Read Ebook: Les Xipéhuz by Rosny J H A N Rosny J H Jeune
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page
Ebook has 281 lines and 18263 words, and 6 pages
Malgr? tous les efforts on ne put incendier que la lisi?re.
Alors, les pr?tres, au d?sespoir, consacr?rent la for?t, d?fendirent ? quiconque d'y entrer. Et deux ?t?s s'?coul?rent.
Une nuit d'octobre, le campement endormi de la tribu Zulf, ? deux port?es d'arc de la for?t fatale, fut envahi par les Formes. Trois cents guerriers perdirent encore la vie.
Et dans cette angoisse, les primitifs m?ditateurs venaient ? un culte amer, un culte de mort que pr?chaient de p?les proph?tes, le culte des T?n?bres plus puissantes que les Astres, des T?n?bres qui devaient engloutir, d?vorer la sainte Lumi?re, le feu resplendissant. Partout, aux abords des solitudes, on rencontrait immobiles, amaigries, des silhouettes d'inspir?s, des hommes de silence, qui, par p?riodes, se r?pandant parmi les tribus, contaient leurs ?pouvantables r?ves, le Cr?puscule de la grande Nuit approchante, du Soleil agonisant.
BAKHOUN
Or, ? cette ?poque, vivait un homme extraordinaire, nomm? Bakho?n, issu de la tribu de Ptuh et fr?re du premier grand-pr?tre des Zahelals. De bonne heure, il avait quitt? la vie nomade, fait choix d'une belle solitude, entre quatre collines, dans un mince et vivant vallon o? roulait la clart? chanteuse d'une source. Des quartiers de rocs lui avaient fait la tente fixe, la demeure cyclop?enne. La patience, l'aide m?nag?e des boeufs et des chevaux, lui avaient cr?? l'opulence, des r?coltes r?gl?es. Ses quatre femmes, ses trente enfants, y vivaient de la vie d'?den.
Bakho?n professait des id?es singuli?res, qui l'eussent fait lapider sans le respect des Zahelals pour son fr?re a?n?, le grand-pr?tre supr?me.
Premi?rement, il croyait que la vie s?dentaire, la vie ? place fixe, ?tait pr?f?rable ? la vie nomade, m?nageant les forces de l'homme au profit de l'esprit;
Secondement, il pensait que le Soleil, la Lune et les ?toiles n'?taient pas des dieux, mais des masses lumineuses;
Troisi?mement, il disait que l'homme ne doit r?ellement croire qu'aux choses prouv?es par la Mesure.
Les Zahelals lui attribuaient des pouvoirs magiques, et les plus t?m?raires, parfois, se risquaient ? le consulter. Ils ne s'en repentaient jamais. On avouait qu'il avait souvent aid? des tribus malheureuses en leur distribuant des vivres.
Or, ? l'heure noire, quand apparut la m?lancolique alternative d'abandonner des contr?es f?condes ou d'?tre d?truites par des divinit?s inexorables, les tribus song?rent ? Bakho?n, et les pr?tres eux-m?mes, apr?s des luttes d'orgueil, lui d?put?rent trois des plus consid?rables de leur ordre.
Bakho?n pr?ta la plus anxieuse attention aux r?cits, les faisant r?p?ter, posant des questions nombreuses et pr?cises. Il demanda deux jours de m?ditations. Ce temps ?coul?, il annon?a simplement qu'il allait se consacrer ? l'?tude des Formes.
Les tribus furent un peu d?sappoint?es, car on avait esp?r? que Bakho?n pourrait d?livrer le pays par sorcellerie. N?anmoins, les chefs se montr?rent heureux de sa d?cision et en esp?r?rent de grandes choses.
Alors, Bakho?n s'?tablit aux abords de la for?t de Kzour, se retirant ? l'heure du repos, et, tout le jour, il observait, mont? sur le plus rapide ?talon de Chald?e. Bient?t, convaincu de la sup?riorit? du splendide animal sur les plus agiles des Formes, il put commencer son ?tude hardie et minutieuse des ennemis de l'Homme, cette ?tude ? laquelle nous devons le grand livre anti-cun?iforme de soixante grandes belles tables, le plus beau livre lapidaire que les ?ges nomades aient l?gu? aux races modernes.
