Read Ebook: Keetje Trottin by Doff Neel Marquet Albert Illustrator
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Ebook has 844 lines and 38132 words, and 17 pages
Illustrator: Albert Marquet
NEEL DOFF
Keetje trottin
Roman
croquis d'Albert Marquet
PARIS LES ?DITIONS G. CR?S et Cie 21, RUE HAUTEFEUILLE. VIe
KEETJE TROTTIN
DU M?ME AUTEUR:
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation r?serv?s pour tous pays
NEEL DOFF
Keetje trottin
Le p?cheur de perles ne craint pas la boue.
Multatuli.
PARIS LES ?DITIONS G. CR?S & Cie 21, rue Hautefeuille
KEETJE TROTTIN
A QUATRE ANS
--Ote-toi de l?, petite, je veux m'y mettre. Tu peux bien rester debout.
--Non, laisse-la avec son petit dos au soleil. Hier, elle a encore eu la fi?vre, et le soleil lui fait du bien, dit une autre grande.
Combien de fois, depuis, ne me suis-je souvenue de la voix douce et ferme de cette fillette, et combien de fois n'ai-je pas senti, vivante encore, la caresse de cette exquise commis?ration!
A CINQ ANS
Ma m?re m'avait prise avec elle pour rapporter un col de dentelle chez une dame. Le petit gar?on de la dame voulait m'embrasser. Je refusais obstin?ment: j'avais entendu dire par des grandes qu'on ne pouvait pas embrasser les gar?ons. Je poussais cela jusqu'? ne plus embrasser mes petits fr?res. Quelques gifles m'en gu?rirent.
--Je ne les trouve plus!
Ma m?re fouilla fi?vreusement tous les tiroirs.
--Mes beaux rubans bleus!... C'est toi, Keetje, qui les a troqu?s contre des chiffons pour tes poup?es! De qui tiens-tu la loque dont tu habilles ta poup?e?
--De la demoiselle d'en bas.
--Tu vois, tu lui as donn? mes rubans en ?change, avoue!
--Mais non, ce n'est pas moi.
--Si, c'est toi! si, c'est toi!
Et je re?us une bonne racl?e.
Cette injustice ne m'est jamais sortie de la m?moire: c'est la premi?re rancune qui a aigri mon ?me d'enfant.
Je jouais seule dans notre rue, quand Tom, le chien du voisin, s'approcha de moi et me flaira de tous c?t?s. Il se dressa sur ses pattes de derri?re, m'enla?a de celles de devant et, la gueule ouverte, la langue dehors, il me serra en des mouvements rythm?s.
--Tom, tu m'aimes, fis-je; Tom, tu me prends dans tes pattes... Moi aussi, je t'aime, car tu es toujours gentil avec moi.
Et je mis ma figure contre la sienne. Il me donna des tours de langue et me serra de plus en plus. Une femme envoya un coup de pied ? Tom qui me l?cha... Pourquoi fait-elle cela? Tom m'aime. Tom est content chaque fois qu'il me voit, et moi aussi...
Je me couchai sur notre perron. Tom se rapprocha ? nouveau de moi et m'enla?a compl?tement. J'avais entour? sa grosse t?te de mes bras et le tenais serr? contre ma poitrine. Tout d'un coup il se sauva en hurlant: mon p?re l'avait cingl? d'un coup de fouet. Il dit ? la femme qui avait chass? Tom:
--La petite joue tout le temps avec notre chienne qui est en folie; le bougre sent cela...
Et ils se mirent ? rire. Mou p?re me fit monter devant lui.
Comment! p?re non plus ne veut pas que Tom me prenne dans ses bras et me l?che! Il ne veut pas non plus qu'il me c?line! Pourquoi pas? Lui et m?re n'ont pas le temps de m'embrasser. Jamais ils ne me prennent dans leurs bras. Alors personne ne peut m'aimer? Personne ne peut me caresser? Je voudrais tant ?tre toute la journ?e sur les genoux de p?re ou de m?re, mais m?re porte toujours le b?b?, et p?re s'endort aussit?t qu'il rentre, et jamais, jamais on ne m'embrasse...
Je me collai dans un coin, la figure contre le mur, les bras lev?s, les mains crisp?es au mur, et pleurai ?perdument.
--Pourquoi se met-elle ? braire? demanda mon p?re.
--Que sais-je? fit ma m?re; le sait-elle? Elle braie pour braire.
Et on me laissa braire.
--Pourquoi ne veut-elle pas que je me mette sur leur planche d'?gout pour jeter mes billes dans les tuyaux de pipe? Cela ne peut rien lui faire.
Non, je ne le voulais pas, qu'il se m?t sur notre planche d'?gout. Sa grosse t?te rouge, aux cheveux drus et raides et ses ?normes genoux s'entrechoquant dans son pantalon quand il courait, me r?voltaient.
Je n'aurais pour rien jou? avec cette petite fille, parce qu'elle avait la peau jaune et les yeux noirs. Je n'aurais su dire pourquoi, cette peau me donnait des haut-le-coeur. Quant aux yeux noirs, c'?tait la premi?re fois que je remarquais cette couleur; elle me semblait une anomalie intol?rable: mes fr?res et soeurs avaient la peau rose et les yeux bleus.
Une dame m'avait donn? des friandises. Je ne voulus les manger qu'apr?s que ma m?re les e?t retourn?es ? plusieurs reprises dans ses mains rouges pour les purifier: les mains fines et blanches de la dame me semblaient des mains malades.
A SEPT ANS
J'?tais all?e toute seule dans les champs hors de la Weesperpoort. Je m'?tais tress? des guirlandes de p?querettes et de pissenlits. Je m'en fis une couronne, un collier, des bracelets, une ceinture, et mis une guirlande en sautoir. Sur mon chemin vers chez nous, les femmes riaient en se tapant la cuisse; les enfants me poursuivaient et se moquaient. Mais, sur l'Amstel, un monsieur me montra ? la dame qui l'accompagnait; tous les deux me salu?rent en souriant et me dirent:
--C'est bien, jolie enfant.
Je baissai la t?te, la bouche ?panouie, et les regardai d'en dessous. Maintenant, je poursuivais mon chemin, radieuse, la t?te lev?e, ne m'occupant plus des quolibets.
C'?tait un lundi. J'?tais vibrante de fiert?: j'avais pu mettre ma robe de dimanche en mousseline blanche, ramag?e de fleurs de glycines mauves. Nous revenions de l'?cole; les rangs ?taient rompus; deux grandes me tol?raient avec elles. Nous combinions une escapade.
--Nous irons ? l'Exposition, disait Daatje. Nous regarderons d'abord par les portes et les fen?tres, et, quand l'homme de la porte s'absentera pour boire, nous nous glisserons ? l'int?rieur. Alors nous n'aurons qu'? ?tre sages pour ne pas ?tre remarqu?es. Nous irons voir le long des vitrines. On dit qu'il y en a qui sont remplies d'or; d'autres, de plumes et de fleurs. Au fond de la salle sont les joujoux: on les aper?oit un peu de l'ext?rieur.
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