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Read Ebook: Avis au peuple sur sa santé ou traité des maladies les plus fréquentes by Tissot S A D Samuel Auguste David

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Ebook has 1114 lines and 111126 words, and 23 pages

Il y a quelques autres causes de maladies, tir?es des alimens, mais moins facheuses ou moins g?n?rales, & dans lesquelles il est impossible d'entrer. Je finirai par cette remarque g?n?rale; c'est que l'attention que le paysan a de manger lentement, & de m?cher avec beaucoup de soin, diminue infiniment les dangers d'un mauvais r?gime; & je suis convaincu, que c'est une des plus grandes causes de la sant? dont il jouit. Il faut y ajouter l'exercice qu'il prend; le long s?jour qu'il fait au grand air, o? il passe les trois quarts de sa vie, &, ce qui est aussi un avantage tr?s consid?rable, l'heureuse habitude de se coucher de tr?s bonne heure, & de se lever de grand matin. Il seroit ? souhaiter, qu'? tous ces ?gards, & peut-?tre ? bien d'autres, les gens de la campagne servissent de modele ? ceux des villes.

La mauvaise qualit? de l'eau est encore une cause ordinaire des maladies dans les campagnes, o? les eaux sont mauvaises par le terrein dans lequel elles se trouvent, comme lorsqu'elles coulent & reposent sur des bancs de coquilles, ou elles le deviennent par le voisinage ou l'?gout des fumiers & des mares.

Lorsque l'on a de l'eau trouble, il suffit le plus souvent de la laisser en repos pour qu'elle s'?claircisse en d?posant; si cela n'arrive pas, ou si on a de l'eau limoneuse, bourbeuse, il n'y a qu'? la jetter dans un vaisseau rempli ? moiti? de sable fin, ou, ? son d?faut, de craie, & l'y agiter & remuer violemment pendant quelques minutes. Quand l'agitation sera cess?e, le sable en retombant au fond du vaisseau y entra?nera les salet?s que l'eau tient suspendues: ou ce qui est encore mieux & tr?s facile, on peut approcher deux tonneaux, dont l'un sera beaucoup plus ?lev? que l'autre, le plus ?lev? sera rempli de sable ? moiti?, on y mettra l'eau trouble, bourbeuse, limoneuse, elle se filtrera ? travers ce sable, sortira claire par une ouverture pratiqu?e au fond du tonneau, & tombera dans celui qui est plus bas, & qui servira de r?servoir. Lorsque l'on a de l'eau seleniteuse, c'est ce qu'on nomme ordinairement de l'eau dure, parceque le savon s'y fond difficilement, & que les semences farineuses & les legumes y deviennent dures au lieu de s'amollir, il faut exposer cette eau au soleil, ou la faire bouillir, & y mettre quelques l?gumes ou du pain grill? ou non grill?. Quand on a de l'eau corrompue, on peut la garder jusqu'? ce qu'elle ait repris son ?tat naturel qui succedera ? la putr?faction; si on ne peut attendre, on y fera fondre un peu de sel marin, on y m?lera du vinaigre, ou on y fera cuire quelque plante aromatique. Il arrive fort souvent que les eaux des puits publics sont infect?es par un limon qui est au fond, & par des animaux qui y tombent & s'y putrefient. Il faut ?viter de boire l'eau de neige aussit?t qu'elle est tomb?e, il paro?t que c'est cette eau qui cause les goitres aux Habitans de quelques montagnes, & des coliques ? beaucoup de personnes. L'eau ?tant d'un usage si fr?quent, on doit ?tre attentif ? en avoir de bonne: la mauvaise est, apr?s l'air, la cause la plus commune des maladies, & celle qui en produit davantage & de plus facheuses, elle cause souvent des Epid?mies.

?. 11. L'on ne doit point omettre, dans le d?nombrement des causes des maladies du peuple, la construction de leurs maisons, dont un grand nombre sont, ou appuy?es contre un terrein ?lev?, ou un peu creus?es en terre. L'une ou l'autre de ces situations les rend humides; ceux qui les habitent en sont incommod?s, & s'ils ont quelques provisions, elles se g?tent & deviennent une nouvelle source de maladies. Le Manoeuvre robuste ne sent pas d'abord les influences de cette habitation marecageuse; mais elles agissent ? la longue, & j'en ai vu surtout les mauvais effets les plus sensibles sur les femmes en couche & les enfans. Il seroit fort ais? de remedier ? cet inconv?nient, en ?levant le sol de la maison de quelques pouces au-dessus du niveau du voisinage, par une couche de sable, de petits cailloux, de brique pil?e, de charbon, ou d'autres choses semblables, & en ?vitant de b?tir contre un terrain plus ?lev?. Cet objet m?riteroit peut-?tre l'attention de la police; & j'exhorte fortement tous ceux qui b?tissent ? prendre les pr?cautions n?cessaires ? cet ?gard. Une autre attention, qui couteroit encore moins, c'est de tourner leur maison au midi oriental, c'est l'exposition, toutes choses d'ailleurs ?gales, la plus salutaire & la plus avantageuse: cependant je l'ai vue tr?s souvent n?glig?e, sans qu'on p?t assigner la moindre raison pour ne l'avoir pas choisie.

Ces conseils paro?tront peu importans aux trois quarts du public. J'avertis qu'ils sont plus de cons?quence qu'on ne pense, & tant de causes contribuent ? d?truire les hommes, qu'il ne faut n?gliger aucun des moyens qui peuvent contribuer ? leur conservation.

Le fr?quent usage que le peuple fait du vin, de la bierre, du cidre, doit faire regarder ces diff?rentes boissons comme des causes communes des maladies, lorsque ces liqueurs deviennent nuisibles au corps humain par des qualit?s qu'elles ont re?ues de la nature ou de l'art; mais souvent il ne peut les conno?tre, d'autres fois son gout est plus fort que sa raison: ainsi c'est ? la Police g?n?rale ? emp?cher la vente du vin, de la bierre, du cidre, lorsqu'ils peuvent causer des maladies.

