Read Ebook: De l'Amour Édition revue et corrigée et précédée d'une étude sur les oeuvres de Stendhal par Sainte-Beuve by Stendhal Sainte Beuve Charles Augustin Editor
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Ebook has 161 lines and 25585 words, and 4 pages
in. L'acad?mie de la Crusca l'a admise parmi les ouvrages qui ont fourni des exemples pour son dictionnaire.
Une seconde ?dition de 1610 porte ce titre:
Une troisi?me ?dition porte: <
Andr? divise ainsi m?thodiquement le sujet qu'il se propose de traiter:
Ce qu'est l'amour et d'o? il prend nom.
Quel est l'effet d'amour.
Entre quelles personnes peut exister amour.
De quelle fa?on l'amour s'acquiert, se conserve, augmente, diminue, finit.
A quels signes conna?t-on d'?tre aim?, et ce que doit faire l'un des amants quand l'autre manque ? sa foi.
Chacune de ces questions est trait?e en plusieurs paragraphes.
Andr? fait parler alternativement l'amant et la dame. La dame fait des objections, l'amant cherche ? la convaincre par des raisons plus ou moins subtiles. Voici un passage que l'auteur met dans la bouche de l'amant:
... Sed si forte horum sermonum te perturbet obscuritas, eorum tibi sententiam indicabo.
Mais si par hasard l'obscurit? de ce discours vous embarrasse, je vais vous en donner le sommaire.
De toute antiquit? il y a en amour quatre degr?s diff?rents:
Le premier consiste ? donner des esp?rances, le second dans l'offre du baiser.
Le troisi?me dans la jouissance des embrassements les plus intimes.
Le quatri?me dans l'octroi de toute la personne.
Ab antiquo igitur quatuor sunt in amore gradus distincti:
LE RAMEAU DE SALZBOURG
Aux mines de sel de Hallein, pr?s de Salzbourg, les mineurs jettent dans les profondeurs abandonn?es de la mine un rameau d'arbre effeuill? par l'hiver; deux ou trois mois apr?s, par l'effet des eaux charg?es de parties salines, qui humectent ce rameau et ensuite le laissent ? sec en se retirant, ils le trouvent tout couvert de cristallisations brillantes. Les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la patte d'une m?sange, sont incrust?es d'une infinit? de petits cristaux mobiles et ?blouissants. On ne peut plus reconna?tre le rameau primitif; c'est un petit jouet d'enfant tr?s joli ? voir. Les mineurs d'Hallein ne manquent pas, quand il fait un beau soleil et que l'air est parfaitement sec, d'offrir de ces rameaux de diamants aux voyageurs qui se pr?parent ? descendre dans la mine. Cette descente est une op?ration singuli?re. On se met ? cheval sur d'immenses troncs de sapin, plac?s en pente ? la suite les uns des autres. Ces troncs de sapin sont fort gros et l'office de cheval, qu'ils font depuis un si?cle ou deux, les a rendus compl?tement lisses. Devant la selle, sur laquelle vous ?tes pos? et qui glisse sur les troncs de sapin plac?s bout ? bout, s'?tablit un mineur qui, assis sur son tablier de cuir, glisse devant vous et se charge de vous emp?cher de descendre trop vite.
Avant d'entreprendre ce voyage rapide, les mineurs engagent les dames ? se rev?tir d'un immense pantalon de serge grise, dans lequel entre leur robe, ce qui leur donne la tournure la plus comique. Je visitai ces mines si pittoresques d'Hallein, dans l'?t? de 18..., avec Mme Gherardi. D'abord, il n'avait ?t? question que de fuir la chaleur insupportable que nous ?prouvions ? Bologne, et d'aller prendre le frais au mont Saint-Gothard. En trois nuits nous e?mes travers? les marais pestilentiels de Mantoue et le d?licieux lac de Garde, et nous arriv?mes ? Riva, ? Bolzano, ? Inspruck.
