Read Ebook: Vengeances Corses by Colonna De Cesari Rocca Pierre Paul Raoul Comte
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Ebook has 275 lines and 25272 words, and 6 pages
COLONNA DE CESARI ROCCA
VENGEANCES CORSES
Collection A.-L. GUYOT, 51, Rue Monsieur-le-Prince PARIS. 20 Centimes--Alg?rie, Colonies et ?tranger: 25 Centimes
OUVRAGES DU M?ME AUTEUR
DE LA
Collection A.-L. GUYOT
Histoire de la Corse, ?crite pour la premi?re fois d'apr?s les sources originales. Prix 3 fr. 50
Le Nid de l'Aigle, Napol?on, sa patrie, son foyer, sa race, d'apr?s des documents in?dits. Prix 3 fr. 50
La Vendetta dans l'Histoire 0 fr. 65
VENGEANCES CORSES
CHRONIQUES ET R?CITS RECUEILLIS PAR Colonna de Cesari Rocca
PARIS Collection A.-L. GUYOT 51, rue Monsieur-le-Prince, 51
TOUS DROITS R?SERV?S
VENGEANCES CORSES
LA VENDETTA
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Et Stendhal:
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Ces quatre jugements port?s en des si?cles bien diff?rents sur la caract?ristique essentielle des moeurs corses serviront d'?pigraphes aux pages qui vont suivre.
La justice individuelle des Corses ne conna?t qu'une p?nalit?: la suppression, c'est-?-dire la mort. Il est rare qu'elle soit pr?c?d?e de cruaut?s inutiles. La haine m?me ne pr?side toujours pas ? ces sanglantes ex?cutions dont le pr?jug? a fait un devoir. <
--Puisque tu le veux, eh bien! que la destin?e s'accomplisse! nous sommes en guerre: ? partir de demain, garde-toi!
On con?oit par ce qui pr?c?de que la vendetta ne peut pas ?tre restreinte dans ses effets ? deux individus seulement. C'est une guerre de famille ? famille; apr?s chaque ex?cution, un nouveau justicier se l?ve parmi les proches de la victime. Le sang appelle le sang. Ces duels qui mettent en pr?sence des races enti?res duraient parfois pendant plusieurs g?n?rations.
En Corse tout acte est producteur d'autres actes d'une importance ?gale, ou sup?rieure: et cela provient de ce que nul ne con?oit de la part d'un autre un mouvement, un geste irr?fl?chi. Si le germe de ce mouvement, de ce geste ?chappe ? son discernement, son inqui?tude se manifeste par une d?fiance dont il ne se d?partira qu'avec peine.
Tous les peuples du Midi sont enclins ? l'oisivet?. Le Corse ne fait point exception; sa sobri?t? se contente des produits qu'une terre favorable fournit sans exiger trop d'efforts. Mais alors que les populations m?ridionales, baign?es de soleil, respirent la gaiet? et la joie, le Corse est m?ditatif et presque taciturne; son isolement entre la mer et la montagne ont d?velopp? chez lui le penchant ? la r?flexion. Sans contact avec les civilisations ext?rieures, avec les sciences, les lettres, les arts, en un mot avec tout ce qui aurait pu m?rir le g?nie naturel de la race, son cerveau, par une activit? contrastant avec l'oisivet? de ses membres, s'arma pour la lutte, acquit les qualit?s et les d?fauts exig?s pour la d?fense de l'homme en soci?t?.
