bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Œuvres complètes de Guy de Maupassant - volume 16 by Maupassant Guy De

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 1295 lines and 47291 words, and 26 pages

--Oui, un enfant mort trouv? dans le bois par M?d?ric.

--C'est bien. Allons.>>

Ils se mirent ? marcher c?te ? c?te, et suivis des deux hommes. Leurs pas, sur la mousse, ne faisaient aucun bruit; leurs yeux cherchaient, l?-bas, devant eux.

Le docteur Labarbe tendit le bras tout ? coup: <>

Tr?s loin, sous les arbres, on apercevait quelque chose de clair. S'ils n'avaient point su ce que c'?tait, ils ne l'auraient pas devin?. Cela semblait luisant et si blanc qu'on l'e?t pris pour un linge tomb?; car un rayon de soleil gliss? entre les branches illuminait la chair p?le d'une grande raie oblique ? travers le ventre. En approchant, ils distinguaient peu ? peu la forme, la t?te voil?e, tourn?e vers l'eau et les deux bras ?cart?s comme par un crucifiement.

--J'ai rudement chaud, dit le maire.

Et, se baissant vers la Brindille, il y trempa de nouveau son mouchoir qu'il repla?a encore sur son front.

Le m?decin h?tait le pas, int?ress? par la d?couverte. D?s qu'il fut aupr?s du cadavre, il se pencha pour l'examiner, sans y toucher. Il avait mis un pince-nez comme lorsqu'on regarde un objet curieux, et tournait autour tout doucement.

Il dit sans se redresser: <>

Les deux seins, assez forts d?j?, s'affaissaient sur la poitrine, amollis par la mort.

Le m?decin ?ta l?g?rement le mouchoir qui couvrait la face. Elle apparut noire, affreuse, la langue sortie, les yeux saillants. Il reprit: <>

Il palpait le cou: <>

Il repla?a d?licatement le mouchoir: <>

Renardet, debout, les mains derri?re le dos, regardait d'un oeil fixe le petit corps ?tal? sur l'herbe. Il murmura: <>

Le m?decin t?tait les mains, les bras, les jambes. Il dit: <>

Le maire ordonna: <>

Les deux hommes s'?loign?rent vivement et Renardet dit au docteur: <

Le m?decin murmura: <>

Tous deux ?taient bonapartistes.

Le maire reprit: <>

Le m?decin ajouta avec une apparence de sourire: <>

Et du bout de sa canne, il touchait l'un apr?s l'autre les doigts roidis de la morte, appuyant dessus comme sur les touches d'un piano.

--Oui. La m?re est venue me chercher hier, vers neuf heures du soir, l'enfant n'?tant pas rentr?e ? sept heures pour souper. Nous l'avons appel?e jusqu'? minuit sur les routes; mais nous n'avons point pens? ? la futaie. Il fallait le jour, du reste, pour op?rer des recherches vraiment utiles.

--Voulez-vous un cigare? dit le m?decin.

--Merci, je n'ai pas envie de fumer. ?a me fait quelque chose de voir ?a.

Ils restaient debout tous les deux en face de ce fr?le corps d'adolescente, si p?le, sur la mousse sombre. Une grosse mouche ? ventre bleu, qui se promenait le long d'une cuisse, s'arr?ta sur les taches de sang, repartit, remontant toujours, parcourant le flanc de sa marche vive et saccad?e, grimpa sur un sein, puis redescendit pour explorer l'autre, cherchant quelque chose ? boire sur cette morte. Les deux hommes regardaient ce point noir errant.

Le m?decin dit: <>

Le maire semblait ne point l'entendre, perdu dans ses r?flexions.

Mais, tout d'un coup, il se retourna, car un bruit l'avait surpris; une femme en bonnet et en tablier bleu accourait sous les arbres. C'?tait la m?re, la Roque. D?s qu'elle aper?ut Renardet, elle se mit ? hurler: <> tellement affol?e qu'elle ne regardait point par terre. Elle la vit tout ? coup, s'arr?ta net, joignit les mains et leva ses deux bras en poussant une clameur aigu? et d?chirante, une clameur de b?te mutil?e.

Puis elle s'?lan?a vers le corps, tomba ? genoux, et enleva, comme si elle l'e?t arrach?, le mouchoir qui couvrait la face. Quand elle vit cette figure affreuse, noire et convuls?e, elle se redressa d'une secousse, puis s'abattit le visage contre terre, en jetant dans l'?paisseur de la mousse des cris affreux et continus.

Son grand corps maigre sur qui ses v?tements collaient, secou? de convulsions, palpitait. On voyait ses chevilles osseuses et ses mollets secs envelopp?s de gros bas bleus frissonner horriblement; et elle creusait le sol de ses doigts crochus comme pour y faire un trou et s'y cacher.

Le m?decin, ?mu, murmura: <> Renardet eut dans le ventre un bruit singulier; puis il poussa une sorte d'?ternuement bruyant qui lui sortit en m?me temps par le nez et par la bouche; et, tirant son mouchoir de sa poche, il se mit ? pleurer dedans, toussant, sanglotant et se mouchant avec bruit. Il balbutiait: <>

Mais Principe reparut, l'air d?sol? et les mains vides. Il murmura: <>

L'autre, effar?, r?pondit d'une voix grasse, noy?e dans les larmes: <

--Les hardes de la petite.

