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Ebook has 97 lines and 11386 words, and 2 pages

Editor: Am?lie Lenormant

SOUVENIRS ET CORRESPONDANCE TIR?S DES PAPIERS DE MADAME R?CAMIER

Je regarde comme une chose bonne en soi que vous soyez aim?e et appr?ci?e lorsque vous ne serez plus.

TOME PREMIER

PARIS MICHEL L?VY FR?RES. LIBRAIRES-?DITEURS RUE VIVIENNE, 2 BIS

AVANT-PROPOS

La c?l?brit? a ses dangers et ses ?pines: elle offre mille inconv?nients pendant la vie des personnes qui en jouissent, et quand elles ne sont plus, il n'est pas toujours facile de mettre leur m?moire ? l'abri de l'erreur et des fausses interpr?tations. Celle de Mme R?camier est rest?e environn?e d'une douce et brillante aur?ole: c'est peut-?tre la seule femme qui, n'ayant rien ?crit et n'?tant jamais sortie des limites de la vie priv?e, ait m?rit? que sa ville natale propos?t son ?loge public. Il semble que, plus qu'une autre, elle aurait d? ?chapper ? la loi commune, et pourtant l'ignorance des conditions toutes particuli?res dans lesquelles elle a v?cu, le peu de rapports qu'on trouve entre la modestie de son existence et la grandeur de sa renomm?e, la livrent sans d?fense, en quelque sorte, ? toute la profanation des conjectures. Les intentions les plus sinc?res ont quelquefois conduit ses pan?gyristes eux-m?mes ? des suppositions et ? des jugements qui offusquent la puret? de son souvenir.

Elle avait senti ce p?ril, et surmontant la r?pugnance qu'elle avait ? s'occuper d'elle-m?me, ses soins s'?taient attach?s ? recueillir les renseignements au moyen desquels on pourrait faire un jour comme un miroir de sa vie. L'ouvrage qu'on publie est l'accomplissement imparfait, mais fid?le de cette intention: il r?pond dans une mesure affaiblie, mais exacte, aux d?sirs qu'elle a exprim?s, aux instructions qu'elle a laiss?es.

Dans l'ordre des choses de l'esprit, elle se subordonnait encore davantage. Heureuse de r?fl?chir les nobles pens?es, et se sentant capable d'inspirer un beau langage, elle se refusait pour elle-m?me ? rien produire. Il lui r?pugnait d'?crire, m?me des lettres; et l'on voit sans cesse ses plus fid?les amis s'efforcer en vain de dissiper la crainte qui l'emp?chait de d?velopper sa correspondance; ? plus forte raison, refusait-elle de se croire appel?e ? composer un ouvrage de longue haleine. Sans aucun des pr?jug?s qu'on a quelquefois contre les femmes auteurs, se sentant au contraire anim?e du go?t le plus vif pour les personnes de son sexe que la culture des lettres a honor?es et qui ont elles-m?mes honor? les lettres, elle se retranchait, toutes les fois qu'on la pressait d'?crire, dans la plus sinc?re d?claration d'incapacit?.

Ces r?cits, ainsi que les lettres en petit nombre que nous avons pu recueillir et que nous avons jug?es dignes d'?tre imprim?es, ne manqueront pas, nous en sommes convaincus, d'exciter des regrets. Nous ne croyons m?me pas nous faire illusion en pensant qu'ils produiront l'effet de ces d?bris de po?sie ou de sculpture ?chapp?s au naufrage de l'antiquit?, et qui nous charment d'autant plus que notre curiosit? reste au fond moins satisfaite.

Quoi qu'il en soit, ce que nous savons, ? n'en pouvoir douter, c'est que dans l'ouvrage tel que Mme R?camier l'avait con?u, elle se serait montr?e le moins possible. De m?me qu'elle r?duisait son propre r?le dans la vie ? celui d'un lien affectueux et intelligent entre des ?mes d'?lite et des esprits sup?rieurs, de m?me elle ne se croyait appel?e dans les M?moires de sa vie qu'? t?moigner, par les preuves qu'elle avait rassembl?es, en faveur de ses meilleurs amis. ? d?faut des pr?cieuses paroles dont elle avait ?t? si souvent et si constamment d?positaire, elle voulait faire un choix dans les lettres qu'on lui avait ?crites, et opposer ainsi, moins encore pour elle que pour les autres, un bouclier s?r aux erreurs de l'avenir.

