Read Ebook: Ma captivité en Abyssinie ...sous l'empereur Théodoros by Blanc Henry
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Ebook has 536 lines and 105914 words, and 11 pages
--L'Abouca, en faveur en ce moment, craignant quelque tentative de la part des catholiques-romains, pressa l'empereur de laisser partir M. Lejean, de peur que les Fran?ais ne trouvassent un pr?texte pour s'?tablir quelque part dans la contr?e et que leurs pr?tres n'en profitassent pour propager leur doctrine. Mais deux jours apr?s le d?part de M. Lejean, Th?odoros regrettant d'avoir favoris? ce d?part, envoya des messagers sur sa route pour l'arr?ter et le ramener ? Gondar.
Dans l'automne de 1863, les Europ?ens ?tablis en Abyssinie ?taient au nombre de vingt-cinq, savoir: M. Cameron et ses serviteurs venus avec lui, la mission de B?le, la mission d'Ecosse, les missionnaires de la soci?t? de Londres pour la conversion des Juifs et quelques aventuriers.
En 1855, le docteur Krapf et M. Flad, entraient en Abyssinie, comme pionniers d'une mission que l'?v?que Gobat d?sirait fonder dans ce pays. Il avait l'intention d'envoyer des ouvriers qui feraient en m?me temps une oeuvre missionnaire, et qui seraient cens?s suffire ? leurs besoins par leur travail, mais auxquels cependant on accorderait une petite r?mun?ration si la chose ?tait jug?e n?cessaire. Ils devaient ouvrir des ?coles et saisir toutes les occasions de pr?cher la Parole de Dieu. M. Flad fit plusieurs voyages dans diff?rentes directions. Lors des premi?res difficult?s qui survinrent au commencement du r?gne de Th?odoros, le nombre des missionnaires la?ques et des aventuriers qui s'?taient joints ? eux , s'?levait ? huit. M. Flad, quelque temps auparavant, avait abandonn? la mission de B?le en faveur de la mission de Londres pour la conversion des Juifs.
M. Stern partit pour son second voyage en Abyssinie dans le courant de l'automne de 1862, accompagn? cette fois de M. et Madame Rosenthal. Ils arriv?rent ? Djenda en avril 1863.
Notes:
Interpr?te, g?n?ralement donn? aux ?trangers pour remplir le r?le d'espions.
Ev?que abyssinien.
Il mourut ? Gaffat au commencement de 1865.
Emprisonnement de M. Stern.--M. K?rans arrive avec des lettres et un tapis.--M. Cameron et ses compagnons sont charg?s de cha?nes.--Retour de M. Bardel du Soudan.--Proc?d?s de Th?odoros vis-?-vis des ?trangers.--Le patriarche cophte.--Abdul-Rahman-Bey. La captivit? des Europ?ens expliqu?e.
Tel ?tait l'?tat des affaires, lorsque M. Stern obtint la permission de retourner ? la c?te. Malheureusement il lui fut impossible de se servir de cette permission. M. Stern, avant son d?part, fut passer quelques jours ? Gondar. Il eut la pens?e, mais trop tard, d'aller pr?senter ses respects ? Sa Majest?. Pendant son court s?jour dans cette ville, il avait accept? l'hospitalit? de l'?v?que. Le 13 octobre, le consul Cameron et M. Bardel l'ayant accompagn? une partie du chemin, il entreprit son voyage de retour. En arrivant dans la plaine de Waggera, M. Stern aper?ut la tente royale. Ce qui se passa ensuite est tr?s-connu: comment cet homme malheureux fut presque mis ? mort, et, d?s cette heure, sans aucune piti? charg? de cha?nes, tortur? et tra?n? de prison en prison, jusqu'au jour de sa d?livrance ? Magdala par l'arm?e britannique.
