Read Ebook: La Comédie humaine - Volume 12. Scènes de la vie parisienne et scènes de la vie politique by Balzac Honor De
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Ebook has 4288 lines and 291564 words, and 86 pages
Au lecteur.
Cette version num?ris?e reproduit, dans son int?gralit?, la version originale. Seules les corrections indiqu?es ? la fin du texte ont ?t? effectu?es.
OEUVRES COMPL?TES DE H. DE BALZAC
LA COM?DIE HUMAINE
DOUZI?ME VOLUME
PREMI?RE PARTIE ?TUDES DE MOEURS
TROISI?ME ET QUATRI?ME LIVRES
PARIS--IMPRIMERIE DE PILLET FILS AIN? RUE DES GRANDS-AUGUSTINS, 5.
SC?NES DE LA VIE PARISIENNE
SC?NES DE LA VIE POLITIQUE
SPLENDEURS ET MIS?RES DES COURTISANES .
LES COM?DIENS SANS LE SAVOIR.--UN ?PISODE SOUS LA TERREUR.
UNE T?N?BREUSE AFFAIRE.
Z. MARCAS.--ENVERS DE L'HISTOIRE CONTEMPORAINE.
LE D?PUT? D'ARCIS.
PARIS Ve ALEXANDRE HOUSSIAUX, ?DITEUR RUE DU JARDINET SAINT-ANDR? DES ARTS, 3.
TROISI?ME LIVRE,
SC?NES DE LA VIE PARISIENNE.
SPLENDEURS ET MIS?RES DES COURTISANES.
TROISI?ME PARTIE.
O? M?NENT LES MAUVAIS CHEMINS.
Il est peu de fl?neurs qui n'aient rencontr? cette ge?le roulante; mais, quoique la plupart des livres soient ?crits uniquement pour les Parisiens, les ?trangers seront sans doute satisfaits de trouver ici la description de ce formidable appareil de notre justice criminelle. Qui sait? les polices russe, allemande ou autrichienne, les magistratures des pays priv?s de paniers ? salade en profiteront peut-?tre; et, dans plusieurs contr?es ?trang?res, l'imitation de ce mode de transport sera certainement un bienfait pour les prisonniers.
Cette ignoble voiture ? caisse jaune, mont?e sur deux roues et doubl?e en t?le, est divis?e en deux compartiments. Par-devant, il se trouve une banquette garnie de cuir sur laquelle se rel?ve un tablier. C'est la partie libre du panier ? salade, elle est destin?e ? un huissier et ? un gendarme. Une forte grille de fer treilliss? s?pare, dans toute la hauteur et la largeur de la voiture, cette esp?ce de cabriolet du second compartiment o? sont deux bancs de bois plac?s, comme dans les omnibus, de chaque c?t? de la caisse et sur lesquels s'asseyent les prisonniers; ils y sont introduits au moyen d'un marchepied et par une porti?re sans jour qui s'ouvre au fond de la voiture. Ce surnom de panier ? salade vient de ce que, primitivement, la voiture ?tant ? claire-voie de tous c?t?s, les prisonniers devaient y ?tre secou?s absolument comme des salades. Pour plus de s?curit?, dans la pr?vision d'un accident, cette voiture est suivie d'un gendarme ? cheval, surtout quand elle emm?ne des condamn?s ? mort pour subir leur supplice. Ainsi l'?vasion est impossible. La voiture, doubl?e de t?le, ne se laisse mordre par aucun outil. Les prisonniers, scrupuleusement fouill?s au moment de leur arrestation ou de leur ?crou, peuvent tout au plus poss?der des ressorts de montre propres ? scier des barreaux, mais impuissants sur des surfaces planes. Aussi le panier ? salade, perfectionn? par le g?nie de la police de Paris, a-t-il fini par servir de mod?le pour la voiture cellulaire qui sert maintenant ? transporter les for?ats au bagne et par laquelle on a remplac? l'effroyable charrette, la honte des civilisations pr?c?dentes, quoique Manon Lescaut l'ait illustr?e.
En ce moment, les deux paniers ? salade sortis de si grand matin servaient exceptionnellement ? transf?rer deux pr?venus de la Maison d'Arr?t de la Force ? la Conciergerie, et chacun de ces pr?venus occupait ? lui seul un panier ? salade.
