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Read Ebook: Œuvres complètes de Gustave Flaubert tome 7: Bouvard et Pécuchet by Flaubert Gustave

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Ebook has 3761 lines and 102747 words, and 76 pages

Au lecteur

Cette version num?ris?e reproduit dans son int?gralit? la version originale.

L'orthographe a ?t? conserv?e. Seules les erreurs ?videntes de typographie ont ?t? corrig?es.

La ponctuation n'a pas ?t? modifi?e hormis quelques corrections mineures.

?DITION D?FINITIVE D'APR?S LES MANUSCRITS ORIGINAUX

OEUVRES COMPL?TES

GUSTAVE FLAUBERT

BOUVARD ET P?CUCHET

Pr?c?d? d'une ?tude sur G. FLAUBERT

PAR GUY DE MAUPASSANT

PARIS

A. QUANTIN, IMPRIMEUR-?DITEUR

RUE SAINT-BENOIT, 7

TOUS DROITS R?SERV?S

?TUDE SUR GUSTAVE FLAUBERT

Gustave Flaubert naquit ? Rouen le 12 d?cembre 1821. Sa m?re ?tait fille d'un m?decin de Pont-l'Ev?que, M. Fleuriot. Elle appartenait ? une famille de basse Normandie, les Cambremer de Croix-Mare, et ?tait alli?e ? Thouret, de la Constituante.

La grand'm?re de G. Flaubert, Charlotte Cambremer, fut une compagne d'enfance de Charlotte Corday.

Mais son p?re, n? ? Nogent-sur-Seine, ?tait d'origine champenoise. C'?tait un chirurgien de grande valeur et de grand renom, directeur de l'H?tel-Dieu de Rouen. Homme droit, simple, brusque, il s'?tonna, sans s'indigner, de la vocation de son fils Gustave pour les lettres. Il jugeait la profession d'?crivain un m?tier de paresseux et d'inutile.

Gustave Flaubert fut le contraire d'un enfant ph?nom?ne. Il ne parvint ? apprendre ? lire qu'avec une extr?me difficult?. C'est ? peine s'il savait lire, lorsqu'il entra au lyc?e, ? l'?ge de neuf ans.

Sa grande passion, dans son enfance, ?tait de se faire dire des histoires. Il les ?coutait immobile, fixant sur le conteur ses grands yeux bleus. Puis, il demeurait pendant des heures ? songer, un doigt dans la bouche, enti?rement absorb?, comme endormi.

Son esprit cependant travaillait, car il composait d?j? des pi?ces, qu'il ne pouvait point ?crire, mais qu'il repr?sentait tout seul, jouant les diff?rents personnages, improvisant de longs dialogues.

D?s sa premi?re enfance, les deux traits distinctifs de sa nature furent une grande na?vet? et une horreur de l'action physique. Toute sa vie, il demeura na?f et s?dentaire. Il ne pouvait voir marcher ni remuer autour de lui sans s'exasp?rer; et il d?clarait, avec sa voix mordante, sonore et toujours un peu th??trale: que cela n'?tait point philosophique. <>, disait-il.

Sa na?vet? se continua jusqu'? ses derniers jours. Cet observateur si p?n?trant et si subtil semblait ne voir la vie avec lucidit? que de loin. D?s qu'il y touchait, d?s qu'il s'agissait de ses voisins imm?diats, on e?t dit qu'un voile couvrait ses yeux. Son extr?me droiture native, sa bonne foi in?branlable, la g?n?rosit? de toutes ses ?motions, de toutes les impulsions de son ?me, sont les causes indubitables de cette na?vet? pers?v?rante.

Il v?cut ? c?t? du monde et non dedans. Mieux plac? pour observer, il n'avait point la sensation nette des contacts.

