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Read Ebook: Histoire anecdotique du tribunal révolutionnaire by Monselet Charles

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Ebook has 714 lines and 58646 words, and 15 pages

Il s'exprima ainsi:

<<--Si la tranquillit? publique et surtout la libert? tiennent ? la punition des coupables, vous devez en d?sirer la promptitude, vous devez en assurer les moyens. Depuis le 10, la juste vengeance du peuple n'a pas encore ?t? satisfaite. Je ne sais quels obstacles invincibles semblent s'y opposer. Le d?cret que vous avez rendu nous semble insuffisant; et m'arr?tant au pr?ambule, je trouve qu'il ne contient point, qu'il n'explique point la nature, l'?tendue des crimes que le peuple doit punir. Il n'y est parl? encore que des crimes commis dans la journ?e du 10 ao?t, et c'est trop restreindre la vengeance du peuple; car ces crimes remontent bien au-del?. Les plus coupables des conspirateurs n'ont point paru dans la journ?e du 10, et d'apr?s la loi, il serait impossible de les punir. Ces hommes qui se sont couverts du masque du patriotisme pour tuer le patriotisme; ces hommes qui affectaient le langage des lois pour renverser toutes les lois; ce Lafayette, qui n'?tait peut-?tre pas ? Paris, mais qui pouvait y ?tre; ils ?chapperaient donc ? la vengeance nationale! Ne confondons plus les temps. Voyons les principes, voyons la n?cessit? publique; voyons les efforts que le peuple a faits pour ?tre libre. Il faut au peuple un gouvernement digne de lui; il lui faut de nouveaux juges, cr??s pour les circonstances; car si vous redonniez les juges anciens, vous r?tabliriez des juges pr?varicateurs, et nous rentrerions dans ce chaos qui a failli perdre la nation. Le peuple vous environne de sa confiance. Conservez-la cette confiance, et ne repoussez point la gloire de sauver la libert? pour prolonger, sans fruit pour vous-m?mes, aux d?pens de l'?galit?, au m?pris de la justice, un ?tat d'orgueil et d'iniquit?. Le peuple se repose, mais il ne dort pas. Il veut la punition des coupables, il a raison. Vous ne devez pas lui donner des lois contraires ? son voeu unanime. Nous vous prions de nous d?barrasser des autorit?s constitu?es en qui nous n'avons point de confiance, d'effacer ce double degr? de juridiction, qui, en ?tablissant des lenteurs, assure l'impunit?; nous demandons que les coupables soient jug?s par des commissaires pris dans chaque section, souverainement et en dernier ressort.>>

Il y eut quelques applaudissements ? la fin de ce discours hardi; on ne s'arr?ta pas ? ce que deux ou trois phrases pouvaient avoir d'agressif;--surtout en passant par l'organe d?sagr?able de Robespierre;--et l'on admit la d?putation aux honneurs de la s?ance.

Ensuite, sur la proposition de l'ex-capucin Chabot,--qui, en abjurant sa religion, avait abjur? ?galement toute humanit?,--l'Assembl?e d?cr?ta en principe qu'une Cour populaire jugerait les coupables, et elle renvoya pour le mode d'ex?cution ? la Commission extraordinaire, en l'obligeant ? faire son rapport s?ance tenante.

La Commune crut triompher cette fois.

Il ?tait une heure du matin lorsque Brissot parut ? la tribune, tenant en main le rapport attendu avec tant d'impatience.

Robespierre souriait.

Les repr?sentants, subissant l'influence de l'heure avanc?e, ne pr?taient plus qu'une attention confuse aux d?bats expirants.

Mais quel ne fut pas l'?tonnement universel lorsque Brissot, m?connaissant le voeu de la d?putation et le d?cret de l'Assembl?e elle-m?me, exposa les inconv?nients qui r?sulteraient de la cr?ation du nouveau tribunal supr?me demand? par les commissaires de la Commune. Selon lui, le tribunal criminel ordinaire, ? qui l'Assembl?e nationale avait renvoy? la connaissance du complot du 10 ao?t, offrait toutes les garanties d?sirables <> Brissot r?suma les motifs de ce rapport dans un projet d'adresse aux citoyens de Paris qui devait contrebalancer les influences des membres exalt?s de la Commune, et dont la r?daction fait autant d'honneur ? son coeur qu'? son jugement.

On y remarque ce passage, plein de mod?ration et de bon sens:

<>

Soit lassitude, soit conviction, l'Assembl?e adopta unanimement ce projet d'adresse,--au grand d?sappointement de Robespierre et de sa cohorte, qui durent s'en tenir aux honneurs de la s?ance. Toutefois, comme elle ne voulait pas les m?contenter absolument et qu'elle reconnaissait d'ailleurs que plusieurs membres du tribunal criminel ordinaire ?taient suspects au peuple, elle d?cr?ta, avant de se s?parer, la formation d'un nouveau jury et ordonna que les sections nommeraient chacune quatre jur?s.

