bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Histoire de la Révolution française Tome 02 by Thiers Adolphe

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 637 lines and 107159 words, and 13 pages

HISTOIRE DE LA R?VOLUTION FRAN?AISE.

ASSEMBL?E L?GISLATIVE.

CHAPITRE PREMIER.

L'Assembl?e constituante venait de terminer sa longue et laborieuse carri?re; et, malgr? son noble courage, sa parfaite ?quit?, ses immenses travaux, elle ?tait ha?e comme r?volutionnaire ? Coblentz, et comme aristocrate ? Paris. Pour bien juger cette m?morable assembl?e, o? la r?union des lumi?res fut si grande et si vari?e, les r?solutions si hardies et si pers?v?rantes, et o?, pour la premi?re fois peut-?tre, on vit tous les hommes ?clair?s d'une nation r?unis avec la volont? et le pouvoir de r?aliser les voeux de la philosophie, il faut consid?rer l'?tat dans lequel elle avait trouv? la France, et celui dans lequel elle la laissait.

En 1789, la nation fran?aise sentait et connaissait tous ses maux, mais elle ne concevait pas la possibilit? de les gu?rir. Tout ? coup, sur la demande impr?vue des parlemens, les ?tats-g?n?raux sont convoqu?s; l'assembl?e constituante se forme, et arrive en pr?sence du tr?ne, enorgueilli de son ancienne puissance, et dispos? tout au plus ? souffrir quelques dol?ances. Alors elle se p?n?tre de ses droits, se dit qu'elle est la nation, et ose le d?clarer au gouvernement ?tonn?. Menac?e par l'aristocratie, par la cour et par une arm?e, ne pr?voyant pas encore les soul?vemens populaires, elle se d?clare inviolable, et d?fend au pouvoir de toucher ? elle; convaincue de ses droits, elle s'adressait ? des ennemis qui n'?taient pas convaincus des leurs, et elle l'emporte, par une simple expression de sa volont?, sur une puissance de plusieurs si?cles et sur une arm?e de trente mille hommes.

C'est l? toute la r?volution; c'en est le premier acte et le plus noble; il est juste, il est h?ro?que, car jamais une nation n'a agi avec plus de droit et de danger.

Le pouvoir vaincu, il fallait le reconstituer d'une mani?re juste et convenable. Mais ? l'aspect de cette ?chelle sociale au sommet de laquelle tout surabonde, puissance, honneurs, fortune, tandis qu'au bas tout manque jusqu'au pain indispensable ? la vie, l'assembl?e constituante ?prouve dans ses pens?es une r?action violente, et veut tout niveler. Elle d?cide donc que la masse des citoyens compl?tement ?galis?e exprimera ses volont?s, et que le roi demeurera charg? seulement de leur ex?cution.

Son erreur ici n'est point d'avoir r?duit la royaut? ? une simple magistrature; car le roi avait encore assez d'autorit? pour maintenir les lois, et plus que n'en ont les magistrats dans les r?publiques; mais c'est d'avoir cru qu'un roi, avec le souvenir de ce qu'il avait ?t?, p?t se r?signer, et qu'un peuple, qui se r?veillait ? peine, et qui venait de recouvrer une partie de la puissance publique, ne voul?t pas la conqu?rir tout enti?re. L'histoire prouve en effet qu'il faut diviser infiniment les magistratures, ou que, si on ?tablit un chef unique, il faut le doter si bien qu'il n'ait pas envie d'usurper.

Quand les nations, presque exclusivement occup?es de leurs int?r?ts priv?s, sentent le besoin de se d?charger sur un chef des soins du gouvernement, elles font bien de s'en donner un; mais il faut alors que ce chef, ?gal des rois anglais, pouvant convoquer et dissoudre les assembl?es nationales, n'ayant point ? recevoir leurs volont?s, ne les sanctionnant que lorsqu'elles lui conviennent, et emp?ch? seulement de trop mal faire, ait r?ellement la plus grande partie de la souverainet?. La dignit? de l'homme peut encore se conserver sous un gouvernement pareil, lorsque la loi est rigoureusement observ?e, lorsque chaque citoyen sent tout ce qu'il vaut, et sait que ces pouvoirs si grands, laiss?s au prince, ne lui ont ?t? abandonn?s que comme une concession ? la faiblesse humaine.

Mais ce n'est pas ? l'instant o? une nation vient tout ? coup de se rappeler ses droits, qu'elle peut consentir ? se donner un r?le secondaire, et ? remettre volontairement la toute-puissance ? un chef, pour que l'envie ne lui vienne pas de l'usurper. L'assembl?e constituante n'?tait pas plus capable que la nation elle-m?me de faire une pareille abdication. Elle r?duisit donc la royaut? ? une simple magistrature h?r?ditaire, esp?rant que le roi se contenterait de cette magistrature, toute brillante encore d'honneurs, de richesses et de puissance, et que le peuple la lui laisserait.

Mais que l'assembl?e l'esp?r?t ou non, pouvait-elle, dans ce doute, trancher la question? pouvait-elle supprimer le roi, ou bien lui donner toute la puissance que l'Angleterre accorde ? ses monarques?

