Read Ebook: Deux contes: Le massacre des Innocents; Onirologie. by Maeterlinck Maurice
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Ebook has 134 lines and 12447 words, and 3 pages
Alors celui qui tenait par la jambe l'enfant de l'aubergiste du Chou-Vert, lui trancha la t?te d'un coup d'?p?e.
Ils la virent tomber devant eux, suivie du reste du corps qui saignait sur l'herbe. La m?re ramassa celui-ci et l'emporta en oubliant la t?te. Elle trotta vers sa maison mais se heurta contre un arbre et tomba ? plat ventre dans la neige o? elle demeura ?vanouie, cependant que le p?re se d?battait entre deux soldats.
De jeunes paysans lanc?rent quelques pierres; mais les cavaliers abaiss?rent leurs lances, les femmes s'enfuirent et le cur? se mit ? hurler avec ses paroissiens, au milieu des moutons, des oies et des chiens.
N?anmoins, comme les soldats s'?loignaient, ils se turent pour voir ce qu'ils allaient faire.
La bande entra dans la boutique des soeurs du sacristain; puis elle sortit tranquillement, sans faire de mal aux cinq femmes qui priaient ? genoux sur le seuil.
Ensuite ils avis?rent l'auberge du bossu de Saint-Nicolas. L? aussi on leur ouvrit ? l'instant pour les apaiser; mais ils reparurent au milieu d'un grand tumulte, avec trois enfants sur les bras, entour?s du bossu, de sa femme et de ses filles, qui les suppliaient ? mains jointes.
Arriv?s devant le vieillard, ils d?pos?rent les enfants au pied d'un orme, o? ils rest?rent assis sur la neige en leurs habits de f?te. Mais l'un d'eux, qui avait une robe jaune, se leva et courut en chancelant vers les moutons. Un soldat le poursuivit, l'?p?e nue; et l'enfant mourut la face dans l'herbe, pendant que l'on tuait les autres autour de l'arbre.
Tous les paysans et les filles de l'aubergiste prirent la fuite en poussant de grands cris et rentr?rent dans les fermes. Rest? seul, le cur? suppliait les Espagnols avec des hurlements, se tra?nant ? genoux d'un cheval ? l'autre, les bras en croix, tandis que le p?re et la m?re, assis sur la neige, pleuraient pitoyablement leurs enfants morts, ?tendus en travers de leurs jambes.
En parcourant la rue, les lansquenets remarqu?rent la grande maison bleue d'un fermier. Ils voulurent enfoncer la porte, mais elle ?tait de ch?ne et couverte de clous. Ils prirent alors des tonneaux gel?s dans une mare devant le seuil et s'en servirent pour monter ? l'?tage o? ils p?n?tr?rent par la fen?tre.
Il y avait eu une f?te en cette ferme; et des parents ?taient venus manger des gaufres, du flan et du jambon. Au bruit des vitres bris?es, ils s'?taient r?fugi?s derri?re la table couverte de cruchons et de vaisselle. Les soldats entr?rent dans la cuisine; et apr?s une bataille o? plusieurs furent bless?s, s'empar?rent des petits gar?ons, des petites filles et du valet qui avait coup? le pouce d'un lansquenet, et sortirent en fermant la porte pour emp?cher les habitants de les accompagner.
Quand ils furent devant le vieillard, ils jet?rent les enfants sur le gazon et les tu?rent paisiblement avec leurs lances et leurs ?p?es, pendant que sur toute la fa?ade de la maison bleue, les femmes et les hommes pench?s aux fen?tres de l'?tage et du grenier, blasph?maient et s'agitaient ?perdument ? la vue des rodes blanches, roses ou rouges de leurs petits, immobiles sur l'herbe entre les arbres. Puis les soldats pendirent le valet de ferme ? l'enseigne de la Demi-Lune, de l'autre c?t? de la rue; et il y eut un long silence dans le village.
