bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Histoire de France 1440-1465 (Volume 7/19) by Michelet Jules

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 399 lines and 55225 words, and 8 pages

Auguste avait confisqu?es sur Jean sans Terre.

De l'autre part, que voyait-on? de vieux pr?lats, riches et timides, un octog?naire, le cardinal Winchester, une reine toute jeune, un roi dont la saintet? semblait simplicit? d'esprit. Les alarmes croissant, un Parlement fut convoqu? et le peuple requis de prendre les armes et de veiller ? la s?ret? du roi. Le Parlement fut ouvert par un sermon de l'archev?que de Cantorb?ry et du chancelier, ?v?que de Chichester, sur la paix et le bon conseil; le lendemain Glocester fut arr?t? ; on r?pandit qu'il voulait tuer le roi pour d?livrer sa femme. Peu de jours apr?s, le prisonnier mourut . Sa mort ne fut ni subite ni impr?vue; elle avait ?t? pr?par?e par une maladie de quelques jours. Depuis longtemps, d'ailleurs, il ?tait loin d'?tre en bonne sant?, si nous en croyons un livre ?crit plusieurs ann?es auparavant par son m?decin.

Toute l'Angleterre n'en resta pas moins convaincue qu'il avait p?ri de mort violente. On arrangeait ainsi le roman: la reine avait pour amant Suffolk tous deux s'?taient entendus avec le cardinal; le soir, Glocester se portait ? merveille; le matin il ?tait mort!... Comment avait-il ?t? tu?? Ici les r?cits diff?raient; les uns le disaient ?trangl?, quoiqu'il e?t ?t? expos? et ne port?t aucune marque; les autres reproduisaient l'histoire lugubre de l'autre Glocester, oncle de Richard II, ?touff?, disait-on, entre deux matelas. D'autres, enfin, plus cruels, pr?f?raient l'horrible tradition d'?douard II, et le faisaient mourir empal?.

Il est rare qu'une femme de dix-sept ans ait d?j? le courage atroce d'un tel crime; il est rare qu'un vieillard de quatre-vingts ans ordonne un meurtre, au moment de para?tre devant Dieu. Je crains qu'il n'y ait ici erreur de date, qu'on n'ait jug? Winchester mourant par le Winchester d'un autre ?ge; et que, d'autre part, on n'ait d?j? vu dans une reine enfant, ? peine sortie de la cour de Ren?, cette terrible Marguerite, qui, dans la suite, effarouch?e de haine et de vengeance, mit une couronne de papier sur la t?te sanglante d'York.

Quant ? Suffolk, l'accusation ?tait moins invraisemblable. Il avait eu le tort d'autoriser d'avance tout ce qu'on pourrait dire, en se donnant, par un arrangement odieux, un int?r?t p?cuniaire ? la mort de Glocester. Cependant, ses ennemis les plus acharn?s, dans l'acte d'accusation qu'ils lanc?rent contre lui de son vivant, ne font nulle mention de ce crime. On ne le lui a jamais reproch? en face, mais plus tard, apr?s sa mort, lorsqu'il n'?tait plus l? pour se d?fendre.

Et en effet, sa d?tresse augmentant, le Parlement lui refusant tout, il vendit des ?v?ch?s. C'?tait le s?r moyen de mettre contre soi, non-seulement l'?glise, mais les lords, qui souvent pouvaient payer leurs dettes avec des b?n?fices, faire ?v?ques leurs chapelains, leurs serviteurs. Les grands ?taient bless?s doublement ? leur endroit le plus sensible; on leur ?tait leur influence sur l'?glise, au moment o? ils perdaient leurs fiefs de France. L'indemnit? promise pour les terres qu'ils avaient dans le Maine se r?duisit ? rien; elle fut ?chang?e par un nouveau trait? pour certaines sommes que les Marches anglaises de Normandie payaient jusque-l? aux Fran?ais; le roi d'Angleterre se chargeait d'indemniser ses sujets du Maine; c'est dire assez qu'ils ne re?urent pas un sol.

Un pouvoir qui blessait les grands dans leur fortune, le peuple en son orgueil, et que l'?glise ne soutenait plus, ne pouvait subsister. ? qui sa ruine allait-elle profiter? c'?tait la question.