Il faut lire la merveilleuse traduction de M. Dessault, ses d?couvertes inattendues sur la linguistique pr?-assyrienne, d?couvertes plus admir?es malheureusement ? l'?tranger,--en Angleterre, en Allemagne,--que dans sa propre patrie. L'illustre savant a daign? mettre ? notre disposition les passages saillants du pr?cieux ouvrage, et ces passages, que nous offrons ci-apr?s au public, peut-?tre inspireront l'envie de parcourir les superbes traductions du Ma?tre.
PUISE AU LIVRE DE BAKHOUN
Leur mani?re de consumer n'exige pas de b?cher: le point incandescent qu'ils ont ? leur base suffit ? cette op?ration. Ils se r?unissent ? dix ou ? vingt, en cercle, autour des gros animaux tu?s, et font converger leurs rayons sur la carcasse. Pour les petits animaux,--les oiseaux, par exemple,--les rayons d'un seul Xip?huz suffisent ? l'incin?ration. Il faut remarquer que la chaleur qu'ils peuvent produire n'est point instantan?ment violente. J'ai souvent re?u sur la main le rayonnement d'un Xip?huz et la peau ne commen?ait ? s'?chauffer qu'apr?s quelque temps.
De ce que les Xip?huz n'?taient point immortels, j'ai d? d?duire qu'il devait ?tre possible de les combattre et de les vaincre, et j'ai depuis lors commenc? la s?rie d'exp?riences combattantes dont il sera parl? plus loin.
Ainsi que l'avait d?j? remarqu? la malheureuse tribu de Pjehou, ils ne peuvent franchir certaines barri?res id?ales ? la poursuite de leurs victimes. Mais ces limites se sont toujours accrues d'ann?e en ann?e, de mois en mois. J'ai d? en rechercher la cause.
Si les Xip?huz ont des sens, c'est ce qu'il n'est pas possible d'affirmer. Ils poss?dent certainement des appareils qui leur en tiennent lieu.
La facilit? avec laquelle ils per?oivent ? de grandes distances la pr?sence des animaux, mais surtout celle de l'homme, annonce ?videmment que leurs organes d'investigation valent au moins nos yeux. Je ne leur ai jamais vu confondre un v?g?tal et un animal, m?me en des circonstances o? j'aurais tr?s bien pu commettre cette erreur, tromp? par la lumi?re sub-branchiale, la couleur de l'objet, sa position. La circonstance de s'employer ? vingt pour consumer un gros animal, alors qu'un seul s'occupe de la calcination d'un oiseau, prouve une entente correcte des proportions, et cette entente para?t plus parfaite si l'on observe qu'ils se mettent dix, douze, quinze, toujours en raison de la grosseur relative de la carcasse. Un meilleur argument encore en faveur soit de l'existence d'organes analogues ? nos sens, soit de leur intelligence, est la fa?on dont ils agirent en attaquant nos tribus, car ils s'attach?rent peu ou point aux femmes et aux enfants, tandis qu'ils pourchassaient impitoyablement les guerriers.
Maintenant,--question la plus importante,--ont-ils un langage? Je puis r?pondre ? ceci sans la moindre h?sitation: <
Supposons, par exemple, qu'un Xip?huz veuille parler ? un autre. Pour cela, il lui suffit de diriger les rayons de son ?toile vers le compagnon, ce qui est toujours per?u instantan?ment. L'appel?, s'il marche, s'arr?te, attend. Le parleur, alors, trace rapidement, sur la surface m?me de son interlocuteur,--et il n'importe de quel c?t?--une s?rie de courts caract?res lumineux, par un jeu de rayonnement toujours ?manant de la base, et ces caract?res restent un instant fix?s, puis s'effacent.
L'interlocuteur, apr?s une courte pause, r?pond.
Pr?liminairement ? toute action de combat ou d'embuscade, j'ai toujours vu les Xip?huz employer les caract?res suivants:
Lorsqu'il ?tait question de moi,--et il en ?tait souvent question, car ils ont tout fait pour nous exterminer, mon brave Kouath et moi,--les signes
ont ?t? invariablement ?chang?s,--parmi d'autres, comme le mot ou la phrase
donn? ci-dessus. Le signe d'appel ordinaire ?tait
et il faisait accourir l'individu qui le recevait. Lorsque tous les Xip?huz ?taient invit?s ? une r?union g?n?rale, je n'ai jamais failli ? observer un signal de cette forme
repr?sentant la triple apparence de ces ?tres.
