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Read Ebook: Histoire du Consulat et de l'Empire (Vol. 13 / 20) faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française by Thiers Adolphe

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Ebook has 541 lines and 156291 words, and 11 pages

M. de Caulaincourt partit pour Paris, et M. de Lauriston, apr?s quelques jours pass?s ? Saint-P?tersbourg, ?crivit au minist?re fran?ais qu'en sa qualit? d'honn?te homme il devait la v?rit? ? son souverain, qu'il ?tait r?solu ? la lui dire, qu'il devait donc lui d?clarer que l'empereur Alexandre, pr?par? dans une certaine mesure, ne voulait cependant pas la guerre, que dans aucun cas il n'en prendrait l'initiative, qu'il ne la ferait que si on allait la porter chez lui; que quant ? Oldenbourg, il accepterait ce qu'on lui donnerait, m?me Erfurt, bien que cette indemnit? f?t d?risoire, et que pour l'amour-propre russe profond?ment bless? il serait bon de trouver mieux; que relativement ? la question commerciale, on obtiendrait plus de rigueur dans l'examen des papiers des neutres, quoiqu'il y e?t d?j? une certaine s?v?rit? d?ploy?e ? leur ?gard, puisque cent cinquante b?timents anglais avaient ?t? saisis en un an; mais que la Russie n'irait jamais jusqu'? se passer enti?rement des neutres.--Je ne puis, ajoutait M. de Lauriston, voir que ce que je vois, et dire que ce que je vois. Les choses sont telles que je les expose, et si on ne se contente pas des seules concessions qui soient possibles, on aura la guerre, on l'aura parce qu'on l'aura voulue, et elle sera grave, d'apr?s tout ce que j'ai observ? tant ici que sur ma route.--M. de Czernicheff fut de nouveau envoy? ? Paris pour r?p?ter en d'autres termes, mais avec les m?mes affirmations, exactement les m?mes choses, et aussi pour continuer aupr?s des bureaux de la guerre un genre de corruption dont il avait seul le secret dans la l?gation russe, et auquel son gouvernement attachait un grand prix, parce qu'il en obtenait les plus pr?cieuses informations sur tous les pr?paratifs militaires de la France.

Lorsque ces nouvelles explications parvinrent ? Paris, par le retour de MM. de Czernicheff et de Caulaincourt, par les lettres de M. de Lauriston, Napol?on en conclut non point que la paix ?tait possible, s'il le voulait, mais que la guerre serait diff?r?e d'une ann?e, car ?videmment les Russes ne prendraient pas l'initiative, puisqu'ils ne l'avaient pas d?j? prise apr?s tout ce qu'il avait fait pour les y provoquer, et ?videmment aussi ils avaient de leur c?t? bien des pr?paratifs ? terminer, et voudraient avoir fini la guerre de Turquie avant d'en commencer une autre; et comme Napol?on tenait ? n'entreprendre cette nouvelle campagne au Nord qu'avec des moyens immenses, il ne fut pas f?ch? d'avoir encore une ann?e devant lui, soit pour pr?parer ses troupes, soit pour compl?ter son mat?riel, qui constituait, avons-nous dit, la principale difficult? de sa prochaine entreprise. Pourquoi son intelligence de la situation n'alla-t-elle pas plus loin? pourquoi ne vit-il pas qu'il ?tait possible non-seulement de diff?rer la rupture, mais de l'?viter? Ce fut encore par la raison que nous avons donn?e pr?c?demment. Il avait tant de fois ?prouv? qu'apr?s un premier refroidissement on en arrivait in?vitablement avec lui ? la guerre, il avait vu tant de fois ses ennemis cach?s pr?ts ? se rallier au premier ennemi patent qui osait lever le masque; il voyait si bien dans la Russie l'ennemi vaincu mais non pas ?cras?, autour duquel se rallieraient les ressentiments de l'Europe, qu'il se disait que t?t ou tard il aurait encore un conflit avec elle, et dans la guerre probable apercevant tout de suite la guerre d?clar?e, ? ce point que sa propre pr?voyance lui devenait un pi?ge, lisant profond?ment dans le coeur des autres sans m?me regarder dans le sien, ne voyant pas que dans le rapide encha?nement de la froideur ? la brouille ouverte il entrait comme cause principale son fougueux caract?re, ne voyant pas qu'il d?pendait de lui de briser ce cercle fatal, en devenant un instant mod?r?, patient, tol?rant pour autrui, ne faisant aucune de ces salutaires r?flexions, n'ayant personne aupr?s de lui pour l'obliger ? les faire, ne recevant aucun avis utile ni de ses ministres, ni des corps de l'?tat, esp?ces de fant?mes destin?s ? repr?senter la nation et n'osant pas m?me avouer ses plus cruelles souffrances, que livr? enti?rement ? lui-m?me, il r?solut une seconde fois, on peut le dire, en mai 1811, la guerre de Russie, en prenant cependant le parti de la diff?rer. Toujours promptement d?cid?, il fit d?s la fin de mai ses dispositions en cons?quence, et donna ses ordres militaires, ses instructions diplomatiques, avec la certitude absolue que la guerre de Russie n'aurait lieu qu'en 1812, mais qu'elle aurait infailliblement lieu ? cette ?poque.

N'ayant rien de cach? pour le mar?chal Davout, il lui ?crivit sur-le-champ que les ?v?nements ?taient moins pressants, mais qu'il ne renon?ait ? aucun de ses pr?paratifs, seulement que toutes les fois qu'il y aurait un avantage, ou d'?conomie ou de bonne ex?cution, ? terminer une chose en quinze jours au lieu de huit, il fallait la terminer en quinze; que son intention ?tait d'avoir l'arm?e du Nord pr?te pour le commencement de 1812, mais sur des proportions bien plus consid?rables que celles qu'il avait d'abord ?tablies. Ce n'?tait plus de 300 mille hommes qu'il s'agissait maintenant; il voulait en r?unir 200 mille dans la main du mar?chal Davout sur la Vistule, en avoir 200 mille autres dans sa propre main sur l'Oder, avoir une r?serve de 150 mille sur l'Elbe et le Rhin, une force ?gale ? peu pr?s dans l'int?rieur pour la s?ret? de l'Empire, et envoyer encore des troupes en Espagne au lieu d'en retirer. Napol?on contremanda le d?part des quatri?mes et sixi?mes bataillons du mar?chal Davout, d?cida qu'ils seraient form?s au d?p?t parce qu'ils s'y organiseraient mieux, en projeta m?me un septi?me, afin d'en avoir six en ?tat de servir; il revint sur la formation en bataillons d'?lite ordonn?e dans un moment d'urgence pour les r?giments stationn?s en Hollande et en Italie, et voulut m?me qu'il f?t cr?? un quatri?me et un sixi?me bataillon dans chacun de ces r?giments. Sans restreindre les achats de chevaux, en les augmentant au contraire, il prescrivit de les faire plus lentement pour les faire mieux, et entreprit l'organisation de ses immenses charrois dans de plus vastes proportions, et sur un nouveau mod?le, que nous d?crirons ailleurs. Il profita enfin du temps qui lui restait pour composer autrement et plus grandement l'arm?e polonaise, et envoya des fonds ? Varsovie afin d'avoir, l'ann?e suivante, les places de Torgau, Modlin, Thorn, enti?rement achev?es et arm?es. En un mot, loin de diminuer ses pr?paratifs, il leur donna tout ? la fois plus de lenteur et plus d'?tendue, pour qu'ils fussent plus parfaits et plus vastes.

La diplomatie fut conduite d'apr?s les m?mes vues. On avait sond? l'Autriche, et on avait obtenu d'elle des r?ponses de nature ? inspirer confiance, pour peu qu'on aim?t ? se faire illusion. M. de Metternich dirigeait le cabinet de Vienne, depuis la guerre de 1809. Sa politique d?clar?e ?tait la paix avec la France: ayant l'ambition d'en tirer pour son pays quelque r?sultat ?clatant, il aurait voulu faire sortir de cette paix une esp?ce d'alliance, et de cette alliance la restitution de l'Illyrie, qui, ? cause de Trieste et de l'Adriatique, ?tait en ce moment ce que l'Autriche regrettait le plus. C'est par ce motif que l'id?e d'un mariage de Napol?on avec Marie-Louise avait ?t? accueillie avec tant d'empressement. Mais cette politique trouvait ? Vienne plus d'un contradicteur. La cour, ne se croyant pas plus que de coutume encha?n?e aux volont?s du minist?re, ob?issant comme toujours ? ses passions, recevait les Russes, et en g?n?ral les m?contents quels qu'ils fussent, avec la plus grande faveur, tenait le langage le moins mesur? ? l'?gard de la France, et dans les nuages qui venaient de s'?lever vers le Nord croyant apercevoir de nouveaux orages, s'?tait mise ? les appeler de ses voeux, car dans les cours aussi bien que dans les rues, les m?contents ont l'habitude de souhaiter les temp?tes. Avec un empressement qui ne lui ?tait pas ordinaire, la cour de Vienne avait fait accueil aux ?crivains. MM. Schlegel, Goethe, Wieland et d'autres encore, avaient ?t? attir?s et re?us ? Vienne avec beaucoup d'?clat. Il y avait alors une mani?re d?tourn?e, et du reste fort l?gitime, de dire que l'Allemagne devait bient?t se soulever contre la France, c'?tait de c?l?brer, d'exalter ce qu'on appelait le g?nie germanique, de proclamer sa sup?riorit? sur le g?nie des autres peuples, d'ajouter naturellement qu'il n'?tait pas fait pour vivre humili?, vaincu, esclave, et d'annoncer son r?veil ?clatant et prochain. En br?lant beaucoup d'encens devant les ?crivains illustres que nous venons de nommer, la soci?t? de Vienne n'avait pas voulu indiquer autre chose; et cette aristocratie, plus ?l?gante que spirituelle, avait flatt? les gens d'esprit ? force de ha?r la France. La nation autrichienne, fatigu?e de la guerre, se d?fiant des imprudences de son aristocratie, ne demandant pas mieux que d'?tre veng?e des Fran?ais, mais l'esp?rant peu, imitait son sage et malicieux souverain, qui, entre les courtisans et les ministres, ne se pronon?ait pas, laissait parler les courtisans qui parlaient suivant son coeur, et agir les ministres qui agissaient selon sa prudence. On se doutait bien ? Vienne que la guerre ne tarderait pas d'?clater entre la France et la Russie, et qu'on serait press? d'opter; mais on avait pris son parti , et, si on ne pouvait pas rester neutre, on ?tait d?cid? ? se prononcer pour le plus fort, c'est-?-dire pour Napol?on. Ainsi on se ferait payer de son option par la restitution de l'Illyrie; on ne ferait en cela que ce que la Russie avait fait en 1809 contre l'Autriche; on l'imiterait m?me compl?tement; on serait alli? de la France, mais alli? peu actif, et, comme la Russie, on t?cherait d'obtenir quelque chose ? la paix sans l'avoir gagn? pendant la guerre. Ces vues subtiles du ministre dirigeant ?taient celles aussi de l'empereur, qui, ayant ?t? plus d'une fois abandonn? par ses alli?s, se croyait en droit de se tirer du naufrage de la vieille Europe comme il pourrait, ce qui ne l'emp?chait pas de ch?rir sa fille, l'Imp?ratrice des Fran?ais, et d'adresser des voeux au ciel pour qu'elle f?t heureuse. Mais souverain avant tout d'un ?tat vaincu, amoindri, il aspirait ? le relever par la politique, la guerre ne lui ayant pas r?ussi contre son terrible gendre.

