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Read Ebook: Les Aspirans de marine volume 1 by Corbi Re Edouard

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Ebook has 797 lines and 52659 words, and 16 pages

LES ASPIRANS DE MARINE.

PAR ?DOUARD CORBI?RE, Auteur du N?grier.

SECONDE ?DITION.

D?NAIN ET DELAMARE, LIBRAIRES-?DITEURS, 16, rue Vivienne, ? l'entresol. 1834.

IMPRIMERIE DE COSSON, 9, Saint-Germain-des-Pr?s.

SOCI?T?, INITIATION, PLAN D'?TUDES.

--Mon cher ?douard, il faut d?finitivement que ce soir je te pr?sente ? notre soci?t?.

--Quelle soci?t??

--Une id?e, je crois bien! J'aurais eu probablement la m?me id?e que toi ? ta place.

--Oui, une id?e, non pas l'id?e de calomnier le malheur, mais bien celle d'une bonne action. Je propose ? mon camarade de chambre de faire souper l'orpheline, de lui offrir un g?te; et nous l'amenons chez nous. Si tu avais vu avec quelle avidit? elle d?vora quelques g?teaux que je lui apportai, cela t'aurait fait ? la fois plaisir et piti?...

--Et o? coucha-t-elle?

--Sur deux chaises, entre le lit de Lap?relle et le mien. Parole d'honneur!

Le lendemain en nous r?veillant nous trouv?mes nos bottes admirablement cir?es, et notre chambre balay?e comme elle ne l'avait pas encore ?t? depuis plus de six mois.

--Et que f?tes-vous de la petite?

--Et quelle est donc sa situation pr?sente?

--Juliette, mon ami, est devenue notre gouvernante. Quatre de nos amis, qui logeaient dans la m?me maison que nous, se sont associ?s ? notre acte de bienfaisance. Ils ont donn? leur pratique ? l'orpheline. C'est elle qui raccommode, qui repasse notre linge, qui fait notre m?nage et le reste; mais qui fait tout cela avec une intelligence peu commune, je t'assure. Les petits profits du m?tier lui reviennent, elle vit comme elle peut et elle ne vit m?me pas trop mal. Les soins qu'elle a pour nous lui sont pay?s avec usure, en ?gards, en amiti?, en toute esp?ce de bonnes choses enfin.

--Et en amour, peut-?tre?

--Mais non; pas trop! Il est convenu qu'elle n'aura jamais parmi nous que deux amans ? la fois, et encore ? son choix; et il y a trois ou quatre semaines que Lap?relle et moi, qui te parle, nous nous trouvons en pied; car il ?tait bien juste, n'est-ce pas, que nous exer?assions sur le coeur de la petite Juliette certain droit de priorit?, eu ?gard ? la pr?cieuse d?couverte que les premiers nous avions faite?

--C'?tait de toute justice; mais quel avantage si grand avez-vous trouv? ? vivre ainsi?

--Un avantage immense. Celui des moeurs d'abord; et de l'?conomie ensuite. Nous n'allons presque plus au caf?; nous travaillons en nous amusant, et dans la douce intimit? et la concorde que Juliette sait entretenir entre nous tous, nous fuyons l'ennui que nous allions payer fort cher au billard ou au spectacle, au profit des jouissances tr?s-peu dispendieuses que nous trouvons chez nous. Tout ce que je te conte l? doit te para?tre ?trange, je le sens bien; mais il ne tient qu'? toi de t'assurer ce soir par toi-m?me, de la v?rit? du petit tableau de famille que je viens de te faire l?. Adieu, n'oublie pas qu'? six heures je veux te pr?senter ? notre soci?t?.

A l'heure indiqu?e je me trouvai au rendez-vous. Mon coll?gue Mathias me prit par dessous le bras, et nous voil? en route pour nous rendre au lieu de r?union des six aspirans de marine.

Apr?s avoir mont? quatre ?tages, nous nous trouvons rendus ? la porte de la mansarde qu'occupaient collectivement nos amis. Mon guide entre d'abord, me prend par la main et d'un air affectueux et demi-grave, il dit ? ses cinq confr?res qu'?clairaient les rayons vacillans d'un seul bout de chandelle:

--Messieurs, je vous pr?sente mon ami ?douard, aspirant de premi?re classe ? bord du m?me vaisseau que moi.

