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Read Ebook: Mon amour by Boylesve Ren

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Ebook has 682 lines and 31885 words, and 14 pages

REN? BOYLESVE

MON AMOUR

PARIS CALMANN-L?VY, ?DITEURS 3, RUE AUBER, 3

DU M?ME AUTEUR

CONTES

LES BAINS DE BADE 1 vol. LA LE?ON D'AMOUR DANS UN PARC 1 --

ROMANS

LE M?DECIN DES DAMES DE N?ANS 1 vol. SAINTE-MARIE-DES-FLEURS 1 -- LE PARFUM DES ILES BORROM?ES 1 -- MADEMOISELLE CLOQUE 1 -- LA BECQU?E 1 -- L'ENFANT A LA BALUSTRADE 1 -- LE BEL AVENIR 1 -- MON AMOUR 1 --

Droits de reproduction et de traduction r?serv?s pour tous les pays, y compris la Hollande.

Published, october fifteenth nineteen hundred and seven.

?MILE COLIN ET Cie--IMPRIMERIE DE LAGNY

E. GREVIN, SUCCr

HENRI DE R?GNIER

MON AMOUR

Ne pense qu'? charmer ton coeur...

MIMNERME.

Avignon, 15 avril.

J'ai d? m'arr?ter ? Avignon pour compl?ter un rapport sur les tableaux de la vieille ?cole de Provence. J'ai pris, ce matin, ? la t?te du pont du Rh?ne, un tramway bancroche et fam?lique et je suis all? sonner ? l'hospice de Villeneuve. Une petite soeur avenante et proprette m'a men? ? la salle qui sert de mus?e, et a bien voulu me laisser l?, seul. J'ai ?crit, une heure durant, dans une paix d?licieuse, notamment sur la figure r?aliste, vivante, fine, presque spirituelle, si gracieuse, si pr?s de nous et cependant si belle, d'une <> d'Enguerrand Charronton.

Il y a une beaut? doucement famili?re et tout humaine, que je ne dis pas que l'art grec n'a pas connue, mais que nous ne connaissons pas dans l'art grec, et que les Fran?ais ont excell? ? rendre, principalement dans leur sculpture, avant la Renaissance. Cette Vierge a un front large et haut, plein d'esprit, de minces sourcils et des yeux allong?s, une bouche fine, assez grande et qu'embellit la myst?rieuse moue, l'expression essentielle peut-?tre du visage humain, la moue que fait l'enfant encore simple, la moue que nous donnent le sommeil, la pens?e, la m?lancolie et la mort.

Avignon, 16 avril.

Je ne manquerai pas de dire ? madame de Pons que j'ai vu son portrait au petit mus?e de Villeneuve-lez-Avignon. Elle ne manquera pas de me faire observer, avec ce demi-sourire attrist?,--qui est bien celui de la <>,--que c'est une manie assez commune de d?couvrir des ressemblances contemporaines dans toute figure encadr?e. Oserai-je lui dire qu'il est moins commun de reconna?tre, entre un P?re ?ternel et un Fils, un peu g?n?s par les ailes ?ploy?es d'un Saint-Esprit, et entour?s d'une l?gion d'anges et de bienheureux, la figure d'une femme du monde chez qui l'on d?ne, et de ne pas la trouver comique?... En effet, laquelle de ses pareilles e?t support? une telle compagnie?... Mais cela pourrait ?tre pris pour un compliment, pour un certain compliment grave, et que je ne ferai pas, je le sens bien, parce qu'il est trop juste, ou parce que l'on sentirait trop que je le crois juste...

J'ai pass? la journ?e ? Vaucluse. Quel paysage! quel lieu de retraite pour un grand esprit farouche! Quel vase o? cultiver un superbe amour! C'est large et c'est nettement limit?. On a de quoi s'y gonfler le coeur pour un objet unique et pr?cis. C'est ?pre, et il y a aussi des reposoirs de tendresse. Le vaste enclos r?tr?cit le ciel, mais c'est pour qu'on y puisse bondir plus droit et plus haut. La g?ante coup?e des rocs ? pic a la rigueur du destin, mais la petite vall?e d'eau gazouillante et d'herbe fra?che baigne et caresse la chair de l'homme au pied du terrible mur. J'imagine le prisonnier de cette gigantesque cellule: quand il va se heurter pour s'y briser ? ce roc de deux cents m?tres, et perpendiculaire, v?ritable bout du monde, pour peu qu'il s'arr?te un instant et regarde en arri?re, le voil? radouci et ramen? ? l'esp?rance par la vue de cette lointaine colline semi-circulaire, o? de jolis gradins illusoires, faits de v?g?tations parall?les, ont l'air de lui offrir une ?vasion facile. Tout semble organis? l? pour faire durer un beau supplice. Je me suis pench? sur le trou profond d'o? jaillit la Sorgue, par intermittences, en tourbillons furieux; aujourd'hui tout ?tait calme; sous la vo?te ?cras?e par l'?pouvantable rocher, il n'y avait qu'un lac d'encre... et la menace perp?tuelle de l'irruption soudaine.

J'ai pens? ? cette <> dont parle Pascal.

L?-haut sont les restes d'un ch?teau o? fr?quenta P?trarque; en bas est le lieu o? fut sa petite maison. Au fond de cette vall?e, il s'emplissait d'amour et d'ambition; quand son ?me allait d?border, il fuyait, et courait le monde:--un ermite et un agit?, mais l'un et l'autre fr?n?tiquement et le coeur haut plac? toujours.