Quant ? l'?tablissement d'une seule chambre, son erreur a ?t? plus r?elle peut-?tre, mais tout aussi in?vitable. S'il ?tait dangereux de ne laisser que le souvenir du pouvoir ? un roi qui l'avait eu tout entier, et en pr?sence d'un peuple qui voulait en envahir jusqu'au dernier reste, il ?tait bien plus faux en principe de ne pas reconna?tre les in?galit?s et les gradations sociales, lorsque les r?publiques elles-m?mes les admettent, et que chez toutes on trouve un s?nat, ou h?r?ditaire, ou ?lectif. Mais il ne faut exiger des hommes et des esprits que ce qu'ils peuvent ? chaque ?poque. Comment, au milieu d'une r?volte contre l'injustice des rangs, reconna?tre leur n?cessit?? Comment constituer l'aristocratie au moment de la guerre contre l'aristocratie? Constituer la royaut? e?t ?t? plus facile, parce que, plac?e loin du peuple, elle avait ?t? moins oppressive, et parce que d'ailleurs elle remplit des fonctions qui semblent plus n?cessaires.

Mais, je le r?p?te, ces erreurs n'eussent-elles pas domin? dans l'assembl?e, elles ?taient dans la nation, et la suite des ?v?nemens prouvera que si on avait laiss? au roi et ? l'aristocratie tous les pouvoirs qu'on leur ?ta, la r?volution n'en aurait pas moins eu lieu jusque dans ses derniers exc?s.

Il faut, pour s'en convaincre, distinguer les r?volutions qui ?clatent chez les peuples long-temps soumis, de celles qui arrivent chez les peuples libres, c'est-?-dire en possession d'une certaine activit? politique. A Rome, ? Ath?nes et ailleurs, on voit les nations et leurs chefs se disputer le plus ou le moins d'autorit?. Chez les peuples modernes enti?rement d?pouill?s, la marche est diff?rente. Compl?tement asservis, ils dorment long-temps. Le r?veil a lieu d'abord dans les classes les plus ?clair?es, qui se soul?vent et recouvrent une partie du pouvoir. Le r?veil est successif, l'ambition l'est aussi, et gagne jusqu'aux derni?res classes, et la masse enti?re se trouve ainsi en mouvement. Bient?t, satisfaites de ce qu'elles ont obtenu, les classes ?clair?es veulent s'arr?ter, mais elles ne le peuvent plus, et sont incessamment foul?es par celles qui les suivent. Celles qui s'arr?tent, fussent-elles les avant-derni?res, sont pour les derni?res une aristocratie, et, dans cette lutte des classes se roulant les unes sur les autres, le simple bourgeois finit par ?tre appel? aristocrate par le manouvrier, et poursuivi comme tel.

L'assembl?e constituante nous pr?sente cette g?n?ration qui s'?claire et r?clame la premi?re contre le pouvoir encore tout-puissant: assez sage pour voir ce que l'on doit ? ceux qui avaient tout et ? ceux qui n'avaient rien, elle veut laisser aux premiers une partie de ce qu'ils poss?dent, parce qu'ils l'ont toujours poss?d?, et procurer surtout aux seconds les lumi?res et les droits qu'on acquiert par elles. Mais le regret est chez les uns, l'ambition chez les autres; le regret veut tout recouvrer, l'ambition tout conqu?rir, et une guerre d'extermination s'engage. Les constituans sont donc ces premiers hommes de bien, qui, secouant l'esclavage, tentent un ordre juste, l'essaient sans effroi, accomplissent m?me cette immense t?che, mais succombent en voulant engager les uns ? c?der quelque chose, les autres ? ne pas tout d?sirer.

Le clerg?, d?pouill? des biens immenses qu'il avait re?us jadis, ? condition de secourir les pauvres qu'il ne secourait pas, d'entretenir le culte dont il laissait le soin ? des cur?s indigens, le clerg? n'?tait plus un ordre politique; mais ses dignit?s eccl?siastiques ?taient conserv?es, ses dogmes respect?s, ses richesses scandaleuses chang?es en un revenu suffisant, et on peut m?me dire abondant, car il permettait encore un assez grand luxe ?piscopal. La noblesse n'?tait plus un ordre, elle n'avait plus les droits exclusifs de chasse, et autres pareils; elle n'?tait plus exempte d'imp?ts; mais pouvait-elle faire de ces choses l'objet d'un regret raisonnable? ses immenses propri?t?s lui ?taient laiss?es. Au lieu de la faveur de la cour, elle avait la certitude des succ?s accord?s au m?rite. Elle avait la facult? d'?tre ?lue par le peuple, et de le repr?senter dans l'?tat, pour peu qu'elle voul?t se montrer bienveillante et r?sign?e. La robe et l'?p?e ?taient assur?es ? ses talens; pourquoi une g?n?reuse ?mulation ne venait-elle pas l'animer tout ? coup? Quel aveu d'incapacit? ne faisait-elle point en regrettant les faveurs d'autrefois?

On avait m?nag? les anciens pensionnaires, d?dommag? les eccl?siastiques, trait? chacun avec ?gard: le sort que l'assembl?e constituante avait fait ? tous, ?tait-il donc si insupportable?

La constitution ?tant achev?e, aucune esp?rance ne restait au roi de recouvrer, par des d?lib?rations, les pr?rogatives qu'il regrettait. Il n'avait plus qu'une chose ? faire, c'?tait de se r?signer, et d'observer la constitution ? moins qu'il ne compt?t sur les puissances ?trang?res; mais il esp?rait tr?s peu de leur z?le, et se d?fiait de l'?migration. Il se d?cida donc pour le premier parti, et ce qui prouve sa sinc?rit?, c'est qu'il voulait franchement exprimer ? l'assembl?e les d?fauts qu'il trouvait ? la constitution. Mais on l'en d?tourna, et il se r?solut ? attendre du temps les restitutions de pouvoir qu'il croyait lui ?tre dues. La reine n'?tait pas moins r?sign?e. <> Et il est permis de croire que, si elle avait eu d'autres pens?es ? exprimer, elle n'e?t pas h?sit? en pr?sence de Bertrand de Molleville.