Peu de jours apr?s l'arriv?e de M. Kerans, le consul Cameron fut appel? au camp du roi, et il lui fut enjoint de rester l? jusqu'? nouvel ordre. Il se consid?rait si peu comme prisonnier, bien qu'il ne lui f?t pas permis d'aller ? Gondar, que pr?textant sa mauvaise sant?, il demanda la permission de se retirer dans cette ville. M. Cameron attendit jusqu'au commencement de janvier, esp?rant tous les jours recevoir une lettre de l'empereur. Mais enfin comme rien n'arrivait, il se vit oblig? d'ob?ir aux instructions qu'il avait re?ues; il informa Th?odoros que, d'apr?s les ordres de son gouvernement qui lui prescrivaient de retourner ? Massowah, il priait Sa Majest? de lui accorder cette permission.
Dans la matin?e du 4 janvier, M. Cameron, ses serviteurs europ?ens, les missionnaires de Gondar et MM. Stern et Rosenthal , furent mand?s par Sa Majest?. Ils furent introduits dans une tente renferm?e dans l'enceinte particuli?re de Th?odoros, ayant deux pi?ces de douze plac?es ? l'entr?e et point?es dans la direction de la tente. L'enceinte ?tait pleine de soldats, et tout ?tait arrang? pour rendre la r?sistance impossible. Peu d'instants apr?s l'arriv?e de M. Cameron, Th?odoros lui envoya plusieurs messagers charg?s de diff?rentes questions, telles que: <
Le r?v?rend M. Stern a tr?s-bien d?crit la douloureuse captivit? que lui et ses compagnons ont eu ? supporter avant leur premier ?largissement, lors de leur arriv?e dans la mission an commencement de 1865; comment ils furent tra?n?s de Gondar ? Azazo; l'horrible torture qui leur fut inflig?e le 12 du mois de mai; leur longue marche dans les cha?nes d'Azazo ? Magdala; leur emprisonnement ? l'Amba dans la prison commune, et la multiplicit? des souffrances qu'ils eurent ? supporter ainsi pendant plusieurs mois. Nous nous bornerons ? dire que le 14 f?vrier 1864, date de la lettre du capitaine Cameron, qui donne le premier avis de leur emprisonnement, les captifs, an nombre de huit, ?taient: le capitaine Cameron et ses compagnons, Kerans, Bardel, Mac Kilvie, Makerer, Pi?tro et MM. Stern et Rosenthal.
Tout ce que j'ai dit jusqu'? pr?sent et la plus grande partie de ce que j'ai ? raconter serait inintelligible, si je n'expliquais pas la conduite de Th?odoros vis-?-vis des ?trangers. Il est certain que Th?odoros, pendant plusieurs ann?es, les insulta syst?matiquement. Il agissait ainsi soit pour ?blouir son peuple par son pouvoir, soit aussi parce qu'il croyait ? la compl?te impunit? de ses plus grossi?res iniquit?s.
En d?cembre 1856, David, le patriarche cophte d'Alexandrie, arriva en Abyssinie, porteur de certains pr?sents pour Th?odoros, et de l'expression bienveillante du pacha d'Egypte. La r?putation de Th?odoros s'?tait r?pandue an loin du c?t? du Soudan, et probablement les autorit?s ?gyptiennes, dans la pens?e de sauver cette province du pillage, ou bien, voulant ?viter une guerre dispendieuse avec leur puissant voisin, adopt?rent cet exp?dient comme le meilleur ? suivre pour apaiser la col?re de leur ancien ennemi. Selon son usage, Th?odoros trouva encore une excuse aux mauvais traitements qu'il infligea au respectable patriarche, sur ce pr?texte que la croix en diamants, qui lui ?tait pr?sent?e, ?tait une insulte: <
Il est tr?s-probable que Th?odoros, toujours jaloux du pouvoir de l'Eglise, profita de la pr?sence de son plus haut dignitaire pour montrer ? son arm?e qui elle avait ? craindre et ? qui elle devait ob?ir. Sous le pr?texte mentionn? plus haut, il fit un jour b?tir une baie autour de la r?sidence du patriarche, et l'on vit ainsi pendant plusieurs jours, le fils a?n? de l'Eglise cophte, tenir son P?re en prison. Th?odoros, plusieurs fois, avait ?t? excommuni? par l'?v?que, aussi se r?jouissait-il beaucoup de la honteuse querelle qui surgit ? cette occasion, parce qu'il voulait, par la crainte, persuader le patriarche d'enlever l'excommunication lanc?e par son inf?rieur. Toutefois, au bout d'un certain temps, Th?odoros absous laissa partir le vieillard qu'il avait ?pouvant?.
