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Read Ebook: Les Aspirans de marine volume 1 by Corbi Re Edouard

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Ebook has 797 lines and 52659 words, and 16 pages

--Mais elle me semble assez passable, Juliette; elle a m?me un ext?rieur plus distingu? que je ne l'aurais suppos? avant de l'avoir vue.

--Et puis, mon cher! c'est ob?issant et raisonnable; tu vas voir:--Juliette!

--Pla?t-il, M. Mathias? dit la petite fille en levant la t?te avec vivacit? et en posant son bas de tricot sur une escabelle.

--Allez nous chercher une demi-once de tabac fin fris? et huit petits verres de liqueur pour toute la soci?t?: c'est moi ce soir qui r?gale. Vous entendez bien, n'est-ce pas? une demi-once de fris? et huit petits verres?

--Oui, M. Mathias, une demi-once et huit petits verres.

Juliette s'empressa d'ex?cuter l'ordre de mon ami, et en s'en allant je remarquai dans la tournure que cherchait ? se donner la pauvre enfant, un certain air de coquetterie qui n'allait pas encore tr?s-bien ? son inexp?rience.

--Tu vois l?, me dit Lap?relle quand elle fut partie pour aller chercher son tabac et sa liqueur, tu vois l?, mon bon ami, notre gouvernante en chef, et notre ?l?ve de pr?dilection ? tous.

--Oui, je le sais; Mathias m'a tout cont?.

--C'est un agneau, un agneau que nous pouvons dire avoir arrach? ? la fureur des mauvaises passions, dans le coin de la rue.

--Oh! c'est bien vrai ce que tu dis l?, s'?cri?rent en chorus les soci?taires; Juliette est un v?ritable agneau, et qui sans nous n'aurait pas tard? ? trouver des loups pour la croquer.

--Une petite fille dou?e des meilleures dispositions naturelles.

--?a n'a pas un seul vice.

--Pas m?me un d?faut; il n'y a que quelques jours que nous l'avons et elle conna?t son service comme une vieille m?nag?re qui aurait fait notre chambre toute sa vie.

--Jamais je n'ai eu encore mes bottes aussi bien cir?es que par ses jolies mains.

--Elle fait nos lits cent fois mieux que l'ancienne domestique ?dent?e de la maison.

--Je ne sais en v?rit? pas comment elle vit; elle ne nous co?te rien.

--Oui, mais nous nous sommes arrang?s de mani?re ? lui assurer cependant un petit sort. Il est convenu que chacun de nous lui donnera six francs par mois... sur nos ?pargnes. Le superflu des riches doit ?tre consacr? au n?cessaire des pauvres.

--Vous me permettrez aussi, je l'esp?re bien, messieurs, de joindre ma quote-part au fonds commun destin? ? l'entretien de Juliette!

En ce moment-l? Juliette rentra; elle ne parut pas avoir entendu les derniers mots qui la concernaient; mais je crus m'apercevoir cependant qu'elle n'avait plus son air boudeur, en ?levant sur moi ses deux yeux bleus, limpides et purs comme les yeux de l'innocence.

Lap?relle, apr?s m'avoir fait un signe, comme pour me donner ? entendre qu'il fallait changer de conversation en pr?sence de la petite, m'adressa ces paroles d'initiation:

<>

Juliette leva encore sur moi ses deux grands yeux: un demi-sourire timide et bienveillant anima ses l?vres un peu p?les, et tout fut dit.

Deux ou trois de mes aspirans se plac?rent en travers sur les deux petits lits en continuant la conversation qui commen?ait un peu ? languir, depuis que les huit verres de liqueur avaient ?t? vid?s. Les deux bouts de chandelle qu'on avait allum?s pour donner plus de solennit? ? ma r?ception se trouvaient presque consum?s, la cloche de la retraite se faisait d?j? entendre en ville; je pensai qu'il ?tait temps de laisser l? mes amis et de me retirer chez moi. Je saluai la soci?t?, et mon confr?re Mathias, apr?s avoir pris son chapeau et avoir pr?venu Juliette qu'il rentrerait dans un quart d'heure, vint me reconduire jusqu'? mon domicile.