?. 12. Les causes, que j'ai d?taill?es dans le premier chapitre, produisent les maladies; & le mauvais r?gime, que le peuple observe quand il en est attaqu?, les rend beaucoup plus facheuses, & beaucoup plus souvent mortelles. Il est imbu d'un pr?jug?, qui coute toutes les ann?es la vie, dans ce pays, ? beaucoup de ceux qui sont attaqu?s de maladies aig?es, & qui n'ont point de Medecin; c'est que toutes les maladies se gu?rissent par la sueur, & que, pour procurer la sueur, il faut prendre beaucoup de choses chaudes & ?chauffantes, se tenir dans un endroit tr?s chaud, & ?tre excessivement couvert. Ce sont des erreurs funestes ? la population de l'?tat; & l'on ne peut trop inculquer aux gens de la campagne, qu'en cherchant ? se faire suer au commencement de la maladie, ils se tuent. J'ai vu des cas dans lesquels les soins qu'on s'?toit donn?s pour forcer cette sueur, avoient procur? la mort du malade, aussi ?videmment que si on lui avoit cass? la t?te d'un coup de pistolet. La sueur emmene ce qu'il y a de plus liquide dans le sang; elle le laisse plus sec, plus ?pais, plus inflammatoire; & comme dans toutes les maladies aig?es, except? un tr?s petit nombre qui sont tr?s rares, il est d?ja trop ?pais, la sueur augmente ?videmment le mal. Bien loin d'?ter l'eau du sang, l'on doit chercher ? lui en donner. Il n'y a point de paysan, qui ne dise, quand il a une pleur?sie, ou une inflammation de poitrine, que son sang est trop ?pais, & qu'il ne peut pas circuler. En le voyant dans le vase, il le trouve noir, sec, brul?. Comment le sens commun ne lui dit-il pas, que, bien loin de faire sortir l'eau d'un tel sang par les sueurs, il faut y en ajouter?

?. 13. Mais quand il seroit aussi vrai, qu'il l'est peu, que la sueur est utile au commencement des maladies, les moyens qu'on emploie pour la procurer, n'en seroient pas moins mortels. Ces moyens sont, 1?. d'?touffer le malade par la chaleur de l'air & des couvertures. L'on redouble de soins, pour emp?cher qu'il n'entre de l'air, qui, par l? m?me, est bient?t extr?mement corrompu; & l'on procure une telle chaleur, par le poids des couvertures, que ces deux causes seules sont capables de produire, dans un homme sain, la fievre la plus ardente, & une inflammation de poitrine. Plus d'une fois je me suis senti saisi en entrant dans ces chambres, d'une difficult? de respirer, que je dissipois en faisant ouvrir. Les gens instruits devroient se faire un plaisir de faire comprendre au peuple, dans les fr?quentes occasions qui s'en pr?sentent, que l'air nous ?tant plus n?cessaire, que l'eau ne l'est au poisson, d?s qu'il cesse d'?tre pur, notre sant? souffre n?cessairement; & rien ne le corrompt plus promptement, que les vapeurs qui sortent du corps de plusieurs personnes, renferm?es dans une petite chambre qu'on n'aire point. Il n'y a qu'? vouloir ouvrir les yeux, pour sentir le danger de cette conduite. Si l'on donne de l'air frais ? ces pauvres malades, & qu'on les d?couvre, on voit sur-le-champ la fievre, l'oppression, l'angoisse, les r?veries, diminuer.

?. 14. 2?. On ne leur donne que des choses chaudes, & surtout de la th?riaque, du vin, du faltran ou des vulneraires de suisse & du safran, qui est encore plus dangereux. Dans toutes les maladies fievreuses, il faut rafraichir & tenir le ventre libre. Tous ces remedes ?chauffent & resserrent: l'on peut juger quel mauvais effet ils produisent. Un homme bien portant, tomberoit infailliblement dans une fievre inflammatoire, s'il prenoit la quantit? de vin, de th?riaque, de faltran, que le paysan prend quelquefois, lorsqu'il est d?ja attaqu? d'une de ces maladies. Comment pourroit-il n'en pas mourir? Aussi il en meurt, & quelquefois avec une promptitude ?tonnante. Malheureusement, chacun peut en voir autour de soi de terribles & fr?quens exemples.

?. 15. L'on me dira peut-?tre, que souvent les maladies se guerissent par la sueur, & que l'exp?rience doit guider. Je r?ponds, que la sueur guerit, il est vrai, quelques maladies d?s le commencement, comme ces points qu'on appelle fausses pleur?sies, quelques douleurs de rhumatisme, quelques fluxions: mais c'est seulement quand ces maladies d?pendent d'une transpiration arr?t?e, que la douleur se d?clare tout de suite, & que, sur-le-champ, avant que la fievre ait ?paissi les humeurs & enflamm? quelque partie, on donne quelque boisson chaude, comme du faltran & du miel, qui, en r?tablissant la transpiration, enleve la cause du mal. La sueur est aussi utile dans les maladies, quand ? force de boire, on en a d?truit les causes: elle sert ? entra?ner avec elle, une partie des humeurs qui causent les maladies, apr?s que les plus grossieres ont pass? par les selles & par les urines, & ? emmener cette quantit? d'eau qu'on avoit ?t? oblig? de mettre dans le sang, & qui y est devenue superflue. Il est, ? cette ?poque extr?mement important, de ne pas l'emp?cher volontairement ou par imprudence; il y auroit souvent autant de danger ? le faire, qu'il y en a ? vouloir faire suer dans les commencemens; & cette sueur, si on l'arr?te, se rejettant sur quelque partie int?rieure produit souvent une nouvelle maladie plus dangereuse que la premiere. Il faut donc ?tre aussi attentif ? ne pas arr?ter imprudemment la sueur, qui vient naturellement ? la fin des maladies, qu'? ne pas l'exciter au commencement: celle-l? est presque toujours utile; celle-ci presque toujours dangereuse. D'ailleurs, si elle ?toit n?cessaire, on s'y prendroit tr?s mal pour la faire venir, puisqu'en ?chauffant si fort les malades, on allume une fievre prodigieuse; on les met en feu, & la peau reste extr?mement seche. L'eau tiede est le meilleur des sudorifiques. Si les malades suent abondamment & par un effort de la nature seule pendant un ou deux jours, cela leur procure un soulagement de quelques heures: bient?t ces sueurs finissent, on croit alors reconno?tre la n?cessit? de l'exciter de nouveau pour augmenter le soulagement, on r?itere les m?mes remedes sans qu'ils rappellent les sueurs. On double les doses, on augmente l'inflammation; le malade meurt dans des angoisses horribles, & avec une inflammation g?n?rale. L'on attribue la mort ? ce qu'il n'a pas su? assez, pendant qu'elle d?pend r?ellement de ce qu'il a trop su? au commencement, & de ce qu'il a pris des remedes sudorifiques & du vin. Il y a long-tems qu'un habile Medecin Suisse a averti ses compatriotes, que le vin leur ?toit mortel dans les fievres. Je le r?itere; mais je crains fort que ce ne soit avec aussi peu de succ?s. Le paysan, qui naturellement n'aime pas le vin rouge, le boit en maladie par pr?f?rence; & c'est un grand mal, parceque le vin rouge emp?che les selles plus que le vin blanc, n'aide pas autant les urines, & augmente l'?paississement du sang, qui est d?ja trop consid?rable.

