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Read Ebook: La Vedette by Guilbert Yvette

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Ebook has 2162 lines and 71375 words, and 44 pages

De ces pauvres femmes honn?tes, fid?les scrupuleusement ? leurs maris, non par tendresse amoureuse o? par devoir et conscience, mais ? cause de l'horreur, du d?go?t, ou de l'ignorance d'une volupt? qu'elles ne ressentent et ne partagent point... Chattes ?chaud?es craignant l'eau chaude...

Non, Blanche M?sange n'?tait pas honn?te de cette fa?on-l?, mais elle ?tait loyale, fid?le et bonne, et si s?re en amiti?!

Et gobeuse!

Certes, elle aurait plut?t pu aspirer au prix Montyon qu'? la blanche couronne des rosi?res; mais, exer?ant un m?tier o? la fleur d'oranger n'est pas de rigueur, elle ?tait de celles dont on dit: <>

Et il n'y avait rien ? faire, en effet. Tr?s largement aid?e par <>, le comte Du Puy, s?nateur par hasard et mari? idem, elle ne trompait jamais cet heureux l?gislateur, plus g?n?reux d'ailleurs qu'exigeant.

Et puis, s'il faut tout dire, tant de vertu n'impliquait pas chez elle un grand m?rite. Grasse, ? vingt ans, comme une grosse caille, elle ?tait paresseuse avec d?lices, et les b?guins, c'est si fatigant! C'est des tas de tracas, de pr?occupations, de pas et de d?marches, de pr?cautions ? prendre, de lettres ? ?crire! Non, d?cid?ment, le jeu n'en valait pas la chandelle. Et Blanche M?sange ?tait tr?s sage.--Pourtant, en applaudissant le jeune Fernand, quand celui-ci se d?cida, enfin, ? quitter le tr?teau, elle le consid?ra avec des yeux de sommeil... ou d'amour; si lourds de Qui sait!... et de Peut-?tre... et o? il y avait un peu moins de sagesse que d'ordinaire.

Le vrai, c'est que leurs regards, ? tous deux, s'?taient rencontr?s, et qu'elle ressentait tout ? coup comme un vif picotement dans le creux du dos, et qu'elle rougit...

En fait, elle avait assez de vinaigre dans la voix pour assaisonner les salades de toute une saison, et articulait ? la fa?on ing?nue du phoque.

Acclamations, fous rires, tr?pignements, toute la s?rie des sympt?mes nerveux, observ?s, les jours d'orage, ? Bic?tre, ? Charenton, et autres asiles de louphoquerie humaine.

Et les cuill?res choqu?es contre les verres! et les soucoupes heurt?es en cadence! Ah! bon Dieu! <>

Et comme Lourbillon avait l'?me grande, d?s cet instant, il pardonna en son coeur ? Fernand!

Bien plus! il lui vint la fantaisie de le conna?tre, et, comme la salle se vidait petit ? petit, le concert ?tant fini , comme les soci?taires de la Fauvette fermaient le piano, roulaient leur musique et r?glaient leurs consommations, l'incomparable comique avisa le jeune amateur qui, demeur? assis dans un coin, semblait le contempler de tous ses yeux.

Lourbillon prit pour lui cette contemplation qui, de vrai, s'adressait ? Blanche M?sange, en train de mettre son collet devant la glace du fond, et flatt?:

--Eh bien, monsieur Fernand! tous mes compliments, vous savez! lui cria-t-il, avec un signe de la main plein d'une auguste cordialit?! Et il ajouta:

--Montez donc prendre un verre avec nous. On ?touffe ici!

Dans ce sous-sol o? vingt pipes, et combien de mauvais cigares, sans compter les cigarettes, avaient fait rage, l'atmosph?re ?tait d'une ?paisseur redoutable. Le gar?on, d'ailleurs, ?teignait les becs de gaz.

--Volontiers! acquies?a Fernand, en se levant.

Tous trois s'engag?rent dans l'escalier en colima?on.

--Quelle jolie voix vous avez, monsieur! dit Blanche M?sange qui montait la premi?re, en se retournant vers Fernand qui la suivait. Les cheveux blonds mousseux, la bouche rose aux l?vres grasses bien ourl?es sur les dents claires et les grands yeux bleus, tr?s doux, caress?rent de leur gr?ce vivante la pens?e du jeune homme, vision rapide dans la p?nombre de cette ascension tournante.

Trois bocks servis, l'instant d'apr?s:

--Et, avec une voix pareille, qu'est-ce que vous faites dans la vie, jeune homme? interrogea Lourbillon affable.

--S?r! que vous r?ussiriez au concert! et m?me au th??tre! appuya Blanche M?sange avec ?me.