--Tiens, te voil?! me dit Lap?relle en levant les yeux sur moi et en interrompant le cent de piquet qu'il faisait avec un de ses camarades.

--Ah! mais, messieurs, s'?crie un des soci?taires, voil? qui n'est pas de jeu! Nous ?tions convenus qu'aucun des membres de la soci?t? ne pr?senterait d'?tranger.

J'allais r?pondre ? cette observation assez peu encourageante pour moi, lorsque mon ami Mathias, mon introducteur, crut devoir prendre la parole, et d'un air un peu piqu?, il r?pliqua ? celui qui avait accueilli avec r?pugnance mon entr?e dans la maison:

--Messieurs, j'?tais loin de penser que notre coll?gue ?douard f?t pour nous un ?tranger, il est notre ami ? tous, et si j'ai pu commettre une indiscr?tion en le pr?sentant dans le sein de notre r?union, c'est sur moi et non sur lui que devait tomber le poids d'une observation au moins fort inconvenante. On pouvait fort bien, ce me semble, me faire en particulier le reproche qui vient de m'?tre adress? en pr?sence de mon camarade; et j'y aurais alors r?pondu comme j'aurais cru devoir le faire.

--Tiens, le voil? qui se f?che lui ? pr?sent, s'?cria celui qui m'avait fait la mine en entrant. Tu sais bien que ce n'est pas pour ?douard que j'ai fait cette observation, mais pour ceux que chacun de nous pourrait vouloir introduire ? l'avenir.

--L'observation n'en est pas moins fort d?plac?e et je vous la rappellerai en temps et lieu, reprit Mathias avec ?nergie.

--Comme tu voudras, au reste!

Je jugeai qu'il ?tait convenable que je prisse la parole dans un d?bat dont j'?tais devenu l'objet.

--Mes amis, dis-je en m'adressant ? toute la soci?t?, je con?ois ce que ma pr?sence inattendue au milieu de vous peut offrir d'?trange. Je ne veux pas qu'il soit dit que je puisse ?tre devenu le pr?texte ou le motif de la plus petite m?sintelligence au sein de votre r?union, et je vais me retirer sans la moindre rancune, en vous priant d'excuser mon indiscr?tion et en vous souhaitant tr?s cordialement le bonsoir.

--Non pas, non pas! s'?cria Mathias en me retenant de toutes ses forces par la main, je veux que tu restes ici, pour moi, si ce n'est pour toi. Je me ferai plut?t ?charper que de souffrir que tu sortes d'un lieu o? je t'ai pr?sent? sous ma responsabilit?. Il y va de mon honneur et tu resteras, ne f?t-ce que par amour-propre pour moi; ou bien, s'il faut que tu t'en ailles, je m'en irai avec toi pour nous retrouver demain matin, dans un autre endroit, avec chacun de ces messieurs.

L'affaire allait devenir s?rieuse, je ne le pr?voyais que trop bien, et je ne savais que faire.

Lap?relle, le moins emport? de toute la r?union crut devoir interposer sa grave autorit? dans le petit conflit qui venait de me mettre assez mal ? l'aise.

--?douard, me dit-il, tu ignores sans doute le but et l'esp?ce de notre soci?t?. Nous nous sommes r?unis ici pour travailler ensemble de mani?re ? pouvoir nous pr?parer ? subir l'examen de premi?re classe qui va bient?t s'ouvrir pour nous. Le motif qui nous a rassembl?s nous imposait l'obligation d'?viter toute cause de distraction qui p?t nuire ? l'application qui nous ?tait si n?cessaire pour terminer des ?tudes trop tard commenc?es. Tu es re?u aspirant de premi?re classe, toi, tu n'as plus besoin de te casser la t?te pour le m?me examen que nous. Nous autres, au contraire, nous ne sommes que de seconde classe, et malheureusement il nous reste beaucoup ? apprendre...

--Raison de plus pour qu'?douard vienne nous aider quand nous nous trouverons embarrass?s dans une d?monstration.

--Mathias, veux-tu bien me laisser achever?

--Parle, puisque tu y tiens; mais je t'avertis d'avance que tout cela ne signifie rien, absolument rien pour moi.