Mme Gherardi trouva ces montagnes si jolies, que, partis pour une promenade, nous fin?mes par un voyage. Suivant les rives de l'Inn et ensuite celles de la Salza, nous descend?mes jusqu'? Salzbourg. La fra?cheur charmante de ce revers des Alpes, du c?t? du Nord, compar?e ? l'air ?touff? et ? la poussi?re que nous venions de laisser dans la plaine de Lombardie, nous donnait chaque matin un plaisir nouveau et nous engageait ? pousser plus avant. Nous achet?mes des vestes de paysans ? Golling. Souvent nous trouvions de la difficult? ? nous loger et m?me ? vivre; car notre caravane ?tait nombreuse; mais ces embarras, ces malheurs, ?taient des plaisirs.
Nous arriv?mes de Golling ? Hallein, ignorant jusqu'? l'existence de ces jolies mines de sel dont je parlais. Nous y trouv?mes une nombreuse soci?t? de curieux, au milieu desquels nous d?but?mes en vestes de paysans et nos dames avec d'?normes capotes de paysannes, dont elles s'?taient pourvues. Nous all?mes ? la mine sans la moindre id?e de descendre dans les galeries souterraines; la pens?e de se mettre ? cheval pour une route de trois quarts de lieue, sur une monture de bois, semblait singuli?re, et nous craignions d'?touffer au fond de ce vilain trou noir. Mme Gherardi le consid?ra un instant et d?clara que, pour elle, elle allait descendre et nous laissait toute libert?.
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A ce moment Mme Gherardi jouait avec le joli rameau couvert de diamants mobiles, que les mineurs venaient de lui donner. Il faisait un beau soleil: c'?tait le 3 ao?t, et les petits prismes salins jetaient autant d'?clat que les beaux diamants dans une salle de bal fort ?clair?e. L'officier bavarois, ? qui ?tait ?chu un rameau plus singulier et plus brillant, demanda ? Mme Gherardi de changer avec lui. Elle y consentit; en recevant ce rameau il le pressa sur son coeur avec un mouvement si comique, que tous les Italiens se mirent ? rire. Dans son trouble, l'officier adressa ? Mme Gherardi les compliments les plus exag?r?s et les plus sinc?res. Comme je l'avais pris sous ma protection, je cherchais ? justifier la folie de ses louanges. Je disais ? Ghita: < --Eh bien! que voulez-vous conclure de l?? dit Mme Gherardi. --Que ce rameau repr?sente fid?lement la Ghita, telle que l'imagination de ce jeune officier la voit. --C'est-?-dire, monsieur, que vous apercevez autant de diff?rence entre ce que je suis en r?alit? et la mani?re dont me voit cet aimable jeune homme qu'entre une petite branche de charmille dess?ch?e et la jolie aigrette de diamants que ces mineurs m'ont offerte. L'air grande dame. --C'est, repris-je, ce qui fait que les propos des amants semblent si ridicules aux gens sages, qui ignorent le ph?nom?ne de la cristallisation. Cette image, singuli?re peut ?tre, frappa l'imagination de Mme Gherardi, et quand nous f?mes arriv?s dans la grande salle de la mine, illumin?e par cent petites lampes qui paraissaient ?tre dix mille, ? cause des cristaux de sel qui les refl?taient de tous c?t?s: < Un soir, quelqu'un vint nous donner la nouvelle que la princesse Lanfranchi et la belle Florenza se disputaient le coeur du jeune peintre Oldofredi. La pauvre princesse semblait en ?tre r?ellement ?prise, et le jeune artiste milanais ne paraissait occup? que des charmes de Florenza. On se demandait: < A ces mots, Annibal se leva furieux, et sortit de la loge en nous disant: < Pendant que Mme Gherardi parlait, je pris une carte ? jouer, sur le revers de laquelle j'?crivis Rome d'un c?t? et