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Read Ebook: La Guerre est morte: roman by Delluc Louis Wegener Gerda Illustrator

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Ebook has 1958 lines and 39495 words, and 40 pages

Illustrator: Gerda Wegener

LOUIS DELLUC

La Guerre est morte

ROMAN

PARIS L'?DITION 4, RUE DE FURSTENBERG, 4

DU M?ME AUTEUR

POUR PARAITRE

IL A ?T? TIR? DE CET OUVRAGE:

Cinq exemplaires sur papier d'Arches

et cinq exemplaires sur le m?me papier, marqu?s A ? E

Copyright by Louis Delluc 1917

Tous droits de reproduction, traduction et adaptation r?serv?s pour tous pays.

Nuit. Je dors.

Pourquoi m'?veiller brusquement? Je me suis couch? tr?s tard, apr?s des heures de dur travail. Je me suis jet? dans mon lit, bris?, ? bout d'?lan, les nerfs en loques, sans fi?vre. Presque mort. Et un besoin de sommeil, une faim ?norme de dormir. Vite, j'ai dormi, comme un tout petit, sans r?ve, certainement sans r?ve, et je suis b?te de m'?veiller comme sur un cri de cauchemar. Adieu, je dors. Quelle heure est-il?

On sonne.

Hallucination?

La sonnerie insiste. C'est ce qui m'a tir? de mon somme s?pulcral. Je savais bien que je dormais un sommeil parfait. Il n'y avait qu'un bruit violent pour... Mais je ne r?pondrai pas. Sonne, mon ami, sonne, je suis mort jusqu'? tr?s tard et rien ne m'arrachera de cet an?antissement. D'ailleurs, ce n'est rien de s?rieux. Quelqu'un se trompe. Pas autre chose. On ne remet pas les t?l?grammes avant sept heures, et mes amis se sont laiss?s persuader que je me ruais vers des horizons m?diterran?ens pour travailler. Qu'ils me pardonnent cette machination o? je suis oblig? pour ?crire sans agitation et sans d?sordre. Rien d'int?ressant ne vaut que je sorte de mon lit. Rien. Bonsoir, l'erreur.

Au moins, ne sonne plus, stupide. Il voit bien que je suis r?solu de me taire. Ne va-t-il pas comprendre qu'il me g?ne, ce carillonneur du tonnerre de diable? Et ma foi, il n'y gagnera rien. La seule concession dont je sois capable, c'est de me rendre sourd avec les couvertures. Sonne, sonne maintenant, tu ne me g?nes plus.

Je l'entends encore. J'entends la vibration gr?le du timbre sur les cloisons et aussi le tressaillement ricaneur des meubles. Mon lit est secou? d'une fa?on imperceptible par ces ondes aigu?s de la sonnerie ?lectrique. Finissons-en.

Qui est l??

Nulle r?ponse. Et on sonne.

Eh bien, que veut-on? Parlez.

Du silence.

Je me l?ve. Je cours ? la porte. Impossible de savoir s'il y a un seul quelqu'un ou plusieurs quelqu'uns derri?re cette porte. A croire que la sonnerie chante d'elle-m?me.

Mais c'est idiot, r?pondez, que voulez-vous?

J'entr'ouvre. On force la porte. Il fait tout ? fait nuit sur le palier, et l'antichambre n'a qu'une ampoule masqu?e de rouge. Un homme se pr?cipite. Qu'est-ce que c'est que cet homme-l??

--Vous ?tes fou de me faire attendre ainsi.

Il crie presque. D'o? vient cette voix rauque et si autoritaire? Je ne connais pas cette voix.

--Habillez-vous.

Il ordonne. Comme si j'allais m'habiller ? cause d'un individu qui se jette dans ma maison et qui sort d'on ne sait quelle ombre! Je sais bien que je suis ridicule avec ce pyjama endoss? trop vite, et ma stupeur muette et mon ?bouriffement. Je suis ridicule, et puis? Et puis, je suis ridicule, voil? tout. Je vais me coucher et dormir. Il faut d'abord expulser l'intrus. Quel ennui! Je ne songe m?me pas ? lui demander compte de son invasion. Qu'il parte, qu'il parte, et Dieu de Dieu, que je dorme!

--L'auto est en bas, mon cher. Je vous accorde un total de dix minutes. Allez, allez, chauffez.

Est-ce que je deviens idiot? C'est pourtant r?el qu'un monsieur entre chez moi temp?tueusement ? une heure impardonnable et m'intime l'ordre de m'?quiper pour le suivre. Et je ne trouve rien ? dire.

--Vous ne vous pressez pas? vous ?tes malade? Cela vous passera en route pendant que je vous conterai le d?tail de l'affaire. Ce sera la plus belle aventure de votre vie.

Il me regarde en face, de tr?s pr?s. J'ai l'impression que ses yeux entrent dans les miens, lentement, fortement, m?thodiquement, comme deux lames froides. Il a des yeux gris, tr?s gris et tr?s p?les, dans un visage ?pais d'honn?te bourgeois. Il est glabre, et banal avec exc?s.

Ce gros g?ant a une inexpression qui donne le frisson. Qui est-ce? Je ne l'ai jamais vu; car je me souviendrais de ces yeux intimidants, si je les avais vus.

--Pourquoi restez-vous ? me regarder?

Il sourit. Il est beaucoup plus effrayant quand il sourit. On est forc? de voir ses yeux quand il sourit, et ses yeux sont des ab?mes.

Je murmure:

--Qui ?tes-vous?

Il pouffe comme un honn?te comp?re qui se r?jouirait d'une histoire grasse apr?s le d?ner.

--Sang de moi, s'exclame-t-il, je sentais bien que vous dormiez les yeux ouverts. Hop, mettez-vous sous la douche. Nous perdrons trois minutes encore, mais votre lucidit? m'est trop pr?cieuse.

Il ouvre la porte du cabinet de toilette.

--Monsieur est servi!

Et il tourne des robinets avec autant de d?cision que s'il avait toujours eu l'hospitalit? de mon petit appartement.

Il rit avec pl?nitude.

--Comme il faut que tout cela importe, affirme cet h?te d?lib?r?, pour que Cobral vous serve de valet de chambre!

Cobral? Qui, Cobral? Une minute, et je trouverai. Eh oui, je connais ce nom de Cobral, mais voil? une chose inou?e qu'un valet de chambre m'ose parler avec cette rude autorit?. Qui prouve qu'il soit valet de chambre? C'est lui qui le dit. Non, il ne le dit pas, j'ai mal entendu, et je sais exactement que le Cobral en question--mais o? l'ai-je connu?--n'?tait pas valet de chambre.

Au moins, c'est un audacieux, car me voil? sous la douche, comme un saint Jean na?f sous le bapt?me, sans que j'aie fait ? ces excentricit?s la plus mince tentative de r?volte. L'eau froide m'?claire un peu l'esprit. Cobral parle toujours. Plut?t, il agit, et ne parle que de loin en loin pour rendre son commandement plus efficace. Il est irr?sistible.

Voil? qu'il m'aide ? ma toilette et qu'apr?s la pluie de l'appareil, il me bouchonne aussi dextrement qu'un masseur professionnel. Il frotte seulement un peu dru et le sang me perle ?? et l?.

Je risque, ? travers le hal?tement agr?able du patient, une enqu?te modeste.

--Qu'est-ce que vous voulez?

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