Read Ebook: La société bordelaise sous Louis XV et le salon de Mme Duplessy by Grellet Dumazeau Andr
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Ebook has 733 lines and 108999 words, and 15 pages
         Le 10 novembre 1757, il adressait de Brant?me le billet         suivant: <
Appr?ciation pleine de justesse: tous les contemporains la confirment. Montesquieu, au surplus, ne m?nageait pas, quand il les m?ritait, les ?pigrammes ? son ami d'enfance. Charg?, comme secr?taire de l'Acad?mie, d'en classer les archives, Barbot avait des distractions ?tranges, des oublis f?cheux, des n?gligences impardonnables. Lettres, m?moires, papiers de tous genres s'accumulaient au fond de son cabinet dans un d?sordre majestueux. Chercher un document dans ce fouillis, c'?tait une entreprise folle. Le ch?telain de La Br?de en g?missait... quand il n'en riait pas. Parfois m?me, sa raillerie, d'un flegme tout britannique, s'exer?ait aux d?pens des tiers... <
Dans cette querelle de m?nage, c'est le coupable qui eut le dernier mot. Sa vengeance fut, ? la fois, d'un grand seigneur et d'un homme d'esprit. Cette biblioth?que o? le livre cherch? demeurait aussi introuvable <
Ce chaos r?servait des surprises agr?ables, car Barbot ne reculait pas devant les sacrifices pour se procurer des ouvrages de prix. Il parle, dans une lettre, d'un volume qui lui co?ta 460 livres.
La modestie n'exclut ni l'entrain ni la verve. De l'une et de l'autre de ces qualit?s, Barbot poss?de ? revendre. Nul ne lance comme lui, dans un cercle restreint, les reparties d?licates. Nul ne conte avec autant d'humour ces gauloiseries inoffensives dont nos p?res se d?lectaient.
Un genre qui ne d?pla?t point au pr?sident. Les femmes raffolent de lui: la tradition assure qu'il ne leur tient pas rigueur. Il estime, en effet, que la vue d'un joli minois est un spectacle r?cr?atif, et qu'on peut lire au fond de deux beaux yeux--quelle qu'en soit la couleur--des choses aussi int?ressantes que dans <
Les archives de l'Acad?mie renferment quelques lettres dans cet ordre d'id?es. Elles sont piquantes, mais d'une reproduction difficile.
La Cour des Aides r?clamait le droit de statuer elle-m?me sur le sort de ses officiers, en mati?re criminelle, et de soumettre au Grand Conseil leurs litiges civils. La question valait la peine d'un d?bat; mais des futilit?s poussaient parfois les deux Compagnies ? entrer en lutte. C'est ce qui arriva en 1723. Les pr?sidents ? mortier ayant contract? l'habitude de s'agenouiller, ? l'?glise, sur des carreaux de velours, Messieurs de la Cour des Aides ?mirent la pr?tention d'avoir des carreaux pareils; c'est Montesquieu, alors ? Paris, qui fut charg? de soutenir les droits de ses coll?gues du palais de l'Ombri?re.
Discours prononc? ? la Saint-Yves de 1758.--Ce document figure dans les papiers in?dits de MM. de Lamothe, auxquels nous ferons de fr?quents emprunts. Nous en devons la communication ? la courtoisie de M. Pierre Meller qui, avec sa rare comp?tence, a su en mettre en lumi?re le haut int?r?t.
         La maison de Lalanne ?tait originaire de Saint-Justin,         <
Le Lalanne d'aujourd'hui n'a rien de commun avec ce bandit grand seigneur. Humain, charitable, ennemi de la fraude, chacun le tient en haute estime, et, comme il passe pour le plus grand ?pistolier du monde, c'est un honneur de figurer sur la liste de ses correspondants...
--Pr?sident, lui demande-t-on, combien de lettres ce mois-ci?
--Madame, r?pond-il, le mois est peu charg?: une centaine tout au plus.
--Y compris les billets doux? fait Barbot, d'un air narquois.
Tous les ans, rapporte M. Raymond C?leste, il exp?diait au mar?chal de Richelieu un p?t? de quatre perdrix rouges sortant, non plus de ses fourneaux, mais de l'officine du plus habile praticien de P?rigueux, Villereynier de la G?tine.
Antoine de Gascq, l'un des fondateurs de l'Acad?mie et son premier directeur.