Alors m?me, il faut ?viter de produire un trop grand mouvement dans le sang, qui emp?cheroit plus qu'il n'aideroit la sueur.

?. 16. L'on augmente encore leurs maux, par les alimens qu'on donne trop t?t ou en trop grande quantit?, ou de mauvaise nature. La maladie affoiblit n?cessairement, & la folle crainte, que l'on a que le malade ne meure de foiblesse, porte ? lui donner des alimens, qui, en augmentant sa maladie, le tuent en augmentant ou en redonnant la fievre. Cette crainte que l'on a que ce d?faut de nourriture ne donne la mort, est absolument chimerique; jamais cette cause n'a tu? aucun fievreux. Ils peuvent ?tre plusieurs semaines ? l'eau, & n'en sont que plus forts au bout de ce terme; au lieu qu'en cherchant ? les nourrir, bien loin de les fortifier, la nourriture augmente la maladie, & par-l?-m?me le malade est plus foible.

?. 17. D?s qu'il y a de la fievre, l'estomac ne digere plus; tout ce qu'on avale se corrompt, & devient une source de pourriture, qui n'ajoute rien aux forces du malade, mais qui augmente beaucoup celles de la maladie; ainsi, tout ce qu'on prend devient un vrai poison, qui d?truit les forces: mille exemples le prouvent. On voit ces pauvres malheureux, qu'on oblige ? prendre de la nourriture, perdre leurs forces, & tomber dans l'angoisse & dans les r?veries, ? mesure qu'ils avalent.

?. 18. On leur fait du mal, non-seulement par la quantit? de la nourriture, mais aussi par sa qualit?. On leur fait avaller des bouillons de viande les plus forts, des oeufs, des biscuits, & de la viande, s'il leur reste la force de la m?cher. Il faut absolument que les malades succombent sous le poids de ces choses donn?es mal-?-propos. Si l'on donne ? un homme sain de la viande corrompue, des oeufs pourris, du bouillon g?t?, il est attaqu? par des accidens violens, comme s'il avoit pris du poison, & c'en est r?ellement; il a des vomissemens, des angoisses, une diarrh?e horrible, de la fievre, du d?lire, le pourpre. Quand on donne ces alimens en bon ?tat ? un fi?vreux, la chaleur & les matieres corrompues qui sont d?ja dans son estomac, les ont bien-t?t pourris, & au bout de quelques heures ils produisent tous les effets dont je viens de parler. Qu'on juge s'ils peuvent convenir.

?. 19. C'est une v?rit? ?tablie par le plus grand M?decin, il y a plus de deux mille ans, & constat?e par ses successeurs, que tant qu'un malade a de mauvais levains dans l'estomac, plus on lui donne d'alimens, plus on l'affoiblit. Ces alimens, g?t?s par les matieres infectes qu'ils trouvent, sont incapables de nourrir, & deviennent un nouveau germe de maladie: aussi ceux qui savent observer, remarquent constamment, que quand un fi?vreux a pris ce qu'on appelle un bon bouillon, il a plus de fievre, & il est par-l? m?me plus foible. Donner un bouillon ? la viande bien frais, ? un homme qui a beaucoup de fievre ou des matieres corrompues dans l'estomac, c'est pr?cis?ment lui rendre le m?me service que si on lui donnoit deux ou trois heures pl?tard un bouillon corrompu.

?. 20. Je dois le dire: ce pr?jug? mortel, qu'il faut soutenir les malades par de la nourriture, est encore trop r?pandu parmi les personnes m?me que leurs talens & leur ?ducation devroient soustraire ? des erreurs aussi grossieres que celles-l?. Il seroit bienheureux pour le genre humain, & le terme de ses jours seroit en g?n?ral bien plus long, si l'on pouvoit lui persuader cette v?rit? si bien d?montr?e en m?decine; c'est que les seules choses qui puissent fortifier un malade, sont celles qui peuvent affoiblir la maladie. Mais l'opini?tret? est inconcevable ? cet ?gard; elle est un second fl?au attach? ? la maladie, & plus f?cheux qu'elle. De vingt malades qui p?rissent dans les campagnes, il y en a souvent plus des deux tiers qui auroient gu?ri, si, mis simplement dans un endroit o? ils fussent ? l'abri des injures de l'air, ils eussent eu de l'eau fra?che en abondance; mais les soins mal entendus dont je viens de parler, n'en laissent r?chaper aucun.

?. 21. Ce qu'il y a de plus horrible dans cet acharnement ? ?chauffer, dessecher & nourrir les malades, c'est qu'il est totalement oppos? ? ce que la nature indique. Le feu, l'ardeur dont ils se plaignent, la s?cheresse de la peau, des l?vres, de la langue, de la gorge; la rougeur des urines, l'ardeur qu'ils ont pour les choses rafra?chissantes, le plaisir, le bien que leur fait l'air frais, sont des signes qui nous crient ? haute voix, que nous devons les rafra?chir par toutes sortes de moyens. Leur langue sale, qui prouve que l'estomac est dans le m?me ?tat, leur d?go?t, leur envie de vomir, leur horreur pour les alimens, & surtout pour la viande, la puanteur de leur haleine, celle des vents qu'ils rendent par haut & par bas, souvent celle de leurs selles, prouvent que tout leur int?rieur est plein de matieres corrompues, qui corromproient tous les alimens qu'on y mettroit; & que tout ce qu'il y a ? faire, c'est de d?layer ces matieres par des torrens de boissons rafra?chissantes, qui les disposent ? ?tre ?vacu?es ais?ment. Je le redis, & je souhaite qu'on y fasse attention, tant qu'on a un go?t d'amertume ou de pourriture, qu'on a du d?go?t, ou que l'haleine est mauvaise, qu'on a de la chaleur & de la fievre, que les selles sont puantes & les urines rouges, la viande, le bouillon ? la viande, les oeufs, tout ce dans quoi l'une ou l'autre de ces choses entrent, la th?riaque, le vin pur, toutes les choses chaudes, sont de vrais poisons.

