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Read Ebook: Comment on devient écrivain by Albalat Antoine

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Ebook has 322 lines and 41660 words, and 7 pages

L'?rudition et le livre d'histoire

Qu'est-ce que l'?rudition?--M. Marcel Pr?vost et les fiches.--La fausse ?rudition.--La vie et les id?es g?n?rales.--La vie et l'?rudition.--Le style et l'Histoire.--Tacite, Carlyle, Michelet, Tillemont.

On a pu croire un moment, apr?s la Grande Guerre, que la hausse du prix des livres nuirait ? la vente, sinon des romans, du moins des ouvrages d'histoire. Il n'en a rien ?t?. Les livres d'histoire ont gard? leur public et sont toujours tr?s lus.

C'est qu'on s'aper?oit de jour en jour que l'histoire est mille fois plus passionnante que le roman. <> L'histoire abonde en situations dramatiques; ses h?ros ont exist?; ils ont leur psychologie; on peut discuter leurs crimes, r?viser les l?gendes, reprendre les th?ses et les probl?mes. Les plus insignifiantes personnalit?s sont aujourd'hui l'objet d'?normes ?tudes qui rappellent les agrandissements de Victor Cousin et de Louis Vitet, contre lesquels protestait d?j? Philar?te Chasles. <>

Philar?te Chasles voyait juste. On n'a pas attendu un si?cle pour refaire les anciens livres. On publie aujourd'hui des volumes sur n'importe quelle personne ayant jou? un bout de r?le dans la trag?die du pass?. On immortalise m?me les parents des grands hommes; nous avons un gros ouvrage sur le p?re de Richelieu!

Quoi qu'il en soit, qu'on le veuille ou non, faire de l'histoire, aujourd'hui, c'est faire de l'?rudition. Et alors la question se pose: Quel est le r?le de l'?rudition dans l'histoire? Quel genre d'?rudition faut-il avoir, et comment l'employer?

Une ?rudition g?n?rale n'est ?videmment pas n?cessaire pour traiter un point d'histoire particulier; mais, sur un sujet donn?, il est de toute n?cessit? d'?tre renseign? ? fond, de conna?tre les sources et les travaux qui se rapportent ? ce sujet.

Il existe des pr?jug?s contre les fiches d'?rudition. On a raison ?videmment de railler les maniaques, et M. Marcel Pr?vost n'a pas tort de penser que les fichards ont une mentalit? de clercs d'huissiers: <> Et il ajoute: <>

Une fiche peut ?tre tr?s b?te. Tout d?pend de ce qu'on y inscrit. Elle est faite pour retenir ce qu'on lit, pour fixer des documents et des citations. La premi?re fois que j'ai lu Balzac dans ma jeunesse, j'ai pris la peine de r?sumer le sujet de chaque roman, et je m'en suis f?licit?. Il y a longtemps sans cela que j'aurais tout oubli?.

M. Marcel Pr?vost admet cependant qu'on lise <>; qu'on prenne <>; qu'on r?sume ce qu'un livre contient, et qu'on r?duise ce contenu ? <> qui remplacera tout le livre. Eh bien, mais c'est cela, les fiches, des notes, des r?sum?s, citations justificatives, appr?ciations, renseignements, ?claircissements, d?tails. Prendre ce genre de notes, c'est faire des fiches. M. Pr?vost ajoute que, pour retenir, il faut ?crire. <> Et voil? les fiches justifi?es... Alors pourquoi se moquer des fichards?

?videmment, tant vaut l'homme, tant vaut la fiche; mais, en soi, le proc?d? est bon et, encore une fois, il n'y en a pas d'autres; et si on enseignait aux ?l?ves ? faire des fiches, ils retiendraient infiniment plus de choses, et beaucoup plus facilement, parce que l'obligation seule de les ?crire les leur graverait dans l'esprit, parce que relire c'est continuer ? apprendre, et parce qu'enfin il y a toujours quelque chance de mieux retenir ce qu'on a pris la peine de ne pas perdre de vue.

Le travail des fiches est donc absolument n?cessaire pour l'ex?cution d'un livre d'histoire dont on doit pr?parer ? l'avance les mat?riaux, les documents et les reports. Ce labeur de documentation, d?t-il n'?tre pas utilis?, est d?j? en soi une occupation attrayante, qui suffirait ? vous passionner.