L'empereur laissait donc aller la cour comme elle voulait, se contentant de ne prendre part ? aucune de ses manifestations, ?crivait les lettres les plus amicales ? sa fille, aimait ? apprendre d'elle qu'elle ?tait satisfaite de son sort, encourageait son ministre ? traiter lentement et prudemment avec la France, consentait tout d'abord ? aider celle-ci en Turquie, car il s'agissait l? d'emp?cher les Russes d'obtenir les provinces du Danube, et permettait qu'on lui donn?t ? esp?rer l'alliance de l'Autriche dans le cas de nouvelles complications europ?ennes, ? condition toutefois de solides avantages. Mais tout en entrant ? ce point dans les intentions de son gendre, il voulait qu'on ne cess?t pas de lui conseiller la paix, car, il faut le reconna?tre ? sa louange, ce sage empereur, ayant vu la guerre entra?ner tant de maux dans ce si?cle, aimait mieux la paix le laissant tel qu'il ?tait, que la guerre pouvant lui restituer quelque chose de ce qu'il avait perdu.

Du reste M. de Metternich entrait profond?ment dans cette politique, mais l'action engage souvent plus qu'on ne veut, et il penchait de notre c?t? peut-?tre un peu plus que l'empereur, parce qu'oblig? d'avoir tous les jours sa main dans la n?tre, il ne lui ?tait pas facile de l'y mettre ? demi.--Ne vous inqui?tez pas, disait-il ? M. Otto, de tout ce qui se d?bite ? la cour. Les femmes sont ainsi faites: il faut qu'elles parlent, et elles parlent suivant la mode du jour. Laissons-les dire, et faisons les affaires.--Il expliquait ensuite ce qu'il entendait par les bien faire. Ce ministre, l'un des plus grands qui aient dirig? la politique autrichienne, adonn? au luxe et aux plaisirs du monde, ayant le go?t de parler, de disserter, d'enseigner, mais sous des formes dogmatiques cachant une finesse profonde, professant la sinc?rit?, la pratiquant souvent, et, entre beaucoup de qualit?s ?minentes, ayant celle de n'accorder aux passions qui l'entouraient que des satisfactions en paroles, mais ne se laissant conduire en r?alit? que par l'int?r?t de son pays grandement entendu, esprit sup?rieur, en un mot, appel? ? exercer pendant quarante ann?es une influence immense sur l'Europe, ce ministre disait ? M. Otto, avec un singulier m?lange d'abandon, de cordialit?, de confiance en lui-m?me:--Laissez-moi faire, et tout ira bien. Votre ma?tre veut en toute chose aller trop vite. ? Constantinople vous ne commettez que des fautes. Vous croyez trop que les Turcs sont des brutes ? mener avec le b?ton. Ces brutes sont devenues aussi fines que vous. Elles voient les sp?culations dont elles sont l'objet de la part de tout le monde, et de votre part notamment. Elles savent que vous les avez livr?es aux Russes en 1807, que maintenant vous les voudriez reprendre pour vous en servir contre ces m?mes Russes. Elles vous d?testent, sachez-le, et tout ce que vous leur dites va en sens contraire de vos d?sirs. Tenez-vous en arri?re, soyez r?serv?s ? Constantinople, et nous arracherons des mains des Russes la riche proie que vous avez eu l'imprudence de leur abandonner. Fiez-vous-en ? moi, et les Turcs ne c?deront pas la Moldavie et la Valachie. Mais, de gr?ce, montrez-vous le moins possible. Tout conseil qui vient de vous est suspect ? Constantinople.--Ces avis aussi sages que profonds r?v?laient un ?tat de choses malheureusement trop vrai. Quand on arrivait ? parler des probabilit?s de guerre avec la Russie, M. de Metternich conseillait fort la paix, disant que tout grand qu'?tait l'empereur Napol?on, la fortune pourrait bien le trahir, car elle avait trahi bien des grands hommes; que toutes les chances sans aucun doute ?taient en sa faveur; que cependant il valait mieux ne pas mettre sans cesse au jeu; que si par bonheur l'empereur Napol?on pensait ainsi, lui M. de Metternich ne demandait pas mieux que de s'entremettre, de servir de m?diateur aupr?s de la Russie, et que probablement il r?ussirait; que quant ? l'Autriche elle ?tait oblig?e de se m?nager beaucoup, qu'elle ?tait extr?mement fatigu?e, qu'elle avait grand besoin de repos, et que pour l'entra?ner ? servir la France dans une guerre qui contrariait l'inclination de la nation autrichienne, il fallait un prix digne d'un tel effort, et capable de fermer la bouche ? tous les m?cr?ants de la politique actuelle.--

Ces paroles et d'autres finement m?l?es aux plus hautes th?ories indiquaient clairement qu'avec une province on aurait une arm?e autrichienne, comme avec la Finlande on avait eu jadis une arm?e russe. Mais M. Otto ? Vienne, M. de Bassano ? Paris, avaient ordre de s'envelopper d'autant de nuages que M. de Metternich, d?s qu'il serait question de l'Illyrie ou de la Pologne, et de dire que la guerre ordinairement ?tait f?conde en cons?quences, qu'on ne pouvait faire ? l'avance la distribution du butin, mais qu'avec Napol?on, les alli?s qui lui ?taient utiles n'avaient jamais perdu leurs peines.

Le roi et M. de Hardenberg, plac?s sur ce volcan, ?taient en proie ? de cruelles perplexit?s. Le roi par scrupule, comme l'empereur d'Autriche par prudence, inclinait ? ne pas rompre avec Napol?on, car il s'?tait engag? ? lui par les plus solennelles protestations de fid?lit?, dans l'esp?rance de sauver les d?bris de sa monarchie. M. de Hardenberg, dans une position assez semblable ? celle de M. de Metternich, cherchait de quel c?t? il pourrait trouver pour son pays le plus d'avantages. Le parti allemand exalt? lui en voulant de son changement apparent de conduite, et de quelques rigueurs oblig?es envers les associations secr?tes, ?tait pr?t toutefois ? lui pardonner, ? condition qu'il dev?nt l'instrument d'une perfidie toute patriotique, dont personne ne se faisait conscience ? Berlin. Cette perfidie consistait ? prendre pr?texte de la situation mena?ante de l'Europe pour armer, et armer tr?s-activement, ? parler d'alliance ? Napol?on afin qu'il tol?r?t ces armements, ? offrir, ? promettre, ? signer m?me cette alliance s'il le fallait, puis, le moment venu, ? s'enfoncer dans la Vieille-Prusse avec 150 mille hommes, et ? se joindre aux Russes pour accabler les Fran?ais, tandis que l'Allemagne tout enti?re se soul?verait sur leurs derri?res. Sans examiner la l?gitimit? d'une pareille politique, et en admettant qu'il est beaucoup permis ? qui veut affranchir son pays, il y avait bien ? dire contre cette politique du point de vue de la prudence. La Prusse pouvait en effet perdre ? ce redoutable jeu les restes de son existence. Le roi, M. de Hardenberg et quelques esprits sages le craignaient, et appelaient folie une telle conduite. Pour t?cher de les amener ? leurs vues, les membres ardents du parti germanique r?pandaient mille bruits alarmants, et cherchaient ? leur persuader que Napol?on avait l'intention d'enlever le roi et la monarchie elle-m?me par une subite irruption sur Berlin, ce qui ?tait tout ? fait faux, mais ce qui aurait pu se r?aliser pourtant, si la Prusse avait commis quelque imprudence, car Napol?on, recevant de son c?t? des avis tout aussi inqui?tants, se tenait sur ses gardes, et avait ordonn? au mar?chal Davout de se porter sur Berlin au premier danger.