Les deux princes les plus pr?s du tr?ne ?taient York et Somerset. Suffolk crut s'assurer de tous deux. Il ?ta au plus dangereux, au duc d'York, l'arm?e principale, celle de France, et il le rel?gua honorablement dans le gouvernement d'Irlande. Somerset qui, apr?s tout, ?tait Lancastre et proche parent du roi, eut le poste de confiance, la r?gence de France, l'arm?e la plus nombreuse. Mais il n'en fut pas moins hostile. Il crut, il dit du moins qu'on l'avait envoy? en France pour le d?shonorer, pour le laisser p?rir sans secours, lorsque les places ?taient ruin?es, d?mantel?es, lorsque la Normandie l'?tait elle-m?me par l'abandon du Maine qui d?couvrait ses flancs.

Au mois de janvier 1449, le Parlement re?ut de Somerset une plainte solennelle: la tr?ve allait expirer, le roi de France, disait-il, pouvait attaquer avec soixante mille hommes; sans un prompt secours, tout ?tait perdu. Cette plainte ?tait le testament de l'Angleterre fran?aise, les paroles derni?res... Le sage Parlement les accueille, mais uniquement pour nuire ? Suffolk; il ne vote pas un homme, pas un shelling; ce serait voter pour Suffolk; la grande guerre maintenant est contre lui et non contre la France; p?risse Suffolk, et avec lui, s'il le faut, la Normandie, la Guienne, l'Angleterre elle-m?me!

Somerset avait admirablement proph?tis? le soufflet qu'il allait recevoir. La tr?ve fut rompue. Le Maine ?tant livr?, un capitaine aragonais, au service d'Angleterre, vint de cette province demander refuge aux villes normandes. Il trouva toute porte ferm?e, aucune garnison ne voulait s'affamer en partageant avec ces fugitifs. Alors il fallut bien que l'Aragonais dev?nt sa providence ? lui-m?me; il trouva sur les marches deux petites villes, mais d?sertes, d?pourvues; de l?, la faim pressant, il se jeta, avec sa bande, sur une bonne grosse ville bretonne, sur Foug?res. Voil? la guerre recommenc?e.

Le roi, le duc de Bretagne, s'adressent ? Somerset, lui redemandent la ville, avec indemnit?. Mais, quand il aurait pu donner satisfaction, il n'e?t os? le faire; il avait peur de l'Angleterre encore plus que de la France. N'obtenant pas d'indemnit?, les Fran?ais en prennent. Le 15 mai, ils saisissent Pont-de-l'Arche ? quatre lieues de Rouen; un mois apr?s, Verneuil. L'arm?e royale, sous Dunois, entre par ?vreux, les Bretons par la Basse-Normandie, les Bourguignons par la Haute. Le comte de Foix attaquait la Guienne. Tout le monde voulait part dans cette cur?e.

Mais on pouvait douter qu'il e?t pouvoir pour faire de tels pr?sents; il ne le fit croire qu'en donnant mieux encore; il mit en gage son bras droit, lord Talbot, le seul homme qui inspir?t confiance aux Anglais... Et il ne put le d?gager, ni remplir son trait?; Honfleur d?sob?it; en sorte que Talbot resta ? la suite de l'arm?e fran?aise, pour ?tre t?moin de la ruine des siens. Les Anglais d'Honfleur rest?rent sans secours; ils virent en face la grosse ville d'Harfleur, bien autrement forte, forc?e en plein hiver par l'artillerie de Jean Bureau ; alors, ayant encore appel? en vain Somerset ? leur aide, ils finirent par se rendre aussi .

Si l'on songe que la seule Harfleur avait seize cents hommes, une petite arm?e pour garnison, il ne semble pas que la Normandie ait ?t? aussi d?garnie que Somerset voulait le faire croire. Mais les troupes ?taient dispers?es, dans chaque ville quelques Anglais au milieu d'une population hostile. Qu'auraient-ils fait, m?me plus forts, contre ce grand et invincible mouvement de la France qui voulait redevenir fran?aise?

Personne ne comprenait cela en Angleterre. La Normandie avait ?t? d?sarm?e ? dessein, trahie, vendue. N'avait-on pas vu le p?re de la reine dans l'arm?e du roi de France?... Tous les revers de cette campagne, la Seine perdue, Rouen rendue, l'?p?e de l'Angleterre, lord Talbot, mis en gage, toute cette masse de malheurs et de honte retomba d'?-plomb sur la t?te de Suffolk.