Ainsi se termina, ? deux heures du matin, cette s?ance haletante o? l'opini?tret? de la Commune dut c?der encore une fois devant les scrupules r?veill?s de la partie honn?te de l'Assembl?e l?gislative.

TH?OPHILE MANDAR.--INTIMIDATION.--JOURN?E DU 17.--LA COMMUNE L'EMPORTE.

L'adresse r?dig?e par Brissot fut imprim?e le lendemain jeudi et affich?e imm?diatement dans toutes les sections. Elle ne fit qu'irriter ceux qui d?siraient faire croire ? l'effervescence du peuple, au courroux du peuple, ? sa soif de vengeance! Des ?missaires de la Commune se r?pandirent dans les principaux quartiers et firent courir le bruit qu'on voulait acquitter les Suisses; ils d?termin?rent de la sorte quelques rumeurs isol?es, dont on se promit de tirer parti.--Au nombre de ces orateurs de carrefour, qui joignaient une exaltation brutale ? une grande vigueur de poumons, on remarquait Th?ophile Mandar, petit homme de bizarre tournure, de bizarre figure et de bizarre esprit. A ceux qui le plaisantaient sur l'exiguit? de sa taille, il avait l'habitude de r?pondre fi?rement, et en se redressant: <> Th?ophile Mandar exer?ait beaucoup d'influence sur les Jacobins des faubourgs par son ?nergique et originale faconde; il ?tait en outre vice-pr?sident de la section du Temple. Toutes ces consid?rations le firent distinguer de la Commune; et Robespierre ayant, par suite de son insucc?s de la veille, refus? nettement de se repr?senter ? la barre, on d?cida de lui substituer Th?ophile Mandar. C'?tait substituer la flamme ? la fum?e, le coup ? la menace. L'orateur populaire n'?tait ni un homme de demi-mesure, ni un homme de demi-langage. Le vendredi, 17, ? dix heures du matin, il p?n?tra seul dans l'enceinte de l'Assembl?e, v?tu plus pittoresquement que proprement; et, de sa voix de tonnerre qu'on s'?tonnait d'entendre sortir d'un si faible corps, il prof?ra les paroles suivantes:

Chacune de ces phrases, courte et hautaine, avait retenti comme un coup de feu. Les repr?sentants en demeur?rent troubl?s. Quand il eut fini, il distribua gravement plusieurs copies de son discours; car j'ai oubli? de dire que Th?ophile Mandar ?tait une mani?re d'homme de lettres;--et, comme tous les hommes de lettres, il tenait beaucoup ? ses phrases.

Par exemple, il n'obtint pas les honneurs de la s?ance.

Choudieu le r?primanda m?me tr?s-d?daigneusement et tr?s-cat?goriquement:

Thuriot monta ? la tribune apr?s Choudieu, et se montra plus explicite encore:

Ah! c'?taient l? de belles dispositions! c'?taient l? de nobles principes! Les derniers efforts de ces hommes pour r?sister au courant de sang qui va bient?t les entra?ner, l'accent g?n?reux et sinc?re de quelques-uns, leur lutte d?sesp?r?e, patiente, contre les Jacobins grondants et croissants, leur r?pugnance et leur lenteur ? punir, enfin les sentiments d'ordre moral qui les animent encore, ont un caract?re de dignit? qu'on ne peut pas m?conna?tre. On les excuse quelquefois, on les plaint presque toujours.

Aussi d?sappoint? que Robespierre, et charg? plus que lui de l'indignation des repr?sentants, Th?ophile Mandar, le bouc ?missaire, se retira, ne rapportant qu'un ?chec de plus ? ceux qui l'avaient envoy?.

Pourtant, ses paroles germaient dans l'Assembl?e; elles ?taient la preuve d?solante des r?solutions implacables de la Commune; et, aux manifestations obstin?es de ce nouveau pouvoir, d'autant plus despotique qu'il s'autorisait du peuple, il ?tait facile de pr?voir qu'on ne pourrait pas r?sister toujours. Ces r?flexions absorb?rent une partie de la s?ance et r?agirent sur les travaux de la Commission extraordinaire. Aussi lorsque, le m?me jour, une d?putation des citoyens nomm?s pour former les jurys d'accusation et de jugement parut ? la barre, trouva-t-elle l'Assembl?e fatalement dispos?e ? l'?couter, comme de guerre lasse.

Voici en quels termes s'exprima le chef de cette nouvelle d?putation:

La progression ?tait r?guli?rement observ?e, rigoureusement suivie. Maintenant ce n'?taient plus les jur?s qui ?taient suspects, c'?taient les juges qui g?naient. Ruse ais?e ? concevoir! pr?texte insidieux! Sous mille d?tours et mille d?guisements, revenait sans cesse l'inexorable question de l'?tablissement d'un tribunal sp?cial, extraordinaire, supr?me!

A la fin, l'Assembl?e se sentit au bout de son courage et de sa volont?...

Elle ne put tenir plus longtemps contre le flot envahissant de ces p?titionnaires f?roces.