Poursuivis ainsi des plus sinistres fant?mes, le roi et M. de Hardenberg avaient adopt? en partie le plan qu'on leur conseillait, moins la perfidie, qui r?pugnait ? la droiture du roi comme ? sa prudence. Ils avaient r?solu d'armer, et ils avaient arm? r?ellement au moyen de l'exp?dient que nous avons fait conna?tre, et bien qu'ils se fussent strictement renferm?s dans l'effectif de 42 mille hommes, n?anmoins ils en pouvaient r?unir en peu de temps 100 ou 120 mille. Mais s'ils pouvaient ?quivoquer sur le chiffre vrai des troupes disponibles, il leur ?tait impossible de cacher certains pr?paratifs, comme ceux par exemple qui se faisaient dans les places rest?es ? la Prusse. Napol?on tenait bien les forteresses les plus importantes de l'Oder, Glogau, Custrin, Stettin, et en outre les deux plus importantes de la Vistule, Thorn et Dantzig, mais le roi Fr?d?ric-Guillaume avait encore en sa possession Breslau, Neisse, Schweidnitz, dans la haute Sil?sie, Spandau vers le confluent de la Spr?e et du Havel, Graudentz sur la Vistule, Colberg sur le littoral de la Pom?ranie, Pillau sur le Frische-Haff, sans compter Koenigsberg, la capitale de la Vieille-Prusse, et il avait d?ploy? une grande activit? dans les travaux de ces places, surtout dans ceux de Colberg et de Graudentz. On employait plus particuli?rement ? titre d'ouvriers les vieux soldats dont la conservation ?tait importante, et qu'on gardait ainsi sous la main au del? des 42 mille hommes permis par les trait?s. L'intention du roi et de M. de Hardenberg, quand ils ne pourraient plus dissimuler ces armements, ?tait de les avouer, d'en dire le motif, qui ?tait le projet imput? ? Napol?on de commencer la guerre contre la Russie par la suppression des restes de la monarchie prussienne, de parler en gens d?sesp?r?s, et de placer la France dans l'alternative ou d'accepter leur alliance sinc?re, au prix d'une garantie solennelle de leur existence et de diverses restitutions territoriales, ou de les avoir pour ennemis acharn?s, luttant jusqu'au dernier homme pour la d?fense de leur ind?pendance. C'?tait apr?s tout la politique la moins chanceuse, bien qu'elle e?t ses dangers; et quant ? la proposition d'alliance, elle s'explique de la part du roi et de M. de Hardenberg par l'opinion g?n?rale alors en Europe, que vouloir combattre Napol?on ?tait une folie. Avec une telle mani?re de penser, tout en d?testant dans Napol?on l'oppresseur de l'Allemagne, le roi et son ministre croyaient plus sage de s'allier ? lui, de refaire en le secondant la situation de la Prusse, de la refaire aux d?pens de n'importe qui, plut?t que de s'exposer ? ?tre d?truit d?finitivement.

Les choses en ?taient arriv?es ? un tel point qu'il fallait parler clairement, car de part et d'autre dissimuler ?tait devenu impossible. Napol?on, en effet, averti de tous c?t?s, avait ordonn? au mar?chal Davout de se tenir sur ses gardes, de se pr?parer ? pousser la division Friant sur l'Oder, afin de couper au roi de Prusse et ? son arm?e la retraite sur la Vistule, afin de l'enlever lui et la majeure partie de ses troupes au premier acte inqui?tant, et avait en outre prescrit ? ce mar?chal de tenir pr?ts trois petits parcs de si?ge pour prendre en quelques jours Spandau, Graudentz, Colberg et Breslau. Ces ordres donn?s, il avait enjoint ? M. de Saint-Marsan, qui ?tait ambassadeur de France, d'avoir une explication p?remptoire avec le cabinet de Berlin, de lui demander sous forme d'ultimatum le d?sarmement imm?diat et complet, et si cet ultimatum n'?tait pas accept?, de se retirer en livrant au bras du mar?chal Davout la monarchie du grand Fr?d?ric. Ces d?tails suffisent pour montrer quelle gravit? prenaient de tous c?t?s les ?v?nements.

Il s'?tait pass? et il se pr?parait des ?v?nements non moins graves dans le voisinage de la Prusse, c'est-?-dire en Danemark et en Su?de. Le Danemark, astreint comme tout le reste du littoral europ?en aux lois du blocus continental, ?tait fid?le ? ces lois autant qu'on pouvait l'attendre d'un ?tat alli? d?fendant la cause d'autrui, car bien que le Danemark regard?t la cause des neutres comme la sienne, au point o? en ?taient venues les choses la cause des neutres avait malheureusement disparu dans une autre, celle de l'ambition de Napol?on. Le Danemark, compos? d'?les, ayant une partie de sa fortune dans d'autres ?les situ?es au del? de l'Oc?an, ne pouvait vivre que de la mer, et quoiqu'il s'ag?t de la mer dans la querelle soulev?e, trouvait dur, pour l'avoir libre un jour, d'en ?tre si compl?tement priv? aujourd'hui. Mais la probit? naturelle du gouvernement et du pays, le souvenir du d?sastre de Copenhague, la haine contre les Anglais, le courage du prince r?gnant, sa duret? m?me, tout concourait ? faire du Danemark l'alli? le plus fid?le de la France dans la grande affaire du blocus continental. Cependant, bien que l'esprit g?n?ral f?t dans ce sens, l'infid?lit? de quelques individus, la souffrance de quelques autres, entra?naient plus d'un manquement. Altona surtout, plac? ? quelques pas de Hambourg, servait encore aux communications avec l'Angleterre. Les n?gociants de Hambourg, devenus Fran?ais malgr? eux, et comme tels soumis aux rigoureuses lois du blocus, expos?s de plus ? l'inflexible s?v?rit? du mar?chal Davout, craignant qu'on ne v?nt visiter leurs livres de commerce pour savoir s'ils entretenaient des relations avec l'Angleterre, n'avaient gard? ? Hambourg que la r?sidence de leurs familles, et avaient ? Altona leurs comptoirs, leurs livres, leurs registres de correspondance. Ils passaient la journ?e ? Altona pour y vaquer ? leurs affaires, et la soir?e ? Hambourg pour vivre dans leurs familles. Ils se servaient surtout de la poste d'Altona pour leur correspondance, n'osant se fier ? celle de Hambourg, et quoique le roi de Danemark second?t franchement Napol?on, il n'avait pu admettre que la police fran?aise, avec ses ing?nieuses pers?cutions, s'introduis?t en Danemark. Le mar?chal Davout r?clamait, mais en vain. Le z?le du roi de Danemark ne pouvait ?galer le sien, bien que par le caract?re ce roi ne f?t pas loin de ressembler ? l'illustre mar?chal. Au moyen des corsaires et de la contrebande, que secondait si bien la forme du pays, le Holstein s'?tait rempli de denr?es coloniales, et Napol?on, agissant ? son ?gard comme ? l'?gard de la Hollande, avait essay? de vider ce d?p?t en accordant aux denr?es coloniales deux mois pour entrer dans l'Empire au droit de 50 pour cent. La combinaison avait r?ussi, et avait produit sur ce point seulement 30 millions de perception. Le Holstein s'?tait vid?, et n'?tait plus un magasin de produits coloniaux anglais. La contrebande de ce c?t? ?tait donc presque supprim?e. Le Danemark nous avait fourni de plus trois mille marins excellents pour la flotte d'Anvers. On ne pouvait donc pas demander mieux ? ce brave peuple pour la cause maritime, lorsqu'elle ?tait d'ailleurs compliqu?e d'int?r?ts si ?trangers par suite de la politique conqu?rante de Napol?on.

Un motif, il faut le dire, contribuait ? sa fid?lit?, c'?tait la crainte de la Su?de, et sous ce rapport il trouvait le prix de sa conduite dans la fid?lit? de Napol?on envers lui. La Su?de ayant perdu la Finlande par l'extravagance de son roi plus encore que par l'insuffisance de ses armes, avait la coupable pens?e de s'en d?dommager en prenant ? plus faible qu'elle, c'est-?-dire en enlevant la Norv?ge au Danemark. Napol?on sur ce point s'?tait montr? inflexible. Mais pour comprendre cette autre complication europ?enne, il faut conna?tre une nouvelle r?volution qui s'?tait pass?e depuis quelques mois en Su?de, le pays qui, apr?s la France, ?tait alors le plus fertile en r?volutions.

La Su?de ?tait sortie d'embarras comme en sortent les faibles, en trompant. Elle n'avait fait ? l'Angleterre qu'une d?claration de guerre fictive; elle lui avait ferm? ses ports, mais en lui laissant ouvert le principal d'entre eux, le mieux plac?, celui de Gothenbourg. Ce port, situ? dans le Catt?gat, vis-?-vis des rivages de la Grande-Bretagne, ? l'entr?e d'un golfe profond, se pr?sentait avec des commodit?s infinies pour l'?trange syst?me de contrebande imagin? ? cette ?poque. C'?tait dans ce golfe de Gothenbourg et dans les ?les dont il est parsem? que la contrebande anglaise s'?tait retir?e, depuis qu'elle avait quitt? l'?le d'H?ligoland devant la menace d'une exp?dition pr?par?e par le mar?chal Davout. La flotte de guerre anglaise, sous l'amiral Saumarez, stationnait ou ? l'?le d'Anholt, ou dans les divers mouillages du golfe de Gothenbourg. ? l'abri du pavillon britannique, des centaines de b?timents de commerce versaient sans aucun d?guisement sur la c?te de Su?de leurs marchandises de toute nature, sucres, caf?s, cotons, produits de Birmingham et de Manchester. Ces marchandises, mises l? en entrep?t, s'?changeaient successivement contre des produits du Nord, tels que bois, fers, chanvres, grains appartenant ? la Russie, ? la Su?de, ? la Prusse, ? l'Allemagne, quelquefois aussi contre des soies brutes d'Italie, et ensuite ?taient transport?es dans toute la Baltique sous divers pavillons soi-disant neutres, et particuli?rement sous le pavillon am?ricain. De petites divisions anglaises, compos?es de fr?gates et de vaisseaux de 74, escortaient les b?timents vou?s ? ce commerce, les menaient ? travers les Belts afin d'?viter le Sund, les garantissaient des corsaires fran?ais, danois, hollandais, et les convoyaient jusqu'aux approches de Stralsund, de Riga, de Revel, de Kronstadt. Un signal convenu, consistant dans une girouette plac?e sur le grand m?t de ces b?timents, les faisait reconna?tre, comme un mot d'ordre dans une ville de guerre, et les distinguait de tous ceux qui auraient voulu se glisser au milieu des convois. Sous ce rapport, Napol?on avait raison de dire que les neutres, m?me ceux qui portaient l?gitimement le pavillon des ?tats-Unis, ?taient complices des Anglais. Mais le principal aboutissant de ce commerce sur le continent ?tait le port de Stralsund, dans la Pom?ranie su?doise. Introduits dans ce port comme marchandises su?doises, les produits anglais avaient libre acc?s en Allemagne depuis la paix de la France avec la Su?de. Un gros commissionnaire du pays avait exp?di? jusqu'? mille chariots de ces marchandises.