L'ancienne assembl?e venait de se s?parer; ses membres ?taient retourn?s au sein de leurs familles, ou s'?taient r?pandus dans Paris. Quelques-uns des plus marquans, tels que Lameth, Duport, Barnave, communiquaient avec la cour, et lui donnaient leurs conseils. Mais le roi, tout d?cid? qu'il ?tait ? observer la constitution, ne pouvait se r?signer ? suivre les avis qu'il recevait, car on ne lui recommandait pas seulement de ne pas violer cette constitution, mais de faire croire par tous ses actes qu'il y ?tait sinc?rement attach?. Ces membres de l'ancienne assembl?e, r?unis ? Lafayette depuis la r?vision, ?taient les chefs de cette g?n?ration r?volutionnaire, qui avait donn? les premi?res r?gles de la libert?, et voulait qu'on s'y t?nt. Ils ?taient soutenus par la garde nationale, que de longs services, sous Lafayette, avaient enti?rement attach?e ? ce g?n?ral et ? ses principes. Les constituans eurent alors un tort, celui de d?daigner la nouvelle assembl?e, et de l'irriter souvent par leur m?pris. Une esp?ce de vanit? aristocratique s'?tait d?j? empar?e de ces premiers l?gislateurs, et il semblait que toute science l?gislative avait disparu apr?s eux.

Les clubs acquirent ? cette ?poque une plus grande importance. Agitateurs sous la constituante, ils devinrent dominateurs sous la l?gislative. L'assembl?e nationale ne pouvant contenir toutes les ambitions, elles se r?fugiaient dans les clubs, o? elles trouvaient une tribune et des orages. C'?tait l? que se rendait tout ce qui voulait parler, s'agiter, s'?mouvoir, c'est-?-dire la nation presque enti?re. Le peuple courait ? ce spectacle nouveau; il occupait les tribunes de toutes les assembl?es, et y trouvait, d?s ce temps m?me, un emploi lucratif, car on commen?ait ? payer les applaudissemens. Le ministre Bertrand avoue les avoir pay?s lui-m?me.

Le plus ancien des clubs, celui des Jacobins, avait d?j? une influence extraordinaire. Une ?glise suffisait ? peine ? la foule de ses membres et de ses auditeurs. Un immense amphith??tre s'?levait en forme de cirque, et occupait toute la grande nef de l'?glise des Jacobins. Un bureau se trouvait au centre; un pr?sident et des secr?taires l'occupaient. On y recueillait les voix; on y constatait les d?lib?rations sur un registre. Une correspondance active entretenait le z?le des soci?t?s r?pandues sur la surface enti?re de la France; on les nommait soci?t?s affili?es. Ce club, par son anciennet? et une violence soutenue, l'avait constamment emport? sur tous ceux qui avaient voulu se montrer plus mod?r?s ou m?me plus v?h?mens. Les Lameth, avec tout ce qu'il renfermait d'hommes distingu?s, l'avaient abandonn? apr?s le voyage de Varennes, et s'?taient transport?s aux Feuillans. C'?tait dans ce dernier que se trouvaient confondus tous les essais de clubs mod?r?s, essais qui n'avaient jamais r?ussi parce qu'ils allaient contre le besoin m?me qui faisait courir aux clubs, celui de l'agitation. C'est aux Feuillans que se r?unissaient alors les constitutionnels, ou partisans de la premi?re r?volution. Aussi le nom de Feuillant devint-il un titre de proscription, lorsque celui de mod?r? en fut un.

Un autre club, celui des Cordeliers, avait voulu rivaliser de violence avec les Jacobins. Camille Desmoulins en ?tait l'?crivain, et Danton le chef. Ce dernier, n'ayant pas r?ussi au barreau, s'?tait fait adorer de la multitude qu'il touchait vivement par ses formes athl?tiques, sa voix sonore et ses passions toutes populaires. Les cordeliers n'avaient pu, m?me avec de l'exag?ration, l'emporter sur leurs rivaux, chez lesquels l'habitude entretenait une immense affluence; mais ils ?taient en m?me temps presque tous du club jacobin, et, lorsqu'il le fallait, ils s'y rendaient ? la suite de Danton pour d?terminer la majorit? en sa faveur.

