Read Ebook: La société bordelaise sous Louis XV et le salon de Mme Duplessy by Grellet Dumazeau Andr
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page
Ebook has 733 lines and 108999 words, and 15 pages
Au lecteur.
L'orthographe d'origine a ?t? conserv?e et n'a pas ?t? harmonis?e, mais quelques erreurs clairement introduites par le typographe ont ?t? corrig?es. La liste de ces corrections se trouve ? la fin du texte.
La ponctuation a ?t? tacitement corrig?e ? quelques endroits.
Bordeaux.--Imp. G. GOUNOUILHOU, rue Guiraude, 11.
Voir, sur Louis Machon, sa vie et ses oeuvres, les travaux de M. Raymond C?leste.
Ce fut, suivant toutes vraisemblances, l'origine de l'Acad?mie fond?e en 1712.
... Cette agr?able Du Pin, Qui, dans sa mani?re, est unique, A l'esprit m?chant et bien fin. Et si jamais Gascon s'en pique, Gascon fera mauvaise fin.
CHAPITRE PREMIER
Son p?re, Claude de Chazot, sieur d'Albuzy, se parait volontiers du titre de gentilhomme de la v?nerie du roi. Mais sa principale, son unique occupation, ?tait celle de receveur g?n?ral des fermes--emploi dans lequel l'avait pr?c?d? le fastueux Montauron que le grand Corneille, dans une heure d'oubli, eut la faiblesse de comparer ? l'empereur Auguste.
Avant de faire ses adieux au monde, il prit le soin de marier sa fille ? un officier de robe, messire Claude Duplessy, d'une famille originaire de Lorraine. L'a?eul, Pierre Duplessy, ?tait venu ? Blaye, appel? par un fr?re de sa m?re, le capitaine Michel, qui y commandait, sous les ordres du premier duc de Saint-Simon, un b?timent attach? au port de cette place. Nomm? architecte-ing?nieur du roi au d?partement de Guyenne, Pierre Duplessy ne tarda pas ? attirer l'attention. H?ritier de son oncle, dont il joignit le nom au sien, il se fixa ? Bordeaux, y acquit droit de cit?, et mourut durant la construction de la chapelle des Dominicains--aujourd'hui Notre-Dame--qu'on ?difia sur ses plans.
         <         >>Et demoiselle Jeanne-Marie-Fran?oise Chazot, fille de messire         Claude Chazot, ?cuyer, sieur d'Albuzy, gentilhomme de la grande         v?nerie et receveur g?n?ral des fermes de la province de         Guienne, et dame ?lisabeth Fran?ois, de cette paroisse, d'autre         part; L'existence laborieuse qu'il mena lui ayant permis d'accro?tre sa fortune, son fils acheta une charge de conseiller au Parlement--le r?ve de tout bourgeois pourvu de rentes. Ces offices, en effet, conf?raient la noblesse et donnaient acc?s dans le meilleur monde. La haute juridiction--? la fois judiciaire, politique, financi?re et administrative--? laquelle ils ressortissaient, prenait une part active ? la marche des affaires publiques: d'attachantes occupations pour les hommes vou?s ? l'?tude du droit, de la jurisprudence, des r?formes l?gislatives et des int?r?ts sociaux...          En 1692. Il portait ?galement le pr?nom de Pierre. A Toulouse, ? Rouen, ? Paris, l'emploi ?tait enviable. A Bordeaux o?, depuis longtemps, la noblesse d'?p?e n'existait gu?re qu'? l'?tat de souvenir, il jouissait d'un relief exceptionnel. D'autant mieux que, par leur train de vie, les officiers de justice s'ing?niaient ? rehausser encore la dignit? dont ils ?taient rev?tus. La maison d'un pr?sident comprenait une nu?e de clients et de serviteurs. Les conseillers, quoique d'allures plus modestes, entretenaient aussi un domestique nombreux--sans compter le carrosse traditionnel qui, au dire des chroniques, r?v?lait les h?tes du palais de l'Ombri?re au m?me titre que la robe rouge et le bonnet carr?.          