Sous ce dernier rapport, sa conviction ?tait aussi arr?t?e qu'elle ?tait ind?cise quant au m?rite de ce qu'elle aurait ?crit. Elle avait la passion de la gloire de ses amis: tant qu'ils avaient v?cu, tant qu'elle avait pu agir sur eux, elle s'?tait attach?e avec une vigilance infatigable ? leur offrir les soins, j'oserais dire, les ardeurs de son amiti?, comme un pr?servatif contre les fautes dans lesquelles l'orgueil et l'ambition ne cessent d'entra?ner les hommes. Apr?s les avoir perdus, elle faisait du culte de leur m?moire l'objet principal de son existence. Habitu?e, par son discernement personnel et par certains grands bonheurs de sa vie qu'il faut consid?rer comme des faveurs signal?es de la Providence, ? mesurer son affection sur son estime, elle voulait que le souvenir de ceux qu'elle avait aim?s se d?fendit par lui-m?me; et c'est pourquoi elle n'avait jamais re?u un de ces mots o? la beaut? de l'?me se peint dans le moment des grandes ?preuves, qu'elle ne le r?serv?t comme une perle de son tr?sor. L'ench?ssement de ces joyaux formait toute son ambition. En les l?guant ? sa fille adoptive, elle lui imposait la t?che dont celle-ci s'acquitte aujourd'hui, dans une esp?rance qui ne sera pas tromp?e, si la tendresse du coeur et le sentiment du devoir accompli peuvent tenir lieu de puissance et de talent.

Cette tendresse, dans laquelle elle croit avoir quelque droit de se confier, ne doit pas, chez les indiff?rents, exciter la d?fiance. L'existence de Mme R?camier n'a pas besoin d'?tre arrang?e pour le public. On a dit tr?s-injustement qu'il n'y a pas un homme qui soit grand pour son valet de chambre; les caract?res vraiment beaux au contraire sont ceux qui gagnent ? ?tre connus jusque dans leurs plus intimes replis. Personne n'a mieux m?rit? que Mme R?camier d'?tre rang?e dans ce nombre. Ind?pendamment de ses proches, de ceux qui honorent sa m?moire d'un culte filial, il subsiste encore assez de ses meilleurs amis, de ceux qui l'ont connue, en quelque sorte, jusqu'au fond de l'?me, pour rendre t?moignage en faveur de sa sup?riorit? morale.

Une illustre ?trang?re, la derni?re duchesse de Devonshire, disait d'elle: <> Que l'on retourne la proposition, et l'on comprendra quel chemin ont infailliblement suivi les personnes qui se sont de plus en plus rapproch?es d'elle.

Tant qu'elle fut jeune--et sa jeunesse fut beaucoup plus longue que celle de la plupart des femmes--elle exer?a, par ses agr?ments, par un charme ind?finissable, une s?duction que l'on pr?tend avoir ?t? irr?sistible. Cependant, sous cet ?panouissement du premier jour, se cachait l'attrait modeste d'une violette. Elle avait l'esprit aussi attirant que les traits; peu ? peu, la fine douceur de sa conversation faisait oublier jusqu'? sa beaut?. Pourtant le fond du caract?re se cachait encore: on pouvait attribuer ce philtre tout-puissant au seul d?sir de plaire. Mais si elle vous avait jug? digne de faire un pas de plus dans sa confiance, on entrevoyait alors toutes les pr?rogatives d'une ?me forte et vraie: on la trouvait d?vou?e, sympathique, indulgente et fi?re. C'?tait ? la fois la consolation et la force, le baume dans les peines, le guide dans les grandes r?solutions de la vie.