Les neuf dixi?mes des lecteurs et les neuf dixi?mes du dernier dixi?me ignorent certainement les diff?rences consid?rables qui s?parent ces mots: Inculp?, Pr?venu, Accus?, D?tenu, Maison d'Arr?t, Maison de Justice ou Maison de D?tention; aussi tous seront-ils vraisemblablement ?tonn?s d'apprendre ici qu'il s'agit de tout notre Droit Criminel, dont l'explication succincte et claire leur sera donn?e tout ? l'heure autant pour leur instruction que pour la clart? du d?no?ment de cette histoire. D'ailleurs, quand on saura que le premier panier ? salade contenait Jacques Collin et le second Lucien qui venait en quelques heures de passer du fa?te des grandeurs sociales au fond d'un cachot, la curiosit? sera suffisamment excit?e d?j?. L'attitude des deux complices ?tait caract?ristique. Lucien de Rubempr? se cachait pour ?viter les regards que les passants jetaient sur le grillage de la sinistre et fatale voiture dans le trajet qu'elle faisait par la rue Saint-Antoine pour gagner les quais par la rue du Martroi, et par l'arcade Saint-Jean sous laquelle on passait alors pour traverser la place de l'H?tel-de-Ville. Aujourd'hui cette arcade forme la porte d'entr?e de l'h?tel du pr?fet de la Seine dans le vaste palais municipal. L'audacieux for?at collait sa face sur la grille de sa voiture, entre l'huissier et le gendarme qui, s?rs de leur panier ? salade, causaient ensemble.
Les journ?es de juillet 1830 et leur formidable temp?te ont tellement couvert de leur bruit les ?v?nements ant?rieurs, l'int?r?t politique absorba tellement la France pendant les six derniers mois de cette ann?e, que personne aujourd'hui ne se souvient plus ou se souvient ? peine, quelque ?tranges qu'elles aient ?t?, de ces catastrophes priv?es, judiciaires, financi?res qui forment la consommation annuelle de la curiosit? parisienne et qui ne manqu?rent pas dans les six premiers mois de cette ann?e. Il est donc n?cessaire de faire observer combien Paris ?tait alors momentan?ment agit? par la nouvelle de l'arrestation d'un pr?tre espagnol trouv? chez une courtisane et par celle de l'?l?gant Lucien de Rubempr?, le futur de mademoiselle de Grandlieu, pris sur la grand'route d'Italie, au petit village de Grez, inculp?s tous les deux d'un assassinat dont le fruit allait ? sept millions; car le scandale de ce proc?s surmonta cependant quelques jours l'int?r?t prodigieux des derni?res ?lections faites sous Charles X!
D'abord ce proc?s criminel int?ressait en partie un des plus riches banquiers, le baron de Nucingen. Puis Lucien, ? la veille de devenir le secr?taire intime du premier ministre, appartenait ? la soci?t? parisienne la plus ?lev?e. Dans tous les salons de Paris, plus d'un jeune homme se souvint d'avoir envi? Lucien quand il avait ?t? distingu? par la belle duchesse de Maufrigneuse, et toutes les femmes savaient qu'il int?ressait alors madame de S?risy, femme d'un des premiers personnages de l'?tat. Enfin la beaut? de la victime jouissait d'une c?l?brit? singuli?re dans les diff?rents mondes qui composent Paris: dans le grand monde, dans le monde financier, dans le monde des courtisanes, dans le monde des jeunes gens, dans le monde litt?raire. Depuis deux jours, tout Paris parlait donc de ces deux arrestations. Le juge d'instruction ? qui l'affaire ?tait d?volue, monsieur Camusot, y vit un titre ? son avancement; et, pour proc?der avec toute la vivacit? possible, il avait ordonn? de transf?rer les deux inculp?s de la Force ? la Conciergerie d?s que Lucien de Rubempr? serait arriv? de Fontainebleau. L'abb? Carlos et Lucien n'ayant pass?, le premier que douze heures et le second qu'une demi-nuit ? la Force, il est inutile de d?peindre cette prison qu'on a depuis enti?rement modifi?e; et, quant aux particularit?s de l'?crou, ce serait une r?p?tition de ce qui devait se passer ? la Conciergerie.
Mais avant d'entrer dans le drame terrible d'une instruction criminelle, il est indispensable, comme il vient d'?tre dit, d'expliquer la marche normale d'un proc?s de ce genre; d'abord ses diverses phases seront mieux comprises et en France et ? l'?tranger; puis ceux qui l'ignorent appr?cieront l'?conomie du Droit criminel, tel que l'ont con?u les l?gislateurs sous Napol?on. C'est d'autant plus important que cette grande et belle oeuvre est, en ce moment, menac?e de destruction par le syst?me dit p?nitentiaire.