Le patriarche, ? son retour, fit son rapport: mais la r?putation de justice et de sagesse du bienveillant descendant de Salomon ?tait si grande que, loin d'?tre cru, le gouvernement turc attribua l'?chec survenu, dans les n?gociations ? l'inaptitude de son agent; et bient?t apr?s, il organisa une autre ambassade sur une plus grande ?chelle, la faisant accompagner de nombreux et magnifiques pr?sents, et la mettant sous les ordres d'un officier exp?riment? et fid?le, Abdul Rahman-Bey.
Ces envoy?s ?gyptiens arriv?rent ? Dembea en mars 1859. Tout d'abord Th?odoros, satisfait de recevoir de si magnifiques dons, traita les ambassadeurs avec courtoisie et distinction; mais craignant qu'en ce moment le pays ne f?t pas s?r, il prit son h?te avec lui et partit pour Magdala, qu'il estimait ?tre une r?sidence plus conforme ? ses projets, et il y laissa l'ambassadeur. Il l'oublia m?me compl?tement, et le malheureux y demeura pr?s de deux ans, ? demi prisonnier. Mais ayant re?u plusieurs lettres o? des menaces ?taient ?nergiquement exprim?es de la part du gouvernement ?gyptien, Th?odoros permit ? son prisonnier de partir, mais il lui annon?a qu'il serait vol?, en touchant ? la fronti?re, par le gouverneur de Tschelga. Th?odoros, apr?s le d?part d'Abdul-Rahman-Bey, ?crivit an gouvernement ?gyptien, niant d'avoir aucune connaissance du vol commis au pr?judice de l'ambassadeur et accusant celui-ci de crimes graves. En apprenant cela l'infortun? bey, craignant que ses d?n?gations ne tournassent contre lui, s'empoisonna ? Berber.
Sa troisi?me victime fut le na?b d'Arkiko. Il avait accompagn? l'empereur ? Godjam, lorsque, sans raison connue, celui-ci le fit mettre en prison et le fit charger de cha?nes. Ce ne fut que sur les remarques de quelques marchands influents qui lui firent observer qu'on pourrait se venger sur ses caravanes d'Abyssinie et leur rendre la pareille, que Sa Majest? comprit la prudence de ces avis et permit ? son prisonnier de retourner dans son pays.
Le m?me jour que le na?b d'Arkiko ?tait fait prisonnier, M. Lejean, membre du service diplomatique fran?ais, d?go?t? de l'Abyssinie et du manque de confort de la vie des camps, se pr?sentait devant l'empereur pour le supplier de le laisser partir. Th?odoros ne voulant pas accorder l'entrevue d?sir?e et M. Lejean persistant dans sa demande, il lui fut r?pondu que Sa Majest? ?tait en route pour Godjam. Chaque jour accroissait ainsi les difficult?s de son retour. Une telle arrogance ne pouvait ?tre tol?r?e. Th?odoros avait d?fi? l'Egypte; et maintenant il allait d?fier la France. M. Lejean fut saisi et eut ? demeurer en plein uniforme dans les fers pendant vingt-quatre heures. Il ne fut rel?ch? qu'en envoyant une humble excuse et en renon?ant an d?sir de quitter le pays. Il fut envoy? ? Gaffat avec l'ordre de rester l? jusqu'au retour de M. Bardel.