Si elle n'e?t inspir? ce que nous pourrions appeler la c?leste amiti? qu'? ceux qui avaient d'abord subi l'attrait de sa beaut?, on pourrait les soup?onner d'une illusion d'enthousiasme. Mais elle s'est montr?e aussi ?tonnamment attractive jusqu'au seuil m?me de la vieillesse. Non-seulement elle a banni la jalousie du coeur des femmes, mais les femmes qui l'ont aim?e ne se sont pas distingu?es de ses amis de l'autre sexe par un attachement moins vif et moins profond. Enfin, elle a rencontr? des hommes, plus jeunes qu'elle de plus de trente ans, qu'un autre sentiment pr?servait de la s?duction ext?rieure qu'elle ?tait encore capable d'exercer, et qui, la voyant sans illusion pr?alable, n'ayant pour ainsi dire affaire qu'? son ?me, ont subi si compl?tement son l?gitime ascendant, qu'ils ?prouvent encore aujourd'hui un froissement douloureux, si l'ignorance ou la l?g?ret? prof?rent en leur pr?sence un doute sur l'objet de leur respect.

Le livre qu'on publie renferme les pi?ces justificatives de cet empire exerc? pendant tant d'ann?es sur tant d'?mes. Il serait indigne de celle auquel on le d?die, s'il n'?tait enti?rement sinc?re. Pour ce qui concerne Mme R?camier elle-m?me, on n'a rien dissimul?, rien affaibli. Pour ce qui regarde ses amis, il en est de deux sortes: les uns se sont trouv?s m?l?s aux orages de la vie, les autres en ont travers? les ?preuves avec une puret? constante. On s'est conform? aux intentions de Mme R?camier, en faisant valoir chez les premiers tout ce qui les recommande, tout ce qui les fait aimer: on n'avait, pour les seconds, qu'? ouvrir les secrets de leur ?me.

Ce serait tout ? fait m?conna?tre Mme R?camier que de la ranger parmi les exceptions volontaires. En quelque situation que le sort l'e?t plac?e, elle y e?t port? une grande rectitude et le sentiment de tous les devoirs. Les circonstances seules lui ont fait une destin?e particuli?re. Aussi n'est-il pas n?cessaire d'avertir qu'on s'?garerait en cherchant ? l'imiter. Il faudrait, avec les m?mes qualit?s et le m?me charme, une situation aussi rare, des temps aussi extraordinaires par les contrastes, pour produire de nouveau une existence telle que la sienne.

Souvent des femmes, faites pour une affection l?gitime et un bonheur m?rit?, se trouvent rejet?es loin de leur voie naturelle par un mariage mal assorti; d'autres, apr?s avoir accept? sans r?pugnance la disproportion des ?ges, se rajeunissent en quelque sorte dans de seconds liens, en recommen?ant une nouvelle vie, une vie de rapports ?gaux et d'affection r?ciproque. Mme R?camier, qui n'?prouva jamais les amertumes d'une situation fauss?e, vit cependant s'?couler ses meilleures ann?es sans qu'il lui f?t possible de faire cesser l'extr?me isolement auquel elle avait ?t? condamn?e. Cette situation sans exemple, o? elle avait accept? un protecteur l?gitime sans apprendre ce qu'est un ma?tre, lui fut une sauvegarde contre des p?rils auxquels d'autres ant?c?dents l'auraient fait certainement succomber.

Elle en convenait elle-m?me: en voyant autour d'elle de jeunes ?poux, des enfants, une famille qui s'?levait suivant les conditions communes, elle avouait, non sans regret, qu'un mariage selon son ?ge et son coeur lui aurait fait accepter avec joie toute l'obscurit? du vrai bonheur. Elle ne craignait pas d'ajouter qu'une d?ception marqu?e dans un rapport ordinaire l'e?t rendue vuln?rable ? des attaques contre lesquelles continuait de la prot?ger le premier silence de son coeur. C'est ainsi que pour ce qui fait la destin?e normale d'une femme mari?e, elle a travers? en quelque sorte le monde sans le conna?tre.

Enferm?e ainsi dans la solitude qui s'?tait faite autour de sa jeunesse, elle ?tait expos?e ? se m?prendre sur les effets du besoin de plaire, et ? rendre malheureux ceux qui s'en faisaient une id?e moins innocente et plus s?rieuse: elle fit plusieurs blessures de ce genre, et elle se les reprochait. Mais pour de pareils malentendus, quelque cruels qu'ils fussent, quel heureux empire, quelle douce influence n'exer?a-t-elle pas? Apr?s une courte exp?rience de son caract?re et de ses r?solutions, il fallait de l'obstination et presque de l'aveuglement pour ne pas s'apercevoir de ce que son amiti? avait de pr?f?rable ? toutes les chances de la passion. C'est le propre des d?vouements de la vie religieuse, de transformer en un bienfait qui s'?tend ? toutes les souffrances la tendresse concentr?e d'ordinaire dans le cercle ?troit des devoirs de famille. Mme R?camier fait comprendre, mieux que personne, la possibilit? qu'un minist?re aussi compatissant soit d?parti, parmi les frivoles d?licatesses du monde, ? des personnes qui ont perdu le droit de faire un abandon exclusif de leur affection.

