bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Rêverie de Nouvel An by Colette Sauvage Marcel Contributor Cr Ixams Pere Illustrator

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 110 lines and 10892 words, and 3 pages

Contributor: Marcel Sauvage

LES CONTEMPORAINS

OEuvres et Portraits du XXe Si?cle

REVERIE

NOUVEL AN

PAR

COLETTE

PARIS

LIBRAIRIE STOCK

PLACE DU TH?ATRE-FRAN?AIS

TABLE DES MATI?RES

REVERIE DE NOUVEL AN MALADE DIMANCHE R?PIT J'AI CHAUD CONVALESCENCE

COLETTE

MARCEL SAUVAGE.

REVERIE DE NOUVEL AN

Toutes trois nous rentrons poudr?es, moi, la petite bull et la berg?re flamande...

Il a neig? dans les plis de nos robes, j'ai des ?paulettes blanches, un sucre impalpable fond au creux du mufle camard de Poucette, et la berg?re flamande scintille toute, de son museau pointu ? sa queue en massue.

Nous ?tions sorties pour contempler la neige, la vraie neige et le vrai froid, raret?s parisiennes, occasions, presque introuvables, de fin d'ann?e... Dans mon quartier d?sert, nous avons couru comme trois folles, et les fortifications hospitali?res, les fortifs d?cri?es et mal connues, les rassurantes fortifs ont vu, de l'avenue des Ternes au boulevard Malesherbes, notre joie haletante de chiens l?ch?s. Du haut du talus, nous nous sommes pench?es sur le foss? que comblait un cr?puscule viol?tre fouett? de tourbillons blancs; nous avons contempl? Levallois noir piqu? de feux roses, derri?re un voile chenill? de mille et mille mouches blanches, vivantes, froides comme des fleurs effeuill?es, fondantes sur les l?vres, sur les yeux, retenues un moment aux cils, au duvet des joues... Nous avons gratt? de nos dix pattes une neige intacte, friable, qui fuyait sous notre poids avec un crissement caressant de taffetas. Loin de tous les yeux, nous avons galop?, aboy?, happ? la neige au vol, go?t? sa suavit? de sorbet vanill? et poussi?reux...

Assises maintenant devant la grille ardente, nous nous taisons toutes trois. Le souvenir de la nuit, de la neige, du vent d?cha?n? derri?re la porte, fond dans nos veines lentement et nous allons glisser ? ce soudain sommeil qui r?compense les marches longues...

La berg?re flamande, qui fume comme un bain de pieds, a retrouv? sa dignit? de louve apprivois?e, son s?rieux faux et courtois. D'une oreille, elle ?coute le chuchotement de la neige au long des volets clos, de l'autre elle guette le tintement des cuill?res dans l'office. Son nez effil? palpite, et ses yeux couleur de cuivre, ouverts droit sur le feu, bougent incessamment, de droite ? gauche, de gauche ? droite, comme si elle lisait... J'?tudie, un peu d?fiante, cette nouvelle venue, cette chienne f?minine et compliqu?e qui garde bien, rit rarement, se conduit en personne de sens et re?oit les ordres, les r?primandes sans mot dire, avec un regard imp?n?trable et plein d'arri?re-pens?es... Elle sait mentir, voler,--mais elle crie, surprise, comme une jeune fille effarouch?e et se trouve presque mal d'?motion. O? prit-elle, cette petite louve au rein bas, cette fille des champs wallons, sa haine des gens mal mis et sa r?serve aristocratique? Je lui offre sa place ? mon feu et dans ma vie, et peut-?tre m'aimera-t-elle, elle qui sait d?j? me d?fendre...

Ma petite bull au coeur enfantin dort, foudroy?e de sommeil, la fi?vre au museau et aux pattes. La chatte grise n'ignore pas qu'il neige, et depuis le d?jeuner je n'ai pas vu le bout de son nez, enfoui dans le poil de son ventre. Encore une fois me voici, comme au d?but de l'autre ann?e, assise en face mon feu, de ma solitude, en face de moi-m?me...

Une ann?e de plus... ? quoi bon les compter? Ce jour de l'An parisien ne me rappelle rien des premiers janvier de ma jeunesse; et qui pourrait me rendre la solennit? pu?rile des jours de l'An d'autrefois? La forme des ann?es a chang? pour moi,--durant que, moi, je changeais. L'ann?e n'est plus cette route ondul?e, ce ruban d?roul? qui, depuis Janvier, montait vers le printemps, montait, montait vers l'?t? pour s'y ?panouir en calme plaine, en pr? br?lant coup? d'ombres bleues, tach? de g?raniums ?blouissants,--puis descendait vers un automne odorant, brumeux, fleurant le mar?cage, le fruit m?r et le gibier,--puis s'enfon?ait vers un hiver sec, sonore, miroitant d'?tangs gel?s, de neige rose sous le soleil... Puis le ruban ondul? d?valait, vertigineux, jusqu'? se rompre net devant une date merveilleuse, isol?e, suspendue entre les deux ann?es comme une fleur de givre: le jour de l'An...

