Read Ebook: Histoire anecdotique du tribunal révolutionnaire by Monselet Charles
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Ebook has 714 lines and 58646 words, and 15 pages
Mais revenons au Tribunal r?volutionnaire.
Le Tribunal r?volutionnaire fut le grand moyen des hommes de cette ?poque. Il fut un instrument, m?me aux mains des plus petits,--car, ? partir de son installation, la d?nonciation fut de toutes parts ? l'ordre du jour. Gr?ce ? la d?nonciation, les r?publicains les plus infimes purent tremper dans la besogne g?n?rale et prendre, eux aussi, leur part de vengeance et de crimes. L'?chafaud eut ses pourvoyeurs parmi les plus basses et les plus obscures cr?atures du royaume.--Ce syst?me de d?nonciation, sup?rieurement organis?, et sur lequel ?tait bas?e la d?population presque totale de la France, nous a fourni un des chapitres les plus importants de cet ouvrage.
Dans cette p?riode funeste o? le temps s'est pass? ? user les institutions et les hommes, le Tribunal r?volutionnaire ne pouvait manquer de finir par ?tre, ? son tour, r?pudi? de tous les partis. La r?probation que s'?taient renvoy?e mutuellement les ouvriers de cette oeuvre rejaillit sur l'oeuvre elle-m?me.--<
Mais il n'y avait plus alors ni amiti?, ni liens du sang. Il n'y avait que la d?nonciation ? outrance. Marat d?non?ait Barnave; la Convention tout enti?re d?non?ait Marat; Louvet d?non?ait Robespierre; Robespierre d?non?ait H?bert; Saint-Just d?non?ait Camille Desmoulins, Tallien d?non?ait Saint-Just. Ils se d?non?aient tous successivement, et chacun d'eux portait sur les autres des jugements que la post?rit? ratifiera. Mais comment s'arrangent donc avec la logique et avec leur conscience, ceux qui les admirent en masse et qui les logent indistinctement dans le m?me Panth?on? N'est-ce pas faire outrage ? la m?moire de Robespierre, par exemple, que de le placer ? c?t? de Danton qu'il d?voua ? la mort,--et n'est-ce pas se moquer de Danton que de le vanter ? l'?gal de Robespierre, qu'il regardait comme un coquin?
Le Tribunal, qui avait v?cu par la d?nonciation, mourut par la d?nonciation. On retourna l'arme contre ceux qui l'avaient forg?e. Et ainsi s'exau?a le voeu manifest? ? la tribune par le jeune Boyer-Fonfr?de, lors du d?cret de formation:--<
Nous avons t?ch? d'?crire cette histoire d'un int?r?t si douloureux; nous l'avons ?crite uniquement parce qu'elle ne l'avait pas encore ?t?, du moins sous la forme du livre. Toutefois, nous avons eu le soin d'en retrancher ou d'en abr?ger consid?rablement les ?pisodes suffisamment connus. Quant aux proc?s tout-?-fait c?l?bres, tels que ceux des Girondins, nous avons cru devoir seulement les indiquer, la mati?re en ayant ?t? ?puis?e par tous les ?crivains, nos pr?d?cesseurs.
L'Histoire du Tribunal r?volutionnaire se divise naturellement en trois parties:
Le Tribunal criminel du 17 ao?t 1792;
Le Tribunal r?volutionnaire, apr?s le 9 thermidor.
A ces trois parties se rattache ?troitement, tout un c?t? ?pisodique, ordonn? par la philosophie de l'histoire et indispensable ? la compr?hension des ?v?nements si rapides d'alors. C'est le tableau de Paris ? ces diverses dates, c'est la physionomie des prisons, ce sont les f?tes populaires, c'est tout ce qui explique et commente.
PREMI?RE PARTIE.
TRIBUNAL CRIMINEL DU 17 AOUT.
CHAPITRE PREMIER.
LE PEUPLE AUX TUILERIES.
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Cet arr?t? fut rendu le 20 mars 1792, par l'Assembl?e l?gislative.
La machine invent?e, il ne s'agissait plus que de la faire aller. Les r?volutionnaires se charg?rent de cette besogne. Deux fois la populace des faubourgs, dans cette ann?e lugubre, envahit la demeure de nos rois. La premi?re fois,--c'?tait le 20 juin; la seconde fois,--c'?tait le 10 ao?t.--On sait que cette journ?e fut l'aurore de la R?publique fran?aise!
