Read Ebook: Les Huit Jours du Petit Marquis; Carlos et Cornélius by Claretie Jules
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Ebook has 549 lines and 29264 words, and 11 pages
-- Cela me reposera et je serai vaillante pour la travers?e..., demain.
Mais, le soir, la fi?vre redoublait, la toux d?chirait plus cruellement les poumons de la pauvre fille portant ? sa poitrine ses petites mains p?lies. Et le marquis demandait un m?decin en h?te, car il avait peur, maintenant, peur de la voir arr?t?e l?, condamn?e ? rester en chemin.
-- C'est une petite congestion pulmonaire... Il faut garder la chambre et se garer du froid.
-- Alors, dit Fanchette, inqui?te, nous ne partirons pas demain?
-- Quelle folie! Vous ne pourrez sortir avant huit jours!
-- Vous dites, docteur? fit le petit marquis.
-- Huit jours! Dans huit jours!
Il se demandait, le marquis, si ce gros homme se moquait de lui et connaissait la pens?e, le refrain, le r?ve report? de semaine en semaine: dans huit jours!
Soit. Il fallait s'incliner. Dans huit jours. Dans huit jours, la mer d?mont?e serait redevenue calme. Dans huit jours, le patron de la barque n'aurait plus peur du vent mauvais. Dans huit jours, Fanchette aurait repris ses couleurs et serait gu?rie.
-- Eh bien! docteur, r?signons-nous. Dans huit jours. Dans huit jours. Et mille fois merci.
Mais ils allaient ?tre tragiques, les douloureux huit jours qui allaient suivre. La congestion avait terrass? la pauvre enfant et, apr?s avoir prononc? le mot <
-- Je n'ai plus que sept jours, puis six jours ? attendre...
Puis: cinq jours!
Et, lorsqu'il sortait de la chambre, il n'avait pas l'air satisfait.
-- Va-t-elle donc mourir ici, la petite Fran?aise? lui demandait l'h?telier.
Il hochait la t?te et ne r?pondait pas.
Et Hector de Beauchamp voyait bien, devinait que le brave homme ?tait inquiet. Sans ?tre m?decin, le marquis s'apercevait trop s?rement de l'?tat de la malade. La toux augmentait, devenait plus fr?quente. Des ?touffements empourpraient le visage amaigri, et la pauvre fille se dressait sur son lit, essayant de repousser quelque monstre qui l'?treignait. La nuit, elle avait le d?lire. Elle chantait des chansons entendues autrefois. Elle r?p?tait, en essayant de rire, les propos de la Fanchette du th??tre au comte Almaviva:
Son gentil visage se penchait et le hochement de t?te, commenc? dans la coquetterie, s'achevait, lass?, dans la douleur.
Le marquis l'?coutait, tremblant, lui prenant les mains, -- ces petites mains qui br?laient, -- et il lui disait, comme si les paroles de la com?die se fussent adress?es ? lui-m?me:
-- Oui, tout ce que tu voudras, tout, Fanchette!
Et le regard perdu, doucement, avec le respect de la pauvre petite d?butante pour le grand artiste, elle r?pondait:
-- Merci, monsieur Mol?. Vous ?tes bon pour moi!
Alors, le marquis sentait ses yeux se remplir de larmes. Il ?touffait, lui aussi, mais d'?motion contenue, lorsque la fr?le voix douce s'?levait, ironiquement joyeuse, et que, d?lirante, Fanchette, la pauvre Fanchette, r?p?tait, en imitant M. Pr?ville:
...Tout finit par des chansons!
Sur les l?vres s?ches de la malade, elle revenait constamment, aux heures de d?lire, comme une obsession constante, la ritournelle du Vaudeville, et, pour Hector, cet air narquois devenait poignant et navrant, une sorte de cantique fun?bre. Il se d?tournait violemment pour que Fanchette ne v?t point ses larmes. Mais pouvait-elle voir? Voyait-elle autre chose que les lointaines images de ses songes? Elle ?tait perdue. Le marquis avait la terreur qu'on lui d?t:
-- Elle ne sera plus l? bient?t.