Le contradictoire et l'absurde ?tant admis comme ?vidents, il n'y avait rien ? r?pondre. Suffolk essaya n?anmoins. Il ?num?ra les services de sa famille, tous ses parents tu?s pour le pays, il rappela que lui-m?me il avait pass? trente-quatre ans ? faire la guerre en France, dix-sept hivers de suite sous les armes sans revoir le foyer, puis sa fortune ruin?e par sa ran?on, puis douze ann?es dans le Conseil. ?tait-il bien probable qu'il voul?t couronner tant de services, une vie si avanc?e, par une trahison?

Il avait beau dire; ? chaque mot de justification survenait, comme une charge de plus, quelque mauvaise nouvelle. Il n'abordait plus de bateau qu'il n'appr?t un malheur, Harfleur aujourd'hui, Honfleur demain, puis une ? une, toutes les villes de la Basse-Normandie; puis , la d?fense de vendre les draps anglais en Hollande... Ainsi les bruits lugubres se succ?daient sans intervalle; c'?tait comme une cloche fun?bre qui de l'autre rivage sonnait la mort de Suffolk... On peut juger de la rage du peuple par une ballade du temps o? l'on m?le ironiquement son nom et ceux de ses amis aux paroles consacr?es de l'office des morts.

C'?tait l'arr?t de Suffolk; il le comprit et se pr?para. Il ?crivit ? son fils une belle lettre, sans faiblesse, noble et pieuse, lui recommandant seulement de craindre Dieu, de d?fendre le roi, d'honorer sa m?re. Puis il fit venir ce qu'il y avait de gentlemen dans le voisinage, et en leur pr?sence, jura sur l'hostie qu'il mourait innocent. Cela fait, il se jeta dans un petit b?timent, ? la garde de Dieu. Mais il y avait trop de gens int?ress?s ? ce qu'il n'?chapp?t point. York voyait en lui le champion intr?pide de la maison de Lancastre; Somerset craignait un accusateur, au retour de sa belle campagne; l'Angleterre aurait eu ? juger, entre lui et Suffolk, qui des deux avait perdu la Normandie.

Cette mort ne finit rien. L'agitation, la fureur sombre qu'avait mises partout la d?faite, ?taient bonnes ? exploiter. Les puissants s'en servirent; ils savaient parfaitement, dans ce pays d?j? vieux d'exp?rience, tout ce qu'on pouvait faire du peuple quand il ?tait ainsi malade; le mal anglais, l'orgueil, l'orgueil exasp?r?, en faisait une b?te aveugle. On pouvait, pendant cet acc?s, le tirer ? droite ou ? gauche, sans qu'il devin?t la main ni la corde, sans qu'il sent?t qu'on le tir?t.

En t?te, il fallait un meneur, un homme de paille; non pas tout ? fait un fripon, le vrai fripon ne joue pas si gros jeu. On trouva l'homme m?me, un Irlandais, un b?tard, qui avait fait jadis un assez mauvais coup; puis, il avait servi en France; il revenait l?ger et ne sachant que faire; du reste, jeune encore, brave, de belle taille, spirituel et passablement fol.

Cade eut tout d'abord vingt mille hommes, et davantage en avan?ant. On envoya quelques troupes contre lui; il les battit; puis d'illustres parlementaires, l'archev?que de Cantorb?ry, le duc de Buckingham; il les re?ut avec aplomb, sagesse et dignit?, mod?r? dans la discussion, mais sobre de communication, in?branlable.

Cependant les soldats du roi criaient que le duc d'York devrait bien revenir pour s'entendre avec son cousin Mortimer, et mettre ? la raison la reine et ses complices. On essaya de les calmer en leur disant qu'il serait fait justice, et l'on mit ? la Tour lord Say, tr?sorier d'Angleterre.

Apr?s le spectacle de ce jugement de carrefour, apr?s l'ex?cution, on ne pouvait emp?cher les gens de Kent de se r?pandre par la ville. Les voil? qui courent les rues, admirent, regardent les portes closes; ils commencent ? flairer le butin; les mains d?mangent, ils pillent. Le prince lui-m?me, tout prince et Mortimer qu'il est, ne peut tellement dominer ses vieilles habitudes des guerres de France, qu'il ne vole aussi, tant soit peu, dans la maison o? il a d?n?.