Robespierre, qu'on a vu pendant l'assembl?e constituante se distinguer par le rigorisme de ses principes, ?tait exclu de l'assembl?e l?gislative par le d?cret de non-r??lection qu'il avait lui-m?me contribu? ? faire rendre. Il s'?tait retranch? aux Jacobins, o? il dominait sans partage, par le dogmatisme de ses opinions et par une r?putation d'int?grit? qui lui avait valu le nom d'incorruptible. Saisi d'effroi, comme on l'a vu, au moment de la r?vision, il s'?tait rassur? depuis, et il continuait l'oeuvre de sa popularit?. Robespierre avait trouv? deux rivaux qu'il commen?ait ? ha?r, c'?taient Brissot et Louvet. Brissot, m?l? ? tous les hommes de la premi?re assembl?e, ami de Mirabeau et de Lafayette, connu pour r?publicain, et l'un des membres le plus distingu?s de la l?gislative, ?tait l?ger de caract?re, mais remarquable par certaines qualit?s d'esprit. Louvet, avec une ?me chaude, beaucoup d'esprit et une grande audace, ?tait du nombre de ceux qui, ayant d?pass? la constituante, r?vaient la r?publique: il se trouvait par l? naturellement jet? vers les Girondins. Bient?t ses luttes avec Robespierre le leur attach?rent davantage. Ce parti de la Gironde, form? peu ? peu sans intention, par des hommes qui avaient trop de m?rite pour s'allier ? la populace, assez d'?clat pour ?tre envi?s par elle et par ses chefs, et qui ?taient plut?t unis par leur situation que par un concert, ce parti dut ?tre brillant mais faible, et p?rir devant les factions plus r?elles qui s'?levaient autour de lui.

Lafayette ayant d?pos? tout grade militaire, avait ?t? accompagn? dans ses terres par les hommages et les regrets de ses compagnons d'armes. Le commandement n'avait pas ?t? d?l?gu? ? un nouveau g?n?ral, mais six chefs de l?gion commandaient alternativement la garde nationale tout enti?re. Bailly, le fid?le alli? de Lafayette pendant ces trois ann?es si p?nibles, quitta aussi la mairie. Les voix des ?lecteurs se partag?rent entre Lafayette et P?tion; mais la cour, qui ne voulait ? aucun prix de Lafayette, dont cependant les dispositions lui ?taient favorables, pr?f?ra P?tion, quoiqu'il f?t r?publicain. Elle esp?ra davantage d'une esp?ce de froideur qu'elle prenait pour de la stupidit?, mais qui n'en ?tait pas, et elle d?pensa beaucoup pour lui assurer la majorit?. Il l'obtint en effet, et fut nomm? maire. P?tion, avec un esprit ?clair?, une conviction froide mais solide, avec assez d'adresse, servit constamment les r?publicains contre la cour, et se trouva li? ? la Gironde par la conformit? des vues, et par l'envie que sa nouvelle dignit? excita chez les Jacobins.

Cependant si, malgr? ces dispositions des partis, on avait pu compter sur le roi, il est possible que les m?fiances des Girondins se fussent calm?es, et que, le pr?texte des troubles n'existant plus, les agitateurs n'eussent trouv? d?sormais aucun moyen d'ameuter la populace.

Ils se rendaient toujours en foule ? Coblentz; ils y armaient avec activit?, pr?paraient des magasins, passaient des march?s pour les fournitures, formaient des cadres qui ? la v?rit? ne se remplissaient pas, car aucun d'eux ne voulait se faire soldat; ils instituaient des grades qui se vendaient; et, s'ils ne tentaient rien de v?ritablement dangereux, ils faisaient n?anmoins de grands pr?paratifs, qu'eux-m?mes croyaient redoutables, et dont l'imagination populaire devait s'effrayer.

Divers projets furent pr?sent?s. Brissot distingua trois classes d'?migr?s: les chefs de la d?sertion, les fonctionnaires publics qui abandonnaient leurs fonctions, et enfin ceux qui par crainte avaient fui le sol de leur patrie. Il fallait, disait-il, s?vir contre les premiers, m?priser et plaindre les autres.

Il est certain que la libert? de l'homme ne permet pas qu'on l'encha?ne au sol; mais lorsque la certitude est acquise, par une foule de circonstances, que les citoyens qui abandonnent leur patrie vont se r?unir au dehors pour lui d?clarer la guerre, il est permis de prendre des pr?cautions contre des projets aussi dangereux.

La discussion fut longue et opini?tre. Les constitutionnels s'opposaient ? toutes les mesures propos?es, et soutenaient qu'il fallait m?priser d'inutiles tentatives, comme avaient toujours fait leurs pr?d?cesseurs. Cependant le parti oppos? l'emporta, et un premier d?cret fut rendu, qui enjoignit ? Monsieur, fr?re du roi, de rentrer sous deux mois, faute de quoi il perdrait son droit ?ventuel ? la r?gence. Un second d?cret plus s?v?re fut port? contre les ?migr?s en g?n?ral; il d?clarait que les Fran?ais rassembl?s au-del? des fronti?res du royaume seraient suspects de conjuration contre la France; que si, au 1er janvier prochain, ils ?taient encore en ?tat de rassemblement, ils seraient d?clar?s coupables de conjuration, poursuivis comme tels, et punis de mort; et que les revenus des contumaces seraient pendant leur vie per?us au profit de la nation, sans pr?judice des droits des femmes, enfans et cr?anciers l?gitimes.

L'action d'?migrer n'?tant pas r?pr?hensible en elle-m?me, il est difficile de caract?riser le cas o? elle le devient. Ce que pouvait faire la loi, c'?tait d'avertir d'avance qu'on allait devenir coupable ? telle condition; et tous ceux qui ne voulaient pas l'?tre n'avaient qu'? ob?ir. Ceux qui, avertis du terme auquel l'absence du royaume devenait un crime, ne rentraient pas, consentaient par cela m?me ? passer pour criminels. Ceux qui, sans motifs de guerre ou de politique, ?taient hors du royaume, devaient se h?ter de revenir; c'est en effet un sacrifice assez l?ger ? la s?ret? d'un ?tat, que d'abr?ger un voyage de plaisir ou d'int?r?t.