Une enfant tr?s aim?e, entre des parents pas riches, et qui vivait ? la campagne parmi des arbres et des livres, et qui n'a pas connu ni souhait? les jouets co?teux: voil? ce que je revois, en me penchant ce soir sur mon pass?... Une enfant superstitieusement attach?e aux f?tes des saisons, aux dates marqu?es par un cadeau, une fleur, un traditionnel g?teau... Une enfant qui d'instinct ennoblissait de paganisme les f?tes chr?tiennes, amoureuse seulement du rameau de buis, de l'oeuf rouge de P?ques, des roses effeuill?es ? la F?te-Dieu et des reposoirs,--syringas, aconits, camomilles,--du surgeon de noisetier somm? d'une petite croix, b?nit ? la messe de l'Ascension et plant? sur la lisi?re du champ qu'il abrite de la gr?le... Une fillette ?prise du g?teau ? six cornes, cuit et mang? le jour des Rameaux; de la cr?pe, en carnaval; de l'odeur ?touffante de l'?glise, pendant le mois de Marie...

Vieux cur? sans malice qui me donn?tes la communion, vous pensiez que cette enfant silencieuse, les yeux ouverts sur l'autel attendait le miracle, le mouvement insaisissable de l'?charpe bleue qui ceignait la Vierge? N'est-ce pas? J'?tais si sage!... Il est bien vrai que je r?vais miracle, mais... pas les m?mes que vous. Engourdie par l'encens des fleurs chaudes, enchant?e du parfum mortuaire, de la pourriture musqu?e des roses, j'habitais, cher homme sans malice, un paradis que vous n'imaginiez point, peupl? de mes dieux, de mes animaux parlants, de mes nymphes et de mes ch?vre-pieds... Et je vous ?coutais parler de votre enfer, en songeant ? l'orgueil de l'homme qui, pour ses crimes d'un moment, inventa la g?henne ?ternelle... Ah! qu'il y a longtemps!...

Il passait, invisible dans le matin ferm?, jetant aux murs son alerte et fun?bre petite aubade, et derri?re lui une vie recommen?ait, neuve et bondissante vers douze mois nouveaux... D?livr?e, je sautais de mon lit ? la chandelle, je courais vers les souhaits, les baisers, les bonbons, les livres ? tranches d'or... J'ouvrais la porte aux boulangers portant les cent livres de pain et jusqu'? midi, grave, p?n?tr?e d'une importance commerciale, je tendais ? tous les pauvres, les vrais et les faux, le chanteau de pain et le d?cime qu'ils recevaient sans humilit? et sans gratitude...

Matins d'hiver, lampe rouge dans la nuit, air immobile et ?pre d'avant le lever du jour, jardin devin? dans l'aube obscure, rapetiss?, ?touff? de neige, sapins accabl?s qui laissiez, d'heure en heure, glisser en avalanches le fardeau de vos bras noirs,--coups d'?ventail des passereaux effar?s, et leurs jeux inquiets dans une poudre de cristal plus t?nue, plus paillet?e que la brume iris?e d'un jet d'eau... O tous les hivers de mon enfance, une journ?e d'hiver vient de vous rendre ? moi! C'est mon visage d'autrefois que je cherche, dans ce miroir ovale saisi d'une main distraite, et non mon visage de femme, de femme jeune que sa jeunesse va, bient?t, quitter...

Enchant?e encore de mon r?ve, je m'?tonne d'avoir chang?, d'avoir vieilli pendant que je r?vais... D'un pinceau ?mu je pourrais repeindre, sur ce visage-ci, celui d'une fra?che enfant roussie de soleil, ros?e de froid, des joues ?lastiques achev?es en un menton mince, des sourcils mobiles prompts ? se plisser, une bouche dont les coins rus?s d?mentent la courte l?vre ing?nue... H?las, ce n'est qu'un instant. Le velours adorable du pastel ressuscit? s'effrite et s'envole... L'eau sombre du petit miroir retient seulement mon image qui est bien pareille, toute pareille ? moi, marqu?e de l?gers coups d'ongle, finement grav?e aux paupi?res, aux coins des l?vres, entre les sourcils t?tus... Une image qui ne sourit ni ne s'attriste, et qui murmure, pour moi seule: <

?loigne-toi lentement, lentement, sans larmes; n'oublie rien! Emporte ta sant?, ta ga?t?, ta coquetterie, le peu de bont? et de justice qui t'a rendu la vie moins am?re; n'oublie pas! Va t'en par?e, va t'en douce, et ne t'arr?te pas le long de la route irr?sistible, tu l'essaierais en vain,--puisqu'il faut vieillir! Suis le chemin, et ne t'y couche que pour mourir. Et, quand tu t'?tendras en travers du vertigineux ruban ondul?, si tu n'as pas laiss? derri?re toi, un ? un, tes cheveux; en boucles, ni tes dents une ? une, ni tes membres un ? un us?s, si la poudre ?ternelle n'a pas, avant ta derni?re heure, sevr? tes yeux de la lumi?re merveilleuse--si tu as, jusqu'au bout, gard? dans ta main la main amie qui te guide, couche-toi en souriant, dors heureuse, dors privil?gi?e...>>