?. 22. Je paro?trai peut-?tre outr? au public, & ? quelques M?decins; mais les M?decins ?clair?s, les vrais M?decins, ceux qui observent les effets de chaque chose, trouveront au contraire que bien loin d'outrer, j'expose foiblement leur sentiment, qui est celui de tous les bons M?decins depuis plus de deux mille ans; celui que la raison approuve, & que l'exp?rience confirme tous les jours. Les erreurs que je viens de combattre co?tent des millions d'hommes ? l'Europe.

?. 23. Il ne faut pas omettre que, lors m?me que le malade a le bonheur de ne pas mourir, malgr? tout ce qu'il a fait pour cela, le mal n'est pas fini, & les effets des alimens & des remedes ?chauffans sont de lui laisser le germe de quelque maladie de langueur, qui, se fortifiant peu ? peu, ?clate au bout de quelque tems, & lui fait acheter, par de longues souffrances, la mort qu'il desire.

?. 24. Je dois encore montrer le danger d'une autre pratique; c'est de purger un malade, ou de lui donner l'?m?tique d?s les commencemens de la maladie. L'on fait par-l? des maux infinis. Il y a des cas dans lesquels les ?vacuans, au commencement du mal, conviennent; ils seront indiqu?s dans d'autres chapitres: mais tant qu'on ne les conno?t pas, il faut ?tablir comme une regle g?n?rale, que ces remedes sont nuisibles; ce qui est vrai le plus souvent, & toujours quand les maladies sont inflammatoires.

?. 25. L'on espere, par leurs secours d'enlever les embarras de l'estomac, la cause des envies de vomir, de la mauvaise bouche, de la soif, du mal-aise, & de diminuer le levain de la fievre. L'on se trompe le plus souvent; parceque les causes de ces accidens ne sont point ordinairement de nature ? c?der ? ces ?vacuations. La tenacit? des ordures qui sont sur la langue, doit nous faire juger de celles qui tapissent l'estomac & les intestins. L'on a beau la laver, la gargariser, la racler; tout est inutile: ce n'est qu'apr?s avoir fait boire le malade pendant plusieurs jours, & avoir diminu? la chaleur, la fievre, & la viscosit? des humeurs, qu'on peut enlever ce s?diment, qui se d?tache m?me peu ? peu de lui-m?me; le mauvais go?t se dissipe, la langue redevient belle, la soif cesse. L'histoire de l'estomac, est la m?me que celle de la langue; aucun secours ne peut le nettoyer dans les commencemens. En donnant beaucoup de remedes d?layans & rafraichissans, il se nettoie lui-m?me; & les envies de vomir, les rapports, l'inqui?tude passent naturellement & sans purgatif.

?. 26. Non-seulement on ne fait point de bien par ces remedes, mais on fait un mal tr?s consid?rable, en appliquant des remedes acres & irritans, qui augmentent la douleur & l'inflammation; qui attirent les humeurs sur ces parties, o? il y en a d?ja trop; qui n'?vacuent point la cause de la maladie, parcequ'elle n'est pas pr?te ? ?tre ?vacu?e, qu'elle n'est pas m?re; mais qui ?vacuent ce qu'il y a de plus liquide dans le sang qui par-l? m?me reste plus ?pais; qui ?vacuent la partie utile, & laissent la nuisible.

?. 27. L'?m?tique, surtout donn? dans une maladie inflammatoire, & m?me inconsid?r?ment dans toutes les maladies aig?es, avant que d'avoir diminu? les humeurs par la saign?e, & les avoir d?lay?es par d'abondantes boissons, produit les plus grands maux; les inflammations de l'estomac, des poulmons, du foie; les suffocations, les phr?n?sies. Les purgatifs occasionnent quelquefois une inflammation g?n?rale des boyaux, qui conduit ? la mort. Il n'y a point de ces cas dont l'?tourderie, l'imprudence & l'ignorance ne m'aient fait voir quelques exemples. L'effet de ces remedes, dans ces circonstances, est le m?me que celui du sel & du poivre, qu'on mettroit sur une langue s?che, enflamm?e & sale, pour l'humecter & la nettoyer.

?. 28. Il n'y a personne qui, avec du bon sens, ne soit en ?tat de sentir la v?rit? de tout ce que j'ai dit dans ce chapitre; & il y auroit de la prudence, pour ceux m?mes qui ne sentiroient pas la solidit? de ces avis, ? ne pas les braver, & ? ne pas les heurter trop hardiment. Il s'agit d'un objet important; & dans une matiere qui leur est ?trangere, ils doivent, sans doute, quelque d?f?rence aux avis des gens qui en ont fait l'?tude de toute leur vie. Ce n'est pas moi que je veux qu'on ?coute, ce sont les plus grands M?decins, dont je ne suis dans ce cas que le foible organe. Quel int?r?t avons-nous tous ? d?fendre aux malades de manger, de s'?touffer, & de boire des choses chaudes qui enflamment leur fievre? Quel avantage peut-il nous en revenir, de nous opposer au fatal torrent qui les entra?ne? Quelle raison peut persuader que des milliers de gens, pleins de g?nie, de savoir, d'exp?rience, qui passent leur vie au milieu des malades, uniquement occup?s ? les soigner & ? observer tout ce qui leur arrive, se font illusion & se trompent sur l'effet des alimens, du r?gime, des remedes? Peut-il entrer dans des t?tes sens?es, qu'une garde qui conseille un bouillon, un oeuf, un biscuit, m?rite plus d'?tre crue, qu'un M?decin qui les d?fend? Il n'y a rien de plus d?sagr?able pour celui-ci, que d'?tre oblig? de disputer continuellement pour ces miseres, & de craindre toujours que des soins mortellement officieux ne d?truisent, par des alimens qui augmentent toutes les causes du mal, l'effet de tous les remedes qu'il emploie pour les combattre, & n'enveniment la plaie ? mesure qu'il la panse. Plus on aime un malade, plus on veut le faire manger; c'est l'assassiner par tendresse.

?. 29. J'ai fait voir les dangers du r?gime, & des principaux remedes qu'on emploie g?n?ralement parmi le peuple. Je dois indiquer actuellement ce qu'on peut faire, sans aucun risque, dans les commencemens des maladies aig?es quelconques, & le r?gime g?n?ral qui convient ? toutes. Ceux qui auront envie de tirer quelque fruit de ce Trait?, doivent faire attention ? ce chapitre, parceque dans le reste de l'ouvrage, pour ?viter les r?p?titions, je ne parlerai du r?gime, que quand la maladie en exigera un diff?rent de celui que je d?taillerai actuellement; & quand je dirai qu'il faut mettre un malade au r?gime, cela signifiera qu'il faut le traiter de la fa?on prescrite dans ce chapitre; & l'on fera ce que je vais indiquer relativement ? l'air, aux alimens, ? la boisson, aux lavemens, except? quand je prescrirai express?ment autre chose, comme d'autres ptisanes, ou d'autres lavemens.

