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Read Ebook: Rêverie de Nouvel An by Colette Sauvage Marcel Contributor Cr Ixams Pere Illustrator

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Ebook has 110 lines and 10892 words, and 3 pages

Est-ce bien ainsi? pas encore? ne dis rien, attends que notre chaleur de b?tes fraternelles ait gagn? les coussins. Lentement, lentement, la soie ti?dit sous ma joue, sous mes reins, et ta t?te s'abandonne peu ? peu ? mon ?paule, et tout ton corps, ? mon c?t?, se fait lourd et souple et r?pandu comme si tu fondais...

Ne parle pas! J'entends, mieux que tes paroles, tes grands soupirs tremblants... Tu retiens ton souffle, tu crains d'achever le soupir en sanglot. Ah! si tu osais...

Va, j'ai jet? sur la lampe mon ?charpe bleut?e; tu vois ? peine, ? travers les tiges d'un haut bouquet de chrysanth?mes, le feu dansant;--reste l?, dans l'ombre,--oublie que je suis ton amie, oublie ton ?ge et m?me que je suis une femme, savoure l'humiliation et la douceur de redevenir, parce que c'est un dimanche de novembre, parce qu'il fait froid et qu'il pleut noir, un enfant nerveux, qui retourne invinciblement, innocemment, ? la f?minine chaleur, qui ne souhaite rien, hors l'abri vivant, hors l'immobile caresse de deux bras referm?s.

Reste l?. Tu as retrouv? le berceau,--il te manque la chanson, ou le conte merveilleux... Je ne sais pas de contes. Et je n'inventerai m?me pas pour toi l'histoire heureuse d'une princesse f?e qui aime un prince magicien. Car il n'y a pas de place pour l'amour dans ton coeur d'aujourd'hui, dans ton coeur d'orphelin.

Je ne sais pas de contes... Te suffira-t-il, mon chuchotement contre ton oreille? Donne ta main, serre bien la mienne: elle te m?ne, sans bouger, vers des dimanches humbles que j'ai tant aim?s. Tu nous vois, la main dans la main, et toujours plus petits, sur une route couleur de fer, paillet?e de silex m?tallique--c'est une route de mon pays...

Je te conduis doucement, parce que tu n'es qu'un joli enfant parisien, et je regarde, en marchant, ta main blanche dans ma petite patte h?l?e, s?che de froid et rougie au bout des doigts. Elle a l'air, ma petite patte paysanne, d'une des feuilles qui demeurent aux haies, enlumin?es par l'automne...

La route couleur de fer tourne ici, si court qu'on s'arr?te surpris, devant un village impr?vu... Mon Dieu, je t'emm?ne religieusement vers ma maison d'autrefois, petit enfant polic? et qui ne t'?tonnes gu?re, et peut-?tre que tu dis, pendant que je tremble sur le seuil retrouv?: <>

Entre. Je vais t'expliquer. D'abord, tu comprends que c'est dimanche, ? cause du parfum de chocolat qui dilate les narines, qui sucre la gorge d?licieusement... Quand on s'?veille, voyons, et qu'on respire la chaude odeur du chocolat bouillant, on sait que c'est dimanche. On sait qu'il y a, ? dix heures, des tasses roses, f?l?es, sur la table, et des galettes feuillet?es,--ici, tiens, dans la salle ? manger,--et qu'on a la permission de supprimer le grand d?jeuner de midi... Pourquoi? je ne saurais te dire... c'est une mode de mon enfance.

Ne l?ve pas des yeux craintifs vers le plafond noir. Tout est tut?laire dans cette maison ancienne. Elle contient tant de merveilles! ce pot bleu chinois, par exemple, et la profonde embrasure de cette fen?tre, o? le rideau, en retombant, me cache toute...