Et encore, avec les classifications ordinaires de la soci?t?, comment admettre une influence aussi ?tendue? comment, ? moins d'un tr?ne ou d'un th??tre, conqu?rir la notori?t? n?cessaire ? une action de ce genre? Dans les conditions o? nos p?res ont v?cu ou dans celles qui existent aujourd'hui, la reine ou l'idole d'un cercle ne pourra que demeurer inconnue ? tous les autres. Il en fut autrement pour Mme R?camier.

La date de son mariage correspond ? l'?poque la plus terrible de notre histoire: elle vit s'?panouir sa jeunesse au moment o? la France commen?ait ? respirer; et lorsque les repr?sentants de la classe proscrite rentr?rent dans leur pays, ils n'y trouv?rent ? leur convenance d'autre maison ouverte que la sienne. Les plus distingu?s de ses nouveaux amis, MM. Mathieu et Adrien de Montmorency, n'oubli?rent jamais ce qu'ils lui avaient d? de reconnaissance ? cette ?poque de transition, et quand l'ancienne soci?t? reprit ses pr?tentions avec son rang, Mme R?camier, malgr? ses malheurs de fortune, se trouva, par la solidit? de ses relations, ? l'abri des distinctions d?daigneuses, sans qu'on lui f?t une loi de se d?classer, sans qu'elle e?t besoin d'abjurer les rapports que sa naissance lui avait faits.

La r?putation de sa beaut?, ?tablie dans un moment o? tous les regards pouvaient se concentrer sur un seul point, lui offrait en perspective plus de dangers encore que de triomphes. Si l'on reconna?t que, sans cet avantage, elle ne se serait point fait une position aussi particuli?re dans le monde, on comprend aussi qu'elle n'a pu la conserver et l'?tendre qu'avec des qualit?s bien autrement durables et s?rieuses. Apr?s des ?preuves amen?es par la fiert? de son caract?re et la fid?lit? de ses affections, la Restauration la trouva toute pr?par?e pour entreprendre entre les partis l'oeuvre de conciliation qui ?tait d?s lors le plus grand besoin de la France. Elle offrait ? toutes les opinions un terrain neutre et ind?pendant; les ?mes les plus droites et les plus distingu?es y furent attir?es par les meilleurs instincts de leur nature.

Toutefois Mme R?camier n'?tait qu'? demi faite pour un r?le public: si elle se plaisait ? exercer un charme ext?rieur, des sentiments plus jaloux dominaient le meilleur de son ?me, et le combat de ces sentiments entra?nait ses plus importantes r?solutions. C'est ce qu'on verra tr?s-clairement, nous l'esp?rons du moins, dans l'ouvrage que nous donnons au public. On notera sans peine ce qui suspendit, ce qui limita l'action indirecte qu'elle pouvait exercer sur les affaires publiques; et tout en admirant la dignit? de sa conduite, on regrettera, nous n'en doutons pas, qu'elle se soit vue dans l'obligation de s'?loigner, au moment m?me o? ?clatait la crise qui devait d?cider du sort de la monarchie restaur?e.

Ainsi se trouv?rent d??ues les esp?rances que les esprits mod?r?s pouvaient fonder sur elle. Mais ce nouvel exemple d'une belle occasion manqu?e, comme on en rencontre tant dans notre histoire, a-t-il ?t? compl?tement inutile, et ne pouvons-nous pas encore aujourd'hui tirer quelque profit de ces tentatives infructueuses? Le pass?, nous l'esp?rons du moins, n'est jamais perdu sans retour: en apprenant ? mieux conna?tre tout ce que valaient les hommes de la Restauration dont Mme R?camier fut le centre et le lien, on doit enfin comprendre ce que la France depuis soixante-dix ans a perdu ? tant de discordes et de d?fiances; on peut, avec une conviction plus forte, se diriger soi-m?me, et diriger l'esprit des autres dans le sens du r?tablissement d'une harmonie durable entre toutes les classes de la nation fran?aise. Plus qu'aucune autre, Mme R?camier aurait m?rit? d'?tre le symbole d'une telle r?conciliation.