Il ?tait certain de l'atroce sentence, et, pourtant, il n'osait interroger le docteur. Il avait peur de la r?ponse. Huit jours! Avant les huit jours, si Fanchette l'avait quitt?, quitt? pour toujours? S'il se trouvait seul dans le monde, cet amour bris?, ce pauvre amour, idylle de son exil, emplissant toute sa vie?
Il se sentait trembler, puis il se redressait, esp?rant, voulant esp?rer contre tout espoir. Allons donc! Fanchette ?tait jeune! On ne meurt pas ainsi, ? vingt ans! Mais il se rappelait la jolie Olivier, M^ Olivier dont Fanchette avait envi? la destin?e. Et il frissonnait en se r?p?tant que Ch?rubin avait ?vit? l'?ge des rides.
Il passait ? veiller Fanchette les nuits enti?res dans un fauteuil. Elle le suppliait de prendre du repos.
-- Mais, je me repose! Si j'?tais ? l'arm?e des princes, je dormirais moins encore! D'ailleurs, je dors, Fanchette, oui, je dors... et je r?ve m?me de Paris!
-- Ah! Paris! disait-elle, mais d'un ton triste comme si elle e?t renonc? ? la terre promise.
Une nuit , le marquis s'?tait assoupi, Fanchette ayant laiss? tomber, elle aussi, sa jolie t?te amaigrie sur l'oreiller, lorsqu'il fut r?veill? par un bruit violent de voix partant de la salle basse de l'auberge, o? des marins chantaient, dansaient, f?taient bruyamment il ne savait quel ?v?nement joyeux, -- et, en ?coutant, voil? qu'il distinguait des mots qui lui faisaient bondir le coeur, des injures aux marins fran?ais qu'on avait coul?s en mer et ? des fr?gates fran?aises chass?es comme des mouettes peureuses...
-- Hurrah! Hurrah! Hurrah!
Le marquis avait envie de leur crier de se taire et, furieux, il allait le faire en descendant pour dire qu'il y avait, l?-haut, une malade endormie, lorsque Fanchette se r?veilla tout ? coup et, peureuse, ?coutant ce bruit qui montait, qui grondait, dit ? Hector:
-- Qu'est-ce que c'est? Est-ce qu'on vient nous arr?ter? Qu'est-ce qu'on nous veut? Pourquoi ce tapage?
-- Ce n'est rien, Fanchette. Rien... Des matelots qui s'amusent.
-- Oui, mais il me fait mal, ce bruit... Oh! J'ai tr?s mal... Je voudrais...
-- Je vais leur dire...
Elle le retint vivement. Ses mains donnaient au marquis la sensation d'un fer rouge...
-- Non, ne me quittez pas... J'aurais trop peur... Qu'est-ce que c'est donc que cette femme, cette grande femme qui est l? et qui me fait des signes?
-- Une femme? Il n'y a personne ici que moi, Fanchette...
-- Si, si... Il y a cette femme... l?... Oh! je la reconnais..., je la devine... Elle veut m'emmener... Oui, j'y vais, j'y vais!
Mais, se rejetant vers Hector, s'accrochant ? lui, le suppliant de la d?fendre:
-- Eh bien! non, je ne veux pas!... Je veux rester... Gardez-moi, monsieur le marquis, prot?gez-moi!...
Et, tout ? coup:
-- Ah! bien! voil?. Elle est partie. Vous l'avez chass?e. Merci. Nous allons prendre le bateau..., cette fois, n'est-ce pas? nous irons ? Paris, vraiment... Vraiment? Tiens, ils s'en vont, les matelots.
Le silence se faisait dans l'auberge vide. Et un apaisement soudain succ?dait alors chez Fanchette ? la nervosit? anxieuse. Elle se sentait lasse, ?trangement lasse.
Elle dit au marquis:
-- La nuit est encore longue. Dormez, je vais dormir!
Et, sur l'oreiller, de sa jolie voix musicale, comme dans un soupir elle dit en fermant les yeux:
Le marquis la regardait sommeiller. Il ?tait heureux de la voir ainsi calme. Tr?s maigre, bien p?le. Mais repos?e. Si elle pouvait reposer ainsi un jour encore? Si le docteur permettait, enfin, qu'on repr?t le voyage interrompu? Qui sait?
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