Le massacre ? pr?sent s'?tendait. Les m?res s'?chappaient des masures, et ? travers les jardins et les potagers, essayaient de fuir dans la campagne; mais les cavaliers les poursuivaient et les refoulaient dans la rue. Des paysans, le bonnet dans leurs mains jointes, suivaient ? genoux ceux qui entra?naient leurs enfants, parmi les chiens qui aboyaient joyeusement dans le d?sordre. Le cur?, les bras au ciel, courait le long des maisons, priant d?sesp?r?ment comme un martyr; et les soldats, tremblant de froid, soufflaient dans leurs doigts en circulant sur la route, ou, les mains dans leurs poches de leur haut-de-chausse, et l'?p?e sous le bras, attendaient devant les fen?tres des maisons qu'on escaladait.
Voyant la douleur craintive des paysans, ils entraient maintenant par petites bandes dans les fermes; et tout le long de la rue c'?taient les m?mes sc?nes.
Une mara?ch?re qui habitait la vieille chaumi?re de briques roses, ? c?t? de l'?glise poursuivait, arm?e d'une chaise, deux hommes qui emportaient ses enfants dans une brouette. Elle devint malade en les voyant mourir; et on l'assit sur sa chaise, contre un arbre de la route.
D'autres soldats grimp?rent dans les tilleuls, devant une ferme peinte en lilas, et enlev?rent des tuiles afin de s'introduire dans la maison. Quand ils reparurent sur le toit, le p?re et la m?re, les bras tendus, s'?lev?rent aussi dans l'ouverture, et ils les renfonc?rent ? plusieurs reprises en leur ass?nant des coups d'?p?e sur la t?te, avant de redescendre dans la rue.
Une famille, enferm?e dans la cave d'une ?norme chaumi?re, pleurait par le soupirail o? le p?re brandissait furieusement une fourche. Un vieillard chauve sanglotait tout seul sur un tas de fumier, une femme en robe orange s'?tait ?vanouie sur la place et son mari la soutenait sous les aisselles, en g?missant ? l'ombre d'un poirier: une autre embrassait sa petite fille qui n'avait plus de mains, et lui soulevait alternativement les bras pour voir si elle ne voulait pas revivre. Une autre s'?chappa dans la campagne et les soldats la poursuivaient entre les meules, ? l'horizon des champs de neige.
Sous l'estaminet des Quatre-fils-Aymon, se voyait le tumulte d'un si?ge. Les habitants s'?taient barricad?s, et les soldats tournaient autour de la demeure sans y pouvoir p?n?trer. Ils essayaient de grimper jusqu'? l'enseigne, en s'aidant des espaliers de la fa?ade, lorsqu'ils d?couvrirent une ?chelle derri?re la porte du jardin. Ils l'appliqu?rent au mur et mont?rent ? la file. Mais l'aubergiste et toute sa famille leur lanc?rent alors par les fen?tres, des chaises, des assiettes, et des escabeaux. L'?chelle se rompit et les soldats tomb?rent.
Au fond d'une cabane, une autre bande trouva une paysanne qui lavait ses enfants, devant le feu, dans un cuvier. ?tant vieille et presque sourde elle ne les entendit pas entrer. Deux hommes prirent le cuvier, l'emport?rent; et la femme ahurie les suivit avec les v?tements des petits qu'elle voulait rhabiller, mais quand elle vit, tout d'un coup, du haut du seuil, les taches de sang sur la neige, les berceaux renvers?s, les femmes agenouill?es et celles qui agitaient les bras autour des morts, elle se mit ? crier formidablement en frappant les soldats qui d?pos?rent le cuvier pour se d?fendre. Ce cur? accourut ?galement et les mains jointes sur sa chasuble, implora les Espagnols devant les enfants nus qui se lamentaient dans l'eau. Des soldats arriv?rent qui l'?cart?rent et li?rent la folle ? un arbre.