Dans la plupart des grands proc?s, comme dans celui-ci, les inculp?s deviennent aussit?t des pr?venus. La Justice lance imm?diatement le mandat de d?p?t ou d'arrestation. En effet, dans le plus grand nombre des cas, les inculp?s ou sont en fuite, ou doivent ?tre surpris instantan?ment. Aussi, comme on l'a vu, la Police, qui n'est l? que le moyen d'ex?cution, et la Justice ?taient-elles venues avec la rapidit? de la foudre au domicile d'Esther. Quand m?me il n'y aurait pas eu des motifs de vengeance souffl?s par Corentin ? l'oreille de la police judiciaire, il y avait d?nonciation d'un vol de sept cent cinquante mille francs par le baron de Nucingen.
N?anmoins, Jacques Collin ou Carlos Herrera connaissait de longue main les fa?ons de la police, de la ge?le et de la justice. Aussi, ce colosse de ruse et de corruption avait-il employ? les forces de son esprit et les ressources de sa mimique ? bien jouer la surprise, la niaiserie d'un innocent, tout en donnant aux magistrats la com?die de son agonie. Comme on l'a vu, Asie, cette savante Locuste, lui avait fait prendre un poison mitig? de mani?re ? produire le semblant d'une maladie mortelle. L'action de monsieur Camusot, celle du commissaire de police, l'interrogante activit? du Procureur du roi avaient donc ?t? annul?es par l'action, par l'activit? d'une apoplexie foudroyante.
--Il s'est empoisonn?, s'?tait ?cri? monsieur Camusot ?pouvant? par les souffrances du soi-disant pr?tre quand on l'avait descendu de la mansarde en proie ? d'horribles convulsions.
Quatre agents avaient eu beaucoup de peine ? convoyer l'abb? Carlos par les escaliers jusqu'? la chambre d'Esther o? tous les magistrats et les gendarmes ?taient r?unis.
--C'est ce qu'il avait de mieux ? faire s'il est coupable, avait r?pondu le Procureur du roi.
--Le croyez-vous donc malade?... avait demand? le commissaire de police.
La Police doute toujours de tout. Ces trois magistrats s'?taient alors parl?, comme on le suppose, ? l'oreille, mais Jacques Collin avait devin? sur leurs physionomies le sujet de leurs confidences, et il en avait profit? pour rendre impossible ou tout ? fait insignifiant l'interrogatoire sommaire qui se fait au moment d'une arrestation; il avait balbuti? des phrases o? l'espagnol et le fran?ais se combinaient de mani?re ? pr?senter des non-sens.
Bibi-Lupin, ancien for?at, compagnon de Jacques Collin au bagne, ?tait son ennemi personnel. Cette inimiti? prenait sa source dans des querelles o? Jacques Collin avait toujours eu le dessus, et dans la supr?matie exerc?e par Trompe-la-Mort sur ses compagnons. Enfin, Jacques Collin avait ?t? pendant dix ans la Providence des for?ats lib?r?s, leur chef, leur conseil ? Paris, leur d?positaire et par cons?quent l'antagoniste de Bibi-Lupin.
Donc, quoique mis au secret, il comptait sur le d?vouement intelligent et absolu d'Asie, son bras droit, et peut-?tre sur Paccard son bras gauche, qu'il se flattait de retrouver ? ses ordres une fois que le soigneux lieutenant aurait mis ? l'abri les sept cent cinquante mille francs vol?s. Telle ?tait la raison de l'attention surhumaine avec laquelle il embrassait tout sur sa route. Chose ?trange! cet espoir allait ?tre pleinement satisfait.