Rue du Puits-Baigne-Cap. Laboub?e rapporte que c'est chez lui que se tinrent les conf?rences qui pr?c?d?rent la cr?ation de l'Acad?mie.
Longue aussi serait la liste des femmes qui firent les d?lices de ce monde de lettr?s. L'une d'elles--Mme de Pontac-Belhade--est rest?e c?l?bre... <
Milord, ?tes-vous curieux De nos rares et belles choses? Chez Pontac on a de grands yeux, Beaucoup de lys, beaucoup de roses.
La comtesse ne rencontrait que des admirateurs. Si, comme il y a gros ? parier, la tragi-com?die de Jean-Jacques Bel affronta chez Mme Duplessy les feux de la rampe, le r?le de la chaste Lucr?ce lui fut confi? tout d'une voix. Mais que de convoitises dut faire na?tre le r?le du s?ducteur! Celui qui en obtint la charge ne fut point un Tarquin ? plaindre.
La marquise du Deffant t?moignait moins d'enthousiasme. <
Mme d'Aiguillon avait un autre m?rite qui suffirait ? nous la rendre ch?re: elle entoura d'une affection que n'entam?rent ni ses impatiences en mati?re allodiale, ni le temps, <
Il existe, au ch?teau de La Br?de, dans la chambre du pr?sident, un portrait de la duchesse d'Aiguillon.
N? au coeur de la Gascogne, Gascon jusques aux moelles, celui qu'on appela d'abord La Br?de conserva toujours intacts l'empreinte et le culte de son pays. Sa jeunesse s'?coula ? Bordeaux, d'o? il ne s'?loigna que durant les ann?es de coll?ge. L'?tablissement de Juilly, tenu par les Oratoriens, ?tait alors en grande vogue. C'est l? qu'on le mit en pension avec bon nombre de ses amis d'enfance... Jean-Jacques Bel et Barbot, un peu plus jeunes, ne tard?rent pas ? l'y rejoindre.
C'?tait, ? cette ?poque, un voyage de longue dur?e, p?nible, p?rilleux. Avant de boucler sa valise, on t?chait de se procurer des compagnons de route. On se risquait seul dans les limites de la province; pour aller ? Bayonne ou ? Paris, on ?prouvait le besoin de se sentir en forces.
Nul doute que la jeune colonie ne chemin?t de concert et ? frais communs: une carross?e exub?rante de sant? et de s?ve! Des figures nouvelles, comme les r?gions travers?es, des embarras d'auberge, des m?comptes ? la poste aux chevaux, des heurts, des ruades, des cahots, des essieux rompus, tels ?taient les incidents ordinaires de ces lointaines exp?ditions. Aventures, dangers, plaisirs, privations, tout contribuait ? augmenter la force d'un lien cr?? d?j? par l'identit? d'origine. Au coll?ge, ?galement, on sentait le besoin de se toucher les coudes. L'acc?s n'en ?tait pas toujours facile ? ces m?ridionaux transplant?s sur une terre inconnue. Leur regard vif, mobile, ensoleill?, certaine tournure d'esprit famili?re et moqueuse, cet accent pittoresque confinant au comique, ces allures conqu?rantes, qui sont le propre des races de la Garonne, contrastaient ?trangement avec les fa?ons des ?coliers du Nord. Les t?tes ? la d'Artagnan pr?taient aux railleries... Dieu sait si on les leur ?pargnait!
         Montesquieu avait un accent formidable. Il disait: <
Au cours de ces ?preuves de l'adolescence--?pop?es inoubliables--se nouaient des affections robustes que, plus tard, resserrait encore un commerce de chaque jour. Comment La Br?de n'e?t-il pas ch?ri Bordeaux! C'est ? Bordeaux que vivaient ses meilleurs amis et se concentraient ses plus chers souvenirs; ? Bordeaux qu'il faisait son droit sous les deux Tanesse et le vieil Albessard; qu'il entrait dans la robe; qu'il se mariait; qu'il voyait na?tre ses enfants; qu'il acqu?rait une situation consid?rable accrue par son ?l?vation ? la charge de pr?sident ? mortier, h?ritage d'un oncle qui, avec son nom, lui l?guait toute sa fortune.