Les respectables bourgeois de Londres, marchands, gens de boutique et autres, avaient jusque-l? assez bien pris la chose, y compris les ex?cutions. Mais, quand ils virent que les ch?res boutiques, les pr?cieux magasins, allaient ?tre viol?s, alors ils s'anim?rent contre ces brigands d'une vertueuse fureur. Ils prirent les armes, eux, leurs ouvriers, leurs apprentis; une furieuse batterie eut lieu dans les rues et au pont de Londres.

Les gens de Kent, rejet?s au faubourg, y pass?rent la nuit, un peu ?tourdis de l'accueil qu'ils avaient re?u dans la Cit?. Ils r?fl?chirent, ils se refroidirent. C'?tait le bon moment pour parlementer avec eux; ils ?taient d?courag?s, cr?dules. Le primat et l'archev?que d'York pass?rent de la Cit? ? Southwark dans un batelet, porteurs du sceau royal. Ils leur scell?rent des pardons, tant qu'ils en voulurent, et les braves gens s'en all?rent, chacun de son c?t?, sans dire adieu au capitaine Cade. Lui, intr?pide, il essaya d'abord de diriger la retraite de ceux qui lui restaient; puis, voyant qu'ils ne songeaient qu'? se battre pour le butin, il monta ? cheval et s'enfuit; mais sa t?te ?tait mise ? prix, il n'alla pas loin .

L'homme de paille ayant fini, le pr?tendant s?rieux pouvait commencer. Le duc d'York accourt d'Irlande pour travailler sur le texte que lui fournissait Somerset. Ce triste g?n?ral venait de r?p?ter ? Caen son aventure de Rouen; pour la seconde fois, il s'?tait fait prendre; mais cette fois la faiblesse ressemblait encore plus ? la trahison. Tel fut du moins le bruit qui courut. Le r?gent, comme faisaient, comme font volontiers les Anglais, tra?nait partout avec lui sa femme et ses enfants, dangereux et trop cher bagage qui dans plus d'une occasion peut amollir l'homme de guerre, faire de l'homme une femme. Celle de Somerset, dans les horreurs du si?ge, lorsque les pierres et les boulets pleuvaient, vit une pierre tomber entre elle et ses enfants; elle courut se jeter aux genoux de son mari, le suppliant d'avoir piti? des pauvres petits... Le malheureux, d?s ce moment, eut peur aussi, il voulut se rendre. Mais la ville ?tait au duc d'York; un capitaine y commandait pour lui et pr?tendait d?fendre ? toute extr?mit? la ville de son ma?tre. Alors, Somerset fit par faiblesse une chose audacieuse, coupable; il s'entendit avec les bourgeois, les encouragea sous main ? demander qu'on se rend?t; la ville fut livr?e. Le capitaine ?chappa et s'en alla rendre compte, non pas ? Londres, mais droit en Irlande, au duc d'York. Celui-ci, brusquement et sans ordre, quitte l'Irlande, traverse l'Angleterre avec une bande arm?e, et pr?sente au roi une plainte humblement insolente.

Personne ne parlait encore du droit d'York, tout le monde y pensait. La reine ne pouvait se fier qu'? un seul homme, ? celui qui avait droit dans la branche de Lancastre, ? l'h?ritier pr?somptif du roi. Mais cet h?ritier ?tait justement Somerset; elle le fit conn?table, lui mit en main l'?p?e du royaume au moment o? il venait de rendre la sienne aux Fran?ais. Ce d?fenseur du roi avait assez de mal ? se d?fendre, ayant perdu la Normandie. Il e?t fallu du moins qu'il r?par?t; pour r?paration, on perdit la Guienne.