L'assembl?e constituante avait ordonn? ? tous les pr?tres le serment civique. Ceux qui refusaient de le pr?ter, en perdant la qualit? de ministres du culte public et pay? par l'?tat, conservaient leurs pensions de simples eccl?siastiques, et la libert? d'exercer priv?ment leur minist?re. Rien n'?tait plus doux et plus mod?r? qu'une r?pression pareille. L'assembl?e l?gislative exigea de nouveau le serment, et priva ceux qui le refuseraient de tout traitement. Comme ils abusaient de leur libert? en excitant la guerre civile, elle ordonna que, selon leur conduite, ils seraient transport?s d'un lieu dans un autre, et m?me condamn?s ? une d?tention s'ils refusaient d'ob?ir. Enfin elle leur d?fendit le libre exercice de leur culte particulier, et voulut que les corps administratifs lui fissent parvenir une liste avec des notes sur le compte de chacun d'eux.

Cette mesure, ainsi que celle qui venait d'?tre prise contre les ?migr?s, tenait ? la crainte qui s'empare des gouvernemens menac?s, et qui les porte ? s'entourer de pr?cautions excessives. Ce n'est plus le fait r?alis? qu'ils punissent, c'est l'attaque pr?sum?e qu'ils poursuivent; et leurs mesures deviennent souvent arbitraires et cruelles comme le soup?on.

<

<> Les applaudissemens se renouvelant encore: <>

L'enthousiasme excit? par ces paroles fut tel qu'on se pressait autour de l'orateur pour l'embrasser. Le d?cret qu'il appuyait fut adopt? sur-le-champ. M. de Vaublanc fut charg? de le porter au roi, ? la t?te d'une d?putation de vingt-quatre membres. Par ce d?cret l'assembl?e d?clarait qu'elle regardait comme indispensable de requ?rir les ?lecteurs de Tr?ves, Mayence, et autres princes de l'empire, de mettre fin aux rassemblemens form?s sur la fronti?re. Elle suppliait en m?me temps le roi de h?ter les n?gociations entam?es pour les indemnit?s dues aux princes possessionn?s en Alsace.

L'activit? promise ? l'assembl?e ne se ralentit pas; les propositions pour les d?penses de guerre, pour la nomination des deux mar?chaux Luckner et Rochambeau, se succ?d?rent sans interruption. Lafayette, arrach? ? la retraite o? il ?tait all? se d?lasser de trois ann?es de fatigues, se pr?senta ? l'assembl?e o? il fut parfaitement accueilli. Des bataillons de la garde nationale l'accompagn?rent ? sa sortie de Paris; et tout lui prouva que le nom de Lafayette n'?tait pas oubli?, et qu'on le regardait encore comme un des fondateurs de la libert?.

Cependant L?opold, naturellement pacifique, ne voulait pas la guerre, car il savait qu'elle ne convenait pas ? ses int?r?ts, mais il d?sirait un congr?s soutenu d'une force imposante pour amener un accommodement et quelques modifications dans la constitution. Les ?migr?s ne voulaient pas la modifier, mais la d?truire; plus sage et mieux instruit, l'empereur savait qu'il fallait accorder beaucoup aux opinions nouvelles, et que ce qu'on pouvait d?sirer c'?tait tout au plus de rendre au roi quelques pr?rogatives, et de revenir sur la composition du corps l?gislatif, en ?tablissant deux chambres au lieu d'une. C'est surtout ce dernier projet qu'on redoutait le plus et qu'on reprochait souvent au parti feuillant et constitutionnel. Il est certain que si ce parti avait, dans les premiers temps de la constituante, repouss? la chambre haute, parce qu'il craignait avec raison de voir la noblesse s'y retrancher, ses craintes aujourd'hui n'?taient plus les m?mes; il avait au contraire la juste esp?rance de la remplir presqu'? lui seul. Beaucoup de constituans, replong?s dans une nullit? compl?te, y auraient trouv? une occasion de rentrer sur la sc?ne politique. Si donc cette chambre haute n'?tait pas dans leurs vues, elle ?tait du moins dans leurs int?r?ts. Il est certain que les journaux en parlaient souvent, et que ce bruit circulait partout. Combien avait ?t? rapide la marche de la r?volution! Le c?t? droit aujourd'hui ?tait compos? des membres de l'ancien c?t? gauche; et l'attentat redout? et reproch? n'?tait plus le retour ? l'ancien r?gime, mais l'?tablissement d'une chambre haute. Quelle diff?rence avec 89! et combien une folle r?sistance n'avait-elle pas pr?cipit? les ?v?nemens!

Ces paroles, o? le roi semblait dans le commun danger s'unir ? la nation, furent vivement applaudies. Les pi?ces furent livr?es au comit? diplomatique, pour en faire un prompt rapport ? l'assembl?e.

Narbonne poursuivait sa tourn?e avec une rare activit?. Trois arm?es furent ?tablies sur la fronti?re menac?e. Rochambeau, vieux g?n?ral qui avait autrefois bien conduit la guerre, mais qui ?tait aujourd'hui maladif, chagrin et m?content, commandait l'arm?e plac?e en Flandre et dite du Nord. Lafayette avait l'arm?e du centre et campait vers Metz. Luckner, vieux guerrier, m?diocre g?n?ral, brave soldat, et tr?s popularis? dans les camps par ses moeurs toutes militaires, commandait le corps qui occupait l'Alsace. C'?tait l? tout ce qu'une longue paix et une d?sertion g?n?rale nous avaient laiss? de g?n?raux.