?. 30. La pl?part des maladies s'annoncent souvent, quelques semaines, ordinairement quelques jours ? l'avance, par quelques d?rangemens dans la sant?, comme un leger engourdissement, un peu moins d'agilit?, moins d'app?tit, un peu de pesanteur d'estomac, plus de facilit? ? se fatiguer, quelques embarras de t?te, un sommeil plus pesant, mais moins tranquille, & qui ne r?pare pas les forces comme auparavant, moins de gaiet?, quelquefois un peu d'embarras dans la poitrine, un pouls moins r?gulier, une disposition au froid, plus de facilit? ? suer, quelquefois la cessation des sueurs ordinaires. L'on peut ? cette ?poque pr?venir ou, au moins, diminuer consid?rablement les maux les plus f?cheux, par des attentions ais?es, que je r?duis ? quatre. 1?. Renoncer ? tout travail violent; mais continuer cependant un exercice tr?s doux. 2?. Se r?duire ? tr?s peu, ou ? point d'alimens solides; renoncer surtout enti?rement ? la viande, au bouillon, aux oeufs & au vin. 3?. Boire abondamment, c'est-?-dire, une couple de pintes par jour, par petits verres, de demi-heure en demi-heure, de la ptisane , & m?me de l'eau tiede, sur chaque pinte de laquelle on mettra un demi verre de vinaigre. Il n'y a personne ? qui ce secours puisse manquer. Si l'on n'avoit pas de vinaigre, on boiroit l'eau tiede pure, & l'on mettroit sur chaque pinte quinze ou vingt grains de sel de cuisine. Ceux qui auroient du miel, feroient tr?s bien d'en mettre deux ou trois cuiller?es dans l'eau. L'on pourroit aussi employer avec succ?s une infusion de fleurs de sureau ou de tilleul. Le petit lait bien clair, peut ?galement servir. 4?. Prendre des lavemens. En suivant cette m?thode, on a souvent coup? racine aux maladies les plus graves; & lorsqu'on ne peut pas les emp?cher de paro?tre, au moins on les rend plus douces, & l'on diminue beaucoup le danger.

?. 31. Malheureusement l'on suit une m?thode toute contraire; & quand on sent ces d?rangemens, l'on se borne ? ne manger que de la viande, des oeufs, du bouillon, l'on renonce aux l?gumes & aux fruits, qui seroient si utiles; & l'on boit, pour se fortifier l'estomac & chasser les vents, du vin ou quelques liqueurs, qui ne fortifient que la fievre, & ne chassent que les restes de la sant?. L'on emp?che par-l? toutes les ?vacuations; l'on ne d?trempe point les matieres qui occasionnent la maladie; on ne les rend point propres ? ?tre ?vacu?es; au contraire, elles deviennent plus acres & plus difficiles ? ?tre emmen?es; au lieu que la quantit? d'une boisson d?layante & rafra?chissante, d?trempe & d?tache toutes les matieres ?trangeres; elle d?laie le sang; & au bout de quelques jours, tout ce qu'il y avoit de nuisible s'?vacue par les selles, par les urines, ou par la sueur.

?. 32. Quand la maladie a fait de plus grands progr?s, & que le malade est d?ja saisi par ce froid plus ou moins violent, qui pr?cede presque toutes les maladies, & qui est ordinairement accompagn? d'un accablement total & de douleurs dans tout l'ext?rieur du corps, il faut ou le mettre au lit, s'il ne peut pas rester debout; ou qu'il se tienne tranquillement assis un peu plus couvert que de coutume, & qu'il boive tous les quarts-d'heure un petit verre chaud, de la boisson ; ou si elle manque, de quelqu'une de celle dont je viens de parler.

?. 33. Les malades veulent qu'on les couvre beaucoup pendant le froid; il faut ?tre extr?mement attentif ? les d?couvrir d?s qu'il diminue, afin que quand la chaleur commence, ils n'aient rien de plus que les couvertures ordinaires; il seroit m?me ? souhaiter qu'ils en eussent moins. Les paysans couchent sur un lit de plume, & sous des couvertures de laine qui sont ordinairement d'un poids immense. La chaleur que donne la plume est tr?s f?cheuse pour les fi?vreux; cependant comme ils y sont acco?tum?s, on peut tol?rer cette coutume pendant une partie de l'ann?e; mais pendant les chaleurs, ou toutes les fois que la fievre est extr?mement forte, ils doivent coucher sur la paillasse, ils en seront infiniment mieux, & rejetter les couvertures de laine trop ?paisses, pour ne se couvrir que de draps, de couvertures de laine moins lourdes, ou m?me de quelqu'autre chose moins chaude. L'on ne peut croire, comme moi, que quand l'on en a ?t? t?moin combien l'on soulage le malade en lui ?tant son lit de plumes; le mal prend sur le champ une nouvelle face.

?. 34. D?s que la chaleur est venue, & que la fievre est bien d?clar?e, l'on doit pourvoir au r?gime du malade. 1?. Il faut avoir soin que l'air de la chambre ne s'?chauffe pas trop; qu'il y ait le moins de monde, & qu'on y fasse le moins de bruit possible; que personne ne parle au malade sans n?cessit?. Il n'y a rien qui augmente plus la fievre & fasse plus r?ver, que la multitude des gens qui sont au tour du malade, & qui font du bruit. Il faut, quand il a ?t? ? la selle ou qu'il a urin?, emporter ces excr?mens le plut?t possible. Il faut n?cessairement ouvrir les fen?tres soir & matin, au moins un quart-d'heure chaque fois, & ouvrir en m?me-tems une porte, afin que l'air se renouvelle. Mais, comme il ne faut pas qu'il y ait un courant d'air sur le malade, on tirera, dans le m?me-tems, les rideaux de son lit; & s'il n'en avoit point, on en fait dans le moment, en mettant au tour de lui des chaises, avec quelques habits qui le garantissent. Si la saison est extr?mement rigoureuse, il suffit de l'ouvrir une fois le jour. Il est aussi tr?s utile de br?ler du genievre ou autre bois aromatique; ou bien, on jettera un peu de vinaigre sur une pelle rouge; cette fum?e corrige la putridit? de l'air. Dans les grandes chaleurs, quand l'air de la chambre est br?lant, & que le malade en est fort incommod?, on peut arroser de tems en tems le plancher, & mettre dans la chambre quelques grosses branches de saule, ou d'aulne, ou de fresne, qui trempent dans des seaux d'eau.