Tu ne dis rien? Oh! petit gar?on, je te montre un vase enchant?, dont la panse gronde de r?ves captifs, la grotte myst?rieuse o? je m'enferme avec mes fant?mes favoris, et tu restes froid, d??u, et ta main ne fr?mit pas dans la mienne? Je n'ose plus, maintenant, te mener dans ma chambre, te mener dans ma chambre ? dormir o? la glace est tendue d'une dentelle grise, plus fine qu'un voile de cheveux, qu'a tiss?e une grosse araign?e des jardins, frileuse. Elle veille au milieu de sa toile, et je ne veux pas que tu l'inqui?tes. Penche-toi sur le miroir: nos deux visages d'enfants, le tien p?le, le mien vermeil, rient derri?re le double tulle... Ne t'arr?te pas au banal petit lit blanc, mais plut?t au judas de bois qui perce la cloison: c'est par l? que p?n?tre, ? l'aube, ma chatte vagabonde; elle choit sur mon lit, froide, blanche et l?g?re comme une brass?e de neige, et s'endort sur mes pieds...

Tu ne ris pas, petit compagnon blas?. Mais j'ai gard?, pour te conqu?rir, le jardin. D?s que j'ouvre la porte us?e, d?s que les deux marches branlantes ont remu? sous nos pieds, ne sens-tu pas cette odeur de terre, de feuilles de noyer, de chrysanth?mes et de fum?e? Tu flaires comme un chien novice, tu frissonnes... L'odeur am?re d'un jardin de novembre, le saisissant silence dominical des bois d'o? se sont retir?s le b?cheron et la charrette, la route foresti?re d?tremp?e o? roule mollement une vague de brouillard,--tout cela est ? nous jusqu'au soir, si tu veux, puisque c'est dimanche.

Mais peut-?tre pr?f?reras-tu mon dernier royaume et le plus hant?: l'antique fenil, vo?t? comme une ?glise. Respire, avec moi, la poussi?re flottante du vieux foin, encore embaum?e, plus excitante qu'un tabac fin. Nos ?ternuements aigus vont ?mouvoir un peuple argent? de rats, de chats minces ? demi sauvages; des chauves-souris vont voler, un instant, dans le rayon de jour bleu qui fend, du plafond au sol, l'ombre velout?e... C'est ? pr?sent qu'il faut serrer ma main et r?fugier, sous mes longs cheveux, ta t?te lisse et noire de chaton bien l?ch?...

... Tu m'entends encore? Non, tu dors. Je veux bien garder ta lourde t?te sur mon bras et t'?couter dormir. Mais je suis un peu jalouse. Parce qu'il me semble, ? te voir insensible et les yeux clos, que tu es rest? l?-bas, dans un tr?s vieux jardin de mon pays, et que ta main serre la rude petite main d'une enfant qui me ressemble...

R?PIT

<<--On t'a dit qu'en ton absence je vivais seule, farouche, et fid?le, avec un air d'impatience et d'attente?... Ne le crois pas. Je ne suis ni seule, ni fid?le. Et ce n'est pas toi que j'attends.

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Jusqu'au soir, je te trahis! Mais, ? la nuit, je te donne rendez-vous, et la pleine lune me retrouve au pied de l'arbre o? d?lirait un rossignol, si enivr? de son chant qu'il n'entendit ni nos pas, ni nos souffles, ni nos paroles m?l?es... Aucun de mes jours ne ressemble au jour d'avant, mais une nuit de pleine lune est divinement pareille ? une autre nuit de pleine lune...

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J'AI CHAUD

Ne me touche pas! j'ai chaud... ?carte-toi de moi! Mais ne reste pas ainsi debout sur le seuil: tu arr?tes, tu me voles le faible souffle qui bat, de la fen?tre ? la porte, comme un lourd oiseau prisonnier...

J'ai chaud. Je ne dors pas. Je regarde l'air noir de ma chambre close, o? chemine un r?teau d'or, aux dents ?gales, qui peigne lentement, l'herbe rase du tapis. Quand l'ombre ray?e de la persienne atteindra le lit, je me l?verai,--peut-?tre... Jusqu'? cette heure-l?, j'ai chaud.