--Je disais donc que nous avons encore beaucoup ? acqu?rir. Sans doute que si tu voulais nous aider de tes conseils et de ton instruction tu pourrais nous ?tre utile. Mais comment t'assujettirais-tu ? repasser encore des le?ons de g?om?trie et de trigonom?trie pour l'amour de nous?

--Je l'eusse fait volontiers, si j'avais cru pouvoir vous ?tre bon ? quelque chose.

--Assur?ment qu'il l'e?t fait, et avec plaisir encore; aucun de vous n'en a dout?, mais vous avez voulu trouver un pr?texte, et voil? tout.

--En ce cas, je n'ai plus aucune objection ? faire, et c'est avec infiniment de plaisir m?me que je verrais notre camarade prendre place au milieu de nous.

Lap?relle me serra la main en pronon?ant ces derniers mots; tous les autres camarades en firent autant. Celui-l? m?me qui s'?tait montr? le moins dispos? ? m'accueillir au sein de la soci?t?, vint me pr?senter ses excuses avec cordialit?, et d?s cet instant-l? je comptai parmi les habitu?s de la maison, ? la grande satisfaction de Mathias que tous ses amis eurent un peu de peine ? apaiser, tant l'avait agit? la petite discussion soulev?e par mon introduction. Mais quelle maison ?tait celle-l?! je vais vous dire l'impression que l'aspect de ce g?te presque a?rien produisit sur moi ? la premi?re vue.

Je crus d'abord, en prenant connaissance des lieux, ?tre dans une sorte de prison au milieu de laquelle six ? sept captifs cherchaient ? tuer le temps en se livrant ? diff?rens travaux. Je dis six ? sept captifs, parce que je trouvai sept personnes en entrant dans l'appartement que j'ai ? vous d?crire, et dans lequel je n'avais cru rencontrer qu'une demi-douzaine d'aspirans; vous saurez bient?t quel ?tait le septi?me membre de l'heptarchie.

L'appartement n'?tait qu'une mansarde assez vaste; deux tables, un tableau de math?matiques, quelques chaises d?paill?es, une ruine de fauteuil, deux petits lits, bon nombre de pipes suspendues ? la cloison enfum?e, et trois ou quatre malles enfin formaient l'ameublement complet du logis. A chacune des tables, une couple d'aspirans faisaient la partie de cartes; au pied du tableau un des soci?taires cherchait, un morceau de craie ? la main, et un volume de Bezout sous les yeux, ? tracer une figure de trigonom?trie rectiligne. Tout ce monde-l? fumait, ? l'exception toutefois d'une petite fille qui tricotait ? c?t? de deux ou trois tisons qu'elle avait pris soin de rassembler sur le foyer d'une ?troite chemin?e. Chacun des acteurs de cette sc?ne d'int?rieur ?tait v?tu fort n?gligemment; l'un portait une casquette et un frac r?p?, l'autre une veste et un chapeau qui paraissait avoir fait un assez long service de mer. La petite fille seule semblait ?tre toilett?e avec un peu plus de recherche et de fra?cheur que les cavaliers inattentifs, au milieu desquels on l'aurait crue jet?e comme une fleur parmi quelques arbustes incultes.

Je pris place aupr?s du tableau, en m'effor?ant d'aider de mon mieux, dans la recherche d'un probl?me, celui de mes coll?gues qui paraissait poursuivre p?niblement sa fugitive proposition de trigonom?trie.

Une fois que la conversation eut repris l'activit? et la mobilit? que mon apparition soudaine avait un instant interrompue, je pus examiner plus ? l'aise les d?tails dont je n'avais encore saisi que tr?s-imparfaitement l'ensemble ? la premi?re inspection des lieux.

La petite fille assise au coin du feu ?tait jolie, mais elle avait paru prendre, ? mon aspect, un air boudeur qui ne m'avait pas pr?venu tr?s-agr?ablement en sa faveur.

Mathias, en remarquant que je la regardais avec une certaine attention, s'approcha de moi pour me dire ? l'oreille, d'un air de satisfaction et de myst?re: C'est Juliette, la petite orpheline que tu sais bien!

--Mais elle me semble assez passable, Juliette; elle a m?me un ext?rieur plus distingu? que je ne l'aurais suppos? avant de l'avoir vue.

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