Dans cette rapide conversion des Gascons, Bordeaux seul r?sistait; ville capitale jusque-l?, elle ne pouvait que d?choir; les Anglais la m?nageaient fort, ils l'enrichissaient, achetaient, buvaient ses vins; Bordeaux n'esp?rait pas trouver des ma?tres qui en bussent davantage. Aussi les bourgeois y ?taient tellement Anglais qu'ils voulurent tirer l'?p?e pour le roi d'Angleterre, faire une sortie; ce fut, il est vrai, pour fuir ? toutes jambes. Bureau, qui d?j? avait pris Blaye, et dans Blaye le maire et le sous-maire de Bordeaux, fut nomm?, avec Chabannes et autres, pour faire un arrangement. Ils se montr?rent singuli?rement faciles, ne demandant ni taxe aux villes, ni ran?on aux seigneurs, confirmant, amplifiant les privil?ges. Ceux qui ne voulaient pas rester Fran?ais pouvaient partir; les marchands en ce cas auraient six mois pour r?gler leurs affaires les seigneurs transmettraient leurs fiefs ? leurs enfants. Il n'y avait pas d'exemple de guerre si douce, si cl?mente. Le roi voulut bien encore accorder un d?lai ? Bordeaux; enfin, n'?tant pas secourue, elle ouvrit ses portes ; Bayonne s'obstina et tint deux mois de plus .

La perte de ces villes d?vou?es, opini?tres dans leur fid?lit?, et abandonn?es sans secours, c'?tait une arme terrible pour York. Ses partisans calculaient emphatiquement qu'en perdant l'Aquitaine, l'Angleterre avait perdu trois archev?ch?s, trente-quatre ?v?ch?s, quinze comt?s, cent deux baronnies, plus de mille capitaineries, etc., etc. Puis on rappelait la perte de la Normandie, du Maine, de l'Anjou, on annon?ait celle de Calais; le tra?tre Somerset l'avait d?j? vendue, disait-on, au duc de Bourgogne.

Une tentative d'York ? main arm?e ne fut pas plus heureuse; il rassembla des troupes, et arriv? en face du roi, il se trouva faible; il vit que les siens h?sitaient, les licencia lui-m?me et se livra. Il savait bien qu'on n'oserait le faire p?rir, qu'il en serait quitte, et il le fut en effet, pour un serment de loyaut?, serment solennel, ? Saint-Paul, sur l'hostie. Mais qu'importe? dans ces guerres anglaises, nous voyons les chefs de factions jurer sans cesse, et le peuple n'en para?t pas scandalis?.

La reine, en ce moment, avait l'espoir de regagner le coeur des Anglais, de leur prouver que la Fran?aise ne les trahissait pas; elle voulait reprendre aux Fran?ais la Guienne. Ce pays ?tait d?j? las de ses nouveaux ma?tres; il ne voulait point se soumettre ? la loi g?n?rale du royaume, selon laquelle les villes logeaient et payaient les compagnies d'ordonnance; il trouvait fort mauvais que le roi gard?t la province avec ses troupes, qu'il ne se repos?t pas sur la foi gasconne. Les seigneurs aussi, qui avaient laiss? leurs fiefs et qui avaient h?te de les revoir, assuraient ? Londres que les Anglais n'avaient qu'? se montrer en mer et que tout serait ? eux. La reine et Somerset avaient grand besoin de ce succ?s, ils d?siraient sinc?rement r?ussir; ils envoy?rent Talbot. Cet homme de quatre-vingts ans ?tait, de coeur et de courage, le plus jeune des capitaines anglais, homme loyal surtout et dont la parole inspirerait confiance; on lui donna pouvoir pour traiter, pardonner, aussi bien que pour combattre.

Les Bordelais mirent eux-m?mes Talbot dans leur ville, lui livrant la garnison, qui ne se doutait de rien. En plein hiver, il reprit les places d'alentour. Le roi, occup? ailleurs et comptant trop sans doute sur les troubles de l'Angleterre, avait d?garni la province de troupes. Ce ne fut qu'au printemps qu'une arm?e vint disputer le terrain ? Talbot. Les Fran?ais, suivant la direction de Bureau, voulurent d'abord se rendre ma?tres de la Dordogne et assi?g?rent Ch?tillon, ? huit lieues de Bordeaux. Talbot les y trouva bien retranch?s, et dans ces retranchements une formidable artillerie. Il n'en tint pas grand compte, et les Fran?ais le confirm?rent ? dessein dans ce m?pris. Le matin, pendant qu'il entendait sa messe, on vient lui dire que les Fran?ais s'enfuient de leurs retranchements. <> Il laisse tout, messe et chapelain, pour courir ? l'ennemi; un des siens l'avertit de l'erreur, il le frappe et va son chemin.

