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Read Ebook: La Maternelle by Frapi L On Steinlen Th Ophile Alexandre Illustrator

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Ebook has 1681 lines and 73036 words, and 34 pages

Illustrator: Th?ophile Alexandre Steinlen

Produced by: Laurent Vogel at http://gallica.bnf.fr)

L?on FRAPI?

La Maternelle

LIBRAIRIE UNIVERSELLE 33, Rue de Provence PARIS

OUVRAGES DU M?ME AUTEUR:

L'Institutrice de Province, roman, un volume in-12, chez Fasquelle.

Marcelin Gayard, roman, un volume in-12, chez Calmann-L?vy.

EN PR?PARATION:

Sulette.

Les deux Romans .

Je fus fianc?e ? vingt-trois ans. Il ?tait temps.

Par une gr?ce, dit-on, assez rare, le surmenage des ?tudes classiques n'avait rien d?traqu? en moi, la longue attente virginale n'avait pas perverti mon imagination. ?lev?e sans m?re depuis l'?ge de douze ans, j'?tais tr?s simple, tr?s saine, tr?s <>: de visage color?, de caract?re gai, de gestes vifs. Mais enfin, il ?tait temps que la certitude d'un prochain mariage v?nt secourir la belle patience de mon temp?rament.

Or mon p?re mourut subitement de l'issue d?sastreuse d'une affaire d'argent.

Je me trouvai, du jour au lendemain, orpheline, pauvre, d?laiss?e, car la po?sie de mon fianc? ne surv?cut pas ? la perte de ma dot. Et je ne pus emp?cher ma douleur d'amante d'envahir ma douleur filiale.

Un seul parent me restait: un oncle, vieil officier retrait?, qui, nagu?re, avait ?t? profond?ment indign? de mon succ?s aux examens du baccalaur?at et de la licence ?s-lettres. Il consentit rageusement ? me recueillir.

Apr?s deux mois de solitude larmoyante, l'in?vitable r?action afflua. Je n'avais pas en vain fr?l? de si pr?s le mariage: j'?prouvai le besoin de sortir, d'agir, de vivre.

Un soir, au retour d'une promenade s?duisante et triste, commenc?e lentement, puis raccourcie de pas rapides, je pronon?ai cette inflexible d?cision qui devait ?tre la sauvegarde de ma sagesse: <>. Et je priai mon oncle de me chercher d'urgence un emploi dans l'enseignement.

Mon oncle se flattait justement de quelques accointances au minist?re. Il ne tarda pas ? rapporter ce d?plorable renseignement que je ne serais jamais institutrice primaire: toutes les places ?taient promises, plusieurs ann?es ? l'avance, et d'ailleurs je n'avais pas le dipl?me voulu.

--Comprends-tu? me disait-il avec une aigreur qui n'?tait pas exempte de triomphe, le brevet d'aptitude ? l'enseignement primaire, c'est le brevet ?l?mentaire. L'as-tu? Non. Eh bien, tu collectionnerais tous les dipl?mes de la cr?ation: licenci?e, doctoresse, agr?g?e, acad?micienne et m?me d?cor?e, tu ne pourrais pas enseigner la grammaire. ?a se comprend, pourtant!

Oh! ces bouff?es de m?pris qui sortaient de sa pipe! Ces jets de salive invincibles! Oh! ces regards pratiques, insoutenables, clairs comme le n?ant, qui incriminaient mon visage nerveux, mes traits ?vapor?s et tout le chim?rique de ma personne mince!

D'autres demandes d'emploi ne rencontr?rent que le vague. L'enseignement secondaire ?tait bouch? par des postulantes moins nombreuses que les primaires, mais mille fois plus pistonn?es.

La situation devint intol?rable, d'autant plus que la pension de retraite ne permettait pas ? mon oncle <>.

Je n'osais pas lire devant lui.

--On ne vit pas de lettres, on vit de pot-au-feu, r?p?tait-il.

Et la splendeur du mois de juin ?tait exasp?rante. Paris ensoleill? offrait son irr?sistible sourire d'or aux femmes ennuy?es... Et je ne voulais pas m'ennuyer, moi!

Je ne pouvais pas attendre six mois l'examen, d'ailleurs platonique, du brevet ?l?mentaire. Je me d?clarai pr?te ? accepter, s?ance tenante, n'importe quel travail.