Tr?s-peu de jours apr?s mon introduction dans le cercle des aspirans, je me trouvai install? parmi eux comme si depuis un an j'eusse cultiv? la soci?t? au sein de laquelle ils avaient bien voulu m'admettre. Ma pipe, comme me l'avait annonc? le pr?sident Lap?relle, prit rang au nombre de celles des fondateurs. Il ne se buvait pas une bouteille de bi?re ou un verre de punch en famille, sans que mon verre n'all?t se m?ler ? celui de tous mes joyeux amis. Juliette qui, ? ma premi?re apparition, avait sembl? me voir avec une certaine r?pugnance surgir au milieu du cercle dont elle ?tait la reine, commen?a ? me traiter avec la bienveillance qu'elle ?tendait ? peu pr?s ?galement ? tous les habitu?s du logis. C'?tait aussi une si bonne petite cr?ature! et je crois m?me sans trop me flatter qu'il lui fallut tr?s-peu de temps pour m'accorder une confiance que ne lui avaient pas inspir?e au m?me degr? mes autres coll?gues. Quelques-uns d'entr'eux crurent m?me bient?t remarquer qu'elle comptait avec impatience les jours o? le service que je faisais ? bord de mon vaisseau, m'emp?chait de venir passer mon temps aupr?s d'elle et de mes confr?res. Mais cette observation ?tait bien loin d'?tre inspir?e par la jalousie. A l'?ge que nous avions alors, et dans la profession qui nous ?tait commune, trop de sentimens g?n?reux emplissent le coeur pour qu'il puisse ?tre accessible encore ? de basses ou indignes rivalit?s. C'est plus tard, quand les conqu?tes sont devenues plus difficiles, qu'on attache par amour-propre plus d'importance ? la pr?f?rence exclusive que peuvent accorder les femmes. Mais ? seize ou dix-huit ans, on a trop d'avenir devant soi, trop de r?ves enchanteurs dans l'imagination, pour disputer aux autres des avantages que l'on peut perdre ? cet ?ge-l? comme ? un autre, mais que l'on est toujours s?r de rencontrer ? la premi?re occasion.

--Mais pourquoi ce sacrifice si tu tiens ? la petite? lui r?pondais-je.

--Oui, j'y tiens sans doute; mais je tiens cent fois plus encore ? ce qui peut t'?tre agr?able. L'amour est bien quelque chose, mais l'amiti?, c'est tout.

--Et si plut?t je pouvais supplanter l'ami Lap?relle et partager avec toi les bonnes gr?ces de la petite, ? qui les r?glemens ont laiss? la libert? du choix?

--L'affaire serait excellente et elle me para?trait d'autant meilleure, que notre pr?sident croit avoir produit sur le coeur de notre innocente une impression des plus profondes.

--Bah! il croirait r?ellement que...?

--Sans doute, il le croit: c'est Juliette elle-m?me qui me l'a dit.

--En ce cas laisse-moi faire; je menerai les choses de mani?re ? donner ? la substitution une tournure plaisante, je t'en r?ponds.

--Tant mieux, car nous rirons alors comme des fous, aux d?pens de notre mentor; et c'est si amusant de rire d'un d?sappointement d'amoureux! Moi, je raffole, pour ma part, de toutes ces petites mystifications sentimentales; mais il faudrait une occasion...

--Elle viendra cette occasion. Je la chercherai, et si celle sur laquelle je compte n'arrive pas, j'en ferai na?tre une. Mais avant tout, tu sens bien, il faut que je sonde la petite sur ses sentimens intimes.

--Oui, c'est cela; sonde ses sentimens intimes comme tu dis, et nous verrons apr?s ? voguer ? pleines voiles ensemble et bord ? bord, sur un oc?an de f?licit?...

J'eus bient?t une explication avec notre jeune m?nag?re.

Comment, lui demandai-je, dans un t?te-?-t?te que je m'?tais m?nag? ? grand'peine avec elle, as-tu pu te r?soudre ? avoir deux amans en m?me temps, toi pour qui l'amour devait ?tre une chose si ?trange?

--Comment? mais ce sont ces messieurs qui ont d?cid? que j'en aurais deux.

--Et tu y as consenti sans difficult? et sans aucune r?pugnance?

--Ah dam! ils avaient fait un r?glement pour cela, ils sont d'ailleurs si bons pour moi, que je n'avais rien ? leur refuser.

--Et tu n'as attach? aucune importance au sacrifice qu'ils exigeaient de ton coeur, de tes go?ts peut-?tre?

--Non! pas la moindre importance. Cela co?te si peu ? une pauvre fille comme moi, et ?a paraissait leur faire tant de plaisir!

--Quelle na?vet?! Mais si tu avais ?t? libre de ton choix, aurais-tu pris deux amans?

--Je n'en aurais pris aucun. C'est pour leur ob?ir en tout, ce que j'en ai fait, et je me suis conform?e au r?glement.

--Toujours le r?glement; mais c'est une plaisanterie que ton r?glement! Tu n'as donc aucune pr?f?rence marqu?e pour l'un de nous?

--Aucune; vous ?tes tous de si bons enfans, que je vous aime tous la m?me chose... Cependant, s'il me fallait choisir un ma?tre, un protecteur, ou tout ce que vous voudrez enfin, je crois qui je choisirais...

--Eh bien, que tu choisirais?

--M. Mathias... ou peut-?tre bien encore...

--Ou bien encore, qui? ach?ve donc!

--M. Mathias...

--Eh! tu l'as d?j? nomm?!

--Ou vous!

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