?. 35. 2?. Par rapport ? la nourriture du malade, il ne prendra rien du tout de solide; mais on peut lui pr?parer, par tout & en tout tems, la nourriture suivante, qui est une des plus saines, &, sans contredit, la plus simple. Prenez une demi-livre de pain, la grosseur d'une noisette de beurre, ou m?me point, & un pot d'eau; faites cuire le tout jusqu'? ce que le pain soit presque entierement d?fait: on le passe, & l'on en donne un demi-septier au malade, de trois en trois, ou de quatre en quatre heures, et m?me plus rarement, si la fievre ?toit extr?mement forte. Ceux qui ont des gruaux, de l'orge, des pois, des feves, de l'aveine, du ris peuvent en prendre, cuits de la m?me fa?on, avec quelques grains de sel.

On donne, ici, des bouillons de viande: on ne peut trop recommander de les faire legers avec le veau, le poulet; mais il seroit encore mieux d'user de ce que l'on prescrit dans ce livre.

?. 36. L'on peut aussi leur permettre, au lieu de ces especes de soupe, des fruits d'?t? cruds, & en hiver des pommes cuites, ou des prunes & des cerises sech?es que l'on fera cuire. Les gens instruits ne seront pas surpris de voir ordonner les fruits dans les maladies aig?es; ils en voient les succ?s tous les jours. Ce conseil ne r?voltera que ceux qui sont encore trop imbus des anciens pr?jug?s; mais, en r?flechissant, ils sentiront que ces fruits, qui desalterent, rafra?chissent, abbattent la fievre, corrigent la bile corrompue & ?chauff?e, entretiennent la libert? du ventre, font couler les urines, & sont l'aliment le plus convenable pour les fievreux. Aussi ils les desirent ardemment; & j'en ai vu plusieurs qui ne s'?toient gu?ris, qu'en mangeant en cachette une grande quantit? de ces fruits qu'ils desiroient ardemment, & qu'on leur refusoit. Ceux qui ne sentiront pas ces raisons, peuvent au moins hazarder un essai sur ma parole; leur propre exp?rience les convaincra bient?t de l'utilit? de cette espece d'aliment. L'on peut donc hardiment donner, dans toutes les fievres continues, des cerises, des griottes, des fraises, des raisins de mars, des framboises, des m?res; mais il faut que tous ces fruits soient tr?s m?rs. Les pommes, les poires, les prunes sont moins fondantes, moins remplies de jus, & conviennent moins. Il y a cependant quelques especes de poires, extr?mement aqueuses, qu'on peut employer: on peut aussi prendre un peu de jus de prunes bien m?res, avec de l'eau. J'ai vu cette boisson d?salt?rer un malade, mieux qu'aucune autre. L'attention qu'on doit avoir, c'est de n'en pas prendre une grosse quantit? ? la fois, sans quoi l'estomac seroit surcharg?, & le malade souffriroit; mais si l'on en prend souvent & peu, il n'y a rien de plus salutaire. Ceux que leur situation met ? m?me d'avoir des oranges douces ou des citrons, peuvent ?galement en manger les coeurs avec succ?s; il faut rejetter l'?corce qui ?chauffe.

Comme les diff?rentes especes de beurr?, de bon-chr?tien, le doyenn?, le S. Germain, la virgouleuse, la royale d'?t?, la bergamote, l'angleterre.

?. 37. 3?. Il faut faire usage d'une boisson qui desaltere, abatte la fi?vre, d?laie, rel?che & aide les ?vacuations par les selles, les urines & la transpiration. Toutes celles dont j'ai parl?, r?unissent toutes ces qualit?s. L'on peut aussi mettre un verre, ou un verre & demi, du jus des fruits dont je viens de parler, dans une pinte d'eau.

?. 38. Les malades doivent beaucoup boire. Il seroit ? souhaiter qu'ils bussent au moins deux ou trois pintes par jour, souvent & peu ? la fois; c'est-?-dire un verre ? chaque quart d'heure. Il faut que la boisson ait perdu le grand froid.

?. 39. 4?. Si le malade ne va pas tous les jours deux fois ? la selle, si les urines ne sont pas abondantes, ou si elles sont rouges, si le malade r?ve, si la fievre est forte, le mal de t?te & de reins consid?rable, le ventre douloureux, les envies de dormir fr?quentes, il faut donner un lavement , au moins une fois par jour. Le peuple n'aime pas ce remede; il n'y en a cependant point de plus utile dans les maladies violentes, surtout dans les cas que je viens d'indiquer; & un lavement soulage ordinairement plus, que si on buvoit sept ou huit fois la m?me quantit? de liqueur. L'usage des lavemens dans les diff?rentes maladies, sera d?termin? en parlant de chacune. Mais il ne faut jamais les donner dans le moment o? le malade a une sueur qui le soulage.

?. 40. 5?. Tant que le malade en aura la force, il faut qu'il se tienne tous les jours hors du lit une heure, & plus s'il peut; mais au moins une demi-heure: cela diminue la fievre, le mal de t?te, les r?veries. Il faut ?viter de lever le malade pendant qu'il auroit une sueur de nature ? le soulager; mais ces sueurs ne viennent jamais que sur la fin des maux, & apr?s que le malade a eu beaucoup d'autres ?vacuations.

?. 41. 6?. On lui raccommodera son lit tous les jours, pendant qu'il sera lev?, & l'on changera les linges, tant du lit que du malade, le plus souvent qu'on le pourra. Un pr?jug? pernicieux ?tablit une pratique contraire, qui est tr?s dangereuse. On craint de sortir le malade du lit, on le laisse dans des linges pourris, charg?s de corruption, & qui par-l? non-seulement entretiennent la maladie, mais peuvent m?me lui donner un caractere de malignit?. Je le r?itere, rien n'entretient la fievre & les r?veries, comme de ne point sortir du lit & de ne point changer de linge; & j'ai fait cesser, par ce double moyen & sans autre secours, des r?veries qui duroient depuis douze jours sans interruption. L'on dit que le malade est trop foible, c'est une mauvaise raison: il faut qu'un malade soit presque mourant pour ne pas soutenir cette op?ration, qui, lors m?me qu'il l'?prouve pour le moment, augmente ses forces & diminue aussi-t?t ses maux. Un avantage que les malades retirent du s?jour hors du lit, c'est que les urines coulent plus abondamment & avec facilit?. L'on en voit quelquefois qui n'urinent point du tout, si on ne les sort pas du lit.