Suivant un ?crivain continental, auquel nous devons l'ouvrage le plus judicieux qui ait ?t? ?crit sur notre ?le, le Corse est <
Le Corse a une haute opinion de soi. En principe, il est rebelle ? tout esprit de hi?rarchie. Nous verrons plus loin ce qui a fait de la Corse le pays du monde o? les in?galit?s sociales sont le moins sensibles. Contentons-nous pour l'instant de le constater. Le dernier paysan corse traite d'?gal ? ?gal avec ses compatriotes et les ?trangers le plus haut plac?s. Un sous-pr?fet de la Restauration, qui s?journa en Corse assez longtemps pour conna?tre le pays et ses habitants, raconte que le berger insulaire aborde avec hardiesse des inconnus, s'enquiert de ce qui les concerne, et entame avec eux des discussions politiques. Enfin il le d?peint comme tr?s curieux. Un autre ?crivain pr?tend qu'il y a dans son cas moins de curiosit? que d'orgueil. <
Les Corses ont bonne opinion d'eux-m?mes, non seulement comme individus, mais comme peuple. Quoique jaloux les uns des autres, ils ont de leurs concitoyens les id?es les plus avantageuses. Ce sentiment a ?t? justifi? par la fortune rapide des Corses qui abandonn?rent leur patrie pour courir les aventures. Presque toutes les familles ont eu un ou plusieurs membres qui se sont ?lev?s ? un rang sup?rieur. Tous les villages ont leurs gloires locales, dont l'honneur rejaillit sur sa parent? qui est nombreuse, car on conserve le souvenir des alliances et des origines pendant bien des g?n?rations. Avec le temps, les exemples de fortune se sont multipli?s. Cette fortune, tous les Corses l'esp?rent et la visent; la mauvaise fortune, tous les Corses la veulent dompter.
Souvent la confiance en soi, la pr?somption m?me servent ? merveille l'ambition qui n'est pas compl?tement d?nu?e de m?rite. C'est elle qui lui inculque l'art de tirer profit des ?v?nements. Le Corse ne doute pas de son jugement: pour lui, tout fait auquel il a pr?t? son attention est utile ou nuisible: s'il est nuisible, il doit en amoindrir la port?e ou en emp?cher le retour; s'il est utile, il doit s'en servir.
Donc, toute pens?e provoqu?e par des circonstances ambiantes est propre ? engendrer un acte. Cette sensibilit? quand elle est pouss?e ? l'exc?s, cette perspicacit? quand elle est fauss?e--et le cas est fr?quent--deviennent de la susceptibilit?. L'esprit de clan, la solidarit? des membres d'une famille font le reste.
Un coq s'?tait ?chapp? de sa basse-cour. Sa propri?taire vint le r?clamer ? la voisine qui avait hospitalis?, peut-?tre sans le savoir, le volatile fugitif. Celle-ci refusa tout d'abord de se livrer ? une enqu?te, cependant sur les instances d'un pr?tre qui avait vu le coq passer d'un jardin dans l'autre elle consentit ? visiter son poulailler. Furieuse de la forme de restitution, la propri?taire de la b?te tordit le cou de l'animal et le jeta ? la figure de l'autre femme, en lui disant: <
Vers 1880, un individu nomm? Rocchini trouva son chien expirant sur la route devant la maison Taffani. Le lendemain, il assommait un chien des Taffani. Quelques jours se passent. Cette fois, ce n'est plus un chien, c'est un Rocchini que l'on trouve mort. Un Rocchini vaut un Taffani. La lutte commence, Rocchini par ci, Taffani par l?, ainsi de suite jusqu'? ce qu'il n'en reste plus qu'un seul--c'?tait un Rocchini, on le guillotina sur la place publique de Sart?ne.
Alors que dans tous les pays, les guerres priv?es ne survenaient qu'entre gens appartenant aux classes sup?rieures, chaque individu en Corse nourri d'un sentiment ?galitaire, fort de son ind?pendance personnelle, encourag? par les ressources que la nature mettait ? sa disposition, adopta l'habitude de se faire justice soi-m?me. Ce droit que la morale traditionnelle ne contestait pas fut bient?t un devoir.
La maxime <
D?s qu'un homme s'?levait assez pour devenir redoutable, la r?publique lui opposait un de ses ?gaux de la veille; elle mettait aux prises deux ambitions, deux susceptibilit?s qui se brisaient l'une l'autre; le vaincu gagnait le maquis, devenait un bandit.