Th?odoros semblait faire fi de tout le monde; il emprisonnait le patriarche d'Alexandrie, l'ambassadeur d'Egypte ?tait gard? ? demi prisonnier pendant plusieurs ann?es; il encha?nait le na?b, il insultait et encha?nait le consul fran?ais et le chassait du pays; et pourtant rien de mal ne lui ?tait arriv?; an contraire, son influence au camp ?tait bien plus grande. Dans de semblables circonstances tous les barbares auraient fait et pens? exactement comme lui. Il en arriva bient?t ? cette conviction que soit par crainte de son pouvoir, soit dans l'impossibilit? o? l'on ?tait d'arriver jusqu'? lui, quels que fussent les mauvais traitements qu'il inflige?t aux ?trangers, aucune punition ne pouvait l'atteindre. Que telle f?t sa conviction, la chose est parfaitement d?montr?e par sa brutalit? toujours plus grande et sa conduite toujours plus m?chante, et toujours plus outrageante ? l'?gard des captifs britanniques. Th?odoros ? la fin ne prit aucune peine pour cacher son m?pris pour les Europ?ens et leurs gouvernements.
Il savait qu'an mois d'ao?t 1864, il y avait d?j? un mois, une r?ponse de sa lettre ? la reine d'Angleterre ?tait arriv?e ? Massowah: <
La nouvelle de l'emprisonnement de M. Cameron arrive chez lui.--M. Rassam est choisi pour aller ? la cour de Gondar, o? il est accompagn? par le docteur Blanc.--D?lais et difficult?s pour communiquer avec Th?odoros.--Description de Massowah et de ses habitants.--Arriv?e d'une lettre de l'empereur.
Au printemps de 1864, une rumeur vague se r?pandit qu'un potentat africain avait emprisonn? un consul britannique. Le fait parut si ?trange que peu de personnes crurent ? cette nouvelle. Il fut bient?t certain cependant qu'un empereur d'Abyssinie, nomm? Th?odoros, avait enferm? et charg? de cha?nes le capitaine Cameron, consul accr?dit? ? cette cour, et avec lui plusieurs missionnaires ?tablis dans cette contr?e. Une petite note au crayon du capitaine Cameron, fut port?e ? M. Speedy, vice-consul ? Massowah; elle renfermait le nombre et le nom des captifs et donnait ? entendre que leur ?largissement d?pendait enti?rement de la r?ception d'une lettre officielle, en r?ponse ? celle que le roi avait envoy?e quelques mois auparavant ? la reine Victoria.
Il est ?vident que beaucoup de difficult?s se pr?sentaient au sujet de la demande exprim?e par le consul Cameron. Peu de personnes connaissaient l'Abyssinie, et la conduite de son gouverneur ?tait si singuli?re, si contraire ? tous les pr?c?dents, qu'il y avait de quoi r?fl?chir pour savoir comment se mettre en communication avec l'empereur abyssinien sans exposer la libert? de ceux qu'on enverrait.
Le 16 juin, le minist?re des affaires ?trang?res choisit, pour la t?che difficile et p?rilleuse de mandataire aupr?s de Th?odoros, M. Hormuzd Rassam, repr?sentant politique r?sidant ? Aden. Des instructions furent envoy?es ? ce d?l?gu? afin qu'il se t?nt promptement pr?t ? partir pour Massowah, pour aller solliciter l'?largissement du capitaine Cameron, ainsi que des autres Europ?ens d?tenus par le roi Th?odoros. Une lettre de Sa Majest? la reine d'Angleterre, une autre du patriarche cophte d'Alexandrie pour l'Abouna, et une autre du m?me au roi Th?odoros, furent envoy?es en m?me temps ? M. Rassam dans le but de faciliter sa mission. M. Rassam devait ?tre transport? ? Massowah sur un vaisseau de guerre; il devait ? la fois informer Th?odoros de son arriv?e, lui porter une lettre de la reine d'Angleterre, et par la m?me occasion, faire remettre les lettres du patriarche ? l'Abouna et ? l'empereur. Il devait attendre une r?ponse ? Massowah, avant de d?cider s'il irait lui-m?me ou s'il enverrait la lettre de la reine pour la d?livrance du capitaine Cameron. Les instructions ajoutaient que M. Rassam devait toutefois adopter n'importe quelle d?marche qui lui para?trait la plus favorable pour r?ussir, mais il devrait surtout prendre garde de ne pas se placer dans une position qui p?t causer des embarras an gouvernement britannique.