J'ai chaud. La chaleur m'occupe comme une maladie et comme un jeu. Elle suffit ? remplir toutes les heures du jour et de la nuit. Je ne parle que d'elle; je me plains d'elle avec passion et douceur, comme d'une caresse impitoyable. C'est elle--regarde!--qui m'a fait cette marque vive au menton, et cette joue gifl?e, et mes mains ne peuvent quitter ces gantelets, couleur de pain roux, qu'elle peignit sur ma peau. Et cette poign?e de grains d'or, tout br?lants, qui m'a sabl? le visage, c'est elle, c'est encore elle...

Non, ne descends pas au jardin; tu me fatigues. Le gravier va craquer sous tes pas, et je croirai que tu ?crases un lit de petites braises... Laisse! que j'entende le jet d'eau, qui gicle maigre et va tarir, et le hal?tement de la chienne couch?e sur la pierre chaude. Ne bouge pas! Depuis ce matin, je guette, sous les feuilles ?vanouies de l'aristoloche, qui pendent molles comme des peaux, l'?veil du premier souffle de vent... Ah! j'ai chaud! Ah! entendre, autour de notre maison, le bruit soyeux, d'?ventail ouvert et referm?, d'un pigeon qui vole!...

Je n'aime d?j? plus le drap fin et froiss?, si frais tout ? l'heure ? mes talons nus. Mais au fond de ma chambre, il y a un miroir, tout bleu d'ombre, tout troubl? de reflets...

Quelle eau tentante et froide!

Imagine, ? t'y mirer, l'eau des ?tangs de mon pays! Ils dorment ainsi sous l'?t?, ti?des ici, glac?s l? par la fus?e d'une source profonde. Ils sont opaques et bleu?tres, perfidement peupl?s, et la couleuvre d'eau s'y enlace ? la lige longue des n?nuphars et des sagittaires... Ils sentent le jonc, la vase musqu?e, le chanvre vert... Rends-moi leur fra?cheur, leur brouillard o? se berce la fi?vre, rends-moi leur frisson,--j'ai si chaud!...

Ou bien donne-moi--mais tu ne voudras pas!--un tout petit morceau de glace, dans le creux de l'oreille, et un autre l?, sur mon bras, ? la saign?e... Tu ne veux pas? tu me laisses d?sirer en vain, tu me fatigues...

Regarde, ? pr?sent, si la couleur du jour commence ? changer, si les raies ?blouissantes des persiennes deviennent bleues en bas, orang?es en haut? Penche-toi sur le jardin, raconte-moi la chaleur comme on raconte une catastrophe!

Le marronnier va mourir, dis? Il tend vers le ciel des feuilles frites, couleur d'?caille jasp?e... Et rien ne pourra sauver les roses, saisies par la flamme avant d'?clore... Des roses... des roses mouill?es, gonfl?es de pluie nocturne, froides ? embrasser...

Ah! quitte la fen?tre! reviens! trompe ma langueur en me parlant de fleurs pench?es sous la pluie! Trompe-moi, disque l'orage, l?-bas, enfle un dos violet, dis-moi que le vent, rampant, se dresse soudain contre la maison, en rebroussant la vigne et la glycine, dis que les premi?res gouttes, plomb?es, vont entrer, obliques, par la fen?tre ouverte!

Je les boirai sur mes mains, j'y go?terai la poussi?re des routes lointaines, la fum?e du nuage bas qui cr?ve sur la ville...

Souviens-toi du dernier orage, de l'eau am?re qui chargeait les beaux soucis couleur de soleil, de la pluie sucr?e que pleurait le ch?vrefeuille, et de la chevelure du fenouil, poudr?e d'argent, o? nous sucions en mille gouttelettes la saveur d'une absinthe fine...

Encore, encore! j'ai si chaud! Rappelle-moi le mercure vivace qui roule aux creux des capucines, quand l'averse s'?loigne, et sur la menthe pelucheuse... ?voque la ros?e, la brise haute qui couche les cimes des arbres et ne touche pas mes cheveux... ?voque la mare cern?e de moustiques et la ronde des rainettes... Oh! je voudrais, sur chaque main, le ventre froid d'une petite grenouille!... J'ai chaud, si tu savais... Parle encore...