Il y a un grand nombre de maladies aig?es que ce seul r?gime gu?rit radicalement, & il les adoucit toutes. Si on ne l'emploie pas, les remedes sont le plus souvent inutiles. Il seroit ? souhaiter que le peuple s?t que l'on ne peut pas brusquer les maladies; que chacune doit avoir un certain cours, & que l'usage des remedes violens qu'il aime ? employer, peut bien les abreger en tuant le malade: mais cet usage ne gu?rit jamais plus v?te, & au contraire il rend la maladie plus f?cheuse, plus longue, plus opini?tre, & laisse souvent des suites qui font languir toute sa vie celui qui a ?t? trait? avec des remedes violens.

?. 42. Ce n'est pas assez de bien conduire la maladie, il faut encore soigner la convalescence, qui est toujours un ?tat de foiblesse, & par-l? m?me de langueur. Le m?me pr?jug? qui tue les malades en les for?ant ? manger, s'?tend sur la convalescence, & la rend f?cheuse & longue: on produit des rech?tes quelquefois mortelles, souvent des maux chroniques, en faisant manger les convalescens trop, ou trop t?t. A mesure que la fievre diminue, on peut insensiblement augmenter la quantit? de nourriture; mais tant qu'il en reste, il convient de s'en tenir aux alimens que j'ai indiqu?s. D?s qu'elle est finie, on peut passer ? des alimens diff?rens, & prendre un peu de viande, mais il faut qu'elle soit tendre, du poisson, un peu de bouillon, quelques oeufs, du vin avec de l'eau, du pain tremp? dans le vin: ces alimens sont utiles, & servent ? r?parer les forces quand on en use mod?r?ment. Ils retardent la gu?rison d?s qu'on en prend un peu trop; parceque l'estomac extr?mement affoibli par la maladie & par les remedes, n'est capable que d'une tr?s petite digestion, & si on lui donne au-del? de ses forces, tout ce qu'on prend ne se digere point, mais se corrompt. Il survient de fr?quens retours de fievre, un abattement continuel, des maux de t?te, un assoupissement sans pouvoir dormir, des douleurs & des chaleurs dans les bras & dans les jambes, de l'inqui?tude, de la mauvaise humeur, des vomissemens, des diarrh?es, des obstructions.

?. 43. L'on pr?vient tous ces maux en se contentant de tr?s peu d'alimens. Je le r?itere, si l'on veut fortifier un convalescent, il faut lui donner peu: ce n'est pas ce qu'on avale qui nourrit, ce n'est que ce qu'on digere. Le convalescent qui avale peu, le digere & est nourri; celui qui avale beaucoup ne le digere pas, & bien loin d'?tre nourri & fortifi?, il p?rit peu ? peu.

?. 44. Il faut, 1?. que les convalescens, comme les malades, prennent tr?s peu d'alimens ? la fois, & fr?quemment. 2?. Qu'ils ne prennent jamais qu'une sorte d'aliment dans un repas, & qu'ils n'en changent pas trop souvent. 3?. Qu'ils m?chent avec beaucoup de soin tout ce qu'ils prennent de solide. 4?. Qu'ils diminuent la quantit? de boisson: la meilleure, pour le g?n?ral, est de l'eau avec un quart ou un tiers de vin blanc. 5?. Qu'ils se promenent le plus souvent qu'ils pourront ? pied, en voiture, ? cheval: ils auront attention, surtout les premieres sorties, de faire leur promenade dans des endroits qui soient ? l'abri du vent & qui ne soient pas humides. Ce dernier exercice est le plus salutaire de tous. Les trois quarts des gens de la campagne sont ? m?me de se procurer cet avantage sans qu'il leur en co?te rien; ils ont grand tort de le n?gliger. Ceux qui voudront en user, doivent le faire avant leur plus grand repas, qui doit ?tre celui du milieu du jour, & jamais apr?s. L'exercice pris avant le repas, fortifie les organes de la digestion, qui ensuite se fait mieux: si on le prend apr?s, il la trouble. 6?. Comme ordinairement les convalescens sont moins bien le soir, ils doivent rentrer chez eux avant le coucher du soleil, & lorsqu'il s'?leve un vent froid ou humide. Il faut qu'? ces heures ils prennent tr?s peu d'alimens: leur sommeil en sera plus tranquille, & les reparera mieux. 7?. Ils ne doivent rester au lit que sept ou huit heures. 8?. L'enflure des jambes qui survient presque ? tous, n'est pas dangereuse, & se dissipe d'elle-m?me quand ils sont sobres & qu'ils prennent du mouvement. 9?. Il n'est pas n?cessaire qu'ils aillent tous les jours ? la selle; mais il ne faut pas qu'ils soient resserr?s plus de deux ou trois jours; & si cela arrivoit, il faudroit leur donner un lavement le troisieme jour, & m?me plut?t si l'on voyoit que la constipation leur occasionn?t de la chaleur, des gonflemens, de l'inqui?tude, des maux de t?te. 10?. S'il leur reste beaucoup de foiblesse, si l'estomac est d?rang?, s'ils ont de tems en tems un peu de fievre, ils prendront trois prises par jour du remede qui r?tablit les digestions, rappelle les forces & chasse la fievre. 11?. Il ne faut pas qu'ils reprennent trop t?t le travail; cette mauvaise coutume emp?che journellement plusieurs paysans de se remettre jamais parfaitement bien, & de reprendre leurs premieres forces: pour n'avoir pas su se reposer pendant quelques jours, ils ne redeviendront jamais aussi robustes ouvriers qu'ils l'?toient auparavant, & ce travail pr?coce leur fera perdre dans la suite, chaque semaine de leur vie, plus de tems qu'ils n'en ont gagn? une seule fois. Je vois tous les jours des laboureurs, des vignerons, des manoeuvres languissans; presque tous datent le commencement de leur langueur depuis quelque maladie aig?e, qui, par le manque de m?nagement dans la convalescence, n'a pas ?t? bien gu?rie: un repos de sept ou huit jours de plus leur auroit ?pargn? toutes ces infirmit?s; mais c'est ce qu'on a peine ? leur faire comprendre. Le peuple, dans ce cas & dans beaucoup d'autres, ne sait calculer que pour le jour, & n'?tend point ses vues au lendemain; il ne sait faire aucun sacrifice ? l'avenir; il en faut cependant pour se le rendre favorable.