En entreprenant l'ouvrage que nous offrons au public, notre premier devoir ?tait de reproduire d'une mani?re scrupuleusement fid?le l'esprit dans lequel Mme R?camier elle-m?me l'aurait con?u. Nous ne craignons pas d'affirmer qu'on trouvera ici, quant ? l'appr?ciation des ?v?nements et des hommes, beaucoup moins notre jugement personnel que le sien. ? la voir si impartiale, on aurait pu la croire indiff?rente; mais elle avait la passion du bien, et avec un sentiment pareil, on ne court le risque de tomber ni dans le doute, ni dans l'?go?sme.

Entre ses deux existences, celle de ses affections ?troites, et celle de ses relations plus g?n?rales, notre choix ne pouvait non plus ?tre douteux. Il nous e?t ?t? facile de d?rouler le tableau tout ? fait extraordinaire de ses rapports ext?rieurs. Le nombre des personnes qui l'ont approch?e, et auxquelles elle a eu le secret, par son intervention, par ses d?marches, par ses paroles, je dirais presque par son sourire, de faire du bien, est vraiment incalculable: nous avons tant de preuves de ce rayonnement universel que nous aurions pu en remplir des volumes. Mais ce foyer auquel avaient recours toutes les souffrances de l'?me et toutes les inqui?tudes de l'esprit aurait-il pu exister, si la chaleur communicative ne s'en f?t aliment?e ? des sources plus secr?tes? Beaucoup des personnes m?mes qui, ? cause de la reconnaissance quelles gardent ? la m?moire de Mme R?camier, s'?tonneront de ne pas rencontrer leur nom dans ces volumes, en apprenant ? conna?tre ce qu'?tait la vie, pour ainsi dire, profonde de celle dont elles b?nissent le souvenir, nous pardonneront d'avoir insist? sur le c?t? le plus essentiel et le moins connu de cette nature privil?gi?e.

? vrai dire, trois noms seulement dominent cette histoire d'une femme. Mathieu de Montmorency, Ballanche, Chateaubriand.

Au moment le plus p?rilleux de sa jeunesse, Dieu lui envoie, dans la personne du premier, un ami s?r et vigilant, un guide qui suffit pour expliquer qu'elle ait travers? pure tant de s?ductions et d'emb?ches; et elle ne le perd qu'? l'?poque o? elle n'avait plus de victoires ? remporter sur elle-m?me.

Quelques ann?es apr?s la formation de ce lien, elle distingue ? la premi?re vue, sous les dehors les plus simples et sous une enveloppe ?trange, un coeur d'or, un rare esprit, un talent ? part, dans le na?f imprimeur de Lyon, et cette affection, qui se donne sans condition et sans r?serve, ach?ve de compl?ter sa sauvegarde: elle comprend que, pour assurer une r?compense proportionn?e ? un d?vouement de cette nature, elle n'aura qu'? se montrer digne d'elle-m?me.

D'ailleurs, ce qui fait la s?curit? de son ?me produit aussi l'?quilibre de sa vie. Entre deux amis si dissemblables par l'origine, mais trait?s avec une ?galit? d'affection et de respect, le public devait reconna?tre dans Mme R?camier une image ?clatante de cette unit? de la soci?t? fran?aise qui a fait son charme et sa force depuis deux si?cles, et il ne s'y est pas m?pris.

Cependant, tout en restant fid?le au plan que nous nous ?tions trac?, nous aurions pu donner beaucoup plus de d?veloppement ? cet ouvrage. Mais quel que soit l'int?r?t qu'un sujet pr?sente, il faut se donner de garde de l'?puiser. On a trop abus?, surtout ? notre ?poque, de la curiosit? publique. Nous avons pr?f?r?, pour notre compte, laisser deviner, au risque d'exciter des regrets, tout ce que les correspondances recueillies par Mme R?camier renferment encore de richesses pour l'esprit et pour le coeur.