Parle encore gu?ris ma fi?vre! Cr?e pour moi l'automne: donne-moi, d'avance, le raisin froid, qu'on cueille ? l'aube, et les derni?res fraises d'octobre, m?res d'un seul c?t?... Oui, il me faudrait, pour l'?craser dans mes mains s?ches, une grappe de raisins oubli?s sur la treille, un peu rid?s de gel?e... Si tu amenais, aupr?s de moi, deux beaux chiens au nez tr?s frais?... Tu vois, je suis toute malade, je divague...

Ne me quitte pas! assieds-toi, et lis-moi le conte qui commence par: <> De givre, tu entends? de givre!... Quand je r?p?te ce mot scintillant, il me semble que je mords dans une pelote de neige crissante, une belle pomme d'hiver fa?onn?e par mes mains... Ah! j'ai chaud!...

J'ai chaud, mais... quelque chose ? remu? dans l'air? Est-ce seulement cette gu?pe blonde? Annonce-t-elle la fin de ce long jour? Je m'abandonne ? toi. Appelle sur moi le nuage, le soir, le sommeil. Tes doigts sous ma nuque y d?m?lent un moite d?sordre de cheveux...

Penche-toi, ?vente, de ton souffle, mes narines, et presse, contre mes dents, le sang acide de la groseille que tu mords... Je ne murmure presque plus, et tu ne saurais dire si c'est d'aise... Ne t'en vas pas si je dors: je feindrai d'ignorer que tu baises mes poignets et mes bras, rafra?chis, emperl?s comme le col d'un alcarazas brun...

CONVALESCENCE

Je voudrais ne jamais y arriver. Toute ma journ?e, je la passerai ici, ? l'avant du bateau sur cette chaise-longue de rotin, d?teinte et comme ponc?e par la vague et l'embrun. Je me refuse ? secouer ma paresse de convalescente, m?me quand sonnera l'assourdissant gong des repas. Apportez-moi le riz cr?ole, et les oranges, et les dattes, l?, sur la couverture qui m'emmaillote jusqu'aux aisselles. Apportez-moi aussi le caf? br?lant, et laissez-moi tranquille, maintenant, toute seule sur le pont. Je ne veux plus voir personne...

Le bateau roule tr?s fort. Le m?t, devant moi, s'incline avec lui, ? gauche, puis ? droite, et parcourt le ciel comme une longue aiguille h?sitante. Ma t?te oscille doucement et je vois tant?t ? ma gauche, tant?t ? ma droite, la mer se soulever et venir ? ma rencontre, gaufr?e de profonds sillons ? cr?tes blanches, et si lourde et d'un bleu si dense qu'elle donne confiance: ne marcherais-je pas sur ces eaux ?paisses, comme sur un asphalte fouett? en train de se figer?

Seule... et sur la mer sans bornes. Enfin! Le vent et le roulis ont balay? ce pont. On bavarde au salon, on bridge au fumoir, on geint dans les cabines. Seule, et d?j? tout enivr?e de balancement, de faiblesse convalescente, de demi-fi?vre... Je regarde, ?tonn?e, ma forme sous la couverture serr?e, et mes pieds pointus, et mes mains inertes sous les gants ?pais. C'est moi, ce corps immobile? Et n'est-ce pas ainsi qu'on attache, les bras aux flancs et les genoux joints, ceux qui ont cess? pour jamais de se mouvoir, et qu'on verse ? la mer, par-dessus ce parapet?

Quelle douceur de songer ? cela, ici, sereinement! Je ne souffre plus. Chaque effort du bateau me gu?rit davantage. La t?te libre, et le corps si l?ger, et les yeux perdus... J'?gale presque celle que je serai--plus tard, demain, dans un an, dans une heure?--quand mon libre esprit voguera sur la mer, d?lest? du poids qui dort sur cette chaise-longue...

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