Les deux puissantes murailles de l'arcade Saint-Jean ?taient rev?tues ? six pieds de hauteur d'un manteau de boue permanent produit par les ?claboussures du ruisseau; car les passants n'avaient alors, pour se garantir du passage incessant des voitures et de ce qu'on appelait les coups de pied de charrette, que des bornes depuis longtemps ?ventr?es par les moyeux des roues. Plus d'une fois la charrette d'un carrier avait broy? l? des gens inattentifs. Tel fut Paris pendant longtemps et dans beaucoup de quartiers. Ce d?tail peut faire comprendre l'?troitesse de l'arcade Saint-Jean et combien il ?tait facile de l'encombrer. Qu'un fiacre v?nt ? y entrer par la place de Gr?ve, pendant qu'une marchande dite des quatre-saisons y poussait sa petite voiture ? bras pleine de pommes par la rue du Martroi, la troisi?me voiture qui survenait occasionnait alors un embarras. Les passants se sauvaient effray?s en cherchant une borne qui p?t les pr?server de l'atteinte des anciens moyeux, dont la longueur ?tait si d?mesur?e qu'il a fallu des lois pour les rogner. Quand le panier ? salade arriva, l'arcade ?tait barr?e par une de ces marchandes des quatre-saisons dont le type est d'autant plus curieux qu'il en existe encore des exemplaires dans Paris, malgr? le nombre croissant des boutiques de fruiti?res. C'?tait si bien la marchande des rues, qu'un sergent de ville, si l'institution en avait ?t? cr??e alors, l'e?t laiss?e circuler sans lui faire exhiber son permis, malgr? sa physionomie sinistre qui suait le crime. La t?te, couverte d'un m?chant mouchoir de coton ? carreaux en loques, ?tait h?riss?e de m?ches rebelles qui montraient des cheveux semblables ? des poils de sanglier. Le cou rouge et rid? faisait horreur, et le fichu ne d?guisait pas enti?rement une peau tann?e par le soleil, par la poussi?re et par la boue. La robe ?tait comme une tapisserie. Les souliers grima?aient ? faire croire qu'ils se moquaient de la figure aussi trou?e que la robe. Et quelle pi?ce d'estomac!... un empl?tre e?t ?t? moins sale. A dix pas, cette guenille ambulante et f?tide devait affecter l'odorat des gens d?licats. Les mains avaient fait cent moissons! Ou cette femme revenait d'un sabbat allemand, ou elle sortait d'un d?p?t de mendicit?. Mais quels regards!... quelle audacieuse intelligence, quelle vie contenue quand les rayons magn?tiques de ses yeux et ceux de Jacques Collin se rejoignirent pour ?changer une id?e!
--Range-toi donc, vieil hospice ? vermine!... cria le postillon d'une voix rauque.
--Ne vas-tu pas m'?craser, hussard de la guillotine, r?pondit-elle, ta marchandise ne vaut pas la mienne.
Et en essayant de se serrer entre deux bornes pour livrer passage, la marchande embarrassa la voie pendant le temps n?cessaire ? l'accomplissement de son projet.
--O Asie! se dit Jacques Collin qui reconnut sur-le-champ sa complice, tout va bien.
Le postillon ?changeait toujours des am?nit?s avec Asie, et les voitures s'accumulaient dans la rue du Martroi.
Au milieu de la joie infinie que lui causait son triomphe sur la Justice, car il esp?rait pouvoir entretenir des communications au dehors, Jacques Collin fut atteint par une r?action qui e?t tu? tout autre que lui.
--Lucien arr?t?!... se dit-il. Et il faillit s'?vanouir. Cette nouvelle ?tait plus affreuse pour lui que le rejet de son pourvoi s'il e?t ?t? condamn? ? mort.
Maintenant que les deux paniers ? salade roulent sur les quais, l'int?r?t de cette histoire exige quelques mots sur la Conciergerie pendant le temps qu'ils mettront ? y venir. La Conciergerie, nom historique, mot terrible, chose plus terrible encore, est m?l?e aux r?volutions de la France, et ? celles de Paris surtout. Elle a vu la plupart des grands criminels. Si de tous les monuments de Paris c'est le plus int?ressant, c'en est aussi le moins connu... des gens qui appartiennent aux classes sup?rieures de la soci?t?; mais, malgr? l'immense int?r?t de cette digression historique, elle sera tout aussi rapide que la course des paniers ? salade.
