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Read Ebook: Histoires du bon Dieu by Rilke Rainer Maria Betz Maurice Translator

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Ebook has 778 lines and 32412 words, and 16 pages

--Volontiers, dit-elle, lorsque, enfin, je lui c?dai de nouveau la parole, mais ne croyez-vous pas peut-?tre que les enfants eux-m?mes...

--Moi? Raconter cela aux enfants eux-m?mes? Non, ch?re madame, cela ne se peut pas. Cela, en aucune fa?on. Voyez-vous, je serais tout de suite g?n? si je devais parler aux enfants. Ceci, en soi, ne serait peut-?tre pas tr?s grave, mais les enfants, en voyant mon trouble, pourraient supposer que je me sens mentir. Et comme je tiens beaucoup ? ce que mon histoire soit vraie... D'ailleurs ne pourrez-vous pas la r?p?ter aux enfants? D'autant plus que vous y r?ussirez beaucoup mieux que moi. Vous encha?nerez et ornerez l'ensemble, tandis que je ne fais que vous raconter les ?v?nements, en toute bri?vet?. N'est-ce pas?

--Bon, bon! fit ma voisine distraitement.

Je r?fl?chis. <>, allais-je dire, mais je m'interrompis aussit?t:

--Je peux supposer connues de vous bien des choses que je devrais commencer par raconter aux enfants. Par exemple, la cr?ation.

Il y eut une pause assez longue. Puis:

--Oui, et le septi?me jour?

La voix de l'excellente femme ?tait pointue et s?che.

--Un instant, dis-je. Nous voulons quand m?me penser aux jours pr?c?dents, car c'est d'eux justement qu'il s'agit. Donc, le bon Dieu commen?a son ouvrage, comme vous le savez, en cr?ant la terre, en la s?parant de l'eau et en commandant la lumi?re. Puis, avec une merveilleuse rapidit?, il forma les choses, je veux dire les grandes choses v?ritables, ? savoir: des rochers, des montagnes, un arbre, et sur ce mod?le, beaucoup d'autres.

Depuis un instant d?j? j'entendais derri?re nous des pas qui ne nous d?passaient ni ne ralentissaient. Cela me troublait et je m'embrouillai dans l'histoire de la cr?ation en poursuivant ainsi:

--On ne peut se faire une id?e de cette activit? rapide et f?conde qu'en admettant qu'apr?s de longues et profondes r?flexions cela se trouvait tout pr?t dans sa t?te avant que...

Enfin les pas ?taient ? c?t? de nous, et une voix d?pourvue d'agr?ment se colla contre nous:

--Oh, vous parlez sans doute de M. Schmidt? Excusez-moi...

Je me retournai avec impatience vers la nouvelle venue, mais madame la voisine paraissait tr?s embarrass?e.

--Hum, toussotait-elle, non,--c'est-?-dire, oui... nous parlions justement, en quelque sorte...

--Quel automne! dit tout ? coup l'autre femme, comme si rien n'?tait arriv?, et sa petite figure rouge luisait.

--Oui, entendis-je r?pondre ma voisine, vous avez raison, madame Hupfer, c'est un automne d'une rare beaut?.

Puis les femmes se s?par?rent. Mme Hupfer gloussa encore:

--Et bien des choses ? vos petits, s'il vous pla?t.

Ma bonne voisine n'?coutait plus; elle ?tait quand m?me curieuse de conna?tre mon histoire. Mais, avec une cruaut? incroyable j'affirmai:

--Voil? que je ne sais vraiment plus o? nous en ?tions rest?s.

--Vous disiez justement quelque chose de sa t?te, c'est-?-dire...

Ma voisine devint toute rouge.

Elle me faisait vraiment piti? et je me d?p?chai de raconter:

--Oui, voyez-vous, tant qu'il n'avait form? que des choses, le bon Dieu n'avait pas besoin de regarder continuellement vers la terre. Rien ne pouvait s'y passer. Sans doute, le vent franchissait d?j? les montagnes, si semblables aux nuages qu'il connaissait depuis longtemps, mais il ?vitait encore les cimes des arbres avec une certaine m?fiance. Et le bon Dieu en ?tait tr?s content. Il a fait les choses, en quelque sorte en dormant. Mais pour les b?tes d?j?, il commen?a ? trouver le travail int?ressant: il se penchait dessus et ne fron?ait que rarement ses larges sourcils pour jeter un regard sur la terre. Il oublia compl?tement celle-ci tandis qu'il cr?ait l'homme. Je ne sais pas ? quelle partie compliqu?e du corps il en ?tait arriv? lorsqu'il y eut autour de lui un battement d'ailes. Un ange en passant chantait: <>

Le bon Dieu prit peur. Il avait induit l'ange en p?ch?, car celui-ci venait de chanter un mensonge. Vite Dieu le P?re regarda sur terre. Et, en effet, d?j? quelque chose s'y ?tait produit qui serait difficile ? r?parer. Un petit oiseau errait de-ci de-l? comme s'il avait peur, et le bon Dieu n'?tait pas capable de lui montrer le chemin du retour, car il n'avait pas vu de quelle for?t la pauvre b?te ?tait venue. Il se f?cha et dit:

--Les oiseaux doivent rester perch?s l? o? je les ai pos?s.