Plus de quatre mille hommes perdirent la vie; les Tuileries furent envahies, et le roi n'?chappa ? la mort qu'en venant se r?fugier au milieu de l'Assembl?e l?gislative,--o? il entendit prononcer sa propre d?ch?ance, pr?face d'un supplice qui devait co?ter ? la France tant de jours de sang, de d?shonneur, de famine, de guerre au dehors et d'anarchie au dedans.
Vint l'heure cependant o? le peuple se d?cida. Il se d?cida ? prendre le ch?teau, sans pr?texte, uniquement pour le prendre. Il enfon?a d'abord les portes de la cour royale. On le laissa faire. Mais lorsqu'il voulut s'avancer au pied du grand escalier, il fut re?u par cette fameuse d?charge qui fait encore pousser des cris de douleur aux historiens populaires. La place du Carrousel fut nettoy?e en un clin d'oeil.
On sait le reste. On sait quelle h?ro?que d?fense oppos?rent, durant trois heures, les gardes-suisses cern?s de toutes parts:--sept cents contre cent mille. Mais ce qu'on ne sait pas assez peut-?tre, ce sont les ?pouvantables traitements qu'ils eurent ? subir de la population parisienne. Les assaillants les harponnaient ? travers les grilles;--la hampe de leurs piques tenait au bois par une douille ayant deux crochets de fer;--ils lan?aient ces piques contre les Suisses, les tiraient hors des rangs et les ?gorgeaient ? l'aise. Ces cruaut?s lass?rent un canonnier, dont le nom est rest? inconnu, et ? qui l'on avait ?t? la m?che allum?e qu'il tenait ? la main. Il venait d'esquiver le crochet d'une pique, ou tout au moins en avait ?t? quitte pour un pan de chair et d'uniforme arrach?s. Indign?, il se jette sur l'aff?t de son canon, il tire un briquet de sa poche, il le bat sur la lumi?re. La pi?ce part. Il sera tu?!... mais son coup a port? et fait tomber une foule de sc?l?rats.
Nous te traiterons, gros Louis, Biribi, A la fa?on de Barbari, Mon ami!
Le vin que l'on avait d?couvert dans les corps-de-garde et dans les caves du palais, ne fut pas ?pargn?; il coula ? l'?gal du sang, ce qui n'est pas peu dire. Puis, lorsqu'on eut bien tu? et bien bu, on mit le feu aux Tuileries, comme pour effacer toute trace de d?gradations. On mit le feu ? la caserne des Suisses, le feu au logement de M. de Choiseul, le feu ? l'h?tel de M. de Laborde, le feu partout! Le Carrousel entier ?tait transform? en une fournaise ardente,--et c'est miracle aujourd'hui si le palais de la monarchie, tant de fois menac?, existe encore... Dieu ne veut pas qu'il disparaisse!
Je ne voulais pas raconter cette journ?e si connue, et voil? que je me surprends ? en rappeler quelques ?pisodes. C'est que l'histoire emporte et ne s'arr?te jamais, pareille ? ces coursiers qui ne s'apercevant plus du mors, insensibles ? l'?peron qui d?chire leurs flancs, galopent toujours droit devant eux, et finissent par oublier compl?tement le cavalier qui les monte.
Un trait cependant nous est indispensable pour achever ce r?cit et pour y servir en m?me temps de moralit?.--Un enfant naquit ce jour-l?, au milieu des balles, dans la nu?e rouge du canon, alors que la mitraille, ce balai sanglant, cherchait ? repousser une tourbe criminelle. Cet enfant, qui doit exister quelque part aujourd'hui, fut port? en triomphe ? la Commune de Paris, qui lui donna solennellement le nom de VICTOIRE DU PEUPLE.
LE PEUPLE A L'ASSEMBL?E
Inutile de dire que nous d?sapprouvons ce mot d?daigneux. Voici comment--pour en revenir au lendemain du 10 ao?t--Lacroix parla ? la tribune:
<
Cette proposition fut adopt?e.
En cons?quence, la Commune de Paris jugea ? propos d'envoyer, le lundi, deux de ses commissaires ? la barre de l'Assembl?e. Ils rappel?rent aux d?put?s qu'on avait institu? l'avant-veille une Cour martiale pour juger les officiers et les soldats suisses.--Les d?put?s s'entre-regard?rent et convinrent du fait, apr?s quelque h?sitation.--Alors, joignant le conseil ? l'avertissement, les deux commissaires, qui ?taient pourvus d'insidieuses instructions, firent observer qu'il serait possible de donner ? ce tribunal une telle organisation, qu'il jugerait <
L'Assembl?e fron?a le sourcil.