Bologne de l'autre, et, entre Bologne et Rome, les quatre g?tes que Mme Gherardi venait d'indiquer. Mme Gherardi continua: < Tout est oppos? entre la France et l'Italie. Par exemple, les richesses, la haute naissance, l'?ducation parfaite, disposent ? l'amour au del? des Alpes, et en ?loignent en France. ERNESTINE LA NAISSANCE DE L'AMOUR AVERTISSEMENT Une femme de beaucoup d'esprit et de quelque exp?rience pr?tendait un jour que l'amour ne na?t pas aussi subitement qu'on le dit. < Dans une ?me parfaitement indiff?rente, une jeune fille habitant un ch?teau isol?, au fond d'une campagne, le plus petit ?tonnement excite profond?ment l'attention. Par exemple, un jeune chasseur qu'elle aper?oit ? l'improviste, dans le bois, pr?s du ch?teau. Ce fut par un ?v?nement aussi simple que commenc?rent les malheurs d'Ernestine de S... Le ch?teau qu'elle habitait seule, avec son vieil oncle, le comte de S..., b?ti dans le moyen ?ge, pr?s des bords du Drac, sur une des roches immenses qui resserrent le cours de ce torrent, dominait un des plus beaux sites du Dauphin?. Ernestine trouva que le jeune chasseur offert par le hasard ? sa vue avait l'air noble. Son image se pr?senta plusieurs fois ? sa pens?e: car ? quoi songer dans cet antique manoir?--Elle y vivait au sein d'une sorte de magnificence; elle y commandait ? un nombreux domestique; mais depuis vingt ans que le ma?tre et les gens ?taient vieux, tout s'y faisait toujours ? la m?me heure; jamais la conversation ne commen?ait que pour bl?mer tout ce qui se fait et s'attrister des choses les plus simples. Un soir de printemps, le jour allait finir, Ernestine ?tait ? sa fen?tre; elle regardait le petit lac et le bois qui est au del?: l'extr?me beaut? de ce paysage contribuait peut-?tre ? la plonger dans une sombre r?verie. Tout ? coup elle revit ce jeune chasseur qu'elle avait aper?u quelques jours auparavant; il ?tait encore dans le petit bois au del? du lac; il tenait un bouquet de fleurs ? la main; il s'arr?ta comme pour la regarder; elle le vit donner un baiser ? ce bouquet et ensuite le placer avec une sorte de respect dans le creux d'un grand ch?ne sur le bord du lac. Que de pens?es cette seule action fit na?tre! et que de pens?es d'un int?r?t tr?s vif, si on les compare aux sensations monotones qui, jusqu'? ce moment, avaient rempli la vie d'Ernestine! Une nouvelle existence commence pour elle; osera-t-elle aller voir ce bouquet? < La nuit, Ernestine put ? peine fermer l'oeil; le lendemain, d?s cinq heures du matin, ? peine l'aurore a-t-elle paru, qu'elle monte dans les combles du ch?teau. Ses yeux cherchent le grand ch?ne au del? du lac; ? peine l'a-t-elle aper?u, qu'elle reste immobile et comme sans respiration. Le bonheur si agit? des passions succ?de au contentement sans objet et presque machinal de la premi?re jeunesse. Dix jours s'?coulent. Ernestine compte les jours! Une fois seulement, elle a vu le jeune chasseur; il s'est approch? de l'arbre ch?ri, et il avait un bouquet qu'il y a plac? comme le premier.