?. 45. L'inflammation de poitrine, ou Peripneumonie, ou Fluxion de poitrine, est une inflammation du poulmon, & plus ordinairement d'un seul de ses c?t?s. Les signes qui la font conno?tre sont, un frisson plus ou moins long, pendant lequel le malade est quelquefois fort inquiet & angoiss?, symptome essentiel, & qui m'a servi plus d'une fois ? distinguer cette maladie ? coup s?r, d?s son premier moment; la chaleur qui suit le frisson, & qui, pendant quelques heures, est souvent m?l?e de retour de froid; le pouls est vite, assez fort, m?diocrement plein, dur, & regl? quand le mal est m?diocre; petit, mol, irr?gulier quand la maladie est tr?s grave; un sentiment legerement douloureux dans l'un des c?t?s de la poitrine; quelquefois, une espece de serrement sur le coeur; quelquefois, des douleurs dans tout le corps, surtout le long des reins; de l'oppression, au moins le plus souvent, car quelquefois il y en a peu; la n?cessit? d'?tre presque toujours couch? sur le dos, ne pouvant l'?tre que tr?s rarement sur les c?t?s; une toux, quelquefois seche, & alors elle est plus douloureuse, d'autres fois accompagn?e de crachats plus ou moins pleins de sang, souvent de sang pur; une douleur ou au moins une pesanteur de t?te, souvent des r?veries, presque toujours le visage rouge; d'autres fois de la p?leur & un air ?tonn? d?s le commencement, ce qui est d'un facheux pr?sage; les levres, la langue, le palais, la peau seches; l'haleine chaude, les urines peu abondantes & rouges dans les commencemens, plus abondantes moins rouges & d?posant beaucoup de sediment dans la suite; fr?quemment de l'alt?ration; quelquefois des envies de vomir, dans le commencement, qui, en en imposant ? gens peu instruits, ont souvent port? ? donner un ?m?tique, qui est mortel, surtout ? cette ?poque; une chaleur universelle, un redoublement presque tous les soirs, pendant lequel la toux est plus aigre, & les crachats moins abondans. Les meilleurs crachats sont ceux qui ne sont ni trop liquides ni trop durs; mais d'une consistance m?diocre, ressemblant ? ce qu'on crache sur la fin d'un rhume, mais plus jaunes, & m?l?s d'un peu de sang, qui diminue peu ? peu, & disparo?t ordinairement avant le septieme jour. Quelquefois l'inflammation monte le long de la trach?e art?re, & occasionne au malade une suffocation & un sentiment douloureux, quand il avale, qui lui persuade qu'il a un mal de gorge.

?. 46. Quand le mal est tr?s violent, ou quand il le devient; le malade ne peut respirer qu'assis. Le pouls devient tr?s petit & tr?s vite; le visage devient livide, la langue noire, les yeux s'?garent, le malade a une angoisse inexprimable, il s'agite continuellement dans son lit; quelquefois un bras est dans une espece de paralysie; les r?veries ne le quittent point, il ne peut ni veiller ni dormir; la peau de la poitrine & du col se couvrent quelquefois, surtout quand l'air est ?touff? & le mal extr?me & violent, de taches livides, plus ou moins consid?rables; les forces s'?puisent, la difficult? de respirer augmente d'un moment ? l'autre; le malade tombe dans une l?thargie, & meurt bient?t, d'une mort affreuse & assez commune dans les campagnes par l'effet des remedes ?chauffans, qu'on emploie dans ce cas. L'on a vu l'usage de ces remedes augmenter la maladie ? un tel point, que le coeur se fendoit, comme l'ouverture du cadavre l'a prouv?.

Si la maladie attaque tout-?-coup & avec violence, si le froid dure plusieurs heures, & s'il est suivi d'une chaleur brulante, si le cerveau s'embarrasse d?s le commencement, si le malade a une petite diarrh?e avec tenesme, s'il craint le lit, s'il sue trop, ou s'il a la peau extr?mement aride, si son caractere paro?t chang?, s'il a beaucoup de peine ? cracher, la maladie est tr?s dangereuse.

?. 47. Il faut d'abord mettre le malade au r?gime, & avoir soin qu'il ne boive jamais trop froid. Sa boisson doit ?tre la ptisane d'orge N?. 2, ou le lait d'amande N?. 4, ou celle N?. 7. Les jus d'herbes, qui entrent dans cette derniere, sont un excellent remede dans ce cas; parcequ'ils fondent puissamment ce sang ?pais qui forme l'inflammation. Pendant que la fievre est extr?mement violente, que le malade ne crache pas suffisamment, qu'il r?ve, qu'il a tr?s mal ? la t?te, ou qu'il crache le sang pur, il faut donner le lavement N?. 5, trois fois, ou au moins deux fois dans vingt-quatre heures. Mais le remede principal c'est la saign?e. D?s que le froid a fini, il faut tirer tout ? la fois douze onces de sang du bras, & m?me, si le malade est jeune & robuste, quatorze ou seize. Cette forte saign?e soulage plus, que si on tiroit vingt-quatre onces en trois fois.

?. 49. Quand le malade est dans l'?tat d?crit non seulement la saign?e ne sert ? rien; mais quelquefois m?me elle est nuisible, par le prompt affoiblissement dans lequel elle jette; &, en g?n?ral, dans ce cas, tous les remedes sont inutiles; & c'est toujours une tr?s mauvaise marque, dans cette maladie, quand la saign?e ne soulage pas, ou quand il y a des circonstances qui obligent ? la menager.

?. 50. Tous les jours l'on mettra les jambes, une demi heure, dans un bain d'eau tiede, en envelopant exactement le malade, afin que le froid n'arr?te pas la transpiration que le bain favorise.

?. 51. De deux en deux heures, il prendra une tasse de la potion N?. 8, qui facilite toutes les ?vacuations, & principalement les crachats.

?. 52. Quand l'oppression est consid?rable, & la toux seche, l'on fait respirer au malade la vapeur de l'eau bouillante, dans laquelle on a mis un peu de vinaigre. Pour cela on s'y prend de deux fa?ons; ou en mettant sous le visage du malade, qui doit ?tre assis, un vase rempli de cette eau chaude, & en envelopant la t?te du malade, & le vase avec un linge qui retient la vapeur; ou en lui tenant devant la bouche, une ?ponge tremp?e dans cette m?me liqueur bouillante. La seconde m?thode est moins efficace, mais elle fatigue moins le malade. Quand le mal est tr?s pressant, on emploie au lieu d'eau, le vinaigre pur; & souvent cette vapeur a sauv? des malades, qui paroissoient au bord du tombeau: mais il faut qu'elle soit continu?e pendant plusieurs heures.

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