Le 23 au matin, ? une distance d'environ trente milles de la c?te, nous aper??mes le haut pays d'Abyssinie, form? de plusieurs cha?nes de montagnes superpos?es, courant toutes du nord au sud; les plus ?loign?es ?taient les plus ?lev?es. Quelques pics, entre autres le Taranta, s'?l?vent ? la hauteur d'environ 12 ? 13 mille pieds.
A mesure que nous approchions, les contours du rivage devenant de plus en plus distincts, nous aper??mes une petite ?le sem?e de blanches maisons entour?es de vertes pelouses et r?fl?chissant leur ombre protectrice dans l'eau tranquille de la baie, ce spectacle nous fit ?prouver une sensation d?licieuse; on e?t dit que nous touchions ? l'un de ces lieux enchant?s de l'Orient, si souvent d?crits, si rarement aper?us, et vers lequel l'impatience de nos coeurs nous poussait si ardemment, que l'allure vive de notre steamer nous semblait trop lente encore. Mais petit ? petit, comme nous approchions de la c?te, nos illusions disparurent une ? une; les gracieuses images s'?vanouirent, et la r?alit? toute crue ne nous offrit que des buissons mar?cageux, une berge sablonneuse et calcin?e, des huttes sales et mis?rables.
Au lieu du demi-paradis que la distance avait fait miroiter devant notre imagination, nous trouv?mes que le pays de notre r?sidence temporaire pouvait se d?crire en trois mots: soleil br?lant, salet? et d?solation.
Massowah , est une de ces ?les de corail qui abondent dans la mer Rouge; elle n'est ?lev?e que de quelques pieds au-dessus du niveau de la mer; elle a un mille de longueur et un quart de largeur. Vers le nord elle est s?par?e de la terre ferme par une petite baie d'environ 200 pas de largeur; sa distance d'Arkiko, petite ville situ?e ? l'extr?mit? ouest de la baie, est d'environ deux milles. A un demi-mille au sud de Massowah, une autre petite ?le de corail tout ? fait parall?le ? la premi?re, couverte de buissons et de plusieurs autres genres de v?g?tation, est toute fi?re de poss?der la tombe d'un chelk v?n?r?: elle est entre Massowah et le pic Ajdem, la plus haute montagne formant la limite m?ridionale de la baie.
Toute la partie occidentale de l'?le de Massowah est couverte de maisons; quelques-unes hautes de deux ?tages, sont b?ties en rocher de corail, le restant se compose de petites huttes de bois avec des toits en chaume. Les premi?res sont habit?es par les plus riches n?gociants, les repr?sentants de la Turquie, quelques Banians, les consuls europ?ens, et enfin quelques marchands que leur malheureuse destin?e a jet?s sur cette c?te inhospitali?re. Il n'y a pas un ?difice digne d'?tre mentionn?: la r?sidence du pacha n'est qu'un grand h?tel lourd et remarquable seulement par sa salet?. Pendant notre s?jour, les mauvaises odeurs produites par l'accumulation des salet?s dans la cour et dans l'escalier du palais, n'?taient pas supportables; il est plus facile de se les imaginer que de les d?crire. Les quelques mosqu?es qui se trouvent ? Massowah sont sans importance, ce sont de mis?rables ?difices en corail blanchi. L'une d'elles toutefois, en construction en ce moment, promet d'?tre un peu mieux que les pr?c?dentes.
Les rues, si toutefois on peut donner ce nom aux ruelles ?troites et irr?guli?res qui serpentent entre les maisons, sont tenues assez proprement; est-ce par l'intervention municipale ou en son absence? je ne saurais le dire. Except? devant la r?sidence du pacha, aucun espace n'est ouvert auquel on puisse donner le nom de place. Les maisons sont pour la plupart b?ties les unes contre les autres, quelques-unes m?me sont construites sur pilotis. Le terrain a une telle valeur dans ce pays si peu connu, qu'il donne lieu ? de nombreuses contestations.
