger, s'il m'en f?t ?chapp? la plus l?g?re plainte. Telle fut, en troisi?me, la querelle que je me fis avec le P. By, le pr?fet du coll?ge, pour la bourr?e d'Auvergne; et tel fut le danger que je courus d'avoir le fouet, en seconde et en rh?torique, une fois pour avoir dict? une bonne amplification, une autre fois pour ?tre all? voir la machine d'une horloge. Heureusement je me tirai de tous ces mauvais pas sans accident, et m?me avec un peu de gloire.
Mon r?gent de seconde n'?toit plus ce P. Malosse qui m'avoit tant aim?: c'?toit un P. Decebi?, aussi sec, aussi aigre que l'autre ?toit liant et doux. Sans beaucoup d'esprit, ni, je crois, beaucoup de savoir, Decebi? ne laissoit pas de mener assez bien sa classe. Il avoit singuli?rement l'art d'exciter notre ?mulation en nous piquant de jalousie. Pour peu qu'un ?colier inf?rieur e?t moins mal fait que de coutume, il l'exaltoit d'un air qui sembloit faire craindre aux meilleurs un nouveau rival. Ce fut dans cet esprit que, rappelant un jour certaine amplification qu'un ?colier m?diocre passoit pour avoir faite, il nous d?fia tous de faire jamais aussi bien. Or, on savoit de quelle main ?toit cette amplification si excessivement vant?e. Le secret en ?toit gard?, car il ?toit s?v?rement d?fendu dans la classe de faire le devoir d'autrui. Mais l'impatience d'entendre louer ? l'exc?s un m?rite emprunt? ne put se contenir: <
Il y avoit au moins deux coupables; le r?gent n'en voulut voir qu'un, et son d?pit tomba sur moi. Confus, ?tourdi de col?re, il fit appeler le correcteur pour me ch?tier, disoit-il, comme je l'avois m?rit?: au nom du correcteur, je faisois mon paquet de livres et j'allois quitter le coll?ge. D?s lors plus d'?tudes pour moi, et mon destin changeoit de face; mais ce sentiment d'?quit? naturelle qui, dans le premier ?ge, est si vif et si prompt, ne permit pas ? mes condisciples de me laisser abandonn?. <
Tout le coll?ge approuva sa cl?mence, ? l'exception du pr?fet, qui soutint que c'?toit un acte de foiblesse, et que contre la r?bellion jamais il ne falloit mollir. Lui-m?me, un an apr?s, il voulut exercer sur moi cette rigueur dont il faisoit une maxime; mais il apprit qu'au moins falloit-il ?tre juste avant que d'?tre rigoureux.
Nous n'avions plus qu'un mois de rh?torique ? faire pour n'?tre plus sous sa puissance, lorsqu'il me trouva dans la liste des ?coliers qu'il vouloit punir d'une faute sans vraisemblance, et dont j'?tois pleinement innocent. Dans le clocher des B?n?dictins, ? deux pas du coll?ge, on r?paroit l'horloge; curieux d'en voir le m?canisme, des ?coliers de diff?rentes classes ?toient mont?s dans ce clocher. Soit maladresse de l'ouvrier, soit quelque accident que j'ignore, l'horloge n'alloit point; il ?toit aussi difficile que d'?paisses roues de fer eussent ?t? d?rang?es par des enfans que rong?es par des souris; mais l'horloger les en accusa, et le pr?fet re?ut sa plainte. Le lendemain, ? l'heure de la classe du soir, il me fait appeler; je me rends dans sa chambre; j'y trouve dix ? douze ?coliers rang?s en haie autour du mur, et au milieu le correcteur, et ce pr?fet terrible qui successivement les faisoit fustiger. En me voyant, il me demanda si j'?tois du nombre de ceux qui ?toient mont?s ? l'horloge; et, lui ayant r?pondu que j'y ?tois mont?, il me marqua du doigt ma place dans le cercle de mes complices, et se mit ? poursuivre son ex?cution. Vous croyez bien que ma r?solution de lui ?chapper fut bient?t prise. Je saisis le moment o? il tenoit une de ses victimes qui se d?battoit sous sa main, et tout d'un temps j'ouvris la porte et je m'enfuis. Il s'?lan?a pour m'attraper; mais il manqua sa proie, et j'en fus quitte pour un pan d'habit d?chir?.
Je me r?fugiai dans ma classe, o? le r?gent n'?toit pas encore. Mon habit d?chir?, mon trouble, la frayeur, ou plut?t l'indignation dont j'?tois rempli, me tinrent lieu d'exorde pour m'attirer l'attention. <
Ma harangue avoit excit? de grands mouvemens d'indignation; mais la conclusion fit plus d'effet que tout le reste. Jamais p?roraison n'entra?na les esprits avec tant de rapidit?. <
? travers les aust?res biens?ances de son ?tat, sa sinc?rit? naturelle laissoit percer des traits de force et de fiert? qui auroient mieux convenu au courage d'un militaire qu'? l'esprit d'un religieux. Je me souviens qu'un jour l'un de nos condisciples, t?te rustique et dure, lui ayant mal r?pondu, il s'?lan?a brusquement de sa chaire, et, arrachant avec ?clat un ais de ch?ne du plancher de la classe: <
Cependant, pour n'avoir aucun reproche ? essuyer, le P. Balme fit pour nous retenir tout ce qu'exigeoit son devoir; raisons et sentimens, il mit tout en usage. Ses efforts furent inutiles: il ne nous en estima pas moins, et il m'en aima davantage. <
Mes petites vacances de No?l se passoient ? jouir, mes parens et moi, de notre tendresse mutuelle, sans d'autre diversion que celle des devoirs de biens?ance et d'amiti?. Comme la saison ?toit rude, ma volupt? la plus sensible ?toit de me trouver ? mon aise aupr?s d'un bon feu: car ? Mauriac, dans le temps m?me du froid le plus aigu, quand les glaces nous assi?geoient, et lorsque, pour aller en classe, il falloit nous tracer nous-m?mes, tous les matins, un chemin dans la neige, nous ne retrouvions au logis que le feu de quelques tisons qui se baisoient sous la marmite, et auxquels ? peine tour ? tour nous ?toit-il permis de d?geler nos doigts; encore le plus souvent, nos h?tes assi?geant la chemin?e, ?toit-ce une faveur de nous en laisser approcher, et le soir, durant le travail, quand nos doigts engourdis de froid ne pouvoient plus tenir la plume, la flamme de la lampe ?toit le seul foyer o? nous pouvions les d?gourdir. Quelques-uns de mes camarades, qui, n?s sur la montagne et endurcis au froid, l'enduroient mieux que moi, m'accusoient de d?licatesse; et, dans une chambre o? la bise siffloit par les fentes des vitres, ils trouvoient ridicule que je fusse transi, et se moquoient de mes frissons. Je me reprochois ? moi-m?me d'?tre si frileux et si foible, et j'allois avec eux sur la glace, au milieu des neiges, m'accoutumer, s'il ?toit possible, aux rigueurs de l'hiver; je domptois la nature, je ne la changeois pas, et je n'apprenois qu'? souffrir. Ainsi, quand j'arrivois chez moi, et que, dans un bon lit ou au coin d'un bon feu, je me sentois tout ranim?, c'?toit pour moi l'un des momens les plus d?licieux de la vie; jouissance que la mollesse ne m'auroit jamais fait conno?tre.
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