Le boucher avait cach? sa petite fille, et appuy? contre le mur de sa maison affectait de regarder avec indiff?rence. Un lansquenet et un de ceux qui avaient une armure, entr?rent chez lui et d?couvrirent l'enfant dans un chaudron de cuivre. Alors le boucher, d?sesp?r?, saisit un coutelas et les poursuivit dans la rue; mais une troupe qui passait le d?sarma et le pendit par les pieds aux crocs du mur, entre les b?tes ?corch?es, o? il remua les bras et la t?te en blasph?mant jusqu'? la tomb?e de la nuit.
Du c?t? du cimeti?re, il y avait un grand rassemblement devant une longue grange peinte en vert. L'homme pleurait ? chaudes larmes sur le seuil. Comme il ?tait fort gros et de joviale figure, les soldats assis au soleil, contre le mur, l'?coutaient avec attendrissement en contemplant le chien. Mais celui qui emmenait l'enfant faisait des gestes pour dire: <
Un paysan pourchass? sauta dans une barque amarr?e au pont de pierre et s'?loigna sur l'?tang avec sa femme et ses enfants. N'osant se risquer sur la glace, les soldats marchaient pleins de col?re dans les roseaux. Ils grimp?rent dans les saules de la rive pour t?cher d'atteindre les fugitifs ? coups de lance, et n'y parvenant pas, ils menac?rent longtemps toute la famille ?pouvant?e dans sa barque.
Ce verger cependant ?tait toujours plein de monde; car c'est l? que l'on tuait la plupart des enfants aux pieds de l'homme ? barbe blanche qui pr?sidait au massacre. Les petits gar?ons et les petites filles qui marchaient d?j? seuls s'y r?unissaient aussi et regardaient curieusement mourir les autres en mangeant les tartines de leur go?ter, ou se groupaient autour du fou de la paroisse qui jouait de la fl?te sur l'herbe.
Alors il y eut tout ? coup un long mouvement dans Bethl?em.
Ces paysans couraient vers le ch?teau qui se trouvait sur une butte de terre jaune, au bout de la rue. Ils avaient aper?u le seigneur pench? sur les cr?neaux de la tour, d'o? il contemplait le massacre. Et les hommes, les femmes, les vieillards, les mains tendues, le suppliaient comme un roi dans le ciel. Mais, lui, levait les bras et haussait les ?paules pour exprimer son impuissance; et comme ils l'imploraient de plus en plus terriblement, la t?te nue, agenouill?s dans la neige, en poussant de grandes clameurs, il rentra dans sa tour et les paysans n'eurent plus d'espoir.
Lorsque tous les enfants furent extermin?s, les soldats fatigu?s essuy?rent leurs ?p?es et soup?rent sous les poiriers. Ensuite les lansquenets mont?rent en croupe et ils quitt?rent tous ensemble Bethl?em, par le pont de pierre, comme ils ?taient venus.
Enfin le soleil se coucha derri?re la for?t. Las de courir et de supplier, le cur? s'?tait assis sur la neige, devant l'?glise, et sa servante se tenait pr?s de lui. Ils voyaient la rue et le verger plein de paysans qui circulaient sur la place et le long des maisons. Des familles, l'enfant mort sur les genoux ou dans les bras, racontaient leur malheur avec ?tonnement. D'autres le pleuraient encore o? il ?tait tomb?, pr?s d'un tonneau, sous une brouette, au bord d'une mare, ou l'emportaient silencieusement. Plusieurs lavaient d?j? les bancs, les chaises, les tables, les chemises tach?es de sang et relevaient les berceaux jet?s dans la rue. Mais presque toutes les m?res se lamentaient sous les arbres, devant les petits corps ?tendus sur le gazon, et qu'elles reconnaissaient ? leurs robes de laine. Ceux qui n'avaient pas d'enfants se promenaient sur la place et s'arr?taient autour des groupes d?sol?s. Les hommes qui ne pleuraient plus, poursuivaient avec les chiens leurs b?tes ?chapp?es ou r?paraient leurs fen?tres bris?es et leurs toits entr'ouverts, tandis que le village s'apaisait aux clart?s de la lune qui montait dans le ciel.
ONIROLOGIE
Of this at least I feeld assured that there is not such thing as <
Thomas de Quincey.