C'est ainsi que les Su?dois ?ludaient les conditions de leur paix avec la France. Ils avaient pouss? le soin pour ce trafic jusqu'? disposer autour de Gothenbourg un cordon de cavalerie, lequel, sous pr?texte d'?pid?mie, emp?chait qui que ce f?t d'approcher, et de voir des milliers de ballots de contrebande ?tal?s sous des tentes, ainsi qu'un grand nombre d'officiers anglais venant manger des vivres frais et se consoler ? terre des ennuis de leurs longues croisi?res. Divers agents envoy?s par le mar?chal Davout ayant r?ussi ? percer le cordon qui ne couvrait d'autre ?pid?mie que celle de la contrebande, avaient entendu parler les langues russe et allemande, mais surtout la langue anglaise, dans ce vaste ?tablissement improvis? par le g?nie du commerce interlope.

Le duc d'Augustenbourg, destin? ainsi ? porter un jour les trois couronnes du Nord, n'avait rien pour s?duire, mais tout pour se faire estimer. Il ?tait froid, appliqu? aux affaires, et fort occup? de ce qui concernait l'arm?e. N'ayant pas eu encore assez de temps pour conqu?rir les penchants du peuple su?dois rest? ind?cis ? son ?gard, il fut subitement emport? par un accident impr?vu et extraordinaire. Il ?tait ? cheval occup? ? passer une revue, lorsque tout ? coup on le vit tomber et demeurer sans mouvement. On accourut, il ?tait mort. Rien n'annon?ait un attentat, et il fut bien prouv? qu'une cause naturelle avait seule amen? ce malheur. Mais le peuple su?dois, se prenant tout ? coup d'une vive sympathie pour ce prince sit?t frapp?, se persuada qu'un crime int?ress? l'avait enlev? ? son amour naissant. Avec la violence ordinaire aux passions populaires, on chercha et on d?signa les coupables, bien innocents du reste de ce crime: c'?taient, disait-on, le comte de Fersen, la comtesse de Piper, la reine, et tout le parti de l'ancienne cour. On prof?ra contre eux d'atroces menaces, qui ne furent malheureusement pas des menaces sans effet. Quelques jours apr?s, le comte de Fersen, conduisant en vertu de la charge qu'il occupait ? la cour le deuil du prince d?funt, souleva par sa pr?sence une affreuse temp?te. Assailli, envelopp? par la populace, il fut tra?n? dans les rues et ?gorg?.

Le roi r?gnant, port? vers le syst?me de l'union des trois couronnes, mais sentant aussi profond?ment le besoin de s'appuyer sur la France, avait d?p?ch? un homme de confiance aupr?s de Napol?on, avec une lettre dans laquelle il lui disait que sa tendance ?tait de travailler ? l'union des trois couronnes, que c'?tait ? ses yeux la meilleure des politiques, que toutefois il ne voulait rien faire sans consulter l'arbitre de l'Europe, le puissant empereur des Fran?ais; que si cet arbitre approuvait une telle mani?re de voir, il prendrait son successeur dans la famille des princes de Danemark, en s'approchant plus ou moins du but auquel on tendait suivant les circonstances, mais que si au contraire Napol?on voulait ?tendre sa main tut?laire sur la Su?de, lui accorder ou un prince de sa famille, ou l'un des guerriers illustr?s sous ses ordres, la Su?de l'adopterait avec transport. L'envoy? secret du roi ?tait charg? d'insister pour que Napol?on donn?t lui-m?me un roi aux Su?dois.

Napol?on avait ?t? plus embarrass? que flatt? de ce message. Il n'?tait pas assez satisfait de ce syst?me r?novateur des couronnes, consistant ? mettre sur les tr?nes qui vaquaient ou qu'il faisait vaquer, tant?t des fr?res, tant?t des beaux-fr?res, et apr?s les fr?res et beaux-fr?res des mar?chaux, pour y persister surtout ? cette distance. Il venait d'?prouver qu'il fallait soutenir ? grands frais ces rois de cr?ation r?cente, qui malgr? ce qu'ils co?taient r?sistaient autant au moins que les anciens rois, parce qu'ils ?taient oblig?s de se faire les instruments des r?sistances de leurs peuples, accrues encore par la pr?sence de royaut?s ?trang?res. Il ne tenait donc pas ? se mettre sur les bras de nouvelles difficult?s de ce genre. De plus, il avait donn? assez d'ombrages ? l'Europe par la cr?ation de d?partements fran?ais ? Hambourg et ? Lubeck, sans y ajouter par l'?l?vation au tr?ne de Su?de d'un prince fran?ais, qui peut-?tre serait bient?t un ennemi. Recouvrant toute la justesse et la profondeur de son esprit d?s que ses passions ne l'?garaient plus, il aimait mieux voir les trois couronnes du Nord se renforcer contre la Russie et contre l'Angleterre par leur union, que se procurer ? lui-m?me le vain plaisir d'amour-propre d'?lever en Europe une nouvelle royaut? fran?aise. Du reste, on avait si peu indiqu? jusqu'alors le prince fran?ais qui pourrait ?tre appel? au tr?ne de Su?de, que le choix possible n'avait exerc? aucune influence sur cette excellente disposition.

Napol?on avait donc r?pondu sur-le-champ qu'il n'avait ni prince ni g?n?ral ? offrir aux Su?dois, qu'il n'ambitionnait rien en ce moment ni pour sa famille ni pour ses lieutenants; que l'Europe d'ailleurs en pourrait ?tre offusqu?e, et que la politique qui, plus t?t ou plus tard, avait en vue la r?union des trois couronnes du Nord, ?tait ? ses yeux la meilleure, et la plus digne du prince habile qui r?gnait ? Stockholm; qu'il ne demandait au surplus ? la Su?de que d'?tre une fid?le alli?e de la France, et de l'aider contre l'Angleterre en ex?cutant ponctuellement les lois du blocus continental.

La r?union si hardiment pr?sent?e, et particuli?rement sous les traits d'un roi de Danemark, qui non-seulement offensait l'orgueil su?dois, mais par son caract?re vrai ou suppos? effrayait les nombreux partisans des id?es nouvelles, avait caus? une sorte de soul?vement g?n?ral, et la confusion des esprits ?tait devenue plus grande que jamais. Dans cette ?trange situation, qui s'?tait prolong?e pendant toute l'ann?e 1810, l'opinion, toujours plus flottante et plus perplexe, s'?tait de nouveau tourn?e vers Napol?on, sans parvenir ? p?n?trer ses desseins. Pourquoi, disaient beaucoup de Su?dois, principalement parmi les militaires, pourquoi Napol?on ne veut-il pas ?tendre vers nous sa main puissante? Pourquoi ne nous donne-t-il pas un prince ou un g?n?ral ? lui? Le brave peuple su?dois ne lui semblerait-il pas digne d'un tel sort?...--Ils parlaient m?me avec une certaine amertume des gens de commerce, qui, tous asservis ? leurs int?r?ts, craignaient pour les tristes raisons tir?es du blocus continental de rendre plus compl?te l'intimit? avec la France. Cette disposition, chaque jour accrue par l'embarras qu'on ?prouvait, ?tait bient?t devenue g?n?rale.

En pensant et parlant ainsi, on cherchait le prince ou le g?n?ral que Napol?on pourrait d?signer au choix des Su?dois. Il y en avait un, le mar?chal Bernadotte, homme de guerre et prince, alli? ? la famille imp?riale par sa femme, soeur de la reine d'Espagne, qui avait s?journ? quelque temps sur les fronti?res de Su?de, et contract? des relations avec plusieurs Su?dois. ? l'?poque o? il se trouvait dans ces parages, il ?tait charg? de menacer la Su?de d'une exp?dition qui devait partir du Jutland et seconder les Russes en Finlande; mais il avait re?u sous main l'ordre de ne point agir. Se targuant volontiers des m?rites qui n'?taient pas les siens, il s'?tait fait valoir aupr?s des Su?dois de son inaction, comme si elle avait ?t? volontaire, tandis qu'elle ?tait command?e. Caressant en tous lieux tout le monde, par un vague instinct d'ambition qu'?veillaient tous les tr?nes vacants ou pouvant vaquer, il s'?tait fait des amis dans la noblesse su?doise, dont les go?ts ?taient militaires. Sachant tour ? tour flatter les autres et se vanter lui-m?me, il avait conquis quelques enthousiastes qui voyaient en lui un prince accompli. C'?tait donc l'ancien g?n?ral Bernadotte dont quelques meneurs pronon?aient le nom, comme d'un parent cher ? Napol?on, comme d'un militaire qui lui avait rendu d'immenses services, et qui vaudrait ? la Su?de, outre un grand ?clat, toute la faveur de la France.