Elle annon?a, en soupirant, que la d?putation allait ?tre satisfaite; et bient?t, en effet, la Commission extraordinaire,--pouss?e, elle aussi, jusque dans ses derniers retranchements,--proposa, par l'organe d'H?rault de S?chelles, un projet de d?cret dont voici les principales bases:

<

>>Ce tribunal, qui prononcera en dernier ressort, sans recours au tribunal de cassation, sera divis? en deux sections compos?es chacune de quatre juges, quatre suppl?ants, un accusateur public, deux greffiers, quatre commis-greffiers et d'un commissaire national, nomm? par le pouvoir ex?cutif provisoire.

>>Les deux juges qui auront ?t? ?lus les premiers, pr?sideront chacun une des sections.

<>

Il n'y avait plus moyen d'?luder.

L'Assembl?e l?gislative adopta ce projet de d?cret, sans discussion. Thuriot lui-m?me, Thuriot qui s'en ?tait montr? l'adversaire le plus chaleureux, demeura muet. Toute protestation e?t ?t? st?rile en ce moment; son silence confessa l'ascendant de la Commune.

Quoi qu'il en soit, Robespierre ne lui pardonna jamais son opposition d'un instant; et, apr?s le 9 thermidor, on trouva dans ses papiers la note suivante, ?crite de sa main: <>

NUIT DU 17 AU 18.--ON NOMME LES MEMBRES DU TRIBUNAL.--ROBESPIERRE REFUSE LA PR?SIDENCE.

Il nous a paru n?cessaire de d?brouiller, un peu minutieusement peut-?tre, l'origine de ce tribunal, de bien faire conna?tre ses fondateurs, de porter la lumi?re dans les causes secr?tes qui ont amen? sa cr?ation, de n'omettre aucune des instances barbares qui l'ont d?termin?e. Les Suisses n'?taient qu'un pr?texte, l'attentat du 10 ao?t n'?tait qu'un moyen.--Livrez-nous l'?chafaud, donnez-nous la clef des prisons! voil? ce que demandait la Commune en demandant l'?tablissement d'un tribunal populaire. Les d?put?s le savaient bien; aussi firent-ils la sourde oreille autant que cela leur fut possible; puis ? bout de r?sistance, ils se lav?rent les mains, ? la mani?re politique de Ponce Pilate.

A dater de ce jour vont commencer ces fatales proscriptions, ces aveugles repr?sailles, ces assouvissements populaires dont le r?cit attend toujours et attendra longtemps un Tacite. De ce pouvoir tomb? dans la rue et cass? en miettes, les ignorants, les criminels, les ambitieux, les sages et les fous, tout le monde enfin va se partager les morceaux. Une moiti? de Paris va d?noncer l'autre, enfermer l'autre, tuer l'autre!

La Commune ne perdit pas une seconde. A peine le d?cret de l'Assembl?e eut-il ?t? rendu, que les quarante-huit sections d?sign?rent des ?lecteurs pour proc?der au choix des membres du nouveau tribunal. Dans la nuit du 17 au 18, ces ?lecteurs se rassembl?rent ? l'H?tel-de-Ville et nomm?rent les juges et les quatre-vingt-seize jur?s

Le premier nom qui sortit fut celui de Robespierre.

C'?tait justice!

JUGES.--MM. Robespierre, Osselin, Mathieu, Pepin-D?grouhette, Laveaux, d'Aubigni, Coffinhal-Dubail.

ACCUSATEURS PUBLICS.--Lullier, R?al.

MEMBRES DU JURY D'ACCUSATION.--Leroi, Blandin, Bottot , Lohier, Loyseau, Caill?re de l'Etang, Perdrix.

SUPPL?ANTS.--Desvieux, Boucher-Ren?, Jaillant, Maire, Dumouchel, Jurie, Mulot , Andrieux.

GREFFIERS.--Brusl?, Hardy , Bourdon, Mollard.

C'?taient tous des membres de la Commune, ou des gens d?vou?s corps et ?me au parti anarchiste. La plupart, tels que Lullier, Desvieux, P?pin, Bourdon, etc., avaient m?me fait partie des d?putations envoy?es ? l'Assembl?e. On pouvait donc compter sur eux, ? bon droit.

Cette liste fut accueillie avec faveur par les sections, presque enti?rement jacobinis?es.

Sur la proposition de la section de Montreuil, une garde compos?e de citoyens et de gendarmes fut affect?e au nouveau tribunal.

On prit encore d'autres dispositions, et l'on se s?para, apr?s avoir d?cid? que l'installation aurait lieu le lendemain, 18 ao?t, au Palais-de-Justice.

Dans cet intervalle, Robespierre se sentit atteint de scrupules singuliers; il refusa l'honneur de la pr?sidence auquel l'appelait cet article du d?cret: <> Ce r?le lui parut sans doute trop subalterne; celui d'instigateur lui convenait mieux, quant ? pr?sent. Il n'en voulait pas d'autre.

Ce refus ayant ?t? diversement interpr?t?, il se vit oblig? de publier une lettre explicative. Nous la reproduisons:

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