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Read Ebook: Monsieur Lecoq — Volume 1 L'enquête by Gaboriau Emile

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Ebook has 3906 lines and 90337 words, and 79 pages

MONSIEUR LECOQ

PAR

?MILE GABORIAU

L'ENQU?TE

M. ALPHONSE MILLAUD

?MILE GABORIAU.

MONSIEUR LECOQ

PREMI?RE PARTIE

L'ENQU?TE

Le 20 f?vrier 18.., un dimanche, qui se trouvait ?tre le dimanche gras, sur les onze heures du soir, une ronde d'agents du service de la s?ret? sortait du poste de police de l'ancienne barri?re d'Italie.

La mission de cette ronde ?tait d'explorer ce vaste quartier qui s'?tend de la route de Fontainebleau ? la Seine, depuis les boulevards ext?rieurs jusqu'aux fortifications.

Ces parages d?serts avaient alors la f?cheuse r?putation qu'ont aujourd'hui les carri?res d'Am?rique.

S'y aventurer de nuit ?tait r?put? si dangereux, que les soldats des forts venus ? Paris, avec la permission du spectacle, avaient ordre de s'attendre ? la barri?re et de ne rentrer que par groupes de trois ou quatre.

C'est que les terrains vagues, encore nombreux, devenaient, pass? minuit, le domaine de cette tourbe de mis?rables sans aveu et sans asile, qui redoutent jusqu'aux formalit?s sommaires des plus inf?mes garnis.

Les vagabonds et les repris de justice s'y donnaient rendez-vous. Si la journ?e avait ?t? bonne, ils faisaient ripaille avec les comestibles vol?s aux ?talages. Quand le sommeil les gagnait, ils se glissaient sous les hangards des fabriques ou parmi les d?combres de maisons abandonn?es.

Tout avait ?t? mis en oeuvre pour d?loger des h?tes si dangereux, mais les plus ?nergiques mesures demeuraient vaines.

Surveill?s, traqu?s, harcel?s, toujours sous le coup d'une razzia, ils revenaient quand m?me, avec une obstination idiote, ob?issant, on ne saurait dire ? quelle myst?rieuse attraction.

Si bien que la police avait l? comme une immense sourici?re incessamment tendue, o? son gibier venait b?n?volement se prendre.

Le r?sultat d'une perquisition ?tait si bien pr?vu, si s?r, que c'est d'un ton de certitude absolue que le chef de poste cria ? la ronde qui s'?loignait:

--Je vais toujours pr?parer les logements de nos pratiques. Bonne chasse et bien du plaisir!

Ce dernier souhait, par exemple, ?tait pure ironie, car le temps ?tait aussi mauvais que possible.

Il avait abondamment neig? les jours pr?c?dents, et le d?gel commen?ait. Partout o? la circulation avait ?t? un peu active, il y avait un demi-pied de boue. Il faisait encore froid cependant, un froid humide ? transir jusqu'? la moelle des os. Avec cela le brouillard ?tait si intense que le bras ?tendu on ne distinguait pas sa main.

--Quel chien de m?tier! grommela un des agents.

--Oui, r?pondit l'inspecteur qui commandait la ronde, je pense bien que si tu avais seulement trente mille francs de rentes, tu ne serais pas ici.

Le rire qui accueillit cette vulgaire plaisanterie ?tait moins une flatterie qu'un hommage rendu ? une sup?riorit? reconnue et ?tablie.

L'inspecteur ?tait, en effet, un serviteur des plus appr?ci?s ? la Pr?fecture, et qui avait fait ses preuves.

Sa perspicacit? n'?tait peut-?tre pas fort grande, mais il savait ? fond son m?tier et en connaissait les ressources, les ficelles et les artifices. La pratique lui avait, en outre, donn? un aplomb imperturbable, une superbe confiance en soi et une sorte de grossi?re diplomatie, jouant assez bien l'habilet?.

? ces qualit?s et ? ces d?fauts, il joignait une incontestable bravoure.

Il mettait la main au collet du plus redoutable malfaiteur aussi tranquillement qu'une d?vote trempe son doigt dans un b?nitier.

C'?tait un homme de quarante-six ans, taill? en force, ayant les traits durs, une terrible moustache, et de petits yeux gris sous des sourcils en broussailles.

Son nom ?tait G?vrol, mais le plus habituellement on l'appelait: G?n?ral.

Ce sobriquet caressait sa vanit?, qui n'?tait pas m?diocre, et ses subordonn?s ne l'ignoraient pas.

Sans doute il pensait qu'il rejaillissait sur sa personne quelque chose de la consid?ration attach?e ? ce grade.

--Si vous geignez d?j?, reprit-il de sa grosse voix, que sera-ce tout ? l'heure?

Dans le fait, il n'y avait pas encore trop ? se plaindre.

La petite troupe remontait alors la route de Choisy: les trottoirs ?taient relativement propres, et les boutiques des marchands de vins suffisaient ? ?clairer la marche.

Car tous les d?bits ?taient ouverts. Il n'est brouillard ni d?gel capables de d?courager les amis de la gaiet?. Le carnaval de barri?re se grisait dans les cabarets et se d?menait dans les bals publics.

Des fen?tres ouvertes, s'?chappaient alternativement des vocif?rations ou des bouff?es de musiques enrag?es. Puis, c'?tait un ivrogne qui passait festonnant sur la chauss?e, ou un masque crott? qui se glissait comme une ombre honteuse, le long des maisons.

Devant certains ?tablissements, G?vrol commandait: halte! Il sifflait d'une fa?on particuli?re, et presque aussit?t un homme sortait. C'?tait un agent arrivant ? l'ordre. On ?coutait son rapport et on passait.

Peu ? peu, cependant, on approchait des fortifications. Les lumi?res se faisaient rares et il y avait de grands emplacements vides entre les maisons.

--Par file ? gauche, gar?ons! ordonna G?vrol; nous allons rejoindre la route d'Ivry et nous couperons ensuite au plus court pour gagner la rue du Chevaleret.

De ce point, l'exp?dition devenait r?ellement p?nible.

La ronde venait de s'engager dans un chemin ? peine trac?, n'ayant pas m?me de nom, coup? de fondri?res, embarrass? de d?combres, et que le brouillard, la boue et la neige rendaient p?rilleux.

D?sormais plus de lumi?re, plus de cabarets; ni pas, ni voix, rien, la solitude, les t?n?bres, le silence.

On se serait cru ? mille lieues de Paris, sans ce bruit profond et continu qui monte de la grande ville comme le mugissement d'un torrent du fond d'un gouffre.

Tous les agents avaient retrouss? leur pantalon au-dessus de la cheville, et ils avan?aient lentement, choisissant tant bien que mal les places o? poser le pied, un ? un, comme des Indiens sur le sentier de la guerre.

Ils venaient de d?passer la rue du Ch?teau-des-Rentiers, quand tout ? coup un cri d?chirant traversa l'espace.

? cette heure, en cet endroit, ce cri ?tait si affreusement significatif, que d'un commun mouvement tous les hommes s'arr?t?rent.

--Vous avez entendu, G?n?ral? demanda ? demi-voix un des agents.

--Oui, on s'?gorge certainement pr?s d'ici... mais o?? Silence et ?coutons.

Tous rest?rent immobiles, l'oreille tendue, retenant leur souffle, et bient?t un second cri, un hurlement plut?t, retentit.

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