Fernand sourit ? la chanteuse. Il haussa l?g?rement les ?paules et r?pondit:

--A la v?tre! Oui, peut-?tre, si j'?tais plus jeune et que j'aie le temps d'apprendre. ?a m'aurait plu vraiment! Il est trop tard ? pr?sent! Chacun son m?tier!

--Et quel est le v?tre, sans indiscr?tion?

--Oh! il n'a rien d'artistique, mon boulot! Je suis tailleur, ouvrier tailleur, pour ?tre plus exact. Je coupe des culottes, des redingotes et des jaquettes. A votre service, si vous avez besoin d'un veston, cher monsieur.

Blanche M?sange fit la lippe, oh! une mignonne lippe d'enfant boudeur, et elle murmura, en tapotant des doigts une valse vague sur le marbre de la table:

--C'est dommage!

--Pourquoi?

--Pour rien! si vous ?tes heureux comme cela...

--Heureux! sursauta Fernand qui s'enflamma tout d'un coup: je ne dis pas que je suis heureux! Est-ce que nous autres, les travailleurs ? gages, nous pouvons ?tre heureux? Toujours ? la merci de la sottise des patrons qui nous font payer leurs gaffes commerciales et rognent sur nos salaires quand, par leur faute, leur client?le diminue! Heureux! Est-ce qu'on peut ?tre heureux dans une soci?t? o? l'injustice r?gne et o? les petits sont ?ternellement mang?s par les gros!

Il s'animait en parlant, le sentimental <> de tout ? l'heure. Ses yeux noirs s'aiguisaient de pens?e, et sa moustache fr?missait sur la ciselure d?licate de sa l?vre sup?rieure.

--Jeune homme! pronon?a Lourbillon avec autorit?, vous faites de la politique!

--Ah! ouiche, j'en ai fait, mais ?a m'a pass?, et ?a n'est pas pr?s de me reprendre!

Il donna un coup de poing sur le gu?ridon.

--Les hommes sont trop b?tes, aussi! Vous savez... non, vous ne savez pas, mais enfin vous pourriez savoir qu'il y a eu, voici huit mois ? peu pr?s, une gr?ve des ouvriers tailleurs. A la fin, ces exploit?s se r?voltaient. Ils demandaient une garantie, leurs places assur?es, un minimum de travail et l'abolition du marchandage! Je peux dire que j'ai ?t? l'organisateur du mouvement et le porte-parole de tous mes camarades. Ah! bien, oui! ils m'ont tous l?ch? au bon moment! et c'est ? grand peine que j'ai pu trouver ? me caser, apr?s! Aussi, ni, ni, c'est fini! J'ai soup? de l'apostolat!

Blanche M?sange ouvrait sur l'orateur des yeux bleus ?normes. C'est qu'il ?tait ?patant, ce gar?on-l?!

--Madame, messieurs, il est l'heure. On ferme! vint annoncer le gar?on rompant le charme.

--Bon, bon! on s'en va! Laissez! fit Fernand, en arr?tant la main de l'incomparable comique qui se pr?parait ? payer. Il continua:

--Je suis trop content de ne pas vous avoir trop ennuy? avec mes chansons pour ne pas vous demander de me laisser en plus le plaisir de vous offrir quelque chose!

Sur le pas de la porte, Fernand serra les mains de Lourbillon et de Blanche. Un fiacre passait ? vide. La jeune femme l'arr?ta.

--Au revoir, monsieur Fernand! jeta-t-elle en montant en voiture. Mais rappelez-vous ce que je vous pr?dis. Vous serez peut-?tre un jour notre camarade ? nous! O? veux-tu que je te d?pose, toi, Lourbillon? Allons! grimpe! Au revoir, monsieur;... et les yeux accroch?s sur le sourire ?clair? des trente-deux dents blanches de Fernand, M?sange prit dans sa menotte dodue et lisse la main souple et fine du jeune homme qui tressaillit au contact de cette ga?ne de chair moite et chaude.

Fernand rest? seul regagna vite son logement. Il ?tait une heure du matin, sapristi! et il lui fallait se lever ? six heures.

Dans le fiacre qui emportait les deux <> Lourbillon, goguenard, glissa ? Blanche M?sange, en allumant sa cigarette:

--H?! h?! dis donc! est-ce que ce ne serait pas le fin p?pin qui pousse... tu l'as beaucoup regard?, ce Fernand?

--Tu es fou! protesta Blanche. Moi? Tu sais bien qu'il n'y a rien ? faire pour personne!

--Il ne faut pas dire: <>

--Tiens, tu m'assommes. Tais-toi. Je dors!

Elle se rencoigna, en effet, dans le fond du coup?. Mais elle ne dormit pas. Elle r?va.

Un caf?? Sans doute! puisque des gar?ons en tablier blanc y servent, quand on les leur commande--rarement!--des consommations; puisqu'on y voit une caisse et une caissi?re, des tables, des chaises, des banquettes et un g?rant.

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