Enfin, si les accidents du monde, d?s qu'ils sont per?us, vous apparaissent transpos?s comme pour l'emploi d'une illusion ? d?crire, tellement que toutes les choses, y compris votre existence, ne vous sembleront pas avoir d'autre utilit?, et que vous soyez r?solus ? toutes les avanies, pr?ts ? tous les sacrifices, cuirass?s ? toute ?preuve, lancez-vous, publiez!

Jeune homme, il ?tait d'une beaut? surprenante. Un vieil ami de sa famille, m?decin illustre, disait ? sa m?re: <>

D?daigneux des femmes, il vivait dans une exaltation d'artiste, dans une sorte d'extase po?tique qu'il entretenait par la fr?quentation quotidienne de celui qui fut son plus cher ami, son premier guide, le coeur fr?re qu'on ne trouve jamais deux fois, Alfred Le Poittevin, mort tout jeune, d'une maladie de coeur, tu? par le travail.

Puis, il fut frapp? par la terrible maladie qu'un autre ami, M. Maxime du Camp, a eu la mauvaise inspiration de r?v?ler au public, en cherchant ? ?tablir un rapport entre la nature artiste de Flaubert et l'?pilepsie, ? expliquer l'une par l'autre.

Certes, ce mal effroyable n'a pu frapper le corps sans assombrir l'esprit. Mais doit-on le regretter? Les gens tout ? fait heureux, forts et bien portants sont-ils pr?par?s comme il faut pour comprendre, p?n?trer, exprimer la vie, notre vie si tourment?e et si courte? Sont-ils faits, les exub?rants, pour d?couvrir toutes les mis?res, toutes les souffrances qui nous entourent, pour s'apercevoir que la mort frappe sans cesse, chaque jour, partout, f?roce, aveugle, fatale.

Donc, il est possible, il est probable que la premi?re atteinte de l'?pilepsie mit une empreinte de m?lancolie et de crainte sur l'esprit ardent de ce robuste gar?on. Il est probable que, par la suite, une sorte d'appr?hension dans la vie lui resta, une mani?re un peu plus sombre d'envisager les choses, un soup?on devant les ?v?nements, un doute devant le bonheur apparent. Mais, pour quiconque a connu l'homme enthousiaste et vigoureux qui ?tait Flaubert, pour quiconque l'a vu vivre, rire, s'exalter, sentir et vibrer chaque jour, il est indubitable que la peur des crises, disparues d'ailleurs dans l'?ge m?r et reparues seulement dans les derni?res ann?es, ne pouvait modifier que d'une fa?on presque insensible sa mani?re d'?tre et de sentir et les habitudes de sa vie.

On sait l'histoire de ce livre, le proc?s intent? par le minist?re public, le r?quisitoire violent de M. Pinard, dont le nom restera marqu? par ce proc?s, l'?loquente d?fense de M. S?nard, l'acquittement difficile, marchand?, reproch? par les paroles s?v?res du pr?sident, puis le succ?s vengeur, ?clatant, immense!

Adieu, cher vieux, r?ponds-moi et sache-moi bien tout ? toi.

GUSTAVE FLAUBERT.

En ouvrant le volume, on trouve de page en page des lignes, des paragraphes, des morceaux entiers retranch?s. La plupart des choses originales et nouvelles sont biff?es avec soin.

Et on lit encore, de la main de Gustave Flaubert, sur le dernier feuillet, ceci:

C'est l? assur?ment aussi l'origine du refroidissement survenu dans l'ardente amiti? qui liait Flaubert ? M. du Camp. S'il en fallait une preuve plus pr?cise, on la trouverait dans ce fragment de lettre de Louis Bouilhet ? Flaubert:

Ces d?tails intimes n'ont d'importance qu'au point de vue des jugements port?s par M. du Camp sur son ami. Une r?conciliation eut lieu, plus tard, entre eux.

Le grand Balzac, m?connu, avait jet? son g?nie en des livres puissants, touffus, d?bordant de vie, d'observations ou plut?t de r?v?lations sur l'humanit?. Il devinait, inventait, cr?ait un monde entier n? dans son esprit.