Cette id?e s'?tait rapidement propag?e, et on avait fait de nouveaux efforts pour arracher ? l'oracle qui se taisait une r?ponse qu'il ne voulait pas donner. Un dernier incident, singulier comme tous ceux qui devaient signaler cette r?volution dynastique, ?tait survenu r?cemment, et n'?tait pas de nature ? ?claircir les doutes des Su?dois. Notre charg? d'affaires, M. D?saugiers, venait d'?tre destitu? pour s'?tre pr?t? avec un personnage su?dois ? une conversation de laquelle on aurait pu conclure que la France penchait pour l'union des trois couronnes. Ce soin ? d?savouer une pens?e qui pourtant ?tait la sienne, prouvait ? quel point la France tenait ? ne pas manifester son opinion. Que d?sirait-elle donc?

Dans ce cruel embarras, le roi ayant ? faire enfin une proposition au comit? des ?tats assembl?s, avait pr?sent? trois candidats: le duc d'Augustenbourg, le roi de Danemark et le prince de Ponte-Corvo . Le comit? des ?tats, sous l'influence de M. d'Adlersparre, chef du parti r?volutionnaire et militaire qui avait d?tr?n? Gustave IV, avait adopt? comme la r?solution la plus sage, la moins hasardeuse, bien que dirig?e clairement dans le sens de la bonne politique, l'adoption du duc d'Augustenbourg, fr?re du prince d?funt. Ce candidat avait eu onze voix, le prince de Ponte-Corvo une seule. On esp?rait bien vaincre ainsi l'opposition que le roi de Danemark avait mise ? l'acceptation du duc d'Augustenbourg.

Les choses en ?taient l?, lorsqu'il ?tait arriv? tout ? coup un ancien n?gociant fran?ais, ?tabli longtemps ? Gothenbourg o? il n'avait pas ?t? heureux dans son commerce, et qui ?tait dans un moment pareil un excellent agent d'?lections ? employer. Envoy? par le prince de Ponte-Corvo avec des lettres, avec des fonds, il avait mission de tout mettre en oeuvre pour soutenir le candidat fran?ais. En quelques instants les bruits les plus ?tranges avaient circul?. Sans montrer ni des ordres ni des instructions du cabinet fran?ais qu'on n'avait point, on s'?tait mis ? dire partout qu'il fallait avoir l'esprit bien peu p?n?trant pour ne pas d?couvrir la v?ritable pens?e de la France, pens?e qu'elle ?tait oblig?e de taire par des m?nagements politiques faciles ? deviner, mais pens?e ?vidente, certaine, dont on ?tait s?r, et qui n'?tait autre que l'?l?vation au tr?ne de Su?de du prince de Ponte-Corvo, cet illustre g?n?ral, ce sage conseiller, l'inspirateur de Napol?on dans ses plus belles campagnes et ses plus grands actes politiques. On demandait de tous c?t?s comment on avait l'intelligence assez paresseuse pour ne pas comprendre cette pens?e, et ne pas voir le motif du silence apparent, affect? m?me, auquel la France ?tait condamn?e? Cette com?die, jou?e avec beaucoup d'art, avait parfaitement r?ussi. Personne n'avait voulu passer pour un esprit obtus, incapable de p?n?trer la pens?e profonde de Napol?on; tout le monde y avait cru, ? tel point qu'en quelques heures la nouvelle opinion envahissant le gouvernement et les ?tats, le roi avait ?t? oblig? de revenir sur la pr?sentation qu'il avait faite, le comit? ?lectoral sur le vote qu'il avait ?mis, et qu'en une nuit le prince de Ponte-Corvo avait ?t? pr?sent?, et ?lu ? la presque unanimit?, prince royal, h?ritier de la couronne de Su?de. Cet ?trange ph?nom?ne, qui devait ?lever au tr?ne la seule des royaut?s napol?oniennes qui se soit soutenue en Europe, prouvait deux choses, ? quel point l'opinion en Su?de ?tait puissante en faveur d'une royaut? d'origine fran?aise, et combien il faut peu de temps pour faire ?clater une opinion, quand elle est g?n?rale quoique comprim?e, et momentan?ment dissimul?e!

Mais tout devait ?tre bizarre dans cette r?volution. Tandis que l'agent secret, auteur de ce brusque revirement ?lectoral, ?tait parti de Paris, Napol?on, averti de son d?part, et se doutant qu'il abuserait du nom de la France, avait charg? le ministre des affaires ?trang?res de le d?savouer, d?saveu qui ?tait arriv? trop tard ? Stockholm. Le prince choisi pour ?tre alli? de la France ?tait ?lu. Napol?on, en apprenant cette ?lection, sourit avec une sorte d'amertume, comme s'il avait p?n?tr? dans les profondeurs de l'avenir. Il n'en parla du reste qu'avec indiff?rence, ayant en sa force une foi absolue, et regardant l'ingratitude qu'il pr?voyait comme l'un des ornements de la carri?re d'un grand homme. Il re?ut avec hauteur et douceur l'ancien g?n?ral Bernadotte, qui venait solliciter une approbation indispensable en Su?de; il lui dit qu'il ?tait ?tranger ? son ?l?vation, car sa politique ne lui permettait pas de s'en m?ler, mais qu'il y voyait avec plaisir un hommage rendu ? la gloire des arm?es fran?aises, qu'il ?tait au surplus bien assur? que le mar?chal Bernadotte, officier de ces arm?es, n'oublierait jamais ce qu'il devait ? sa patrie; que dans cette confiance il agr?ait l'?lection faite par les Su?dois, et que ne voulant pas qu'un Fran?ais f?t ? l'?tranger une figure qui ne serait pas digne de la France, il avait ordonn? ? M. Mollien de lui compter tous les fonds dont il aurait besoin. Apr?s ce discours, Napol?on avait reconduit le nouvel ?lu avec une dignit? gracieuse mais froide jusqu'? la porte de son cabinet.

Le prince de Ponte-Corvo, qui ne songeait alors ? se pr?senter en Su?de qu'entour? de la faveur de Napol?on, avait re?u de M. Mollien un million, et ?tait parti sans d?lai pour Stockholm, o? il avait ?t? accueilli avec transport. Sur-le-champ il s'?tait attach? ? flatter tous les partis, prenant avec chacun un visage diff?rent, avec l'ancienne cour affichant la mani?re d'?tre du vieil aristocrate de l'arm?e du Rhin qui se faisait appeler Monsieur quand ailleurs on s'appelait citoyen; avec le parti lib?ral celle d'un ancien g?n?ral fid?le ? la R?publique qu'il avait servie; enfin avec les secrets partisans de l'Angleterre, dont la classe commer?ante ?tait remplie, laissant percer toute la haine qu'il nourrissait au fond du coeur contre Napol?on, l'auteur de sa fortune.

Pour quelque temps ces r?les si contradictoires ?taient possibles, et devaient r?ussir jusqu'au moment o? ils feraient place ? un seul, celui d'un ennemi irr?conciliable de la France, dernier r?le qu'un d?plorable ?-propos devait faire r?ussir ? son tour, lorsque ?claterait contre nous l'orage de la haine universelle. Allant au plus press?, cherchant quelque chose ? donner tout de suite ? l'orgueil su?dois, le prince royal de Su?de, avec une pr?cipitation de nouveau venu, avait imagin? de faire au ministre de France une ouverture ?trange, et qui prouvait quelle id?e il se formait de la fid?lit? politique.

C'?tait l'?poque o?, comme nous venons de le dire, Napol?on pr?parait, mais sans se presser, la campagne de Russie. On parlait de toutes parts d'une grande guerre au Nord. Ces bruits devaient bient?t se calmer un peu par la remise des hostilit?s ? l'ann?e suivante; mais ils avaient en cet instant toute leur intensit? premi?re. Le prince royal de Su?de, montrant en cette occasion un d?vouement affect? pour la France, dit ? notre ministre qu'il voyait bien ce qui se pr?parait, qu'il y aurait bient?t une grande guerre, qu'il se rappelait celle de 1807, qu'il y avait rendu d'importants services , qu'elle serait chanceuse et difficile, qu'il faudrait ? Napol?on de puissantes alliances, qu'une arm?e su?doise jet?e en Finlande, presque aux portes de Saint-P?tersbourg, pourrait ?tre d'un immense secours, mais qu'il ?tait peu probable cependant qu'on parv?nt ? recouvrer cette province; qu'en Su?de on ne s'en flattait gu?re, qu'au contraire tout le monde regardait la Norv?ge comme le d?dommagement naturel, n?cessaire, et le seul possible, de la perte de la Finlande, et, par exemple, que si Napol?on voulait assurer tout de suite la Norv?ge ? la Su?de, il mettrait tous les Su?dois ? ses pieds, et disposerait d'eux ? son gr?. Le nouveau prince royal eut la hardiesse assez peu s?ante, apr?s avoir offert son concours, de menacer de son hostilit? imm?diate, si sa proposition n'?tait pas accueillie, et de s'attacher ? montrer ? quel point il pourrait nuire, apr?s avoir montr? ? quel point il ?tait capable de servir. Il le fit m?me avec un d?faut de pudeur qui avait quelque chose de r?voltant, l'habit de g?n?ral fran?ais ?tant celui qu'il portait quelques jours auparavant, et celui qui lui avait ouvert l'acc?s au tr?ne.

