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Read Ebook: Les amours du chevalier de Faublas tome 3/5 by Louvet De Couvray Jean Baptiste Avril Paul Illustrator

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Ebook has 302 lines and 51218 words, and 7 pages

Il me quitta, et rapporta un moment apr?s une moiti? de poularde avec une bouteille de vin. <

<>

Celle-ci m'acheva, je tombai tout ? coup dans le d?lire de l'ivresse. D?j? chaque objet me paroissoit d?plac?, mobile et double. Je parlois sans me faire entendre, ou plut?t je b?gayois au lieu de parler. Bient?t, r?veur et pesant, je perdis ma joie babillarde, mon corps s'affaissa, mes paupi?res s'appesantirent, l'invincible sommeil alloit fermer mes yeux. Rosambert, qui s'en aper?ut, me pria de le conduire ? ma chambre, non sans me r?p?ter plusieurs fois qu'il falloit ne pas faire le moindre bruit, et surtout garder un exact silence. Il recommanda ? Jasmin, qui attendoit mes ordres dans le jardin, de se retirer sans lumi?re et sans bruit. Nous arriv?mes, ?clair?s seulement par la lanterne sourde, que nous laiss?mes dans le corridor. Comme j'entrois ? t?tons, soutenu par Rosambert, je rencontrai dans mon chemin une chaise longue, sur laquelle le comte m'?tendit, afin, me disoit-il tout bas, de me d?shabiller avec plus de facilit?. Prudemment je laissois faire mon nouveau valet de chambre; mais il s'acquittoit de son emploi avec tant de lenteur et de maladresse qu'en attendant qu'il lui pl?t de finir, je tombai dans un assoupissement profond.

Une heure de sommeil ayant abattu les fum?es du vin capiteux qui m'avoit ?t? la raison, je fus ?veill? par un bruyant ?clat de rire. <> Au m?me instant j'entendis un g?missement sourd, suivi d'un grand soupir. Je me trouvois encore sur ma chaise longue, plac? de mani?re qu'? travers ma porte entre-b?ill?e j'apercevois au fond du corridor la foible lueur de la lanterne sourde. Aussit?t, d?termin? par l'inqui?tude autant que par la curiosit?, je cours dans ce corridor et rentre brusquement la lanterne ? la main. Je prom?ne sur les objets environnans sa lumi?re tremblante; je vois... H?las! aujourd'hui m?me, comment le raconter sans g?mir!... Je vois sur mon lit, dont il s'?toit empar?, ? ma place, qu'il usurpoit, Rosambert ? peu pr?s nu, tenant ?troitement embrass?e, dans la moins ?quivoque des situations, une femme... O Madame de B..., que vous me par?tes belle encore, quoique vous fussiez ?vanouie!

Le comte, d?s qu'il put croire qu'aucun d?tail de cette cruelle pantomime ne m'?toit ?chapp?, abandonna sa victime, et, reprenant ses habits ? la h?te, il me dit en riant: <>

Le cruel discours de Rosambert ne m'indigna pas moins que son horrible action! dans le premier mouvement de ma fureur, j'allois sauter sur mon ?p?e et le forcer ? me faire raison de son inf?me proc?d?, lorsque Mme de B... se releva tout ? coup, me saisit par le bras et me retint.

Rosambert eut tout le temps de s'?loigner; la marquise alors prit ma main, aussit?t couverte de baisers et baign?e de larmes. <>

Mme de B... vouloit continuer; mais son extr?me agitation ne le lui permit pas. Elle sanglota longtemps sans pouvoir me dire un mot, puis, redoublant de p?nibles efforts, d'une voix entrecoup?e, elle reprit:

<>

A ces mots, la marquise laissa retomber sa t?te sur mon oreiller, ses bras s'?tendirent immobiles, son regard se fixa, ses pleurs s'arr?t?rent. Insensible ? mes soins, sourde ? mes discours, elle paroissoit, dans le recueillement du d?sespoir, se p?n?trer de l'horreur de sa situation. Elle garda pendant plus d'un quart d'heure cet effrayant silence; puis, d'un ton qui me parut calme, elle me dit enfin: <

<

<

Celle que M. Duportail et moi nous avions laiss?e ? Vivrai pour courir ? franc ?trier sur les traces de Sophie.

<

<>

La marquise, d'abord calme, ensuite attendrie, maintenant exalt?e, mit dans ces derniers mots une expression si forte que je ne pus retenir quelques signes d'?tonnement qu'elle remarqua.

