bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Histoires exotiques et merveilleuses by Mille Pierre

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 447 lines and 27543 words, and 9 pages

Release date: August 20, 2023

Original publication: Paris: J. Ferenczi, 1920

LES OEUVRES IN?DITES

PIERRE MILLE

Histoires Exotiques et Merveilleuses

PARIS J. FERENCZI, ?DITEUR 9, RUE ANTOINE-CHANTIN

Copyright by J. Ferenczi

Histoires Exotiques et Merveilleuses

HANOUMANE

--C'est ?a les maisons, c'est ?a les chambres en France? Eh bien, c'est vilain!

--O? ?a y en a moyen jouer?

--Tu joueras sur le pont, r?pondit sa m?re; il y a beaucoup de place sur le pont... et dans la batterie aussi, c'est tout ? fait la place pour les petites filles, la batterie.

--Je t'ai d?j? dit de ne pas parler annamite! Tu es une petite fille fran?aise, qui va en France. Tu verras comme on se moquera de toi, en France!

--Je ne parle pas annamite, r?pondit N?ne, je parle ? Ti-Ha? le fran?ais qu'elle comprend... Et puis, je ne veux pas aller en France, moi! J'aime mieux Tra-Mon; ? Tra-Mon, il y avait un grand jardin, il y avait des arbres, et H?noumane n'?tait pas dans une cage, comme ici! Ici, c'est laid, c'est petit, c'est vilain!

Et elle frappa du pied, sans pleurer, seulement offens?e de l'injustice des choses.

Lorsque N?ne en avait assez de ces entretiens tr?s s?rieux, il y avait le jardin, rempli de miracles vivants! Les grands perroquets verts et rouges qui, dans la somptueuse floraison des flamboyants o? on les avait encha?n?s, se distinguaient mal, de loin, du feuillage vert et des fleurs ?carlates; les paons solennels, ? la voix discordante, qui faisaient, avec leurs grandes plumes, sur le sol, le bruit d'une robe ? queue; et, surtout il y avait H?noumane! H?noumane ?tait une guenon, plus haute que N?ne quand elle marchait sur ses mains de derri?re, et que N?ne appelait parfois <>, ? cause qu'elle avait des favoris blancs, exactement comme le pr?sident de la cour. Et H?noumane, qu'on avait d'abord encha?n?e comme les perroquets, errait partout, maintenant en toute libert?. Pour rien au monde, semblable en cela ? la plupart des grands singes de l'Asie m?ridionale, elle ne se f?t ?loign?e des demeures des hommes. Et elle ?tait si coquette que N?ne avait obtenu la permission de garder pour elle un peigne et un miroir. La guenon se contemplait dans la glace d'un air p?n?tr?, se faisait une raie au milieu du front, puis peignait ses favoris avec gravit?. M?me N?ne aurait voulu lui donner un rasoir, mais on lui avait dit que les dames n'en ont point, et que H?noumane ?tait une dame. Cela l'?tonnait beaucoup, ? cause des favoris.

C'est ainsi qu'elle avait atteint ses six ans, <>, disait son p?re, joyeux et sans ?tonnement, car le climat d'Indo-Chine, funeste aux Europ?ens adultes, passe pour exceptionnellement favorable ? leurs jeunes enfants. Ils ignorent la dysenterie, le chol?ra, la bilieuse. M?me l'insidieuse an?mie tropicale ne les effleure point. Et le juge se frottait les mains. <>

Cette fin de la phrase ?tait pour Ti-Ha?, qui ?coutait en baissant les yeux, les doigts sur ses seins dess?ch?s, comme il convient quand on entend parler le ma?tre. Mais, ensuite, elle faisait ses confidences ? Nam, son mari, le vieux sergent de tirailleurs.

--Eux pas connaisse, disait-elle, pas connaisse ?a qu'y a bon pour pitits blancs. Soleil, crachin, pour pitit ventre, pitit foie, pitit coeur, ?a y a bon. Mais y a pas bon pour t?te. Pour t?te y a gagn? fou, y a gagn? m?chant.