C'?taient les professeurs du temps. M. de Raoul fait d'eux un portrait assez piquant: Pierre Tanesse, d?clare-t-il, connaissait par coeur le texte de toutes les lois, mais ne savait point les appliquer. Son fils, ?tienne, appel? en 1704 aux honneurs de la Jurade, brillait surtout comme buveur. Quant ? Jacques Albessard, tour ? tour greffier au S?n?chal de Fronsac, pr?cepteur chez un cordonnier de la rue Sainte-Catherine, puis avocat et docteur, il n'avait pas trouv? le secret de plaire ? ses confr?res du Barreau qui s'?gayaient parfois ? ses d?pens. L'un d'eux composa sur lui une pi?ce de vers qui d?butait de la fa?on suivante:
Le pleureur Albessard, ce hibou du Palais, Pour te d?sennuyer m?dit ? peu de frais; Car souvent, au Palais, la noire m?disance Touche plus l'auditeur que la vive ?loquence...
Montesquieu, ? cette ?poque, monta sa maison qui se composait d'un valet, d'une femme de chambre, d'un cuisinier, de quatre laquais et de deux servantes.
Ce fut une entr?e triomphale: les femmes surtout en firent les frais. On l'accueillit avec transports dans les cercles ? la mode. Mme de Tencin le sacra grand homme, la marquise de Lambert lui promit l'immortalit? acad?mique, Mme de Prie daigna lui sourire. L'engouement des boudoirs ne fut pas moindre: avec un peu de complaisance, l'oriental Rica e?t go?t? ? Paris les joies capiteuses que, jusqu'alors, lui avait r?serv?es son harem d'Ispahan.
La m?me m?saventure, pour une cause identique, ?tait arriv?e ? Corneille. On lui pr?f?ra le pr?sident de Salomon-Virelade, un Gascon de m?rite, aux d?pens duquel Tallemant des R?aux prend plaisir ? aiguiser sa verve. Corneille, comme Montesquieu, ne tarda pas ? obtenir r?paration.
Montesquieu, piqu? au vif, n'h?sita pas. L'obstacle all?gu?, c'?tait son office: il r?solut de s'en d?faire. Aussi bien, ses fonctions lui pesaient-elles. Son g?nie, cependant, s'y ?tait r?v?l? un jour--le jour de la Saint-Martin 1725, o? il pronon?a le discours de rentr?e... Jamais les vo?tes du palais de l'Ombri?re n'entendirent de pens?es aussi nobles formul?es en un pareil langage. L'impression fut si grande que, chaque ann?e, on r?imprimait, pour la vendre dans la salle des Pas-Perdus, cette harangue m?morable.
En dehors de ce coup de ma?tre, Montesquieu, en tant que robin, ne d?passait pas une m?diocrit? honn?te. Les subtilit?s juridiques choquaient son intelligence toute de bon sens et de clart?. La chicane l'irritait. Son orgueil souffrait de ne point saisir les tactiques de proc?dure accessibles aux esprits les moins d?li?s. L'audience elle-m?me le fatiguait: il n'y allait qu'? contre-coeur et provoquait une sorte de r?volution intestine en vue de se soustraire aux s?ances de relev?e. Ajoutons que, causeur exquis dans un cercle intime, il n'avait rien de l'?loquence n?cessaire pour enlever les suffrages d'une assembl?e. <
Le Parlement tenait, chaque jour, deux audiences, l'une de grand matin, l'autre l'apr?s-d?ner. Montesquieu pr?tendit que les pr?sidents n'?taient pas oblig?s d'assister ? cette seconde audience, m?me quand leur pr?sence devenait n?cessaire pour compl?ter la Cour. Ce fut la cause d'un conflit entre les magistrats de ce grade et les simples conseillers qui finirent par avoir gain de cause.
L'occasion ?tait tentante d'abandonner une carri?re o? la nature de son esprit le condamnait ? l'effacement. Montesquieu vendit son office et, r?solu ? recommencer la lutte, alla prendre g?te dans un h?tel meubl? de la rue Saint-Dominique.
Le 8 juillet 1726, ? M. d'Albessard, moyennant 130,000 livres.
Notamment d'Alembert et Voltaire.