Mon long s?jour pr?s d'eux avait fini, malgr? les m?tamorphoses , par me faire conna?tre plusieurs Xip?huz d'une fa?on assez intime, par me r?v?ler des particularit?s sur les diff?rences individuelles.... dirais-je sur les caract?res? J'en ai connu de taciturnes, qui, quasi-jamais, ne tra?aient une parole; d'expansifs qui ?crivaient de v?ritables discours; d'attentifs, de jaseurs qui parlaient ensemble, s'interrompaient les uns les autres. Il y en avait qui aimaient ? se retirer, ? vivre solitaires; d'autres recherchaient ?videmment la soci?t?; des f?roces chassaient perp?tuellement les fauves, les oiseaux, et des mis?ricordieux souvent ?pargnaient les animaux, au contraire, les laissaient vivre en paix. Tout cela n'ouvre-t-il pas ? l'imagination une gigantesque carri?re? ne porte-t-il pas ? imaginer des diversit?s d'aptitudes, d'intelligence, de forces analogues ? celles de la race humaine?
Ils pratiquent l'?ducation. Que de fois j'ai observ? un vieux Xip?huz, assis au milieu de tr?s jeunes, leur rayonnant des signes que ceux-ci lui r?p?taient ensuite l'un apr?s l'autre, et qu'il leur faisait recommencer quand la r?p?tition en ?tait imparfaite!
Ces le?ons ?taient bien merveilleuses ? mes yeux, et de tout ce qui concerne les Xip?huz, il n'est rien qui m'ait si souvent tenu attentif, rien qui ait plus pr?occup? mes soirs d'insomnie. Il me semblait que c'?tait l?, dans cette aube de la race, que le voile du myst?re pouvait s'entr'ouvrir, l? que quelque id?e simple, primitive, jaillirait peut-?tre, ?clairerait pour moi un recoin de ces profondes t?n?bres. Non, rien ne m'a rebut?; j'ai, des ann?es durant, assist? ? cette ?ducation, j'ai essay? des interpr?tations innombrables. Que de fois j'ai cru y saisir comme une fugitive lueur de la nature essentielle des Xip?huz, une lueur extra-sensible, une pure abstraction, et que, h?las! mes pauvres facult?s noy?es de chair ne sont jamais parvenues ? poursuivre!
J'ai dit plus haut que j'avais cru longtemps les Xip?huz immortels. Cette croyance ayant ?t? d?truite ? la vue des morts violentes arriv?es ? la suite des rencontres entre Xip?huz, je fus naturellement amen? ? chercher leur point vuln?rable et m'appliquai chaque jour, depuis lors, ? trouver des moyens destructifs, car les Xip?huz croissaient en nombre tellement, qu'apr?s avoir d?bord? la for?t de Kzour au sud, au nord, ? l'ouest, ils commen?aient ? empi?ter les plaines du c?t? du levant. H?las! en peu de cycles ils auraient d?poss?d? l'homme de sa demeure terrestre.
Donc, je m'armai d'abord d'une fronde, et, d?s qu'un Xip?huz sortait de la for?t, ? port?e, je le visais et lui lan?ais ma pierre. Je n'obtins ainsi aucun r?sultat, quoique j'eusse atteint l'ensemble des individus vis?s ? toutes les parties de leur surface, m?me au point lumineux. Ils paraissaient d'une insensibilit? parfaite ? mes atteintes et nul d'entre eux ne s'est jamais d?tourn? pour ?viter un de mes projectiles. Apr?s un mois d'essai il fallut bien m'avouer que la fronde ne pouvait rien contre eux, et j'abandonnai cette arme.
Or, c'?tait nuit, l'incommensurable ab?me, ses lampes merveilleuses ?pandues par-dessus la terre. Et moi, la t?te dans les mains, je r?vais, le coeur plus t?n?breux que la nuit.
Un lion se mit ? rugir, des chacals pass?rent dans la plaine, et de nouveau la petite lumi?re d'esp?rance m'?claira. Je venais de penser que le caillou de la fronde ?tait relativement gros et l'?toile des Xip?huz si minuscule! Peut-?tre, pour agir, fallait-il aller profond, percer d'une pointe aigu?, et alors leur terreur devant la fl?che s'expliquait!