Peu artiste, au sens d?licat du mot, il ?crivait une langue forte, imag?e, un peu confuse et p?nible.

Emport? par son inspiration, il semble avoir ignor? l'art si difficile de donner aux id?es de la valeur par les mots, par la sonorit? et la contexture de la phrase.

Il a, dans son oeuvre, des lourdeurs de colosse; et il est peu de pages de ce tr?s grand homme qui puissent ?tre cit?es comme des chefs-d'oeuvre de la langue, ainsi qu'on cite du Rabelais, du La Bruy?re, du Bossuet, du Montesquieu, du Chateaubriand, du Michelet, du Gautier, etc.

Gustave Flaubert, au contraire, proc?dant par p?n?tration bien plus que par intuition, apportait dans une langue admirable et nouvelle, pr?cise, sobre et sonore, une ?tude de vie humaine, profonde, surprenante, compl?te.

Ce n'?tait plus du roman comme l'avaient fait les plus grands, du roman o? l'on sent toujours un peu l'imagination et l'auteur, du roman pouvant ?tre class? dans le genre tragique, dans le genre sentimental, dans le genre passionn? ou dans le genre familier, du roman o? se montrent les intentions, les opinions et les mani?res de penser de l'?crivain; c'?tait la vie elle-m?me apparue. On e?t dit que les personnages se dressaient sous les yeux en tournant les pages, que les paysages se d?roulaient avec leurs tristesses et leurs gaiet?s, leurs odeurs, leur charme, que les objets aussi surgissaient devant le lecteur ? mesure que les ?voquait une puissance invisible, cach?e on ne sait o?.

Gustave Flaubert, en effet, fut le plus ardent ap?tre de l'impersonnalit? dans l'art. Il n'admettait pas que l'auteur f?t jamais m?me devin?, qu'il laiss?t tomber dans une page, dans une ligne, dans un mot, une seule parcelle de son opinion, rien qu'une apparence d'intention. Il devait ?tre le miroir des faits, mais un miroir qui les reproduisait en leur donnant ce reflet inexprimable, ce je ne sais quoi de presque divin qui est l'art.

Ce n'est pas impersonnel qu'on devrait dire, en parlant de cet impeccable artiste, mais impassible.

S'il attachait une importance consid?rable ? l'observation et ? l'analyse, il en mettait une plus grande encore dans la composition et dans le style. Pour lui, ces deux qualit?s surtout faisaient les livres imp?rissables. Par composition, il entendait ce travail acharn? qui consiste ? exprimer l'essence seule des actions qui se succ?dent dans une existence, ? choisir uniquement les traits caract?ristiques et ? les grouper, ? les combiner de telle sorte qu'ils concourent de la fa?on la plus parfaite ? l'effet qu'on voulait obtenir, mais non pas ? un enseignement quelconque.

Rien ne l'irritait d'ailleurs comme les doctrines des pions de la critique sur l'art moral ou sur l'art honn?te.

<>

La morale, l'honn?tet?, les principes sont des choses indispensables au maintien de l'ordre social ?tabli; mais il n'y a rien de commun entre l'ordre social et les lettres. Les romanciers ont pour principal motif d'observation et de description les passions humaines, bonnes ou mauvaises. Ils n'ont pas mission pour moraliser, ni pour flageller, ni pour enseigner. Tout livre ? tendances cesse d'?tre un livre d'artiste.

L'?crivain regarde, t?che de p?n?trer les ?mes et les coeurs, de comprendre leurs dessous, leurs penchants honteux ou magnanimes, toute la m?canique compliqu?e des mobiles humains. Il observe ainsi suivant son temp?rament d'homme et sa conscience d'artiste. Il cesse d'?tre consciencieux et artiste, s'il s'efforce syst?matiquement de glorifier l'humanit?, de la farder, d'att?nuer les passions qu'il juge d?shonn?tes au profit des passions qu'il juge honn?tes.

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