L'histoire de la Corse est celle du banditisme et de la vendetta; tous ses h?ros ont v?cu des jours ou des ann?es dans la montagne, traqu?s comme des b?tes fauves. Giudice de Cinarca, consid?r? par ses contemporains comme le souverain de la Corse, v?cut en bandit pour venger la mort de son p?re. Son descendant Rinuccio delle Rocca, seigneur puissant, fut r?duit, dit un contemporain, ? fuir toujours comme la b?te sauvage poursuivie par les chasseurs. Pour d?pister ses ennemis, il ferrait son cheval tant?t ? l'endroit, tant?t ? l'envers; comme on empoisonnait les sources proches des cavernes o? on le croyait r?fugi?, il supportait patiemment la soif pendant des jours entiers, attendant, pour se d?salt?rer, qu'il p?t boire l'eau d'une fontaine dont il avait la clef. Peut-?tre aurait-il r?sist? longtemps encore si deux de ses cousins, par vendetta, ne l'avaient fait p?rir dans une embuscade.
LE FUSIL
L'introduction des armes ? feu en Corse permit aux haines individuelles de se satisfaire avec plus de facilit? et de violence. < < < G?n?ral charg? par Henri II de conduire l'exp?dition de Corse. Les Corses ?taient effray?s eux-m?mes des crimes et des d?lits de tout ordre qui se commettaient dans l'?le et ils r?clamaient une r?pression s?v?re. De m?me que les gouverneurs avaient imagin? de vendre les ports d'armes, ils consentirent de temps en temps ? op?rer un d?sarmement, mais c'?tait pour pouvoir revendre les armes confisqu?es. Le m?me fusil, dit-on, fut vendu jusqu'? sept fois. Et quelles ?taient les funestes cons?quences de cette impunit?? l'absolution d'un homicide devenant le germe de plusieurs autres. Les individus offens?s, voyant l'offenseur promener insolemment sous leurs yeux son audace impunie, se rendaient par eux-m?mes cette justice que le gouvernement leur avait refus?e. Ainsi, dans cette succession rapide et r?ciproque de forfaits, trente ou quarante assassinats ?taient la suite d'un premier crime, et, de l?, la destruction de plusieurs familles qui s'y trouvaient, m?me involontairement engag?es. Les lois ont ?t? abrog?es, refaites, modifi?es; les gouvernements ont disparu; les r?gimes les plus divers se sont succ?d?; le fusil est rest? le fid?le compagnon du Corse, et aujourd'hui encore, pour endormir son enfant, la m?re chante sur un rythme monotone: Lorsque vous serez grand, Nous vous enverrons ? l'?cole La cartouchi?re et le stylet, L'arquebuse et le pistolet. R?GLES & COUTUMES DE LA VENDETTA Le deuil avait autrefois en Corse, et il a conserv? jusqu'? nos jours dans certains villages de l'int?rieur, un caract?re particulier et des formes tout ? fait dramatiques. Si dans une maison il se trouve un malade, les parents et les amis, hommes et femmes, s'y r?unissent, les hommes dans un appartement, les femmes dans un autre pour assister la famille et veiller nuit et jour avec elle. Le pr?tre parti, tout le village, ? l'exception des ennemis de la famille, passe la nuit aupr?s du corps; ? minuit, on leur sert une collation. R?gion qui comprend la partie septentrionale de l'arrondissement de Calvi. < Tel est le sort auquel se condamnait, il y a peu d'ann?es, une famille forc?e par des circonstances exceptionnelles de renoncer ? sa vengeance. Mais ces circonstances ?taient excessivement rares, le sang vers? appelait le sang et la guerre ?tait d?clar?e. Presque toujours on avertissait avant de commencer les hostilit?s par la formule sacramentelle: <
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