Alors apparut, sans rem?de, la tare d'avoir trop d'instruction.

Je vois encore mon oncle courrouc? tombant sur une chaise au retour de courses ?reintantes:

--Il ne manque pas d'emplois que tu pourrais obtenir, si tu n'avais pas tes sacr?s dipl?mes! Tiens, il y a une place de femme de service d'?cole maternelle... mais la condition, c'est d'?tre ? peu pr?s illettr?e.

La logique le criait: jamais on ne me nommerait femme de service si l'on savait que j'?tais bacheli?re, licenci?e. Voyons, voyons, la main sur le coeur: par convenance, par ?gard pour l'instruction, par respect humain,--oui, monsieur, par respect humain,--on me laisserait plut?t mourir de faim!

J'?tais atterr?e; mon oncle m'accablait de ses regards s?v?res.

--Je pourrais les d?chirer, les br?ler mes dipl?mes, hasardai-je.

Un haussement d'?paules rebut?:

--?a n'avancerait pas; il en reste quelque chose sur toi, dans ta fa?on de parler... c'est ineffa?able.

--Je baissai la t?te sous le poids de mon indignit?.

Mais la n?cessit? poussait son aiguillon insupportable. Il fut d?cid? que j'essaierais tout de m?me de dissimuler mes f?cheux ant?c?dents; je protesterais contre le soup?on d'une capacit? sup?rieure ? lire et ?crire.

Ce fut fait bravement, ma foi, avec m?me une pointe d'espi?glerie, au d?but, car je suis d'un temp?rament assez enjou?.

Je hantai les bureaux, comme il convenait, pendant que mon oncle, de son c?t?, mobilisait ses relations les plus galonn?es.

Ah! cette tare de l'instruction! Je ne sais quoi me trahissait; les employ?s me toisaient, mal dispos?s:

--Femme de service?... Il faut des aptitudes.

J'avais beau torturer ma pauvre t?te pour trouver le mot trivial, pour forger la tournure de phrase incorrecte, j'avais beau m'appliquer ? faire des cuirs; ces messieurs se m?fiaient; une pr?vention hostile se devinait sous leur politesse ?triqu?e.

--Les emplois de femme de service sont des emplois modestes, qui ne permettent aucune ambition, mais qui exigent des qualit?s pratiques s?rieuses. On les destine de pr?f?rence ? des personnes de condition ordinaire, sans pr?tentions.

C'est qu'il s'agit de ne pas d?passer le niveau, quand on brigue un emploi!

On n'obtient rien sans effort. Je travaillai. Je lus des feuilletons populaires, je me bourrai des oeuvres les plus d?nu?es de style. Je fus assidue jusqu'? l'an?mie.

Ah! j'en ai attrap? des maux de t?te, des vertiges, ? d?sapprendre!

Je l'ai compris plus tard: dans les bureaux, j'aurais d? rire b?tement et complaisamment en tortillant la pointe de mon corsage, les paupi?res baiss?es, l'air subjugu?; j'aurais d? peut-?tre laver moins mes mains, r?pandre sur ma robe un peu d'eau-de-vie, de fa?on ? pr?senter l'odeur de ma condition; sait-on les choses qui donnent confiance ? l'administration?

Heureusement je sus recevoir ? la figure, en fille qui a quelques motifs de honte, la sup?riorit? ricanante des messieurs exp?ditionnaires; et, malgr? ma maladresse ? faire valoir, d'autorit?, que j'?tais sans culture aucune,--? force de pers?v?rance dans l'abaissement ignare,--j'obtins l'emploi de femme de service ? l'?cole maternelle de la rue des Pl?triers, 20e arrondissement.

Un matin d'octobre, mes dipl?mes cel?s ? tout jamais au fond d'une malle, je pris le tablier bleu et le balai.

Mais, d?s le premier jour, une mis?re inattendue m'?treignit l'?me. On ne quitte pas si facilement son rang, on n'abolit pas si facilement ses facult?s ma?tresses.

Comme des besoins artificiels tenaillent l'alcoolique repentant dont le corps r?clame imp?rieusement l'humectation v?n?neuse, de m?me,--? cause des lettres et de l'?ducation que l'on m'avait inocul?es,--j'?tais travaill?e d'un immense besoin de satisfaction intellectuelle,--le soir, apr?s avoir fait le m?nage de mon ?cole,--et je me raccrochais ?perd?ment ? mon pass?.

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