--Eh bien... eh bien... cherche encore... et... et... trouve-les... ou... tu auras affaire ? moi.

L'homme, sachant qu'on ne r?sistait pas au maire, repartit d'un pas d?courag? en jetant sur le cadavre un coup d'oeil oblique et craintif.

Des voix lointaines s'?levaient sous les arbres, une rumeur confuse, le bruit d'une foule qui approchait; car M?d?ric, dans sa tourn?e, avait sem? la nouvelle de porte en porte. Les gens du pays, stup?faits d'abord, avaient caus? de ?a dans la rue, d'un seuil ? l'autre; puis ils s'?taient r?unis; ils avaient jas?, discut?, comment? l'?v?nement pendant quelques minutes; et maintenant ils s'en venaient pour voir.

Ils arrivaient par groupes, un peu h?sitants et inquiets, par crainte de la premi?re ?motion. Quand ils aper?urent le corps, ils s'arr?t?rent, n'osant plus avancer et parlant bas. Puis ils s'enhardirent, firent quelques pas, s'arr?t?rent encore, avanc?rent de nouveau, et ils form?rent bient?t autour de la morte, de sa m?re, du m?decin et de Renardet, un cercle ?pais, agit? et bruyant qui se resserrait sous les pouss?es subites des derniers venus. Bient?t ils touch?rent le cadavre. Quelques-uns m?me se baiss?rent pour le palper. Le m?decin les ?carta. Mais le maire, sortant brusquement de sa torpeur, devint furieux, et saisissant la canne du docteur Labarbe, il se jeta sur ses administr?s en balbutiant: <> En une seconde le cordon de curieux s'?largit de deux cents m?tres.

La Roque s'?tait relev?e, retourn?e, assise, et elle pleurait maintenant dans ses mains jointes sur sa face.

Dans la foule, on discutait la chose; et des yeux avides de gar?ons fouillaient ce jeune corps d?couvert. Renardet s'en aper?ut, et, enlevant brusquement sa veste de toile, il la jeta sur la fillette qui disparut tout enti?re sous le vaste v?tement.

Les curieux se rapprochaient doucement; la futaie s'emplissait de monde; une rumeur continue de voix montait sous le feuillage touffu des grands arbres.

Le maire, en manches de chemise, restait debout, sa canne ? la main, dans une attitude de combat. Il semblait exasp?r? par cette curiosit? du peuple et r?p?tait: <>

Les paysans avaient grand'peur de lui; ils se tinrent au large. Le docteur Labarbe, qui fumait, s'assit ? c?t? de la Roque, et il lui parla, cherchant ? la distraire. La vieille femme aussit?t ?ta ses mains de son visage et elle r?pondit avec un flux de mots larmoyants, vidant sa douleur dans l'abondance de sa parole. Elle raconta toute sa vie, son mariage, la mort de son homme, piqueur de boeufs, tu? d'un coup de corne, l'enfance de sa fille, son existence mis?rable de veuve sans ressources avec la petite. Elle n'avait que ?a, sa petite Louise; et on l'avait tu?e; on l'avait tu?e dans ce bois. Tout d'un coup, elle voulut la revoir, et, se tra?nant sur les genoux jusqu'au cadavre, elle souleva par un coin le v?tement qui le couvrait; puis elle le laissa retomber et se remit ? hurler. La foule se taisait, regardant avidement tous les gestes de la m?re.

Mais, soudain, un grand remous eut lieu; on cria: <>

Deux gendarmes apparaissaient au loin, arrivant au grand trot, escortant leur capitaine et un petit monsieur ? favoris roux, qui dansait comme un singe sur une haute jument blanche.

Le garde champ?tre avait justement trouv? M. Putoin, le juge d'instruction, au moment o? il enfourchait son cheval pour faire sa promenade de tous les jours, car il posait pour le beau cavalier, ? la grande joie des officiers.

Il mit pied ? terre avec le capitaine, et serra les mains du maire et du docteur, en jetant un regard de fouine sur la veste de toile que gonflait le corps couch? dessous.

Quand il fut bien au courant des faits, il fit d'abord ?carter le public que les gendarmes chass?rent de la futaie, mais qui reparut bient?t dans la prairie, et forma haie, une grande haie de t?tes excit?es et remuantes tout le long de la Brindille, de l'autre c?t? du ruisseau.

Le m?decin, ? son tour, donna des explications que Renardet ?crivait au crayon sur son agenda. Toutes les constatations furent faites, enregistr?es et comment?es sans amener aucune d?couverte. Maxime aussi ?tait revenu sans avoir trouv? trace des v?tements.

Cette disparition surprenait tout le monde, personne ne pouvant l'expliquer que par un vol; et, comme ces guenilles ne valaient pas vingt sous, ce vol m?me ?tait inadmissible.

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

 

Back to top