Et elle savait, la vieille, elle en avait ?lev? d'autres, elle avait l'exp?rience de ces ?lans impulsifs, de ces d?lires de volont?, puis de ces coups d'affaissement, qui saisissent les Europ?ens dans son pays; et, elle en ?tait s?re, leurs enfants aussi sont comme ?a: on ne fait pas attention ? leurs petites col?res, on croit que ce sont les m?mes qu'en France. On se trompe: <>.

Il advint ce que N?ne avait pressenti sur le bateau: elle s'ennuya. Sa m?re ne la laissait monter sur le pont que conduite par la main de Ti-Ha? ou la sienne, et la demi-obscurit? de la batterie lui parut insupportable. Et puis, elle sut bient?t ce que c'?tait qu'un pays--le paquebot, pour elle, c'?tait d?j? une contr?e nouvelle--o? il n'y a que des Europ?ens qui se croient tous ?gaux et n'ob?issent ? personne: m?me ? la tyrannie de N?ne, chose incroyable, ils refusaient de se soumettre! N?ne en fut tout ?tonn?e. Elle pensait n'avoir que deux ma?tres au monde, son p?re et sa m?re, et que le reste des hommes et des femmes ?taient ses sujets. Jusqu'aux valets du bord qui lui donnaient des ordres, qui lui disaient: <> Elle en fut d?concert?e jusqu'? la fureur; et, enfin, on avait embarqu? H?noumane, puisqu'elle avait refus? de s'en s?parer, mais elle ?tait dans une cage, bien loin, pr?s du poste des matelots, un endroit o? on n'allait pas--il y avait donc des endroits o? on ne peut pas aller?--et N?ne ne la voyait plus jamais. Cela aussi, c'?tait d?fendu.

N?ne n'avait jamais su de sa vie ce que voulait dire ce mot extraordinaire et choquant. Voil? pourquoi, un jour, le commandant aper?ut H?noumane, une serviette au cou et l'air bien sage, qui partageait le d?jeuner des enfants. Il ne dit rien, mais, cinq minutes plus tard, le capitaine d'armes arrivait, muni d'un filin souple et solide, que terminait un noeud coulant pass? dans une ?pissure ? laquelle on n'aurait rien su reprocher. Il ?largit le noeud coulant, le jeta vivement autour de la taille du singe, sans lui faire de mal, tira dessus un bon coup bien sec, et fit rouler la b?te sur le plancher. H?noumane, surprise, fit entendre cet aigre cri des singes m?contents, qui ressemble au bruit d'une cr?celle... Puis, tout ? coup, ce fut le capitaine d'armes qui secoua une main en l'air, en criant:

--Nom de Dieu!

N?ne, sautant d'un bond de sa chaise, lui avait mordu le pouce jusqu'au sang.

Et les choses en seraient s?rement rest?es l? si le p?re de N?ne n'avait travers? la batterie au m?me instant pour aller d?jeuner: les capitaines d'armes ne font pas de rapport sur la conduite des petites filles! Mais un juge est un juge, et le p?re de N?ne avait l'habitude professionnelle de consid?rer que tout d?lit exige un ch?timent. Il prit sa fille par le coude, la tra?na jusqu'? sa victime, et dit:

--Tu vas demander pardon!

--Non! dit N?ne, ?nergiquement.

Elle avait pris H?noumane dans ses bras, ne pensant plus qu'? d?gager la guenon de ses entraves. Et, pour le reste, elle ?tait p?n?tr?e de la conviction sinc?re que le capitaine d'armes m?ritait d'avoir la t?te tranch?e, d'un bon coup de ces grands sabres qu'on prend ? deux mains.

--C'est bon! dit son p?re; dix minutes de p?nitence dans la cabine.

N?ne le regarda, d'un air de stupeur et d'indignation. C'?tait la premi?re fois qu'on la punissait, et devant tout le monde, devant ses pairs, les autres petits gar?ons et les autres petites filles! Et pour ?a, pour ?a! Puisqu'il avait fait du mal ? H?noumane, cette esp?ce de domestique en habit de marin! Elle se laissa conduire sans verser une larme, sans pousser un cri.

--Dix minutes! r?p?ta son p?re.

Et il tira sa montre, d?cid? ? ouvrir lui-m?me, le temps ?coul?. Ti-Ha? se jeta au-devant de lui:

--Y a pas bon! cria-t-elle, y a pas bon!