Cependant, derri?re les retranchements, derri?re les canons, le sage ma?tre des comptes, Jean Bureau, attendait froidement ce paladin du moyen ?ge. Talbot arrive sur son petit cheval, signal? entre tous par un surtout de velours rouge. ? la premi?re d?charge, il voit tout tomber autour de lui; il persiste, il fait planter son ?tendard sur la barri?re. La seconde d?charge emporte l'?tendard et Talbot. Les Fran?ais sortent; on se bat sur le corps, il est pris et repris; dans la confusion, un soldat lui met, sans le conna?tre, sa dague dans la gorge. Le d?sastre des Anglais fut complet; au rapport des h?rauts, charg?s de compter les morts, ils en laiss?rent quatre mille sur la place.

La Guienne fut reprise, moins Bordeaux, que l'on resserra en occupant tout ce qui l'environnait. Du c?t? m?me de la mer, la flotte anglaise et bordelaise ne put emp?cher celle du roi de venir fermer la Gironde. ? vrai dire, il n'y avait pas de flotte royale; mais la rivale de Bordeaux, La Rochelle, avait envoy? seize vaisseaux arm?s; la Bretagne en avait pr?t? d'autres, auxquels s'?taient joints quinze gros navires hollandais, sans compter ceux que le roi avait pu emprunter en Castille.

Cette grande ville de Bordeaux avait pour garnison toute une arm?e, anglaise et gasconne; mais le nombre m?me ?tait un inconv?nient pour une ville qui ne recevait plus de vivres; d'autre part, entre ces d?fenseurs l'int?r?t ?tait divers, le danger in?gal; la ville prise, les Anglais ne risquaient rien autre chose que d'?tre prisonniers de guerre; les Gascons avaient fort ? craindre d'?tre trait?s comme rebelles. Ils se m?fiaient les uns des autres. D?j? les Anglais des places voisines avaient fait leur trait? ? part.

Les Bordelais alarm?s envoy?rent au roi, ne demandant rien de plus que les biens et la vie. Mais il voulait faire un exemple; il ne promit rien. Les d?put?s s'en allaient assez tristes, lorsque le grand ma?tre de l'artillerie, Jean Bureau, s'approchant du roi, lui dit: <>

Cependant le roi lui-m?me d?sirait un arrangement; la fi?vre ?tait dans son camp; il se rel?cha de sa s?v?rit?, se contenta de cent mille ?cus et du bannissement de vingt coupables; tous les autres avaient leur gr?ce; les Anglais s'embarquaient librement. La ville perdit ses privil?ges; mais elle resta une capitale; elle ne d?pendit point des Parlements de Paris ni de Toulouse; le Parlement de Bordeaux ne tarda pas ? ?tre institu?, et il ?tendit son ressort jusqu'au Limousin, jusqu'? la Rochelle.

L'Angleterre avait perdu en France, la Normandie, l'Aquitaine, tout, except? Calais...

La Normandie, une autre elle-m?me, une terre anglaise d'aspect, de productions, qu'elle devait toujours voir en face pour la regretter;--l'Aquitaine, son paradis de France, toutes les b?n?dictions du Midi, l'olivier, le vin, le soleil.

Il y avait presque trois si?cles que l'Angleterre avait ?pous? l'Aquitaine avec ?l?onore, plus qu'?pous?e, aim?e, souvent pr?f?r?e ? elle-m?me. Le Prince noir se sentait chez lui ? Bordeaux; il ?tait comme ?tranger ? Londres.

Plus d'un prince anglais ?tait n? en France, plus d'un y ?tait mort et avait voulu y ?tre enseveli. Le sage r?gent de France, le duc de Bedford, fut ainsi enterr? ? Rouen. Le coeur de Richard Coeur de Lion resta ? nos religieuses de l'abbaye de Fontevrault.

Le coup fut si douloureusement ressenti par l'Angleterre, qu'on put croire qu'elle en oublierait ses discordes, qu'au moins elle y ferait tr?ve. Le Parlement vota des subsides, non pour trois ans, comme c'?tait l'usage, mais <> Il vota une arm?e presque aussi forte que celle d'Azincourt, vingt mille archers.