ONIROLOGIE
Je descends d'une vieille famille hollandaise. Mon p?re ?tait ce qu'on appelle en n?erlandais <
Ma m?re,--une faible et p?le Anglaise que l'amour avait exil?e en Hollande,--, ma m?re ?tait rest?e ? Utrecht, o? nous habitions une ?troite demeure sur le <
Ensuite, et bien longtemps apr?s, au r?veil de cette immobile nuit de l'enfance, je m'entrevois en une vieille maison de la vieille et am?ricaine Salem, et en face d'un oncle puritain, extraordinairement gros, p?le et taciturne. Enfin, cet oncle lui-m?me, <
Entre tous ces enfants aux v?tements si lugubres qui habitaient avec moi ce terne orphelinat am?ricain; entre tous ces enfants presque muets, une pauvre ?me afflig?e et affaiblie avait seule atti?di mon abandon. J'ai son cher nom sur mes l?vres, et son image en l'?me de mon ?me; mais on comprendra peut-?tre, et tout ? l'heure, pour quelles tristes raisons il m'est impossible de le r?v?ler ici. Je ne dirai m?me pas ce nom ? ceux qui voudraient se donner la peine de faire une enqu?te sur l'authenticit? de cette histoire, et ? moins que mon malheureux ami ne parle lui-m?me, nul ne le saura jamais.
A cette ?poque, j'avais un peu plus de dix-huit ans, et mon unique ami--je l'appellerai Walter ici, ce nom d'ailleurs se rapproche un peu de son nom v?ritable,--mon unique et m?lancolique ami avait environ le m?me ?ge. J'?tais alors un pauvre ?tre maladif et extraordinairement ?maci? sous l'ennui sans interstices de cette vie claustrale, et je souffrais de troubles nerveux, qui faisaient de mes nuits une trame de douleurs. Malgr? mes plaintes, l'aust?re et malveillant m?decin de la maison me laissait sans rem?des; mais ? la longue, mes ma?tres s'inqui?t?rent un peu, et s'ing?ni?rent ? imaginer quelque distraction ? mon mal. Le pauvre Walter vint alors ? mon aide. Walter avait une tante, Mrs W.-K., qui occupait un ?clatant cottage aux environs de Boston, et non loin de la mer; et il obtint un soir l'autorisation de m'emmener chez elle. Il y avait plus de quinze ans que je n'avais franchi le seuil de la grande porte dont les battants s'ouvraient sur la vall?e, et je n'oublierai plus cette soir?e. A notre arriv?e, Mrs W.-K. me re?ut sans arri?re-pens?e apparente; nous ignorons d'ailleurs, en ce moment, les anormales occupations et les desseins ?tranges de cette femme, et il vaut mieux que ceux qui ?coutent ceci les ignorent ?galement.
Il y avait d?j? bien des jours que je m'attardais en cette hospitalit? maternelle dont je ne savais pas <
Un soir, apr?s l'heure du th?, j'?tais en cet ?tat de b?atitude invisible et subtile que s'imagineront seuls les mangeurs d'opium. Mrs W.-K. vers laquelle je me retournais parfois, comme on se retourne vers un pas dans une rue d?serte, Mrs W.-K., accoud?e sous les tilleuls de la terrasse, regardait s'allumer les ?toiles sur la ville am?ricaine. Walter ?tait absent, et j'?tais all? avec Annie, l'unique enfant de la tante de Walter, au fond du jardin, o? il y avait un bois ancien, profond et obscur; un bois o? l'on pouvait s'attendre ? mainte aventure et si vieux, que nous avions l'habitude d'y parler ? voix basse. Apr?s avoir suivi de lointaines musiques ?parses en ce bois comme des fils de soie multicolore, nous nous ass?mes l?; et ? pr?sent, lequel des incidents de ce soir influa sur ma nuit? Fut-ce ce bassin de marbre avec sa fontaine aux reflets de tilleuls? ou les arbres, extraordinaires ? travers ma m?moire, et auxquels Annie appliquait un mot: <
J'ai not? exactement ceci, parce qu'en <
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