M. Duplessy s'en rendit acqu?reur, le 15 septembre 1707,         de M. le marquis de La Tresne. Plus tard, elle passa entre les         mains d'un sieur Bergeret qui la revendit en d?tail. Les fils de cet ?rudit, qui parlait couramment plusieurs langues, devaient, comme leur p?re, porter la robe. Tous deux furent pourvus d'offices de conseiller. Le cadet, qu'on nommait M. de Pauferrat, jurisconsulte de m?rite en m?me temps que rimeur disert, prenait volontiers la parole aux assembl?es des chambres. L'a?n?, Claude--l'heureux ?poux de Mlle de Chazot--passionn? pour les recherches historiques, les sp?culations de la science, les manifestations de l'art sous ses formes diverses, ?tait appel? ? briller d'un vif ?clat. Une maladie lente l'emporta, en 1736, ? la fleur de l'?ge... D?j?, sa demeure servait de rendez-vous aux gens distingu?s de la province que son urbanit? et les gr?ces de sa jeune femme savaient attirer et retenir. Devenue veuve, Mme Duplessy n'eut garde de n?gliger l'oeuvre commenc?e sous ces heureux auspices. Sa ma?trise, au contraire, s'affirma avec une autorit? croissante; bient?t, il ne s'?tablit plus de renomm?e litt?raire qui ne port?t l'estampille de son salon, et Montesquieu lui-m?me accepta l'honneur de figurer au nombre de ses amis. Le portrait annex? ? ce volume date de cette ?poque. A coup s?r, il n'est point vulgaire. La virtuose dont il reproduit l'image ne pouvait, nulle part, passer inaper?ue: elle s'imposait ? tous les yeux par la noblesse de sa d?marche, l'?l?gance de ses mani?res, la distinction de sa physionomie. Un Bordelais qui plaida contre elle--d?s lors non suspect de flatterie--assure qu'elle r?unissait tout pour plaire... A ces avantages physiques, il faut joindre un esprit cultiv?, sagace, d'une profonde s?ret? de jugement et de go?t. L'affectation lui est odieuse, et l'on est s?r de ne trouver chez elle ni pr?cieuses ni raffin?s... Mme Duplessy r?sume, dans un harmonieux ensemble, les qualit?s s?rieuses du grand si?cle et les gr?ces moins s?v?res du si?cle nouveau--sans ce dualisme choquant observ? chez la marquise de Lambert, laquelle, <          L'original appartient ? M. Fauraytier qui, avec beaucoup         de bonne gr?ce, en a autoris? la reproduction. Bien que ne r?pudiant pas cette pointe de galanterie qui constituait le fond de la politesse fran?aise, la maison ?tait honn?te. En d?pit de la fantaisie du peintre, qui se plut ? la repr?senter tenant ? la main un amour battant de l'aile, la jeune veuve ne subit pas le joug du dieu malin. Le souci de sa dignit?, une fa?on virile de comprendre ses devoirs, les occupations multiples qui absorbaient sa vie, la pr?serv?rent de ces entra?nements pour lesquels nos p?res professaient tant d'indulgence. Ce fut une de ces studieuses qui ne trouvent jamais de journ?e trop longue. A l'avidit? de tout conna?tre, elle joignait la facult? de tout embrasser. Mais la pente de son esprit l'entra?nait vers les sciences exactes. L'histoire naturelle surtout la captivait: son cabinet, le premier qu'on vit ? Bordeaux, passait pour l'un des plus beaux de l'Europe... Poussons la porte du < Deux vastes pi?ces, ordonn?es avec m?thode, sont affect?es aux collections. La premi?re, garnie d'armoires, de tablettes, de vitrines, contient toutes les richesses de la conchyliologie. La seconde rappelle les boutiques d'antiquaires, telles que certains romans se plaisent ? les d?peindre, avec un appareil de r?chauds, de cornues, d'instruments myst?rieux, et toute une s?rie d'animaux suspendus aux solives: chiens de mer, poissons volants, crocodiles, chauves-souris aux ailes d?ploy?es... Spectacle troublant pour les ?mes d?licates! Heureusement le regard ne tarde pas ? se porter vers les parois de la muraille o? apparaissent, rang?s avec sym?trie, les plumages multicolores des oiseaux des ?les: un chatoiement de couleurs gaies allant du jaune de chrome au bleu d'azur, en passant par toutes les nuances de l'arc-en-ciel... L'h?tel qui abrite ces merveilles est situ? aux portes de la ville, dans un immense enclos compris entre le Jardin-Public--avec lequel il communique au moyen d'une grille--et les rues Fondaud?ge et Saint-Laurent. Des plantes rares, une charmille admirable, des arbres s?culaires constituent l'ornement du parc, o? un r?servoir, aliment? par des sources vives, entretient une exquise fra?cheur. On ne trouverait pas en Guyenne un jardin plus vert; il n'en est pas non plus qui poss?de une plus riche vari?t? de fleurs... Les fleurs! la passion de Mme Duplessy. Ce ne sont pas seulement les senteurs de l'oeillet et l'?panouissement d'une touffe de roses qui la d?lectent. Elle ?prouve une admiration sans bornes pour la nature: non cette petite-ma?tresse pomponn?e, fris?e, enrubann?e, que bient?t, ? Trianon, on c?l?brera en vers alanguis, mais la m?re f?conde dont l'enfantement myst?rieux soul?ve tant de probl?mes. Admiration ? la fois discr?te et curieuse, o? l'intuition po?tique de Jean-Jacques s'allie aux donn?es positives du parfait jardinier.          