Depuis 1825, sous le minist?re de monsieur de Peyronnet, un grand changement eut lieu dans le Palais. Le vieux guichet de la Conciergerie, o? se passaient les c?r?monies de l'?crou et de la toilette, fut ferm? et transport? o? il se trouve aujourd'hui, contre la tour de l'Horloge et la tour Montgommery, dans une cour int?rieure indiqu?e par une arcade. A gauche se trouve la Sourici?re, ? droite le guichet. Les paniers ? salade entrent dans cette cour assez irr?guli?re, et peuvent y rester, y tourner avec facilit?, s'y trouver, en cas d'?meute, prot?g?s contre une tentative par la forte grille de l'arcade; tandis qu'autrefois ils n'avaient pas la moindre facilit? pour manoeuvrer dans l'?troit espace qui s?pare le grand escalier ext?rieur de l'aile droite du Palais. Aujourd'hui la Conciergerie, ? peine suffisante pour les accus?s , ne re?oit plus ni pr?venus ni d?tenus, except? dans de rares occasions, comme celle qui y faisait amener Jacques Collin et Lucien. Tous ceux qui y sont prisonniers doivent compara?tre en cour d'assises. Par exception, la magistrature y souffre les coupables de la haute soci?t? qui, d?j? suffisamment d?shonor?s par un arr?t de cour d'assises, seraient punis au del? des bornes, s'ils subissaient leur peine ? Melun ou ? Poissy. Ouvrard pr?f?ra le s?jour de la Conciergerie ? celui de Sainte-P?lagie. En ce moment, le notaire Lehon, le prince de Bergues y font leur temps de d?tention par une tol?rance arbitraire, mais pleine d'humanit?.
G?n?ralement les pr?venus, soit pour aller, en argot de palais, ? l'instruction, soit pour compara?tre en police correctionnelle, sont vers?s par les paniers ? salade directement ? la Sourici?re. La Sourici?re, qui fait face au guichet, se compose d'une certaine quantit? de cellules pratiqu?es dans les cuisines de saint Louis, et o? les pr?venus extraits de leurs prisons attendent l'heure de la s?ance du tribunal ou l'arriv?e de leur juge d'instruction. La Sourici?re est born?e au nord par le quai, ? l'est par le corps-de-garde de la garde municipale, ? l'ouest par la cour de la Conciergerie, et au midi par une immense salle vo?t?e , encore sans destination. Au-dessus de la Sourici?re s'?tend un corps-de-garde int?rieur, ayant vue par une crois?e sur la cour de la Conciergerie; il est occup? par la gendarmerie d?partementale et l'escalier y aboutit. Quand l'heure du jugement sonne, les huissiers viennent faire l'appel des pr?venus, les gendarmes descendent en nombre ?gal ? celui des pr?venus, chaque gendarme prend un pr?venu sous le bras; et, ainsi accoupl?s, ils gravissent l'escalier, traversent le corps-de-garde et arrivent par des couloirs dans une pi?ce contigu? ? la salle o? si?ge la fameuse Sixi?me Chambre du tribunal, ? laquelle est d?volue l'audience de la police correctionnelle. Ce chemin est celui que prennent aussi les accus?s pour aller de la Conciergerie ? l'audience, et pour en revenir.
Dans la salle des Pas-Perdus, entre la porte de la Premi?re Chambre du Tribunal de premi?re instance et le perron qui m?ne ? la Sixi?me, on remarque imm?diatement, en s'y promenant pour la premi?re fois, une entr?e sans porte, sans aucune d?coration d'architecture, un trou carr? vraiment ignoble. C'est par l? que les juges, les avocats, p?n?trent dans ces couloirs, dans le corps-de-garde, descendent ? la Sourici?re et au Guichet de la Conciergerie. Tous les cabinets des juges d'instruction sont situ?s ? diff?rents ?tages dans cette partie du Palais. On y parvient par d'affreux escaliers, un d?dale o? se perdent presque toujours ceux ? qui le Palais est inconnu. Les fen?tres de ces cabinets donnent les unes sur le quai, les autres sur la cour de la Conciergerie. En 1830, quelques cabinets de juges d'instruction avaient vue sur la rue de la Barillerie.
Pour sortir de son affreuse voiture le moribond eut besoin de l'assistance de deux gendarmes qui le prirent chacun sous un bras, le soutinrent et le port?rent comme ?vanoui dans le greffe. Ainsi tra?n?, le mourant levait les yeux au ciel de mani?re ? ressembler au Sauveur descendu de la croix. Certes dans aucun tableau J?sus n'offre une face plus cadav?rique, plus d?compos?e que ne l'?tait celle du faux Espagnol, il semblait pr?s de rendre le dernier soupir. Quand il fut assis dans le greffe, il r?p?ta d'une voix d?faillante les paroles qu'il adressait ? tout le monde depuis son arrestation:--Je me r?clame de son excellence l'ambassadeur d'Espagne...
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