Cependant W?ga tournait lentement sur le p?le, l'aube ?tait proche, et la lassitude, pour quelques heures, endormit dans mon cr?ne le monde de l'esprit.
Les jours suivants, arm? de l'arc, je fus constamment ? la poursuite des Xip?huz, aussi loin dans leur enceinte que la sagesse le permettait. Mais tous ?vit?rent mon attaque, se tenant au loin, hors de port?e. Il ne fallait pas songer ? se mettre en embuscade, leur mode de perception leur permettant de constater ma pr?sence ? travers les obstacles.
Vers la fin du cinqui?me jour, il se produisit un ?v?nement qui, ? lui seul, prouverait que les Xip?huz sont des ?tres faillibles ? la fois et perfectibles comme l'homme. Ce soir-l?, au cr?puscule, un Xip?huz s'approcha d?lib?r?ment de moi, avec cette, vitesse constamment acc?l?r?e qu'ils affectionnent pour l'attaque. Surpris, le coeur palpitant, je bandai mon arc. Lui, s'avan?ait toujours, pareil ? une colonne de turquoise dans le soir naissant, arrivait presque ? port?e. Puis, comme je m'appr?tais ? lancer ma fl?che, je le vis, avec stup?faction, se retourner, cacher son ?toile, sans cesser de progresser vers moi. Je n'eus que le temps de mettre Kouath au galop, de me d?rober ? l'atteinte de ce redoutable adversaire.
Or, cette simple manoeuvre, ? laquelle aucun Xip?huz n'avait paru songer auparavant, outre qu'elle d?montrait, une fois de plus, l'invention personnelle, l'individualit? chez l'ennemi, sugg?rait deux id?es: la premi?re, c'est que j'avais chance d'avoir raisonn? juste relativement ? la vuln?rabilit? de l'?toile xip?huze; la seconde, moins encourageante, c'est que la m?me tactique, si elle ?tait adopt?e par tous, allait rendre ma t?che extraordinairement ardue, peut-?tre impossible.
Cependant, apr?s avoir tant fait que d'arriver ? conna?tre la v?rit?, je sentis grandir mon courage devant l'obstacle et j'osai esp?rer de mon esprit la subtilit? n?cessaire pour le renverser.
Aux chapitres suivants, o? le mode est g?n?ralement narratif, je serre de pr?s la traduction litt?rale de M. Dessault, sans pourtant m'astreindre ? la fatigante division en versets ni aux r?p?titions inutiles.
SECONDE P?RIODE DU LIVRE DE BAKHOUN
Je retournai dans ma solitude. Anakhre, troisi?me fils de ma femme Tepa?, ?tait un puissant constructeur d'armes. Je lui ordonnai de tailler un arc de port?e extraordinaire. Il prit une branche de l'arbre Waham, dure comme le fer, et l'arc qu'il en tira ?tait quatre fois plus puissant que celui du pasteur Zankann, le plus fort archer des mille tribus. Nul homme vivant n'aurait pu le tendre. Mais j'avais imagin? un artifice et Anakhre, avant travaill? selon ma pens?e, il se trouva que l'arc immense pouvait ?tre tendu et d?tendu par une femme d?bile.
Or, j'avais toujours ?t? expert ? lancer le dard et la fl?che, et en quelques jours j'appris ? conna?tre si parfaitement l'arme construite par mon fils Anakhre que je ne manquais aucun but, f?t-il menu comme la mouche ou vif comme le faucon.
Tout cela fait, je retournai vers Kzour, mont? sur Kouath aux yeux de flamme, et je recommen?ai ? roder autour du domaine des ennemis de l'homme. Pour leur inspirer confiance, je tirai beaucoup de fl?ches avec mon arc habituel, ? chaque fois qu'un de leurs partis approchait de la fronti?re, et mes fl?ches tombaient beaucoup en de?? d'eux. Ils apprirent ainsi ? conna?tre la port?e exacte de l'arme, et par l? ? se croire absolument hors de p?ril ? des distances fixes. Pourtant, une d?fiance leur restait, qui les rendait mobiles, capricieux, tant qu'ils n'?taient pas sous le couvert de la for?t, et leur faisait d?rober leurs ?toiles ? ma vue.
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page