La partie est de la ville renferme le cimeti?re, les fontaines publiques, la maison de la mission catholique-romaine et un petit fort.
Le cimeti?re commence ? la derni?re maison de la ville; les limites entre les vivants et les morts ne sont pas visibles. Pour profiter de l'espace entre les s?pultures, les r?servoirs publics sont plac?s parmi les tombes! Et il n'y eu a que quelques-uns qui soient en bon ?tat. Apr?s les fortes pluies, le terrain d?chir? ouvre une issue aux eaux qui se rendent dans les r?servoirs, entra?nant les salet?s et les d?tritus accumul?s pendant un an ou deux, et auxquels s'ajoutent des fragments de corps humains pr?sentant tous les degr?s de d?composition. L'eau n'en est pas moins estim?e et, chose ?trange, ne produit aucun mauvais effet.
A l'extr?mit? nord et ? l'extr?mit? sud de l'?le, deux ?difices ont ?t? b?tis, l'un l'embl?me de l'amour et de la paix, l'autre celui de la haine et de la guerre: la maison des missions et le fort. Mais il serait difficile de dire quel est celui qui a fait le plus de mal; plusieurs inclinent ? croire que c'est la demeure des r?v?rends P?res. Le fort para?t consid?rable, mais seulement ? une grande distance; car plus on approche plus il ressemble ? un d?bris des derniers ?ges, une ruine croulante d?j? trop ?branl?e pour supporter plus longtemps ses trois vieux canons, couch?s sar le sol. Ce n'?tait pas la peur des ennemis qui les avait fait placer l?, mais la frayeur du canonnier qui avait perdu un bras en essayant de mettre le feu aux pi?ces.--Du c?t? oppos?, la maison des missions conservant la blancheur immacul?e, semble faire rayonner autour d'elle un sourire, invitant plut?t que repoussant l'?tranger. Mais ? l'int?rieur, est-ce que ce ne sont que des paroles d'amour qui ?branlent les ?chos de leurs d?mes? Est-ce que les paroles de paix sont les seules que laissent ?chapper ses murs? Quoique des volumes t?moignent de son pass?, et bien que l'histoire de l'Eglise romaine soit ?crite en lettres de sang sur toute la terre d'Abyssinie, nous voulons esp?rer que les craintes du peuple sont sans fondement et que les missionnaires actuels, comme tous les missionnaires chr?tiens, s'efforcent de faire prosp?rer une seule chose: la cause du Christ.
Les habitants ?tant musulmans, l'eau est leur boisson ordinaire; le tej et l'araki sont cependant vendus au bazar. La quantit? d'eau fournie par les quelques r?servoirs, en assez bon ?tat pour la contenir, ?tant insuffisante pour toute la population, on en apporte journellement des puits situ?s ? quelques milles au nord de Massowah et d'Arkiko. Une partie est transport?e dans des outres par les jeunes filles du village; l'autre partie est amen?e dans des barques ? travers la baie. D'o? qu'elle vienne, cette eau est toujours saum?tre, surtout celle d'Arkiko. C'est pour cette raison et aussi ? cause d'une plus grande facilit? dans le transport, que cette derni?re est meilleur march? et achet?e seulement par les plus pauvres habitants.
Afin d'?viter d'inutiles r?p?titions, avant de parler de la population, du climat, des maladies, etc., etc., il est n?cessaire de dire quelque chose du pays voisin.