Alors le Jardin-Royal.          Ce r?servoir se trouvait sur l'emplacement de la rue qui         porte ce nom. Des plantes aux animaux, il n'y a qu'un pas: Mme Duplessy aime toutes les b?tes. Elle les choie, les caresse et daigne les admettre ? l'honneur de son intimit?. Chats et chiens lui servent de cort?ge. Elle en parle en termes d?licats o? se glisse une note attendrie. <          La ceinture frang?e d'or que, dans son portrait, Mme         Duplessy porte autour de la taille, ?tait la marque distinctive         des membres de l'acad?mie des Arcades.          Elle eut pour ma?tre le sieur Giraud, organiste d'abord ?         Saint-Seurin, et plus tard ? Saint-Andr?.          L'?levage de ces animaux ?tait-il pass?, dans certains         couvents, ? l'?tat d'habitude? On serait tent? de le croire, si         l'on en juge par de nombreuses indications. On verra plus loin         que le sup?rieur des B?n?dictins fournissait de chiens courants         le pr?sident de Lalanne.  Ne croyez pas que le froc abrite en lui un de ces < Pourquoi faut-il qu'un travers--et quel travers!--accompagne tant de qualit?s! Le tra?tre ne marche que les poches bourr?es de sonnets, d'odes, de pi?ces fugitives. Malheur ? l'imprudent qui se risque ? lui donner audience. A l'heure n?faste o? le manuscrit est exhum? des profondeurs de sa robe de bure, il se produit dans ce coeur candide d'?tranges r?volutions. Cet agneau a des acharnements de tigre: il assassine son monde ? coups d'interminables d?clamations... La Guyenne ne compte plus ses victimes. Tels sont les h?tes; telle est la maison.--C'est sous ces frais ombrages o? expirent les bruits de la ville, dans ces salons dont chacun ambitionne l'acc?s, au fond de cette biblioth?que ouverte ? toutes les investigations, que l'Acad?mie, au sortir de ses s?ances, vient chercher un d?lassement. A l'heure o? commence cette ?tude, la R?gence a achev? sa derni?re folie. Le duc de Bourbon, premier ministre, vient lui-m?me d'abandonner son portefeuille. C'est le sage Fleury qui gouverne l'?tat, inaugurant une mani?re de tr?ve durant laquelle, comme le reste du royaume, la Guyenne a l'heureuse fortune de n'avoir pas d'histoire... Profitons du calme dont elle jouit pour lier commerce avec cette soci?t? bordelaise si peu connue et si digne de l'?tre, examinons les oeuvres accomplies par elle, et jetons un coup d'oeil rapide sur ses personnalit?s marquantes, en d?butant par les intimes de l'h?tel Duplessy.   CHAPITRE II Le premier qui se pr?sente ? nous est le conseiller Jean-Jacques Bel... Un robin de taille exigu?, sec, fluet, aux mains gr?les, ? l'air vieillot. Le corps est pench? en avant, le dos l?g?rement vo?t?, la t?te ? peine d?tach?e des ?paules. Tout, dans la figure, est affil?, sauf le menton dont la rondeur ?paisse ?tablit avec les autres traits un contraste saisissant. Que de vie, d'ailleurs, que de p?n?tration dans ces yeux menus d'o? le regard s'?lance tenace et chaud, tandis que la bouche, relev?e aux commissures des l?vres, ?bauche un sourire plein de finesse! Le c?t? dominant de cette physionomie, c'est, avec un m?lange de bont? et de malice, le d?tachement de la mati?re: on sent que la pens?e, affranchie des convoitises malsaines, s'?l?ve sans effort aux plus nobles aspirations. Il y a, dans ce petit homme, l'?toffe d'un organisateur. Grouper les intelligences d'?lite; diriger les ardeurs non disciplin?es; provoquer, au souffle f?cond de l'?mulation, les vocations qui sommeillent, tel est le but vers lequel ne cesse de tendre son amour du bien public. A peine sorti de l'?cole, il r?unit ses camarades, fonde des conf?rences, institue un programme de travaux o? chacun apporte son contingent. P?n?tr? de ce sentiment que tout ce qui favorise les associations scientifiques, litt?raires et morales concourt ? l'am?lioration de l'humanit?, son r?ve--qu'il r?alisera--est d'installer l'Acad?mie dans son magnifique h?tel de l'Esplanade du Ch?teau-Trompette.          