Je suis rest? l?, assis, longtemps. Par un sentier, je voyais monter des touristes. J'ai vu une femme donnant la main ? un petit enfant. Elle ?tait grande, avec des yeux ? paupi?res lentes, et les traits des bustes antiques; elle avait cet air r?serv? et ce pas de panath?n?es, religieux, rythm?, dont la seule indication sur un marbre me touche. Ne fut-ce pas ainsi que le po?te vit Laure?

Paris, 22 avril.

En arrivant ? Paris, j'apprends que la porte est rigoureusement ferm?e chez les Pons.

--Que se passe-t-il?

--Rien de bon... ou plut?t...

--Quoi?

--Cela d?pend; c'est selon le point de vue...

--Celui du mari ou celui de la femme?

--Ah bien! je n'h?site pas ? choisir mon point de vue.

--Ni moi.

--Je vous en f?licite.

Personne n'ignore, sauf sa femme, que Pons se ruine depuis deux ans avec une fille qui a d?j? perdu T... et D... Depuis plus longtemps, madame de Pons est d?laiss?e de son mari, sinon maltrait?e par lui, ce que quelques-uns ont affirm?, mais ce qu'a toujours dissimul? la discr?tion un peu hautaine de cette femme rare et irr?prochable. Tout ce que l'on conna?t de la situation, jusqu'? pr?sent, c'est par les propos cyniques du mari; madame de Pons est certes fort ?loign?e de croire qu'aucun m?me des familiers de la maison puisse ?tre inform? de ce que vaut son mari. On a soutenu qu'elle l'aimait: c'est l'opinion de ceux qui lui ont fait la cour.

Aujourd'hui on dit que Pons aurait fui. Je suis impatient de savoir le sort de cette pauvre femme.

Le bruit est confirm?. Madame de Pons aurait appris, ? onze heures du matin, par le valet de chambre, que monsieur n'?tait pas rentr? de la nuit et qu'il avait laiss? sur sa table une lettre pour madame.

On dit que, l'avant-veille, le mis?rable aurait eu l'audace de demander ? sa femme ses bijoux: <> Il a emport? les bijoux, et la fortune avec.

Madame de Pons s'est retir?e rue du Bouquet-d'Auteuil, chez madame Delaunay, sa m?re. J'y suis all? tant?t. On ne cache rien, sauf le rapt des bijoux. Madame de Pons n'a pas paru. On a parl? de divorce; la m?re serait d'avis de d?poser une demande, mais la fille s'y oppose. On pr?tend--mais est-ce vraisemblable?--qu'elle aurait dit:

--Il reviendra. Je l'attendrai.

L'aimait-elle donc?... Oh! le chenapan!

Pons est parti avec Gaby Brewster, sa ma?tresse. Bon pour une promenade aux lacs italiens ou une derni?re semaine de Biarritz! Cette fille-l? le ram?nera ? Paris.

On dit, chez le notaire Lavergne, que les trois quarts de la dot de madame de Pons sont du voyage. Madame Delaunay, la m?re, n'est gu?re riche. Est-ce que la pauvre femme, ? trente ans, se verrait frustr?e de tout?

On ne parle que d'elle. Je ne puis penser qu'? elle.

Je souffre pour elle; mais je ne me dissimule pas que j'?prouve une certaine satisfaction d'avoir acquis, par cet ?v?nement public, le droit de penser ? elle, et de le dire.

Pons ?tait de bonne famille, bien ?lev?, mais vulgaire. Il n'?tait pas sot; mais, sans culture, ancien cancre au coll?ge, rebelle aux examens, il portait trois ans de caserne. On l'avait mis dans l'industrie: il gagnait plus d'argent que nous tous et m?prisait nos dipl?mes et nos go?ts; il ne se plaisait pas avec ceux qui se plaisaient avec sa femme, et ceux qui aimaient ? causer avec sa femme ne trouvaient rien ? lui dire, ? lui. Sur combien d'entretiens n'a-t-il pas pes? chez lui-m?me, ? sa table, de tout son poids d'illettr?, de balourd, de fabricant ferm? ? toute id?e du monde moral! Sa femme nous tirait d'embarras avec un tact, une promptitude, une simplicit? ? faire croire qu'elle n'avait pas remarqu? la sottise ou que nous-m?mes avions pu nous tromper. Jamais elle ne parut choqu?e par le rustre, mais pas une fois elle ne manqua de dissiper l'effet de la maladresse. Si, dans la causerie, nous paraissions trop oublier son mari, elle nous rappelait qu'elle ?tait sa femme en disant: <>, ou bien en l'interpellant: <>

C'?tait un gaillard blond, ni beau ni laid. Il est parti. Bon voyage!

Nous ne nous sommes pas trouv?s nombreux, tant?t, chez madame Delaunay. Madame de Pons n'?tait pas l?, d'abord. Au bout de dix minutes, j'ai vu remuer la tapisserie qui forme porti?re sur le petit salon, et une main a touch? la bordure. Madame de Pons a paru. C'?tait la premi?re fois qu'elle se montrait, depuis l'?v?nement. Son visage ?tait repos?; elle a parl? comme de coutume, sans tomber toutefois dans l'affectation de vouloir ignorer ce qui est. Elle a dit gentiment:

--Donnez-moi des nouvelles, je ne sors plus gu?re...

Elle a eu un mot assez raide. A sa m?re qui ne se rappelait plus la date d'un petit fait, elle a dit:

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