<>

Mme de B..., le visage enflamm?, l'oeil furieux, s'exprimoit avec tant de rage que je craignis pour elle les suites d'un ?tat aussi violent. Mon infortun?e ma?tresse vit que j'allois l'interrompre, et se h?ta de poursuivre:

<>

Elle garda quelque temps un morne silence. J'osai lui donner un baiser; mes larmes se r?pandirent sur son sein d?couvert. Elle r?para promptement son d?sordre qu'apparemment elle n'avoit point encore aper?u, et d'un ton moins agit?, mais non moins douloureux, elle me dit:

<

<> Eh bien, Faublas, ce r?le si p?nible, que plusieurs femmes de mon rang ont pris par choix, je le remplirai par n?cessit?. Comme elles, peut-?tre, hardie dans mon maintien, libre dans mes discours, sto?quement environn?e de mon ignominie, je pourrai m'accoutumer ? repousser la honte par l'effronterie et le bl?me par l'impudence.

<> La jeune ?pouse, trop t?t d?sabus?e, ne trouve que ridicules et vices o? elle attendoit talens agr?ables et qualit?s brillantes; le luxe qui l'environne, les titres qui la d?corent, offrent ? ses ennuis des distractions bien insuffisantes, bien passag?res. D?j?, peut-?tre, ses yeux ont distingu?, son coeur a senti le mortel aimable qui manque au bonheur de sa vie. Alors, si le ma?tre imp?rieux qu'elle s'est donn? pr?tend encore user quelquefois des droits de l'hymen, s'il la soumet aux empressemens repoussans de l'habitude et du besoin, l'infortun?e victime, caressant jusque dans les bras du mari l'image de l'amant, g?mira de prostituer ? celui qui le profane un bien qu'un autre m?riteroit sans doute et sauroit mieux appr?cier. L'?poux volage, au contraire, apr?s l'avoir longtemps n?glig?e, la laisse-t-il enfin dans un abandon total, il faudra qu'elle subisse les continuelles rigueurs d'un c?libat pr?matur?, ou qu'elle s'expose aux plaisirs p?rilleux de l'union vivement souhait?e. Retenue par ses devoirs, mais domin?e par son penchant, tourment?e de plus d'une crainte, mais vivement sollicit?e par l'amour, s'imposera-t-elle longtemps des privations p?nibles sans aucun d?dommagement? Supposons qu'elle r?siste, le hasard ne lui garde-t-il pas, comme ? moi, quelque s?duction toute-puissante, quelque in?vitable danger? Malheureuse! en un instant elle perdra le fruit de plusieurs ann?es de combats, elle le perdra sans retour: car, apr?s la premi?re faute, quelle femme peut s'arr?ter? Faublas, elle adorera celui qui la lui fit commettre. Rassur?e par quelques pr?cautions inutiles, elle n?gligera les plus n?cessaires. Ses p?rils, devenus plus imminens, ne l'effrayeront plus. Bient?t compromise par un ?v?nement impr?vu, peut-?tre immol?e par un l?che ennemi, elle perdra pour jamais l'objet cher ? son coeur, et se verra publiquement diffam?e! Voil?, mon ami, voil? quel est le sort des femmes, dans cette France o? l'on pr?tend qu'elles r?gnent!

D?cr?tez le divorce, des parens barbares n'oseront plus sacrifier leur fille; ils trembleront qu'elle ne brise sa cha?ne d?s le lendemain.

<>

Mme de B... venoit de faire passer dans mon ?me le noble enthousiasme dont la sienne ?toit enflamm?e: entra?n? par une force sup?rieure, j'allois me pr?cipiter dans ses bras, elle me retint.

<> Elle me donna un baiser sur le front, et s'en alla par la chemin?e.

Oui, c'?toit par l? qu'elle entroit chez moi: au fond de l'?tre, la plaque, en tombant, d?couvroit une esp?ce de soupirail assez large pour que la marquise pass?t librement. Eh! que des gens qui ne savent rien n'aillent pas attribuer ? ma belle ma?tresse cette ing?nieuse invention: dans ce si?cle f?cond en d?couvertes utiles, longtemps avant Mme de B..., une chemin?e fut ouverte ainsi par un duc aimable pour une beaut? captive, dont le nom, devenu c?l?bre, ne p?rira point.

Le jour qui succ?da ? cette nuit si malheureuse m'apporta de consolantes nouvelles: avant midi je re?us de Rosambert une lettre que d'abord je ne voulus pas lire. Le seul Desprez ?toit chez moi quand on me la remit. <>

Dumont partit pour revenir un quart d'heure apr?s. Madame la marquise me faisoit prier de la venir voir un moment. J'arrivai chez elle avant de m'?tre aper?u que j'avois eu trois ?tages ? monter, et je me serois probablement bris? la t?te contre les lambris de son nouvel appartement, si l'on n'avoit pris plusieurs fois la peine de m'avertir que je me trouvois dans un grenier; je ne voyois que Mme de B..., sa tristesse, son abattement, sa p?leur. Je lui demandai comment elle avoit pass? la fin de la derni?re nuit. <>; et, me pr?sentant un papier baign? de ses larmes, elle ajouta: <>

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