Le ministre de France surpris, ?mu de ce spectacle odieux, se h?ta pourtant, vu la gravit? de la proposition, d'en ?crire ? Paris, afin que Napol?on lui dict?t la r?ponse ? faire ? une pareille ouverture. Napol?on, nous le disons ? sa louange, ?prouva un mouvement d'indignation qui eut de grandes cons?quences, qui aurait d? lui m?riter un autre sort, et qui le lui aurait certainement m?rit?, si sa prudence en toutes choses avait ?gal? sa loyaut? en celle-ci. Pour donner la Norv?ge ? la Su?de, il fallait d?pouiller effront?ment son plus fid?le alli?, le Danemark, qui, tortur? par les lois du blocus continental, les supportait cependant avec une patience admirable, et fournissait m?me d'excellents matelots ? nos flottes. Il rougit d'indignation et de m?pris ? une telle proposition, et adressa ? son ministre des affaires ?trang?res l'une des plus belles lettres et des plus honorables qu'il ait ?crites de sa vie.--La t?te du nouveau prince royal, il le voyait bien, et il ne s'en ?tonnait pas, ?tait, disait-il, une t?te mal r?gl?e, agit?e, effervescente. Au lieu d'?tudier le pays o? il arrivait, de s'y faire estimer par une attitude calme, digne, s?rieusement occup?e, le prince ne cherchait qu'? flatter celui-ci, ? caresser celui-l?, et allait imprudemment soulever des questions d'o? pouvait jaillir un incendie. C'?tait une conduite regrettable, et ? laquelle il ne fallait pas pr?ter la main. Trahir le Danemark ?tait pour la France un crime impossible, et qu'il ?tait aussi peu sage que peu s?ant de lui proposer. Tout cet ?talage de services ? rendre ? la France, ou de mal ? lui causer, ne pouvait point la toucher, car elle ne d?pendait d'aucun ennemi au monde, encore moins d'aucun alli?. Le prince s'oubliait donc en se permettant un tel langage; heureusement ce n'?tait que le prince royal, et point le roi ni le gouvernement qui s'exprimaient de la sorte. On voulait bien par cons?quent n'en pas tenir compte.--Apr?s ces r?flexions, Napol?on recommandait ? M. Alquier, notre ministre, de ne point blesser le prince, mais de lui faire entendre qu'il s'?garait en agissant et en parlant si vite, surtout en parlant de ce ton; de ne point lui r?pondre sur les sujets qu'il avait abord?s si l?g?rement, de l'entretenir peu d'affaires, puisque apr?s tout il n'?tait qu'h?ritier d?sign?; de n'avoir de relations qu'avec le roi et les ministres, et de dire ? chacun d'eux, tout haut ou tout bas, que ce que la France attendait de la Su?de c'?tait la fid?lit? aux trait?s, particuli?rement au dernier trait? de paix scandaleusement viol? en ce moment, qu'elle en attendait par-dessus tout la suppression de l'entrep?t de Gothenbourg, sans quoi la guerre recommencerait, et la Pom?ranie su?doise, restitu?e tout r?cemment, deviendrait encore une fois le gage dont on se saisirait pour forcer la Su?de ? rentrer dans le devoir. Par le m?me courrier, Napol?on fit recommander au Danemark, sans lui dire pourquoi, d'entretenir toujours beaucoup de troupes en Norv?ge.

Telle est la mani?re dont se dessinaient les dispositions de l'Europe ? la veille de la grande et derni?re lutte que Napol?on allait lui livrer. C'?tait ext?rieurement la soumission la plus compl?te avec une haine implacable au fond, et au moins de l'embarras l? o? il n'existait pas de haine. Ainsi nos alli?s allemands, la Bavi?re, le Wurtemberg, la Saxe, Baden, faisaient tout ce que nous voulions, et pr?paraient leurs contingents, mais tremblaient secr?tement en voyant les haines qui couvaient dans le coeur de leurs sujets, et l'animadversion inspir?e par la conscription. Attach?s ? la cause de Napol?on par peur et par int?r?t, souvent bless?s par ses exigences et par son langage, mais craignant de perdre les agrandissements qu'ils avaient re?us de lui, ils souhaitaient qu'il ne s'expos?t point ? de nouveaux hasards, et par ce motif redoutaient singuli?rement la prochaine guerre. Le roi de Wurtemberg notamment, ayant peu de scrupules en fait d'alliances, ne tenant pour bonne que celle qui augmentait ses revenus et son territoire, n'?prouvant par cons?quent aucun remords de s'?tre donn? ? Napol?on, et joignant ? beaucoup d'esprit une rare ?nergie de caract?re, au point de dire toujours ce qu'il pensait au tout-puissant protecteur de la Conf?d?ration du Rhin, lui avait adress? quelques objections relativement aux pr?paratifs de la nouvelle guerre et ? l'envoi d'un d?tachement wurtembergeois demand? pour Dantzig. Sur-le-champ Napol?on lui avait r?pondu une lettre longue et curieuse, qui r?v?lait tout enti?re l'?trange fatalit? sous l'empire de laquelle il courait ? de nouvelles aventures. Dans cette lettre il lui disait que ce n'?tait pas ? un r?giment de plus ou de moins qu'il tenait, mais ? l'avantage d'avoir ? Dantzig des Allemands plut?t que des Fran?ais, parce qu'ils y excitaient moins d'ombrages; que voulant avoir des Allemands, il en d?sirait de tous les ?tats de la Conf?d?ration; qu'il lui ?tait impossible de ne pas prendre position ? Dantzig, car c'?tait la vraie base d'op?rations pour une campagne dans le Nord; que cette campagne ce n'?tait pas par go?t, par fantaisie de jeune prince belliqueux cherchant un d?but brillant dans le monde, qu'il s'appr?tait ? la faire, que loin de lui plaire elle lui d?plaisait , mais qu'il la regardait comme in?vitable; que si elle n'?clatait pas en 1811, ce serait en 1812; qu'on pourrait tout au plus la retarder d'une ann?e, et qu'il aurait bien mal g?r? ses affaires et celles de la Conf?d?ration s'il se laissait surprendre par un ennemi auquel il aurait permis impun?ment de se pr?parer; qu'il ob?issait donc ? la n?cessit?, non ? son penchant, et insistait pour avoir les deux bataillons wurtembergeois destin?s ? compl?ter la garnison de Dantzig!--N?cessit?! telle ?tait, avons-nous dit, la pens?e de Napol?on, n?cessit? r?elle, assur?ment, ?tant admis comme une n?cessit? pour lui de se faire ob?ir sans d?lai, sans limite, sans une seule restriction, par toutes les puissances de l'Europe, celles qui ?taient pr?s et celles qui ?taient loin, celles dont le concours importait ? ses desseins, et celles dont le concours, bien que pr?cieux, n'?tait pas indispensable, ?tait m?me obtenu dans une suffisante mesure, et, dans cette mesure, ne laissait quelque chose ? d?sirer qu'? son orgueil! Telle ?tait la n?cessit? qu'on pouvait invoquer pour cette guerre! Le roi de Wurtemberg, qui avait pour Napol?on un penchant v?ritable, en recevant sa derni?re lettre, et en reconnaissant l'inutilit? des remontrances, avait cess? de r?sister. L'esprit rempli des plus sinistres pressentiments, il avait envoy? ses deux bataillons.

M. de Metternich n'avait donc pas aupr?s d'eux plus de cr?dit que la diplomatie fran?aise. Les emp?cher de livrer la Moldavie et la Valachie aux Russes ?tait un r?sultat acquis; mais les faire battre contre les Russes pour les Fran?ais et les Autrichiens ?tait un r?sultat plus qu'improbable.

Tandis qu'il pr?parait ses alliances comme ses arm?es pour la grande guerre du Nord, diff?r?e mais malheureusement in?vitable, Napol?on, avec son ordinaire activit? d'esprit, t?chait d'exp?dier ses affaires int?rieures, afin de ne laisser aucun embarras derri?re lui lorsqu'il serait oblig? de s'absenter pour un temps dont on ne pouvait pr?voir la dur?e. Il avait voulu, ainsi que nous l'avons dit, r?unir le concile duquel il attendait la fin des querelles religieuses, le jour m?me du bapt?me du Roi de Rome. Il lui semblait convenable de joindre ? tous les corps de l'?tat, convoqu?s autour du berceau de son fils, l'?glise catholique elle-m?me, et de faire consacrer par celle-ci le titre de Roi de Rome donn? ? l'h?ritier du nouvel empire. Soit que cette esp?ce d'engagement r?pugn?t aux ?v?ques, d?j? rendus ? Paris pour la plupart, soit que la raison all?gu?e f?t sinc?re, ils pr?tendirent que le plus grand nombre d'entre eux ?taient trop ?g?s pour suffire ? la fatigue d'une double c?r?monie dans le m?me jour, et la r?union du concile fut remise au dimanche qui devait suivre le bapt?me. Les ?v?ques ne purent donc assister au bapt?me qu'individuellement, et non point en un corps repr?sentant l'?glise.