Rochambeau, m?content du nouveau r?gime, irrit? de l'indiscipline qui r?gnait dans l'arm?e, se plaignait sans cesse et ne donnait aucune esp?rance au minist?re. Lafayette, jeune, actif, jaloux de se distinguer bient?t en d?fendant la patrie, r?tablissait la discipline dans ses troupes, et surmontait toutes les difficult?s suscit?es par la mauvaise volont? des officiers, qui ?taient les aristocrates de l'arm?e. Il les avait r?unis, et, leur parlant le langage de l'honneur, il leur avait dit qu'ils devaient quitter le camp s'ils ne voulaient pas servir loyalement; que s'il en ?tait qui voulussent se retirer, il se chargeait de leur procurer ? tous ou des retraites en France, ou des passeports pour l'?tranger; mais que s'ils persistaient ? servir, il attendait de leur part z?le et fid?lit?. Il ?tait ainsi parvenu ? ?tablir dans son arm?e un ordre meilleur que celui qui r?gnait dans toutes les autres. Quant ? Luckner, d?pourvu d'opinion politique, et par cons?quent facile pour tous les r?gimes, il promettait beaucoup ? l'assembl?e, et avait r?ussi en effet ? s'attacher ses soldats.

Narbonne voyagea avec la plus grande c?l?rit?, et vint, le 11 janvier, rendre compte ? l'assembl?e de sa rapide exp?dition. Il annon?a que la r?paration des places fortes ?tait d?j? tr?s avanc?e, que l'arm?e, depuis Dunkerque jusqu'? Besancon, pr?sentait une masse de deux cent quarante bataillons et cent soixante escadrons, avec l'artillerie n?cessaire pour deux cent mille hommes, et des approvisionnemens pour six mois. Il donna les plus grands ?loges au patriotisme des gardes nationales volontaires, et assura que sous peu leur ?quipement allait ?tre complet. Le jeune ministre c?dait sans doute aux illusions du z?le, mais ses intentions ?taient si nobles, ses travaux si prompts, que l'assembl?e le couvrit d'applaudissemens, offrit son rapport ? la reconnaissance publique, et l'envoya ? tous les d?partemens; mani?re ordinaire de t?moigner son estime ? tout ce dont elle ?tait satisfaite.

Notes:

Voyez la note 1 ? la fin du volume. 17 novembre. D?cret du 5 octobre. Voyez madame Campan, tome II, page 129. Voyez la note 2 ? la fin du volume. D?crets du 28 octobre et du 9 novembre. S?ance du 12 novembre. Voyez la note 3 ? la fin du volume. Voyez la note 4 ? la fin du volume. D?cret du 27 novembre. S?ance du 29 novembre. Voyez la note 5 ? la fin du volume.

Au commencement de l'ann?e 1792, la guerre ?tait devenue la grande question du moment; c'?tait pour la r?volution celle de l'existence m?me. Ses ennemis ?tant maintenant transport?s au dehors, c'?tait l? qu'il fallait les chercher et les vaincre. Le roi, chef des arm?es, agirait-il de bonne foi contre ses parens et ses anciens courtisans? Tel ?tait le doute sur lequel il importait de rassurer la nation. Cette question de la guerre s'agitait aux Jacobins, qui n'en laissaient passer aucune sans la d?cider souverainement. Ce qui para?tra singulier, c'est que les jacobins excessifs et Robespierre, leur chef, ?taient port?s pour la paix, et les jacobins mod?r?s, ou les girondins, pour la guerre. Ceux-ci avaient ? leur t?te Brissot et Louvet. Brissot soutenait la guerre de son talent et de son influence. Il pensait avec Louvet et tous les girondins qu'elle convenait ? la nation, parce qu'elle terminerait une dangereuse incertitude et d?voilerait les v?ritables intentions du roi. Ces hommes, jugeant du r?sultat d'apr?s leur enthousiasme, ne pouvaient pas croire que la nation f?t vaincue; et ils pensaient que si, par la faute du roi, elle ?prouvait quelque ?chec passager, elle serait aussit?t ?clair?e, et d?poserait un chef infid?le. Comment se faisait-il que Robespierre et les autres jacobins ne voulussent pas d'une d?termination qui devait amener un d?nouement si prompt et si d?cisif? C'est ce qu'on ne peut expliquer que par des conjectures. Le timide Robespierre s'effrayait-il de la guerre? ou bien ne la combattait-il que parce que Brissot, son rival aux Jacobins, la soutenait, et parce que le jeune Louvet l'avait d?fendue avec talent? Quoi qu'il en soit, il combattit pour la paix avec une extr?me opini?tret?. Ceux des cordeliers qui ?taient en m?me temps jacobins, se rendirent ? la d?lib?ration et soutinrent Robespierre. Ils semblaient craindre surtout que la guerre ne donn?t trop d'avantages ? Lafayette, et ne lui procur?t bient?t la dictature militaire; c'?tait l? la crainte continuelle de Camille Desmoulins, qui ne cessait de se le figurer ? la t?te d'une arm?e victorieuse, ?crasant, comme au Champ-de-Mars, jacobins et cordeliers. Louvet et les girondins supposaient un autre motif aux cordeliers, et croyaient qu'ils ne poursuivaient dans Lafayette que l'ennemi du duc d'Orl?ans, auquel on les disait secr?tement unis. Ce duc d'Orl?ans, qu'on voit repara?tre encore dans les soup?ons de ses ennemis, bien plus que dans la r?volution, ?tait alors presque ?clips?. On avait pu au commencement se servir de son nom, et lui-m?me avait pu fonder quelques esp?rances sur ceux auxquels il le pr?tait, mais tout ?tait bien chang? depuis. Sentant lui-m?me combien il ?tait d?plac? dans le parti populaire, il avait essay? d'obtenir le pardon de la cour pendant les derniers temps de la constituante, et il avait ?t? repouss?. Sous la l?gislative, on le conserva au rang des amiraux, et il fit de nouvelles tentatives aupr?s du roi. Cette fois il fut admis aupr?s de lui, eut un entretien assez long, et ne fut pas mal accueilli. Il devait retourner au ch?teau; il s'y rendit. Le couvert de la reine ?tait mis, et tous les courtisans s'y trouvaient en grand nombre. A peine l'eut-on aper?u, que les mots les plus outrageans furent prof?r?s. <> s'?criait-on de toutes parts, comme si on avait redout? qu'il y jet?t du poison. On le poussait, on lui marchait sur les pieds, et on l'obligea de se retirer. En descendant l'escalier, il re??t de nouveaux outrages, et sortit indign?, croyant que le roi et la reine lui avaient pr?par? cette sc?ne humiliante. Cependant le roi et la reine furent d?sesp?r?s de cette imprudence des courtisans, qu'ils ignoraient compl?tement. Ce prince dut ?tre plus irrit? que jamais, mais il n'en devint, certainement ni plus actif, ni plus habile chef de parti qu'auparavant. Ceux de ses amis qui occupaient les Jacobins et l'assembl?e, durent faire sans doute un peu plus de bruit; de l?, on crut voir repara?tre sa faction, et on pensa que ses pr?tentions et ses esp?rances renaissaient avec les dangers du tr?ne.