Le difficile ?tait de les lever. Il n'y avait partout dans le peuple qu'abattement, d?couragement, peur des guerres lointaines... une peur orgueilleuse qui se faisait m?contente, indign?e; le coeur avait baiss?, non l'orgueil. Il y avait p?ril ? ?claircir ce triste myst?re... Le Parlement se rabattit de vingt mille archers ? treize mille, et on n'en leva pas un.

La main de Dieu pesait sur l'Angleterre. Apr?s avoir tant perdu au dehors, elle semblait au moment de se perdre elle-m?me. La guerre qu'elle ne faisait plus en France, elle l'avait dans son sein, une guerre sourde jusque-l?, sans bataille, sans victoire pour personne; il n'y avait pas m?me ce triste espoir que le pays retrouv?t l'unit? pour le triomphe d'un parti. Somerset ?tait fini, et York ne pouvait commencer. La royaut? n'?tait pas abolie, mais elle tombait chaque jour davantage dans la solitude et le d?laissement. Le roi, ayant distribu?, engag? son domaine et ne recevant rien du Parlement, ?tait le plus pauvre homme du royaume. La nuit des Rois, au banquet de famille, le roi et la reine se mirent ? table, et l'on n'eut rien ? leur servir.

Le bon Henri prenait tout en patience. Humble au milieu de ses orgueilleux lords, v?tu comme le moindre bourgeois de Londres, ami des pauvres et charitable, tout pauvre qu'il ?tait lui-m?me. Tout le temps qu'il ne passait pas au conseil, il l'employait ? lire les anciennes histoires, ? m?diter la sainte ?criture. Cet ?ge dur le nomma un simple; au moyen ?ge, c'e?t ?t? un saint. Il parut g?n?ralement au-dessous de la royaut?, et quelquefois il ?tait au-dessus; en d?dommagement de la prudence vulgaire qui lui manquait, il semble avoir ?t?, en certains moments, ?clair? d'un rayon d'en haut.

Les pacifiques s'en allaient; mais les violents ne manquaient pas moins; Suffolk avait p?ri, Somerset ?tait enferm? ? la Tour, la reine ?tait malade; elle allait mettre au monde un prince, une victime pour la guerre civile. Le pauvre roi, d?laiss? de tous ceux qui jusque-l? le soutenaient, qui voulaient pour lui, finit par s'abandonner lui-m?me; son faible esprit d?serta et s'en alla d?s lors vers de meilleures r?gions.

Une d?putation de douze paires la?ques et eccl?siastiques fut envoy?e ? Windsor. <>

Arr?tons-nous en pr?sence de cette muette image d'expiation. Ce silence parle haut; tout homme, toute nation l'entendra: ? vrai dire, il n'y a plus de nation devant de tels spectacles, ni Fran?ais, ni Anglais, mais seulement des hommes.

Si pourtant nous voulions l'envisager au point de vue de la France, ce serait seulement pour nous demander de sang-froid, sans rancune, ce qui reste de tout ceci.

Les Anglais, nous l'avons dit, laissent peu sur le continent, si ce n'est des ruines. Ce peuple s?rieux et politique, dans cette longue conqu?te, n'a presque rien fond?.--Et avec tout cela ils ont rendu au pays un immense service qu'on ne peut m?conna?tre.

La France jusque l? vivait de la vie commune et g?n?rale du moyen ?ge autant et plus que de la sienne; elle ?tait catholique et f?odale avant d'?tre fran?aise. L'Angleterre l'a refoul?e durement sur elle-m?me, l'a forc?e de rentrer en soi. La France a cherch?, a fouill?, elle est descendue au plus profond de sa vie populaire; elle a trouv?, quoi? la France. Elle doit ? son ennemi de s'?tre connue comme nation.

Il ne fallait pas moins, pour nous calmer, qu'une pens?e si grave, que cette forte et virile consolation, lorsque souvent ramen?s vers la mer, nous portions sur la plage, de la Hogue ? Dunkerque, tout ce pesant pass?... Eh bien! d?posons-le aux marches de la nouvelle ?glise, sur cette pierre d'oubli, qu'une bonne et pieuse Anglaise a plac?e ? Boulogne, pour relever ce qu'ont d?truit nos p?res. <>

Add to tbrJar First Page Next Page

 

Back to top