La premi?re assembl?e eut lieu le 19 f?vrier 1739. Il ne lui suffit pas de cr?er des oeuvres ou d'assurer l'existence d'institutions anciennes. Cet esprit g?n?reux est doubl? d'un penseur et d'un ?crivain: ajoutons d'un d?licat, poussant jusqu'au fanatisme le culte du beau langage. Nourri des ma?tres du grand si?cle, son go?t se r?volte de l'affectation qui envahit les ouvrages nouveaux.     Les manieurs de mots l'un de l'autre ?tonn?s, auxquels, il assimile certains immortels convaincus de complaisances inavouables! Imprim?es ? Amsterdam, ses publications vengeresses eurent l'honneur d'amuser Paris; or, chacun sait qu'un auteur qui d?ride ses juges est bien pr?s d'obtenir gain de cause. Dans l'intervalle de ces batailles, Jean-Jacques Bel n'a garde de demeurer inactif. Toute nouveaut? l'attire et le captive. Mais c'est dans le commerce des philosophes que s'?coulent ses heures pr?f?r?es. Les anciens n'ayant plus de secrets pour lui, ses investigations se concentrent sur les modernes. Justement, il en est un dont la doctrine, encore mal connue, lui ?chappe: ce philosophe, c'est Newton... Le petit homme fluet nourrit, sous sa perruque ? longues boucles, le d?sir d'interroger les disciples du ma?tre... --Quand partons-nous? glisse-t-il ? l'oreille de son voisin, un abb? ? la mine avenante. Et celui-ci, le coeur gros, de r?pondre: --S'il ne d?pendait que de moi! Cet abb?, c'est le P?re Fran?ois Chabrol--le P?re Fran?ois, comme on l'appelle commun?ment. Encore un familier du logis; nous allions dire, suivant le mot de Mme de Tencin, une autre de ses b?tes... Qualificatif qui ne saurait pr?ter ? l'?quivoque: la m?nagerie de l'alti?re chanoinesse comprenait Duclos, Marmontel, d'Argental, Pont-de-Veyle... Ce n'est pas que le P?re Fran?ois ait rien de commun avec l'?cole encyclop?dique. Le sup?rieur des R?collets--tel est son titre--n'aspire pas ? r?genter le monde: son couvent lui suffit. C'est un savant qui s'est fait une sp?cialit? de la physique, de l'alg?bre, de l'astronomie, et qui a d?couvert, ? ses moments perdus, une recette merveilleuse pour la pr?paration de l'hypocras... Son ordre, de nos jours, e?t lanc? une marque! Les sciences exactes n'absorbent pas les loisirs du P?re Fran?ois. ?rudit consomm? et bibliophile sagace, c'est aussi un voyageur intr?pide. Il a franchi les Alpes et parcouru l'Italie. La France n'attire pas moins sa curiosit?. L'an dernier, il visitait la Bretagne, d'o? il revint par le P?rigord, consignant, au jour le jour, ses impressions de route. Rien de convenu ni d'appr?t? dans sa correspondance, d'o? se d?gage, au contraire, le charme d'une humeur exquise... L'honn?te R?collet proclame--n'est-ce point de la sagesse?--que l'aust?rit? empreinte sur le visage annonce moins le degr? de la vertu que l'effort fait pour l'atteindre. Ses qualit?s, aussi remarquables que les produits de son alambic, sont appr?ci?es partout. On se le dispute dans les meilleures soci?t?s, on le choie, on le dorlote, on garnit ses poches de friandises; mais, s'il prodigue volontiers son bon sourire, ses pr?f?rences le ram?nent chez Mme Duplessy dont il partage tous les go?ts. Comme elle, notamment, il adore les fleurs. D?s qu'apparaissent les beaux jours, il arrive charg? de pivoines ou d'an?mones... Personne n'en m?dit: comme Fontenelle, le P?re Fran?ois poss?de les agr?ments du coeur sans en avoir les exigences.          Il fut le biblioth?caire de l'Acad?mie, qui l'admit dans         son sein le 17 mars 1739.          Le 10 novembre 1757, il adressait de Brant?me le billet         suivant: <
Add to tbrJar First Page Next Page
 Homepage
 Homepage Login
 Login Profile
 Profile BookClubs
BookClubs dmBox
 dmBox