Les puits sont la richesse des villages, leur v?ritable existence. Tr?s-probablement, les huttes ont ?t? ajout?es aux huttes dans leur voisinage jusqu'? ce que des villages entiers se sont ?lev?s, toujours entour?s par une ?tendue d?serte et br?l?e. Les puits y sont au nombre de vingt. Plusieurs anciens puits sont ferm?s, souvent de nouveaux puits sont creus?s afin d'entretenir un approvisionnement constant d'eau. La raison pour laquelle on abandonne les anciens puits, c'est qu'au bout d'un certain temps l'eau en devient saum?tre, tandis que dans ceux qu'on a nouvellement creus?s l'eau est toujours douce. Cette eau provient de deux sources diff?rentes: d'abord des hautes montagnes du voisinage. La pluie qui filtre et impr?gne le sol ne peut p?n?trer que jusqu'? une certaine profondeur ? cause de la nature volcanique de la couche inf?rieure, et forme une nappe qui toujours se rencontre ? une certaine profondeur. Ensuite, l'eau vient aussi par infiltration de la mer. Les puits, quoique creus?s ? environ quatre milles de la c?te, sont profonds d'environ vingt ou vingt-cinq pieds et par cons?quent au-dessous du niveau de la mer.
La preuve d'un courant souterrain, d? ? la pr?sence des hautes cha?nes de montagnes, devient plus ?vidente ? mesure que le voyageur avance dans l'int?rieur du pays; quoique le terrain soit toujours sablonneux et st?rile, cependant on aper?oit une certaine v?g?tation, les arbres et les arbrisseaux deviennent de plus en plus abondants et d'une plus haute taille. A quelques milles dans l'int?rieur des terres, pendant les mois d'?t?, il est toujours possible de se procurer de l'eau en creusant ? quelques pieds dans le lit dess?ch? d'un torrent.
Il m'est souvent venu ? la pens?e que le bien qu'avaient produit les puits art?siens dans le Sahara, ils pouvaient aussi le produire dans ces r?gions. La localit? semble m?me plus favorable, et j'esp?re que ces pays d?sol?s du Samhar, de m?me que le grand d?sert africain, seront un jour transform?s en une fertile contr?e.
Tels qu'ils sont, ces puits peuvent encore ?tre d'une grande utilit?. A notre arriv?e ? Moncullou, nous trouv?mes l'eau des puits d?pendant de la r?sidence du consul ? peine potable, ? cause de son go?t saum?tre; nous nettoy?mes le puits, une grande quantit? de sable d'un go?t sal? en fut extraite et nous creus?mes jusqu'? ce que le roc appar?t. Le r?sultat de nos travaux fut que nous e?mes le meilleur puits du pays, et que plusieurs demandes de notre eau nous furent faites, de la part m?me du pacha. Malheureusement, les anc?tres des Moncullites actuels n'avaient jamais fait une semblable chose, et comme toute innovation est toujours d?test?e par les races ? demi civilis?es, le fait fut admir? mais non imit?.
Arkiko, ? l'extr?mit? de la baie, est plus pr?s des montagnes que les villages situ?s au nord de Massowah, mais le village est enti?rement b?ti sur la berge; les puits, qui ne sont pas ? cent pas de la mer, sont tous beaucoup moins profonds que ceux du c?t? nord, par cons?quent, les eaux de la mer, ayant un trajet beaucoup plus court ? parcourir, retiennent une plus grande quantit? de particules salines, de sorte que, s'il ne s'y m?lait une petite quantit? d'eau douce des montagnes, elle serait tout ? fait impotable.
Les sources d'Adulis sont seulement ? quelques centaines de pas des bords de la mer; elles sont environn?es de champs de verdure couverts d'une puissante v?g?tation et sont le rendez-vous de myriades d'oiseaux et de quadrup?des, qui, matin et soir, arrivent par essaims pour se d?salt?rer.