Il haussa les ?paules. C'?tait leur faute, ? ces domestiques indig?nes, si les enfants ne savent supporter le plus petit ch?timent.

D'ailleurs, ? travers la porte, on n'entendait rien. N?ne, outrag?e, avait envie de tuer, non pas de s'humilier. Se venger, oui, se venger! Se venger de son p?re, de tout le monde, faire pleurer tout le monde. Et, tout ? coup, elle aper?ut le hublot de la cabine, que maintenait entre-b?ill? son ?crou de cuivre. Elle avait bien vu comment Ti-Ha? l'ouvrait et le fermait: c'?tait facile. Alors?... Oui, sa petite soeur, qui ?tait tomb?e ? l'eau, qu'elle n'avait jamais connue, c'?tait ?a qui avait fait le plus de chagrin ? la maison; elle le savait bien! Elle d?vissa l'?crou, les l?vres pinc?es, les yeux brillants. N?ne ne savait pas ce que c'est que la mort; elle ne vit pas la mort, elle ne vit qu'un moyen de faire pleurer, de punir parce qu'on avait ?t? injuste; elle n'avait pas peur, pas peur du tout... Son corps si mince passa jusqu'? la taille par l'ouverture ronde. Sous elle, l'eau ?tait bleue, rapide le long du bordage, amusante. La seule chose qui l'arr?ta une minute fut que c'?tait un peu haut pour sauter. Mais, elle se rappelait, c'est mou, c'est doux, l'eau... Elle se laissa glisser... Il n'y eut presque pas de bruit: une mouette blanche qui plonge et qu'on ne revoit plus, voil? tout.

... Les dix minutes ?taient ?coul?es. Le juge rouvrit la porte.

--N?ne! dit-il tranquillement.

Il la chercha des yeux. N?ne! N?ne... Ce n'est pas grand une cabine; il n'y a pas un seul endroit o?, m?me un enfant, se puisse cacher. Pourtant, il ?carta quelques v?tements, il t?ta les couchettes.

--N?ne!

Ti-Ha? ?tait entr?e derri?re lui.

--Y a pas bon! cria-t-elle encore, mais d'une autre voix... fen?tre moi tout ? l'heure pas ouvert comme ?a!

--Vous dites?... cria le juge, les yeux hagards.

L'HOMME D'ALEXANDRIE

--Je m'?tais assis sur une chaise, au milieu du corridor, disait le narrateur. Par cette nuit noire, je ne distinguais m?me pas ma main devant mes yeux, et je demeurai comme ?a une vingtaine de minutes... Alors j'entendis les pas! Ils venaient vers moi du fond de ce couloir, si ?troit que j'en occupais presque toute la largeur, et qu'un chien n'aurait pu passer sans me bousculer. J'avais mon revolver ? la main, et je me disais: <> Mais, quand les pas furent sur moi, il n'y eut plus rien...

--Parbleu! dit une voix.

--Il n'y eut plus rien, continua le passager, qu'une esp?ce de grand souffle froid qui m'enveloppa des pieds ? la t?te. Et derri?re moi, tout de suite apr?s, les pas recommenc?rent. Des pas lourds: tong! tong! tong! sur le vieux plancher. Ils all?rent jusqu'? la porte vitr?e qui ouvrait sur une petite terrasse couverte en zinc. Le bruit qu'ils faisaient changea tr?s distinctement, sur ce zinc...

--Et puis?

--Et puis ce fut tout. Vous m'avez demand? si j'avais vu un revenant. J'en ai entendu et senti un, je puis le jurer.

--C'?tait un vampire, dit le m?decin du bord: une de ces grandes chauves-souris qui passent tout le jour suspendues par les pieds, dans les caves. La nuit, elles se r?veillent, elles montent, et font peur aux gens.

Je haussai les ?paules. Je n'ai pas d'opinion sur les histoires de revenants. ?a m'est ?gal qu'il y ait des fant?mes ou qu'il n'y en ait pas, voil? tout. Seulement, je trouve que les explications naturelles qu'on en donne sont encore plus b?tes que les explications surnaturelles.

Au m?me moment, une autre voix parla.

Add to tbrJar First Page Next Page

 

Back to top