Mais il se rappela que sur les instances des anges il avait pr?t? des ailes aux oiseaux pour que, sur la terre aussi, il y e?t quelque chose qui ressembl?t ? des anges, et cette circonstance rendit son humeur encore plus d?sagr?able. Mais ? de tels ?tats d'?me il n'est de meilleur rem?de que le travail. Et, tout absorb? par la construction de l'homme, Dieu eut vite retrouv? sa gaiet?. Il avait les yeux des anges devant soi comme des miroirs; il y mesurait ses traits et, dans une boule pos?e sur ses genoux, p?trissait lentement et avec soin le premier visage. Le front ?tait r?ussi. C'?tait plus difficile de rendre sym?triques les deux narines. Il se penchait de plus en plus sur son travail, jusqu'? ce qu'il y e?t de nouveau un souffle au-dessus de lui. Il leva la t?te. Le m?me ange tournait autour de lui; cette fois-ci on n'entendait pas d'hymne, car la voix de l'enfant avait expir? avec son mensonge, mais ? sa bouche Dieu reconnut qu'il chantait encore toujours: <>. En m?me temps, saint Nicolas qui jouit de l'estime particuli?re de Dieu, s'approcha de lui et dit ? travers sa grande barbe:

--Tes lions se tiennent tranquilles, ce sont des cr?atures bien orgueilleuses, je dois le dire. Mais un petit chien trotte ? la limite de la terre, c'est un fox-terrier, regarde, tout ? l'heure, il va tomber en bas.

Et, en effet, le bon Dieu vit danser quelque chose de clair et de blanc, comme un lumignon, dans la r?gion de la Scandinavie, l? o? la terre est d?j? si dangereusement arrondie. Et il se f?cha pour de bon et r?pondit ? saint Nicolas que, si les lions ne lui convenaient pas, il n'e?t qu'? s'en cr?er d'autres pour son propre usage. Sur quoi saint Nicolas quitta le ciel en frappant la porte, ce qui fit tomber une ?toile, juste sur la t?te du fox-terrier.

Voici que le d?sastre ?tait complet, et le bon Dieu devait s'avouer qu'il ?tait seul responsable de tout. Il d?cida de ne plus d?tourner un seul regard de la terre. Et ainsi fut fait. A ses mains qui, apr?s tout, elles aussi contenaient la sagesse, il confia tout le travail, et, bien qu'il f?t lui-m?me tr?s curieux de savoir quel serait l'aspect de l'homme, il regarda fixement la terre, o?, comme pour le d?fier, il n'y avait plus maintenant la moindre feuille qui consent?t ? bouger. Pour avoir quand m?me une petite joie apr?s cette longue peine, Dieu avait ordonn? ? ses mains de lui montrer l'homme avant de le livrer ? la vie. Plusieurs fois il demanda, comme les enfants lorsqu'ils jouent ? cache-cache: <> Mais pour toute r?ponse il n'entendait que ses mains qui continuaient ? p?trir, et il attendait toujours. Le temps lui paraissait tr?s long. Tout ? coup il vit tomber quelque chose ? travers l'espace: c'?tait sombre et paraissait venir de son voisinage. Pris d'un mauvais pressentiment, il appela ses mains. Elles parurent, toutes couvertes de glaise, chaudes et tremblantes.

--O? est l'homme? s'?cria-t-il.

La droite alors se jeta sur la gauche:

--C'est toi qui l'as l?ch?.

--Je t'en prie, r?pliqua la gauche, irrit?e, n'as-tu pas voulu tout faire toi-m?me, sans me laisser dire un mot?

--C'est justement. Tu aurais d? le retenir.

Et la droite allait prendre son ?lan. Mais elle r?fl?chit, et les deux mains dirent en se rattrapant l'une l'autre:

--Il ?tait si impatient, l'homme... Il voulait toujours vivre de suite... Nous n'en pouvons rien... Certainement nous sommes toutes deux innocentes.

Mais le bon Dieu ?tait s?rieusement f?ch?. Il repoussa les deux mains qui lui bouchaient la vue sur la terre:

--Je ne vous connais plus. Faites ce que vous voudrez.

Et les mains depuis lors s'y essaient, mais elles ne peuvent que commencer ce qu'elles font. Sans Dieu, il n'y a pas d'accomplissement. Et enfin elles furent lasses. A pr?sent elles s'agenouillent du matin au soir et font p?nitence; ainsi du moins raconte-t-on. Mais nous croyons que Dieu se repose, parce qu'il est f?ch? contre ses mains. C'est toujours encore le septi?me jour qui dure.

Je me tus un instant. Madame la voisine mit, avec beaucoup de bon sens, ce silence ? profit:

--Et vous croyez que la r?conciliation ne se fera plus jamais?

--Oh si, r?pondis-je. Du moins je l'esp?re.

--Et quand cela sera-t-il?

--Je pense, quand Dieu conna?tra l'aspect de l'homme que ses mains ont l?ch? contre sa volont?.

Madame la voisine r?fl?chit, puis elle eut un rire:

--Mais il n'aurait eu qu'? regarder en bas.

--Pardonnez, r?pondis-je gentiment, votre remarque t?moigne d'un esprit tr?s subtil, mais mon histoire n'est pas encore finie. Or donc, lorsque les mains se furent effac?es et que Dieu put de nouveau dominer la terre du regard, une minute de nouveau s'?tait ?coul?e, ou disons: un mill?naire, ce qui, nous le savons, revient au m?me. Au lieu d'un homme, il y en avait un million. Mais tous ?taient d?j? habill?s. Et comme la mode ?tait alors justement tr?s laide, Dieu se fit des hommes une id?e tr?s fausse et--je ne veux pas le dissimuler--plut?t d?favorable.

--Hum, fit la voisine qui voulait dire quelque chose.

Mais je n'y pris pas garde et conclus avec une intonation appuy?e:

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