A Ailat les sources chaudes surgissent d'un rocher basaltique, sur un petit plateau, entre de hautes montagnes taill?es a pic. A sa source la temp?rature est de 141 degr?s Fahrenheit, mais comme ses eaux serpentent le long de diff?rents ravins, elles se refroidissent graduellement jusqu'? ce qu'elles ne diff?rent presque pas des ruisseaux qui coulent des autres montagnes. Elles sont bonnes ? boire, et employ?es par les habitants d'Ailat pour tous leurs besoins usuels; elles sont m?me tr?s-estim?es des B?douins. A cause de leurs propri?t?s m?dicales, un grand nombre de personnes affluent ? ces bains naturels, qui naissent an milieu de rochers ravin?s et volcaniques, et qui contribuent au soulagement d'une grande vari?t? de maladies. Par ce que j'ai pu recueillir, il para?t qu'elles sont surtout bonnes dans les rhumatismes chroniques et les maladies de la peau. Probablement, dans ces cas, toute esp?ce d'eaux chaudes agirait de la m?me mani?re, vu l'?tat morbide des t?guments chez ces races sales et qui ne se lavent jamais.
Dans les pays orientaux, les enfants, loin d'?tre une charge pour les pauvres, sont souvent une source de richesses; il en est ainsi du moins ? Massowah; les jeunes filles de Moncullou rapportent un joli revenu ? leurs parents. J'ai connu des gros et forts compagnons, mais paresseux, se tra?nant tout le jour ? l'ombre de leur hutte, et qui vivaient du charriage de deux ou trois petites filles qui journellement faisaient plusieurs fois le voyage ? Massowah, pour porter des outres pleines d'eau. Les porteuses d'eau out en g?n?ral de huit ? seize ans. Les plus jeunes sont assez jolies, petites mais bien faites, leurs cheveux, proprement tress?s, tombent sur les ?paules. Une petite ?toffe de coton, partant de la ceinture jusqu'au genou, est le seul ornement des plus pauvres. Celles qui sont plus ais?es portent de plus une autre ?toffe gracieusement attach?e ? leurs ?paules comme le plaid ?cossais. Leur narine droite est orn?e d'un petit anneau de cuivre; lorsqu'elles peuvent remplacer le plaid par une chemise orn?e de boutons, c'est beaucoup plus estim?; aussi pendant notre s?jour, nos boutons furent-ils mis ? contribution.
Si nous consid?rons que Massowah est situ?e sous les tropiques, qu'elle ne poss?de aucun courant d'eau, qu'elle est entour?e de d?serts br?lants, et que de plus il y pleut rarement, nous arriverons ? cette conclusion que le climat doit en ?tre br?lant et aride.
De novembre ? mars, les nuits sont froides et pendant le jour, dans une maison ou sous une tente, la temp?rature est agr?able; mais du mois d'avril au mois d'octobre, les nuits sont lourdes et souvent ?touffantes. Pendant ces mois de chaleur, deux fois par jour, le matin avant le r?veil de la brise de mer et le soir lorsqu'elle est tomb?e, tous les animaux de la cr?ation, b?tes et gens, sont saisis d'une sorte d'engourdissement. Le calme parfait qui r?gne alors vous saisit de crainte et il produit un douloureux effet.
Du mois de mai an mois d'ao?t, il y a de fr?quents ouragans de sable. Ils commencent d'habitude ? quatre heures de l'apr?s-midi , et leur dur?e peut varier de quelques minutes seulement ? une couple d'heures. Longtemps avant que l'ouragan ?clate, l'horizon vers le nord-nord-ouest est tout ? fait sombre; un nuage noir s'?tend de la mer ? la cha?ne de montagnes, et, en avan?ant, il obscurcit le soleil.
Quelques minutes d'un calme profond s'?coulent, puis tout ? coup la noire colonne s'approche; tout semble dispara?tre devant elle, et le rugissement de la terrible temp?te de vent et de sable d?cha?n?e sur la terre est vraiment sublime dans son horreur. Le vent chaud et sec qui souffle apr?s le vent de la mer para?t froid, bien que le thermom?tre monte ? 100 ou 115 degr?s. Apr?s la temp?te, une douce brise de terre se fait sentir et dure quelquefois toute la nuit. On ne peut se figurer la quantit? de sable transport?e par ces ouragans. Il est de fait que, pendant la temp?te, nous ne pouvions distinguer ? une tr?s-courte distance les plus gros objets, comme une tente, par exemple.
Il pleut rarement; seulement en ao?t et novembre il fait quelques ond?es.
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