<>

On a raison de railler les mauvais faiseurs de fiches. Tous les documents, en effet, ne sont pas int?ressants. Il ne s'agit pas de compiler. On n'est ni un critique ni un savant parce qu'on a secou? la poussi?re des vieux livres, comment? des choses insignifiantes, ressuscit? des auteurs de cinqui?me ordre. Philar?te Chasles signale avec indignation ces maniaques de l'?rudition, <>

Philar?te Chasles a mille fois raison de d?noncer ces grignoteurs d'?corces, qui s'int?ressent <>, qui font des travaux sur Racine et Moli?re, sans s'occuper de leur talent, et qui ne recherchent que le document, la bibliographie, l'?dition, le commentaire...

Il faut aussi bl?mer ceux qui, pour trop se documenter, s'encombrent; ceux qui font leur feu avec trop de broussailles, battent tous les sentiers, rab?chent ce qui a ?t? dit, r?p?tent ce que chacun sait, et noient l'int?r?t de leur livre en racontant l'histoire d'une ?poque bien plus que celle d'un personnage.

D'autres font des inventaires, comme les Goncourt, cataloguent les meubles et les chaussettes, comme Fr?d?ric Masson.

L'emploi de l'?rudition exige du tact et de la modestie. On perd tout cr?dit ? vouloir ?blouir le lecteur. Le public n'aime pas qu'on lui en impose. Il sait tr?s bien que rien n'est plus facile que de para?tre ?rudit. Il suffit de quelques bons r?pertoires.

L'?rudition aura toujours pour ennemis les faiseurs d'hypoth?ses, les pontifes et les philosophes, ceux qui m?prisent les faits et voudraient surtout enseigner l'histoire par les id?es g?n?rales. Certes l'historien a le devoir d'expliquer les causes et de d?gager les cons?quences des ?v?nements; mais on ne doit pas uniquement consid?rer l'histoire comme un champ d'abstraction et de g?n?ralisation. Faire la synth?se de l'Europe, b?tir des syst?mes, suivre le d?veloppement des doctrines, ce sont de beaux programmes, mais d'une application d?licate, si l'on veut ?viter le p?dantisme et le paradoxe. Tout peut se soutenir; on peut tout justifier, la th?orie des milieux, l'?volution des genres, les dragonnades, le despotisme, l'inquisition. On ne prouve rien quand on prouve trop. Jules Lema?tre a bien vu le c?t? artificiel de ces explications paradoxales. <> Ce qui veut dire, au fond, que ceux qui font de la philosophie de l'histoire ont toujours tort,--parce qu'ils ont toujours raison.

Cet abus des id?es g?n?rales rend certains sujets ridicules, parce qu'ils sont trop faciles ? traiter. Comment prendre au s?rieux des ouvrages ayant pour titres: <>

C'est que l'Histoire, encore une fois, n'est pas seulement un travail de recherches et de d?couvertes, mais surtout une oeuvre de litt?rature. Les grands historiens sont presque toujours de grands ?crivains, malgr? l'exemple de M. Thiers et sa mauvaise r?putation litt?raire. Bossuet et Montesquieu furent des prosateurs admirables. C'est par la vie du style que Saint-Simon a conquis l'immortalit?; et Tacite, le plus grand des historiens, est avant tout un artiste de mots et d'images.

Racine a appel? Tacite le plus grand peintre de l'antiquit?. Les meilleurs ?crivains ont pris Tacite pour mod?le. C'est par l'?tude de Tacite que Mirabeau s'est form?, et c'est chez lui qu'il a pris son irr?sistible violence oratoire. On conna?t la fa?on d'?crire de Tacite. Quelques phrases peuvent la caract?riser:

<

<>

Et ceci sur un jour d'?meute:

<>

<

Sur Marat: <>

Ce que doit ?tre la critique litt?raire

La vraie critique.--La lecture et la critique.--Les divergences d'opinions.--Lamartine critique.--Dante et Tolsto?.--La morale et la critique.--Les parti-pris de la critique.--L'influence de la litt?rature.--Les lois litt?raires.--La mauvaise critique.--La critique-clich?.