MALADE

Comme chaque matin, une mince colonne lilas, une tige de lumi?re, debout, divise l'obscurit? de la chambre. Elle s'?tire, coupante, contre le fond brod? et sombre de mon r?ve, un r?ve de jardins ? lourdes verdures, ? feuillages bleus comme ceux des tapisseries, qui murmuraient pesamment sous un vent chaud... Je referme les yeux, avec l'espoir de joindre, par-dessus la hampe lumineuse, les deux panneaux somptueux de mon r?ve. Une douleur pr?cise, ? la place des sourcils, m'?veille tout ? fait. Mais le murmure orageux des feuillages bleus persiste dans mes oreilles.

J'atteins la lampe, qui ?cl?t de l'ombre comme une courge ros?e, tra?nant apr?s elle ses vrilles s?ches en fil de soie...

Le battement douloureux persiste, l?, derri?re les sourcils. J'avale p?niblement; quelque chose comme une petite arbouse r?peuse enfle dans ma gorge, et je ferme les mains, je cache mes ongles, pour ?viter le contact des draps.

Froid, chaud--frissons... Malade? Oui. D?cid?ment, oui. Pas tr?s malade--juste assez. J'?teins la lampe, et le tube lumineux, d'un bleu glac? qui rafra?chit ma fi?vre, monte de nouveau entre les rideaux. Il est six heures.

Malade... oh! oui, enfin, malade. Un peu de grippe sans doute? Je referme les yeux, et j'attends le commencement de cette journ?e comme si c'?tait ma f?te. Toute une longue journ?e de faiblesse, de demi-sommeil, de caprices respect?s, de di?te gourmande! J'appelle d?j? le parfum, autour de mon lit, de la verveine citronnelle--il y aura aussi, quand j'aurai faim, l'odeur du lait chaud vanill?, et de la pomme ?chaud?e, givr?e de sucre...

Faut-il attendre que la maison s'?veille? Ou bien sonnerai-je, pour qu'on se h?te et qu'on s'effare, avec des bruits de mules claquantes dans l'escalier, des <> et des <> Mieux vaut attendre, en guettant le jour qui grandit, le tapis qui s'?claire et p?lit comme un ?tang... J'entends, mais vaguement, le roulement des voitures et les sonnailles des bouteilles pendues aux doigts du laitier... Le son profond d'une timbale grave, battue l?g?rement et r?guli?rement, assourdit mes oreilles et me s?pare des bruits de la rue: c'est la monotone, l'agr?able p?dale de ma fi?vre. Loin de chercher ? m'en distraire, je la cultive, je la d?taille, j'accommode ? son rythme des airs faciles, des chansons de mon enfance... Ah! voici que, port?e en musique vers les jardins que quitta mon songe, j'entrevois de nouveau les lourds feuillages bleus...

... <

<

<

<

<

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... <

<

<

<>

DIMANCHE

Qu'est-ce que tu as? Ne prends pas la peine, en me r?pondant: <>, de remonter courageusement tous les traits de ton visage; l'instant d'apr?s, les coins de ta bouche retombent, tes sourcils p?sent sur tes yeux, et ton menton me fait piti?. Je le sais, moi, ce que tu as.

Tu as que c'est dimanche, et qu'il pleut. Si tu ?tais une femme, tu fondrais en larmes, parce qu'il pleut et que c'est dimanche, mais tu es un homme, et tu n'oses pas. Tu tends l'oreille vers le bruit de la pluie tr?s fine, un bruit fourmillant de sable qui boit--tu regardes malgr? toi la rue miroitante et les fun?bres magasins ferm?s, et tu raidis tes pauvres nerfs d'homme, tu fredonnes un petit air, tu allumes une cigarette que tu oublies et qui refroidit entre tes doigts pendants...

J'ai bien envie d'attendre que tu n'en puisses plus, que tu qu?tes mon secours...

Je suis m?chante, dis? Non, mais c'est que j'aime tant ton geste enfantin de jeter les bras vers moi et de laisser rouler ta t?te sur mon ?paule, comme si tu me la donnais une fois pour toutes... Mais aujourd'hui il pleut si noir, et c'est tellement dimanche que je fais, avant que tu l'aies demand?, les trois signes magiques: clore les rideaux,--allumer la lampe,--disposer, sur le divan, parmi les coussins que tu pr?f?res, mon ?paule creus?e pour ta joue, et mon bras pr?t ? se refermer sur ta nuque...

Est-ce bien ainsi? pas encore? ne dis rien, attends que notre chaleur de b?tes fraternelles ait gagn? les coussins. Lentement, lentement, la soie ti?dit sous ma joue, sous mes reins, et ta t?te s'abandonne peu ? peu ? mon ?paule, et tout ton corps, ? mon c?t?, se fait lourd et souple et r?pandu comme si tu fondais...

Add to tbrJar First Page Next Page

 

Back to top