<
La Commune de Paris avait, comme on le voit, son plan trac? ? l'avance et ses dispositions arr?t?es. Elle voulait que le Tribunal f?t son oeuvre, elle le voulait fortement. C'?tait la pierre d'assise de son ?difice r?volutionnaire.--L'Assembl?e, qui se croyait encore toute-puissante, n'eut pas l'air de comprendre; elle renvoya simplement ce projet d'organisation ? l'examen du Comit? de s?ret? g?n?rale, et elle cong?dia s?chement les deux commissaires.
Ce n'?tait pas l'affaire de la Commune, qui tenait ? jouer le r?le de l'?p?e de Brennus dans la balance. Pourtant, en cette premi?re occasion, elle insista avant de violenter; elle se fit tenace avant de se faire imp?rieuse. Le lendemain mardi, ? six heures et demie du soir, elle d?p?cha une d?putation qui vint demander <
Press?e si vivement, l'Assembl?e l?gislative ordonna que la commission extraordinaire pr?senterait,--s?ance tenante,--un projet de d?cret ? cet ?gard. On pouvait croire de la sorte que la Commune se tiendrait pour satisfaite, du moins pendant quelques instants. Erreur! Tout ?tait soigneusement organis?, ce jour-l?, pour d?jouer les faux-fuyants et emp?cher les ambages.--A huit heures, plusieurs f?d?r?s des quatre-vingt-trois d?partements se pr?sent?rent ? leur tour et <
La menace n'?tait pas loin. Elle arriva. Une heure ne s'?tait pas ?coul?e qu'une seconde d?putation de la Commune ?tait introduite ? la barre, et s'exprimait en ces termes arrogants et pr?cis:
<
Un murmure g?n?ral couvrit ces paroles. Les d?put?s ne purent contenir l'expression de leur m?contentement.
Ce bl?me inflig?, l'Assembl?e interrogea, au nom de la commission extraordinaire, H?rault de S?chelles, charg? du rapport.
H?rault de S?chelles, rappelons-le en quelques mots, ?tait le neveu de Mme la duchesse Jules de Polignac, par qui il avait ?t? pr?sent? peu d'ann?es auparavant ? la reine Marie-Antoinette. C'?tait un fort bel homme, connu par ses bonnes fortunes et par son luxe tout aristocratique; c'?tait aussi un lettr?: ses ennemis r?p?taient tout bas de petits vers anti-r?publicains tomb?s jadis de sa poche dans les all?es de Versailles.--A l'?poque dont nous parlons, il passait pour ?tre dans les bonnes gr?ces de Mme de Sainte-Amaranthe.
Se conformant au ton de l'Assembl?e l?gislative, fort indispos?e par les tyrannies de la nouvelle Commune, H?rault de S?chelles r?pondit ?vasivement que des difficult?s nombreuses s'?taient ?lev?es sur la formation de cette Cour, et que, dans tous les cas, le rapport de la commission ne pourrait ?tre pr?sent? avant le lendemain midi.
Thuriot, prenant ensuite la parole, crut qu'il n'?tait pas n?cessaire de biaiser plus longtemps, et, profitant du m?contentement unanime, il s'expliqua avec franchise:
Ces propositions furent adopt?es.
La Commune comprit qu'elle avait ?t? trop loin, mais elle ne regarda pas cependant la partie comme perdue. Elle se retira pour aviser de nouveau aux moyens de forcer le vouloir de l'Assembl?e l?gislative.
ROBESPIERRE.
Il y avait alors au sein de la Commune un homme qui ne poss?dait ni l'?loquence de Barnave, ni l'audace de Danton, ni l'esprit de Camille Desmoulins, ni l'inflexibilit? de Marat; <
Robespierre, qui n'avait que la bravoure des serpents et qui s'?tait prudemment tenu ? l'?cart pendant le combat du 10 ao?t, consentit ? aller arracher une sentence de mort contre ces royalistes qu'il n'avait pas os? coucher en joue.
Le mercredi soir, il se mit en route, ? la t?te d'une d?putation de la Commune. L'Assembl?e venait d'?tre merveilleusement dispos?e ? l'entendre par une ?trange motion de Duquesnoy, dont les derni?res paroles retentissaient encore:
<<--Je demande, avait dit ce repr?sentant, que tous les particuliers connus par leur incivisme soient mis en ?tat d'arrestation et gard?s jusqu'? la fin de la guerre!>>
Robespierre entra au moment o? l'Assembl?e passait ? l'ordre du jour.
On devina tout de suite ce qui l'amenait.
Il s'exprima ainsi:
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