Pour faire de la bonne critique litt?raire, il faut d'abord aimer la litt?rature, et ce n'est pas un mince m?rite. Aimer la litt?rature, cela ne consiste pas ? ?tre au courant de l'actualit? et ? lire des romans; aimer la litt?rature, c'est se passionner pour les classiques, pour Montesquieu, Rousseau, Bossuet, Montaigne et tous les grands ?crivains, en dehors de toute pr?occupation d'?coles. Or, il faut bien l'avouer, les trois quarts de nos jeunes critiques ignorent les classiques, n'ont ni le temps ni le courage de les lire, et ne connaissent de la litt?rature fran?aise que les jugements des Manuels et quelques vagues extraits d'auteurs. <>

Malgr? l'abus qu'en font les p?dants, la lecture restera donc toujours la premi?re condition de toute bonne critique, et c'est la diff?rence ou l'insuffisance de lectures qui produit entre juges litt?raires cette divergence de go?ts et d'opinions dont le public n'a pas tort de se scandaliser.

Parmi les raisons qui aggravent encore ce conflit, il faut compter les antagonismes d'?coles, le besoin qu'?prouve la jeunesse de r?agir contre les opinions anciennes. C'est intentionnellement que certains manuels se contentent d'accorder quelques lignes rapides ? Dumas fils et ?mile Augier et consacrent de longues pages ? des ?crivains dont les noms n'ont aucune chance de survivre. On prend au s?rieux des po?tes dada?stes, et d'une chiquenaude on efface Sully Prudhomme. Ces d?placements de valeurs font le plus grand tort ? la Critique. Il est toujours imprudent de vouloir faire entrer dans l'histoire des noms qu'il n'appartient qu'? la post?rit? de choisir...

Ne nous ?tonnons pas que MM. les critiques ne soient pas toujours d'accord entre eux. Comment s'entendrait-on avec autrui, quand on change si souvent d'opinion soi-m?me? Nous n'avons pas toujours les m?mes go?ts; nous n'aimons pas toujours les m?mes choses. Des livres qui nous plaisaient autrefois nous deviennent insupportables. Alphonse Daudet me disait qu'il avait ador? Montaigne et qu'il ne pouvait plus le souffrir. Passionn? d'abord pour Flaubert, M. Bourget pense aujourd'hui qu'il faut traverser ses romans sans s'y attacher. Apr?s une p?riode d'oubli, qui s'?tend jusqu'en 1882, l'oeuvre de Chateaubriand, que Zola croyait d?finitivement morte, a brill? d'une splendeur nouvelle. La religion wagn?rienne elle-m?me a perdu ses premiers adorateurs mystiques. Il est rare qu'un ouvrage s'impose du premier coup; on n'entre pas de plain-pied dans l'art, et il faudra toujours une certaine culture pour sentir la beaut? litt?raire, artistique ou musicale. <>

Parmi ces derniers, celui qu'il d?testait le plus, c'est Alfred de Musset. Il l'appelait ironiquement: <> Il lui reprochait de ne jamais avoir aim? l'art, et de ne chanter dans ses vers que ses passions et ses souffrances d'amour.

Chez les tr?s grands ?crivains, de pareilles incompr?hensions sont dues, la plupart du temps, ? des diff?rences radicales de tournures d'esprit. Chez les critiques ordinaires, elles s'expliquent par le manque de lectures et, par cons?quent, de comparaisons et de points de vue. On ne lit plus, et on ne lit plus parce qu'on ?crit trop. La multiplicit? des journaux et des revues a produit une maladie terrible, qui ?tend tous les jours ses ravages: la polygraphie. L'ignorance juge tout et r?gne partout. Le monde intellectuel est devenu la proie de l'incomp?tence. Au lieu des bons et s?rieux articles d'autrefois, qu'on savourait ? loisir au coin du feu, le public se contente de comptes rendus b?cl?s, ou m?me de simples annonces de librairie; si bien que le lecteur, faute de guide, ne prend plus la peine de choisir et n'ach?te plus que les <>.

<>

L'examen du r?le et des responsabilit?s de la critique soul?ve une question toujours d'actualit? qui, vers les derniers temps de sa vie, a beaucoup pr?occup? Bruneti?re. Il s'agit de savoir si la Critique a le droit de juger les oeuvres litt?raires sans se soucier de leur valeur morale, ni du bien ou du mal qu'elles peuvent causer. En principe, ?videmment, la Critique a le devoir de prendre tr?s au s?rieux les cons?quences morales d'une oeuvre. La premi?re condition de l'art, c'est d'?tre moral. Tout le monde est d'accord l?-dessus.