Sans doute, des t?moignages d'admiration, venus des quatre coins de la France et de l'?tranger, vengeaient le pauvre grand homme de cette explosion de d?nigrement. Il n'en dut pas moins regretter plus d'une fois sa paisible Guyenne, cette ville de Bordeaux, si hospitali?re, o? toutes ses affections se trouvaient r?unies, et sa terre de La Br?de qu'il ne revit jamais sans ?motion... Dans ce coin heureux, o? la nature appara?t sans voiles, <
         <
Peut-?tre ?tait-il sinc?re. L'?crivain, non moins que l'ami, trouvait son compte ? ces voyages p?riodiques qui co?ncidaient toujours avec quelque publication nouvelle dont le sort le pr?occupait au del? de toute raison. Il partait en bon ordre de bataille, annon?ant tr?s haut que les critiques ne l'effrayaient point, que l'attitude de la cour le laissait indiff?rent, et qu'il se sentait de taille ? pulv?riser cette Sorbonne qui, comme la mouche du coche, aspirait ? tout r?genter... Au fond, sa bravoure n'?tait qu'? fleur de peau. A la fa?on des personnages de th??tre, il chantait fort pour se donner du coeur; mais peu s'en faut qu'il ne pens?t comme le valet d'Amphitryon:
Sosie, ? quelle servitude Tes jours sont-ils assujettis!
Jean-Jacques, apr?s un s?jour de quelques mois parmi les beaux esprits, n'aspirait qu'? la solitude au sein de la nature. Exc?d? de dissertations philosophiques, de lectures, de trag?dies, de brochures, de clavecin, de bons mots, de minauderies, de jets d'eau en miniature, de bosquets enserr?s entre quatre murailles, il se reprenait ? vivre en lorgnant du coin de l'oeil une haie, une grange, un pr?, un simple buisson d'?pines,--et envoyait au diable le rouge, l'ambre, les falbalas et les grandes dames...
         Il n'est pas jusqu'au sensible Helv?tius qui ne vers?t         dans le travers f?odal. Une publication r?cente assure que,         pour un li?vre pris au collet, il n'?pargnait aucune rigueur         ? ses vassaux. Diderot usait, ? cet ?gard, d'euph?mismes         d?licats: <
En Guyenne, les professions de foi ?taient moins retentissantes. En revanche, les actes cadraient mieux avec les doctrines. La franchise, sans d?clamation, y ?tait de r?gle. Ce n'est point ? l'h?tel du Jardin-Public qu'on encensait les gens pour les d?chirer ensuite. Et l'Acad?mie bordelaise--une honn?te personne, bien qu'elle f?t parler d'elle--n'exigeait de ses ?lus ni sacrifices d'opinion, ni capitulations de conscience, ni postures humili?es!
Que de charme dans ces retours! Quel empressement ? la porti?re du carrosse poudreux! Tous les siens s'y donnaient rendez-vous: Mme de Montesquieu, une timide ?prise d'effacement; son fils, Jean-Baptiste de Secondat, h?ritier d'un nom qu'il porta dignement; ses deux filles, dont l'une, Denise, faite de gr?ce et de d?vouement, sera bient?t transform?e en Antigone; son fr?re Joseph, abb? de Faize et doyen de Saint-Seurin, le plus tendre des cadets; enfin, tout un cort?ge de serviteurs et de familiers!... Apr?s une s?rie de vicissitudes, le voyageur reprenait, dans le calme et la s?r?nit?, son existence ancienne, s'asseyait ? sa propre table, reposait dans un fauteuil qui ?tait le sien, et, courb? sur son pupitre, se retrempait dans l'oeuvre interrompue...
Le mariage de Montesquieu avec Mlle de Lartigue eut lieu le 30 ao?t 1715. M. de Raoul rapporte cette particularit?--in?dite, croyons-nous--qu'il venait de rompre des projets d'union avec la fille d'un sieur Denis, lequel faisait, ? Bordeaux, le commerce des vins.
De 1725 ? 1754, le pr?sident occupa, chez son fr?re, un appartement d?pendant du doyenn? de Saint-Seurin. Auparavant, il avait demeur? rue Margaux; en dernier lieu, il logea rue Porte-Dijeaux.
Le soir venu, fid?le aux souvenirs du pass?, sa h?te ?tait grande de revoir ses camarades de jeunesse, unis ? lui par le go?t des lettres et par les liens plus forts de l'amiti?. Pr?c?d? d'un laquais porteur du falot classique, ?vitant de son mieux fondri?res et bourbiers, il contournait le charnier plac? en face de sa maison, laissait ? gauche la basilique de Saint-Seurin, ? droite les ruines du Palais-Gallien, et, franchissant cette partie de la route du M?doc qui est devenue la rue Fondaud?ge, sonnait, le coeur empreint d'une ?motion douce, ? la grille de Mme Duplessy.
Le doyenn? de Saint-Seurin, aujourd'hui all?es Damour, n? 31.
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