--Le vieux comte de S... remarque qu'elle passe sa vie ? soigner une voli?re qu'elle a ?tablie dans les combles du ch?teau; c'est qu'assise aupr?s d'une petite fen?tre dont la persienne est ferm?e, elle domine toute l'?tendue du bois au del? du lac. Elle est bien s?re que son inconnu ne peut l'apercevoir, et c'est alors qu'elle pense ? lui sans contrainte. Une id?e lui vient et la tourmente. S'il croit qu'on ne fait aucune attention ? ses bouquets, il en conclura qu'on m?prise son hommage, qui, apr?s tout, n'est qu'une simple politesse, et, pour peu qu'il ait l'?me bien plac?e, il ne para?tra plus. Quatre jours s'?coulent encore, mais avec quelle lenteur! Le cinqui?me, la jeune fille, passant par hasard aupr?s du grand ch?ne, n'a pu r?sister ? la tentation de jeter un coup d'oeil sur le petit creux o? elle a vu d?poser les bouquets. Elle ?tait avec sa gouvernante et n'avait rien ? craindre. Ernestine pensait bien ne trouver que des fleurs fan?es; ? son inexprimable joie, elle voit un bouquet compos? des fleurs les plus rares et les plus jolies; il est d'une fra?cheur ?blouissante; pas un p?tale des fleurs les plus d?licates n'est fl?tri. A peine a-t-elle aper?u tout cela du coin de l'oeil, que, sans perdre de vue sa gouvernante, elle a parcouru avec la l?g?ret? d'une gazelle toute cette partie du bois ? cent pas ? la ronde. Elle n'a vu personne; bien s?re de n'?tre pas observ?e, elle revient au grand ch?ne, elle ose regarder avec d?lices le bouquet charmant. O ciel! il y a un petit papier presque imperceptible, il est attach? au noeud du bouquet. < < Tout est ravissant dans ce joli billet; l'?criture anglaise qui tra?a ces mots est de la forme la plus ?l?gante. Depuis quatre ans qu'elle a quitt? Paris et le couvent le plus ? la mode du faubourg Saint-Germain, Ernestine n'a rien vu d'aussi joli. Tout ? coup elle rougit beaucoup, elle se rapproche de sa gouvernante, et l'engage ? retourner au ch?teau. Pour y arriver plus vite, au lieu de remonter dans le vallon et de faire le tour du lac comme de coutume, Ernestine prend le sentier du petit pont qui m?ne au ch?teau en ligne droite. Elle est pensive, elle se promet de ne plus revenir de ce c?t?; car enfin elle vient de d?couvrir que c'est une esp?ce de billet qu'on a os? lui adresser. Cependant, il n'?tait pas ferm?, se dit-elle tout bas. De ce moment sa vie est agit?e par une affreuse anxi?t?. Quoi donc! ne peut-elle pas, m?me de loin, aller revoir l'arbre ch?ri? Le sentiment du devoir s'y oppose. < Le lendemain, en plein midi, par le soleil du mois d'ao?t, comme elle se promenait avec son oncle sous l'all?e de platanes le long du lac, elle voit sur l'autre rive le jeune homme s'approcher du grand ch?ne; il saisit son bouquet, le jette dans le lac et dispara?t. Ernestine a l'id?e qu'il y avait du d?pit dans son geste, bient?t elle n'en doute plus. Elle s'?tonne d'avoir pu en douter un seul instant; il est ?vident que, se voyant m?pris?, il va partir; jamais elle ne le reverra. Ce jour-l? on est fort inquiet au ch?teau, o? elle seule r?pand quelque gaiet?. Son oncle prononce qu'elle est d?cid?ment indispos?e; une p?leur mortelle, une certaine contraction dans les traits, ont boulevers? cette figure na?ve, o? se peignaient nagu?re les sensations si tranquilles de la premi?re jeunesse. Le soir, quand l'heure de la promenade est venue, Ernestine ne s'oppose point ? ce que son oncle la dirige vers la pelouse au del? du lac. Elle regarde en passant, et d'un oeil morne o? les larmes sont ? peine retenues, la petite cachette ? trois pieds au-dessus du sol, bien s?re de n'y rien trouver; elle a trop bien vu jeter le bouquet dans le lac. Mais, ? surprise! elle en aper?oit un autre.--< A peine rentr?e, elle monte en courant l'escalier rapide qui conduit ? sa petite tour, dans l'angle du ch?teau. Elle ose enfin contempler sans contrainte cette rose ador?e et en rassasier ses regards ? travers les douces larmes qui s'?chappent de ses yeux.
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