Le rapport sur le dernier office de l'empereur fut enfin pr?sent?, le 14 janvier, ? l'assembl?e par Gensonn?. Il fit remarquer que la France avait toujours prodigu? ses tr?sors et ses soldats ? l'Autriche, sans jamais en obtenir de retour; que le trait? d'alliance conclu en 1756 avait ?t? viol? par la d?claration de Pilnitz et les suivantes, dont l'objet ?tait de susciter une coalition arm?e des souverains; qu'il l'avait ?t? encore par l'armement des ?migr?s, souffert et second? m?me par les princes de l'empire. Gensonn? soutint de plus que, quoique des ordres eussent ?t? r?cemment donn?s pour la dispersion des rassemblemens, ces ordres apparens n'avaient pas ?t? ex?cut?s; que la cocarde blanche n'avait pas cess? d'?tre port?e au-del? du Rhin, la cocarde nationale outrag?e, et les voyageurs fran?ais maltrait?s; qu'en cons?quence, il fallait demander ? l'empereur une derni?re explication sur le trait? de 1756. L'impression et l'ajournement de ce rapport furent ordonn?s.

Dans cet intervalle, on apprit que l'?lecteur de Tr?ves, effray? de l'insistance du cabinet fran?ais, avait donn? de nouveaux ordres pour la dispersion des rassemblemens, pour la vente des magasins form?s dans ses ?tats, pour la prohibition des recrutemens et des exercices militaires, et que ces ordres ?taient en effet mis ? ex?cution. Dans les dispositions o? l'on ?tait, une pareille nouvelle fut froidement accueillie. On ne voulut y voir que de vaines d?monstrations sans r?sultat; et on persista ? demander la r?ponse d?finitive de L?opold.

Des divisions existaient dans le minist?re, entre Bertrand de Molleville et Narbonne. Bertrand ?tait jaloux de la popularit? du ministre de la guerre, et bl?mait ses condescendances pour l'assembl?e. Narbonne se plaignait de la conduite de Bertrand de Molleville, de ses dispositions inconstitutionnelles, et voulait que le roi le f?t sortir du minist?re. Cahier de Gerville tenait la balance entre eux, mais sans succ?s. On pr?tendit que le parti constitutionnel voulait porter Narbonne ? la dignit? de premier ministre; il para?t m?me que le roi fut tromp?, qu'on l'effraya de la popularit? et de l'ambition de Narbonne, qu'on lui montra en lui un jeune pr?somptueux qui voulait gouverner le cabinet. Les journaux furent instruits de ces divisions; Brissot et la Gironde d?fendirent ardemment le ministre menac? de disgr?ce, et attaqu?rent vivement ses coll?gues et le roi. Une lettre ?crite par les trois g?n?raux du nord ? Narbonne, et dans laquelle il lui exprimaient leurs craintes sur sa destitution qu'on disait imminente, fut publi?e. Le roi le destitua aussit?t; mais, pour combattre l'effet de cette destitution, il fit annoncer celle de Bertrand de Molleville. Cependant l'effet de la premi?re n'en fut pas moins grand; une agitation extraordinaire ?clata aussit?t; et l'assembl?e voulut d?clarer, d'apr?s la formule employ?e autrefois pour Necker, que Narbonne emportait la confiance de la nation, et que le minist?re entier l'avait perdue. On voulait cependant excepter de cette condamnation Cahier de Gerville, qui avait toujours combattu Bertrand de Molleville, et qui venait m?me d'avoir avec lui une dispute violente. Apr?s bien des agitations, Brissot demanda ? prouver que Delessart avait trahi la confiance de la nation. Ce ministre avait confi? au comit? diplomatique sa correspondance avec Kaunitz; elle ?tait sans dignit?, elle donnait m?me ? Kaunitz une id?e peu favorable de l'?tat de la France, et semblait avoir autoris? la conduite et le langage de L?opold. Il faut savoir que Delessart, et son coll?gue Duport-Dutertre, ?taient les deux ministres qui appartenaient plus particuli?rement aux feuillans, et auxquels on en voulait le plus, parce qu'on les accusait de favoriser le projet d'un congr?s.