Si la critique religieuse a des pr?jug?s, la critique anticl?ricale est encore plus insupportable, parce qu'on admet, ? la rigueur, l'intol?rance chez quelqu'un qui croit ? quelque chose, tandis que l'intol?rance de celui qui ne croit ? rien est toujours choquante. Le croyant peut s'alarmer; le sceptique a le devoir de comprendre. Le critique anticl?rical est un personnage ridicule. Il ne pardonne pas ? Moli?re d'avoir ?t? l'ami de d?vots tels que Boileau et Racine; il voudrait faire expier ? Bossuet son titre d'?v?que; il aper?oit la main des j?suites m?me en litt?rature, et se sent offens? d?s qu'on touche ? Rousseau ou ? Voltaire.

?vitez ce parti pris. Rien n'est plus vain que de s'irriter contre les opinions qui ne sont pas les v?tres. Auguste Vacquerie n'aimait pas Racine et le disait cr?ment. T?chez de comprendre cette aberration, au lieu de vous f?cher. Victor Hugo n'a pas vu la pu?rilit? de ses sujets dramatiques. Votre r?le est d'expliquer ce manque de go?t chez un homme de g?nie, et de montrer comment l'ambition d'?tre chef d'?cole et l'aveugle imitation de Shakespeare ont achev? de d?former une imagination s?duite de tr?s bonne heure par l'exceptionnel et l'?norme .

?bloui par l'enthousiasme de ses admirateurs, Victor Hugo croyait faire du Shakespeare, parce qu'il mettait comme lui, dans ses pi?ces, des empoisonnements, des cercueils, des meurtres, des duels, des ?normit?s et des rires. Le g?nie de Shakespeare, sa profondeur, son ?ternelle humanit?, tout cela est absent du th??tre d'Hugo, qui n'avait pour lui que le don de po?sie. Dumas p?re ?tait un bien plus puissant constructeur dramatique. Il le savait et il disait souvent: <>

Pour en finir avec cette question de moralit?, constatons que tout le monde est d'accord et sera toujours d'accord sur la n?cessit? de ne pas s?parer l'art de la Morale. Mais qu'il soit bien entendu, en principe, qu'en aucun cas, l'art ne peut avoir pour mission d'enseigner la Morale; chaque fois que l'art se donne une mission doctrinale, il produit des oeuvres inf?rieures ou des th?ories ridicules . On ne fait ni de l'art ni de la critique au nom de la Religion et de la Morale. On fait de la critique au nom de la litt?rature.

<>

Bonne ou mauvaise, il est incontestable que la litt?rature doit exercer et exerce une influence dont, encore une fois, il faut s?rieusement tenir compte. <>

Quelles que soient vos opinions et votre esth?tique, votre devoir de bon critique est donc de juger sans col?re les productions qui vous d?plaisent. Si vous ?tes classique, il faut arriver ? aimer le romantisme; si vous ?tes romantique, il faut vous efforcer d'aimer les classiques. La litt?rature fran?aise doit vous appara?tre comme un vaste encha?nement logique d'oeuvres et de proc?d?s, se d?veloppant suivant les lois d'une filiation qui reste ? ?tudier, mais qui ne m?rite ni indignation, ni col?re. Filiation et descendance, ces deux mots doivent r?sumer le programme de la Critique.

Jules Lema?tre comprenait tr?s bien l'importance que peut avoir en litt?rature l'?tude des lois et des causes; il suspectait seulement les conclusions trop h?tives, et il ne pensait pas que ce genre de diagnostic f?t facile ? ?tablir.

<>

Il est un principe, en tous cas, qui domine toutes les th?ories, un principe sur lequel nous devons tous ?tre d'accord, c'est l'effort d'?crire, c'est le souci du style. On b?cle aujourd'hui la critique comme on b?cle le roman. La critique n'est plus qu'une rubrique de journal. On peut ? la rigueur b?cler des articles de journaux; mais la critique n'a d'autorit? que si elle est honn?tement ?crite, c'est-?-dire ?crite avec nettet?, en toute conscience, avec l'amour de la forme, le go?t du travail, la volont? de dire quelque chose de nouveau.

?vitez surtout la virtuosit? facile. Le d?veloppement fantaisiste, si ?tincelant qu'il soit chez un Barbey d'Aurevilly, fatigue ? la longue. Voyez, au contraire, comme Jules Lema?tre vous ?treint par sa sobri?t? et sa bonhomie.

<>

Ou cette autre encore: <>

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