Le 9 juin fut choisi pour la c?r?monie solennelle du bapt?me du Roi de Rome. Tout avait ?t? mis en oeuvre pour que cette c?r?monie f?t digne de la grandeur de l'Empire et des vastes destin?es promises au jeune roi. Le 8 juin au soir Napol?on se transporta de Saint-Cloud ? Paris, entour? d'un cort?ge magnifique, ? peu pr?s comme celui dont il avait donn? le spectacle aux Parisiens en venant c?l?brer son mariage au Louvre. Un an s'?tait ? peine ?coul?, et d?j? il avait un h?ritier, et il pouvait dire avec orgueil que la Providence lui accordait tout ce qu'il d?sirait avec la ponctualit? d'une puissance soumise. Elle ne l'?tait pas, h?las, et devait le lui prouver bient?t! Mais il semblait qu'elle lui prodigu?t tous les bonheurs, comme pour rendre plus grande la faute d'en abuser, et plus terrible le ch?timent que cette faute entra?nerait. Le 8 juin au soir, il vint ? Paris, suivi des rois de sa famille, de Joseph, qui avait pris ce pr?texte pour se soustraire aux horreurs de la guerre d'Espagne, de J?r?me, qui avait quitt? son royaume pour assister ? cette solennit?, du duc de Wurzbourg, envoy? par l'empereur d'Autriche pour le repr?senter au bapt?me de son petit-fils. Napol?on avait eu en effet l'attention d?licate de prier son beau-p?re d'?tre parrain de l'auguste enfant, et l'empereur Fran?ois, press? de complaire ? son redoutable gendre, avait accept? la qualit? de parrain, et charg? le duc de Wurzbourg d'en remplir pour lui les fonctions. Toute la population de Paris ?tait accourue au-devant du superbe cort?ge, d?j? consol?e en partie des souffrances commerciales de cette ann?e par un retour marqu? d'activit? industrielle, et par les immenses commandes de la liste civile et de l'administration de la guerre. Elle aimait d'ailleurs ce gage nouveau de dur?e accord? par le ciel ? une grandeur inou?e, qui ?tait non-seulement celle d'un homme, mais celle de la France, et si elle avait des jours de vif m?contentement contre Napol?on, c'?tait justement lorsqu'il semblait mettre cette grandeur en p?ril. Elle l'applaudit encore, quoique l'enthousiasme ne f?t plus celui des premiers temps, elle l'applaudit, toujours saisie et s?duite quand elle le voyait, toujours ?merveill?e de sa fortune et de sa gloire, toujours entra?n?e aussi comme toute population par le mouvement des grandes f?tes. Paris rayonnait de mille feux; tous les th??tres ?taient ouverts gratis ? la foule empress?e; les places publiques ?taient couvertes des dons offerts au peuple de Paris par l'heureux p?re du Roi de Rome, et ce qui ne contribuait pas peu ? la satisfaction g?n?rale, c'est que le renvoi de la guerre ? une ann?e faisait esp?rer qu'elle pourrait ?tre ?vit?e. Des bruits de paix compl?taient la joie de ces belles f?tes.

Le lendemain 9, jour de dimanche, Napol?on, accompagn? de sa femme et de sa famille, conduisit son fils ? Notre-Dame, l'?glise du sacre, et le pr?senta aux ministres de la religion. Cent ?v?ques et vingt cardinaux, le S?nat, le Corps l?gislatif, les maires des bonnes villes, les repr?sentants de l'Europe, remplissaient l'enceinte sacr?e o? l'enfant imp?rial devait recevoir les eaux du bapt?me. Quand le pontife eut achev? la c?r?monie et rendu le Roi de Rome ? la gouvernante des enfants de France, madame de Montesquiou, celle-ci le remit ? Napol?on, qui, le prenant dans ses bras et l'?levant au-dessus de sa t?te, le pr?senta ainsi ? la magnifique assistance avec une ?motion visible, qui devint bient?t g?n?rale. Ce spectacle remua tous les coeurs. Quelle profondeur dans le myst?re qui entoure la vie humaine! Quelle surprise douloureuse, si, derri?re cette sc?ne de prosp?rit? et de grandeur, on avait pu apercevoir tout ? coup tant de ruines, tant de sang et de feux, et les flammes de Moscou, et les glaces de la B?r?zina, et Leipzig, Fontainebleau, l'?le d'Elbe, Sainte-H?l?ne, et enfin la mort de cet auguste enfant ? vingt ans, dans l'exil, sans une seule des couronnes aujourd'hui accumul?es sur sa t?te, et tant d'autres r?volutions encore qui devaient relever sa famille apr?s l'avoir abattue! Quel bienfait de la Providence d'avoir cach? ? l'homme son lendemain! Mais quel ?cueil aussi pour sa prudence charg?e de deviner ce lendemain, et de le conjurer ? force de sagesse!

En quittant la m?tropole au milieu d'une multitude immense, Napol?on se rendit ? l'h?tel de ville, o? un banquet imp?rial ?tait pr?par?. Sous les gouvernements absolus, on flatte volontiers le peuple dans certaines occasions, et la ville de Paris notamment a souvent re?u de ses ma?tres des caresses qui ne les engageaient gu?re. C'est dans son sein que Napol?on avait voulu c?l?brer la naissance de son fils, et c'est dans son sein qu'il passa cette journ?e. Les habitants de Paris admis ? la f?te purent le voir assis ? table, la couronne en t?te, entour? des rois de sa famille et d'une foule de princes ?trangers, prenant son repas en public comme les anciens empereurs germaniques, successeurs des empereurs d'Occident! ?blouis par ce spectacle resplendissant, les Parisiens applaudirent, se flattant encore que la dur?e se joindrait ? la grandeur et la sagesse ? la gloire! Ils faisaient bien de se r?jouir, car ces joies ?taient les derni?res du r?gne! H?las, ? partir de cette ?poque, nos r?cits ne seront plus qu'un long deuil.

Les jours suivants, des f?tes de toute nature succ?d?rent ? celles du premier jour, car en cette circonstance Napol?on d?sira prolonger autant que possible les manifestations de la joie publique. Mais la terrible destin?e, qui dispose de la vie des plus grands comme des plus humbles des mortels, et les pousse sans rel?che au but assign? ? leur carri?re, ne voulut pas lui laisser prendre longtemps haleine. Les plus graves affaires ?taient l? profond?ment emm?l?es les unes aux autres, se succ?dant sans interruption, et r?clamant sans un moment de retard son attention tout enti?re. Le dimanche 9 juin, il avait fait baptiser son fils, le dimanche 16 juin, il fallut convoquer le concile.

On a vu au commencement de ce livre les motifs qui avaient d?cid? Napol?on ? r?unir un concile. Une commission eccl?siastique compos?e de pr?lats, une commission civile compos?e de personnages politiques consid?rables, et comprenant entre autres le prince Cambac?r?s, avaient examin? et r?solu comme il suit les questions nombreuses et graves que faisait na?tre la r?union d'une pareille assembl?e.

D'abord pouvait-on former un concile sans la volont? et la pr?sence du Pape? L'histoire de l'?glise ? cet ?gard ne laissait aucun doute, puisqu'il y avait eu des conciles convoqu?s par les empereurs contre les papes, pour condamner des pontifes indignes, et d'autres convoqu?s par des papes contre des empereurs oppresseurs de l'?glise. D'ailleurs le bon sens, qui est la lumi?re la plus s?re en mati?re religieuse comme en toute autre, disait en effet que l'?glise ayant eu ? se sauver elle-m?me, et y ayant r?ussi avec un rare discernement, tant?t contre des papes pr?varicateurs, tant?t contre des empereurs abusant de leur puissance, il fallait bien qu'elle p?t se constituer ind?pendamment de ceux qu'elle devait contenir ou punir.

Fallait-il former un concile oecum?nique, c'est-?-dire g?n?ral, ou seulement un concile national? Un concile g?n?ral aurait eu plus d'autorit?, aurait convenu davantage ? la politique et ? l'imagination grandiose de Napol?on. Mais bien que Napol?on poss?d?t dans son empire ou dans les ?tats alli?s la plus grande partie de la chr?tient?, il restait trop de pr?lats en dehors de sa puissance, en Espagne, en Autriche, dans quelques portions de l'Allemagne et de la Pologne, pour braver l'inconv?nient de leur absence ou de leur opposition. Tr?s-probablement ils ne seraient pas venus, ils auraient protest? contre la formation d'un concile, et tout de suite infirm? la l?gitimit? de celui qu'on aurait tenu. En convoquant un concile exclusivement national, qui comprendrait les ?v?ques de l'Empire fran?ais, ceux de l'Italie et d'une partie de l'Allemagne, on devait composer une assembl?e des plus imposantes, et qui suffisait parfaitement pour r?soudre les questions qu'on avait ? lui soumettre.

Le mode de nomination et d'institution canonique des ?v?ques n'?tant point uniforme dans les diff?rents pays, et surtout ayant vari? avec la marche des si?cles, soulevait une question de discipline locale qu'un concile national pouvait r?soudre, pour la France et l'Italie bien entendu, et cette solution suffisait ? Napol?on, car le Pape ?tait alors d?poss?d? de l'arme dont il se servait pour tout arr?ter.

Par ces diverses raisons, il fut convenu que l'on formerait un concile compos? des ?v?ques d'Italie, de France, de Hollande, d'une partie de l'Allemagne, ce qui constituerait une assembl?e des plus vastes et des plus majestueuses, qu'on le r?unirait ? Paris, au commencement de juin, et qu'on lui soumettrait le grave conflit qui venait de s'?lever entre le pouvoir temporel et l'?glise. La question devait ?tre pr?sent?e dans un message imp?rial ? peu pr?s dans les termes suivants.

--Napol?on, en arrivant au gouvernement de la France, avait trouv? les autels renvers?s, les ministres de ces autels proscrits, et il avait relev? les uns, rappel? les autres. Il avait employ? sa puissance ? vaincre de redoutables pr?jug?s n?s d'une longue r?volution et de tout un si?cle philosophique; il avait r?ussi, et par lui r?tablie, la religion catholique avait refleuri. Des faits nombreux et patents prouvaient que depuis son av?nement au tr?ne il n'avait pas ?t? commis un seul acte contraire ? la foi, tandis qu'il avait ?t? pris une multitude de mesures pour prot?ger la religion et l'?tendre. ? la v?rit?, un f?cheux dissentiment s'?tait manifest? entre le Pape et l'Empereur.