Dans une des s?ances les plus orageuses de l'assembl?e, l'infortun? Delessart fut accus? par Brissot d'avoir compromis la dignit? de la nation, de n'avoir pas averti l'assembl?e du concert des puissances et de la d?claration de Pilnitz; d'avoir profess? dans ses notes des doctrines inconstitutionnelles, d'avoir donn? ? Kaunitz une fausse id?e de l'?tat de la France, d'avoir tra?n? la n?gociation en longueur et de l'avoir conduite d'une mani?re contraire aux int?r?ts de la patrie. Vergniaud se joignit ? Brissot, et ajouta de nouveaux griefs ? ceux qui ?taient imput?s ? Delessart. Il lui reprocha d'avoir, lorsqu'il ?tait ministre de l'int?rieur, gard? trop long-temps en portefeuille le d?cret qui r?unissait le Comtat ? la France, et d'?tre ainsi la cause des massacres d'Avignon. Puis Vergniaud ajouta: <>

Le d?cret d'accusation fut aussit?t mis aux voix et adopt?; Delessart fut envoy? ? la haute cour nationale, ?tablie ? Orl?ans, et charg?e, d'apr?s la constitution, de juger les crimes d'?tat. Le roi le vit partir avec la plus grande peine. Il lui avait donn? sa confiance et l'aimait beaucoup, ? cause de ses vues mod?r?es et pacifiques. Duport-Dutertre, ministre du parti constitutionnel, fut aussi menac? d'une accusation, mais il la pr?vint, demanda ? se justifier, fut absous par l'ordre du jour, et imm?diatement apr?s donna sa d?mission. Cahier de Gerville la donna aussi, et de cette mani?re le roi se trouva priv? du seul de ses ministres qui e?t aupr?s de l'assembl?e une r?putation de patriotisme.

Depuis plus d'un mois, Delessart et Narbonne avaient appel? un homme dont ils avaient cru les talens pr?cieux, et l'avaient plac? aupr?s d'eux pour s'en servir: c'?tait Dumouriez, qui tour ? tour commandant en Normandie et dans la Vend?e, avait montr? partout une fermet? et une intelligence rares. Il s'?tait offert tant?t ? la cour, tant?t ? l'assembl?e constituante, parce que tout parti lui ?tait indiff?rent pourvu qu'il p?t exercer son activit? et ses talens extraordinaires. Dumouriez, rapetiss? par le si?cle, avait pass? une partie de sa vie dans les intrigues diplomatiques. Avec sa bravoure, son g?nie militaire et politique, et ses cinquante ans, il n'?tait encore, ? l'ouverture de la r?volution, qu'un brillant aventurier. Cependant il avait conserv? le feu et la hardiesse de la jeunesse. D?s qu'une guerre ou une r?volution s'ouvrait, il faisait des plans, les adressait ? tous les partis, pr?t ? agir pour tous, pourvu qu'il p?t agir. Il s'?tait ainsi habitu? ? ne faire aucun cas de la nature d'une cause; mais quoique trop d?pourvu de conviction, il ?tait g?n?reux, sensible, et capable d'attachement, sinon pour les principes, du moins pour les personnes. Cependant avec son esprit si gracieux, si prompt, si vaste, son courage tour ? tour calme ou imp?tueux, il ?tait admirable pour servir, mais incapable de dominer. Il n'avait ni la dignit? d'une conviction profonde, ni la fiert? d'une volont? despotique, et il ne pouvait commander qu'? des soldats. Si avec son g?nie il avait eu les passions de Mirabeau, la volont? d'un Cromwell, ou seulement le dogmatisme d'un Robespierre, il e?t domin? la r?volution et la France.

Dumouriez, en arrivant pr?s de Narbonne, forma tout de suite un vaste plan militaire. Il voulait ? la fois la guerre offensive et d?fensive. Partout o? la France s'?tendait jusqu'? ses limites naturelles, le Rhin, les Alpes, les Pyr?n?es et la mer, il voulait qu'on se born?t ? la d?fensive. Mais dans les Pays-Bas, o? notre territoire n'allait pas jusqu'au Rhin, dans la Savoie, o? il n'allait pas jusqu'aux Alpes, il voulait qu'on attaqu?t sur-le-champ, et qu'arriv? aux limites naturelles on repr?t la d?fensive. C'?tait concilier ? la fois nos int?r?ts et les principes; c'?tait profiter d'une guerre qu'on n'avait pas provoqu?e, pour en revenir, en fait de limites, aux v?ritables lois de la nature. Il proposa en outre la formation d'une quatri?me arm?e, destin?e ? occuper le midi, et en demanda le commandement qui lui fut promis.

Add to tbrJar First Page Next Page

 

Back to top