--Napol?on, comptant l'Italie au nombre de ses conqu?tes, avait voulu s'y ?tablir solidement. Or, depuis qu'il avait ramen? le Pape ? Rome, ce qu'il avait fait m?me avant le Concordat, il avait rencontr? dans le souverain temporel des ?tats romains un ennemi ouvert ou cach?, mais toujours intraitable, qui n'avait rien n?glig? pour ?branler la puissance des Fran?ais en Italie. Le Pape avait donn? asile ? tous les cardinaux hostiles au roi de Naples, ? tous les brigands qui infestaient la fronti?re napolitaine, et avait voulu demeurer en rapport avec les Anglais, les ennemis irr?conciliables de la France. C'?tait donc non pas le souverain spirituel, mais le souverain temporel de Rome, qui, pour une question d'int?r?t tout mat?riel, s'?tait pris de querelle avec le souverain temporel de l'Empire fran?ais. Et quelle arme avait-il employ?e? l'excommunication, qui ?tait ou impuissante, et d?s lors exposait l'autorit? spirituelle ? la d?consid?ration, ou destructive de tout pouvoir, et ne tendait ? rien moins qu'? rejeter la France et l'Europe dans l'anarchie.--

Ici les plaintes ?taient faciles, et devaient trouver de l'?cho, car, dans le clerg? presque entier, except? la portion fanatique, la bulle d'excommunication n'avait rencontr? que des improbateurs, et, parmi les gens ?clair?s de tous les ?tats, il n'y avait personne qui n'e?t dit que la papaut? avait employ? l? un moyen, ou ridicule s'il ?tait impuissant, ou coupable s'il ?tait efficace, et digne des anarchistes de 1793.

--C'?tait le premier cas qui s'?tait r?alis?, devait-on dire encore, et le Pape alors avait eu recours ? un second moyen, celui de refuser l'institution canonique aux ?v?ques nomm?s. Or il avait d?j?, pour des int?r?ts temporels, laiss? p?rir l'?piscopat en Allemagne, ? ce point que sur vingt-quatre si?ges germaniques il n'y en avait plus que huit de remplis, ce qui devait faire na?tre une grande tentation chez des princes, la plupart protestants, de s'emparer de la dotation des si?ges. Le Pape agirait-il de m?me en France? On pouvait le craindre, car il y avait d?j? vingt-sept si?ges vacants, auxquels l'Empereur avait pourvu, et auxquels le Pape s'?tait refus? de pourvoir de son c?t? en ne donnant pas l'institution canonique. Or ?tait-il possible d'admettre que le Pape, pour la d?fense de ses avantages temporels, p?t mettre l'?glise en p?ril, et laisser p?rir le spirituel?

L'?glise devait veiller ? ce qu'il n'en f?t pas ainsi, et elle en avait le moyen. Le Pape, en refusant l'institution, avait viol? le Concordat. D?s lors le Concordat ?tait un trait? aboli, et on pouvait ? volont? se replacer dans la condition des anciens temps, o? le Pape n'instituait pas les ?v?ques, o? les ?v?ques ?lus par les fid?les ?taient confirm?s et sacr?s par le m?tropolitain. Telle ?tait la question que l'Empereur ne voulait pas r?soudre ? lui seul, mais qu'il posait ? l'?glise assembl?e, afin qu'elle pourv?t ? sa propre conservation, et qu'elle se sauv?t du danger auquel venait de succomber l'?glise d'Allemagne presque enti?re.--

La forme du concile, la question ? lui soumettre ?tant arr?t?es, les principaux personnages qui dans les affaires eccl?siastiques ?clairaient Napol?on de leurs lumi?res, et l'aidaient de leur concours, le suppli?rent de tenter aupr?s du Pape une derni?re d?marche, de lui envoyer deux ou trois pr?lats de grand poids, pour lui annoncer la r?union du concile et l'engager ? rendre facile la t?che de ce concile en adh?rant d'avance ? certaines solutions, qui, une fois consenties par lui, rencontreraient une adh?sion unanime. On ?chapperait ainsi ? la temp?te dont on ?tait menac?, et on procurerait ? l'?glise la paix, la s?curit?, la r?conciliation avec le pouvoir temporel, et la fin de l'affligeante captivit? du Pontife.

Napol?on avait d?j? envoy? ? Savone les cardinaux Spina et Caselli, et le peu de succ?s de cette mission le portait ? consid?rer comme inutile toute tentative de ce genre. Il croyait que les pr?lats r?unis ? Paris et sous sa main ob?iraient ? ses volont?s, qu'ils formuleraient sous sa dict?e une d?cision qu'on enverrait ensuite ? Savone rev?tue de l'autorit? du concile, et que le Pape n'oserait pas y r?sister. Cependant on insista aupr?s de lui avec beaucoup de force, et de mani?re ? l'?branler.

Parmi les eccl?siastiques dont il avait appel? le concours, il y en avait plusieurs d'une grande autorit?, d'un v?ritable m?rite, et tout ? fait dignes d'?tre ?cout?s. Ce n'?tait pas son oncle, le cardinal Fesch, qui, plac? par lui ? la t?te du clerg?, s'y conduisait comme son fr?re Louis en Hollande, avec la bonne foi de moins; ce n'?tait pas le cardinal Maury, envers qui toute l'?glise, par jalousie et par affectation d'aust?rit?, se montrait cruellement ingrate; ce n'?tait pas l'abb? de Pradt, promu ? l'archev?ch? de Malines, et l'un de ceux auxquels l'institution avait ?t? refus?e, pr?lat de beaucoup d'esprit, mais d'une p?tulance d'humeur qui formait avec sa robe un contraste choquant, surtout dans un si?cle o? l'?glise avait remplac? le g?nie par la gravit?; ce n'?taient pas non plus M. l'abb? de Boulogne, ?v?que de Troyes, M. de Broglie, ?v?que de Gand, qui apr?s avoir ?t? les appuis les plus fermes et les plus utiles de Napol?on lors du Concordat, avaient pass? de l'adh?sion la plus chaude ? une irritation violente, tr?s-naturelle, tr?s-l?gitime, mais imprudente; c'?taient M. de Barral, archev?que de Tours, M. Duvoisin, ?v?que de Nantes, M. Mannay, ?v?que de Tr?ves, et quelques autres encore.

M. de Barral ?tait un des pr?lats les plus respectables, les plus instruits, les plus vers?s dans la connaissance des traditions de l'?glise fran?aise, et les plus form?s au maniement des affaires. Il avait ?t? agent g?n?ral du clerg?, et jouissait d'une grande autorit?. Quant ? M. Duvoisin, ?v?que de Nantes, ancien professeur en Sorbonne, et professeur des plus renomm?s, il joignait ? une connaissance profonde des mati?res eccl?siastiques une haute raison, un tact extr?me, l'art de traiter avec les hommes, enfin un remarquable esprit politique, esprit qui devenait chaque jour plus rare parmi les chefs de l'?glise, et qui ne consiste pas dans l'art de capter la confiance des souverains pour les dominer, mais dans ce bon sens sup?rieur qui a port? l'?glise ? s'adapter au g?nie des si?cles o? elle a v?cu, et les lui a fait traverser victorieusement. M. Mannay, enfin, ?v?que de Tr?ves, inf?rieur aux premiers, et de plus fort timide, ?tait n?anmoins un sage et savant homme, toujours utile ? consulter.

Ces trois pr?lats devaient parler non point au nom de l'Empereur, qui ?tait suppos? conna?tre et permettre cette mission, sans toutefois l'ordonner, mais au nom d'une foule d'?v?ques d?j? r?unis ? Paris, et d?sirant avant de se former en concile se concerter avec le chef de l'?glise, pour agir d'accord avec lui, s'il ?tait possible. Une trentaine d'?v?ques, apr?s avoir conf?r? entre eux et avec le cardinal Fesch, avaient ?crit des lettres pour le Saint-P?re, dans lesquelles, tout en faisant profession de lui ?tre d?vou?s, de vouloir maintenir l'unit? catholique, ils le suppliaient de rendre la paix ? l'?glise, menac?e d'un nouveau schisme par la puissance de l'homme qui l'avait r?tablie, et qui seul pouvait encore la sauver.

M. l'archev?que de Tours, MM. les ?v?ques de Nantes et de Tr?ves, devaient remettre ces lettres au Pape, et ensuite lui proposer, toujours au nom du clerg? fran?ais, premi?rement de donner l'institution canonique aux vingt-sept pr?lats nomm?s par l'Empereur, afin de faire cesser la viduit? d'un si grand nombre d'?glises, et de mettre un terme aux conflits soulev?s par la cr?ation des vicaires capitulaires, secondement d'ajouter au Concordat une clause relative ? l'institution canonique. Il n'y avait personne dans le clerg? qui ne f?t frapp? de l'usage abusif que pouvait faire un pape de l'institution canonique, en la refusant ? des sujets dont il ne contestait l'idon?it? ni sous le rapport des moeurs, ni sous celui du savoir, ni sous celui de l'orthodoxie, mais dont il voulait punir ou contrarier ou contraindre le souverain, en arr?tant dans ses ?tats la marche des affaires religieuses. Elle ?tait d?s lors une arme dans ses mains pour satisfaire un ressentiment ou servir un int?r?t. Les trois pr?lats envoy?s ? Savone devaient donc proposer une clause d'apr?s laquelle le Pape serait oblig? de donner l'institution dans un espace de trois mois, s'il n'avait ? faire valoir aucune raison d'indignit? contre les sujets choisis. Ces trois mois expir?s, le m?tropolitain, ou ? son d?faut le plus ancien pr?lat de la province eccl?siastique, serait autoris? ? conf?rer l'institution canonique.

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