? la nouvelle de l'entreprise que nous venons d'achever, une femme, qui a bien connu Mme R?camier, et qui, par ses qualit?s sup?rieures, ?tait digne de l'appr?cier, nous ?crivait: <> Ce serait notre faute si, apr?s les t?moignages que nous avons produits, on avait d?sormais, sur la femme qui nous fut si ch?re, un autre avis que l'amie dont les paroles nous ont servi d'avance d'encouragement et de justification.

SOUVENIRS ET CORRESPONDANCE TIR?S DES PAPIERS DE MADAME R?CAMIER

LIVRE PREMIER

Jeanne-Fran?oise-Julie Ad?la?de Bernard naquit ? Lyon, le 4 d?cembre 1777. Son p?re, Jean Bernard, ?tait notaire dans la m?me ville; c'?tait un homme d'un esprit peu ?tendu, d'un caract?re doux et faible, et d'une figure extr?mement belle, r?guli?re et noble. Il mourut en 1828, ?g? de quatre-vingts ans, et conservait encore dans cet ?ge avanc? toute la beaut? de ses traits.

Mme Bernard fut singuli?rement jolie. Blonde, sa fra?cheur ?tait ?clatante, sa physionomie fort anim?e. Elle ?tait faite ? ravir, et attachait le plus haut prix aux agr?ments ext?rieurs, tant pour elle-m?me que pour sa fille. Elle mourut jeune encore, et toujours charmante, en 1807, d'une douloureuse et longue maladie; elle s'occupait encore des soins et des recherches de sa toilette sur la chaise longue o? ses souffrances la condamnaient ? rester ?tendue. Mme Bernard avait l'esprit vif, et elle entendait bien les affaires: un sens droit, un jugement prompt lui faisaient discerner nettement les chances de succ?s d'une entreprise; aussi gouverna-t-elle tr?s-heureusement et accrut-elle sa fortune. Elle voulut par ses dispositions testamentaires assurer l'ind?pendance de la situation de sa fille unique; mais quoique mari?e, s?par?e de biens et sous le r?gime dotal, Mme R?camier s'associa avec une g?n?reuse et inutile imprudence aux revers de son mari, et compromit sa propre fortune sans le sauver de sa ruine.

J'ignore la circonstance qui mit Mme Bernard en relation avec M. de Calonne; mais ce fut sous son minist?re, en 1784, que M. Bernard, notaire ? Lyon, fut nomm? receveur des finances ? Paris, o? il vint s'?tablir, laissant sa fille Juliette ? Villefranche, aux soins d'une soeur de sa femme, Mme Blachette, mari?e dans cette petite ville.

Le souvenir de Mme R?camier se reportait quelquefois, et toujours avec un grand charme, sur les premi?res ann?es de son enfance. C'est ? cette ?poque que prit naissance dans son coeur une affection, qu'aucune circonstance ne put alt?rer, pour la jeune cousine avec laquelle on l'?levait. Mlle Blachette, qui devint plus tard la baronne de Dalmassy, et qui fut une tr?s-jolie et spirituelle personne, n'?tait alors qu'une enfant comme Juliette. Mme R?camier racontait quelquefois ses promenades autour de Villefranche avec sa cousine et les autres enfants de la ville, filles et gar?ons, les privil?ges dont elle jouissait dans la maison de son oncle o? r?gnait une stricte ?conomie, et la passion tr?s-vive qu'avait pris pour elle, petite fille de six ans, un gar?on ? peu pr?s du m?me ?ge, Renaud Humblot. Les riantes et gracieuses impressions de l'enfance embellissaient pour elle et avaient grav? dans sa m?moire, d'une mani?re tout ? fait aimable, ce premier de ses innombrables adorateurs.

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Avec M. et Mme Bernard ?tait venu s'?tablir ? Paris un ami, un camarade d'enfance de M. Bernard, veuf d?s lors et qui, ? dater de cette ?poque, ne s?para plus son existence de celle du p?re de Juliette: ils eurent, pendant plus de trente ans, m?me maison, m?me soci?t? et m?mes amis. M. Simonard formait d'ailleurs un contraste ? peu pr?s complet avec M. Bernard. Il avait autant de vivacit? que son ami avait de lenteur et d'apathie, beaucoup d'esprit, de culture intellectuelle, une ?me d?vou?e: mais autant ses affections ?taient vives et fid?les, autant ses antipathies ?taient fortes, et il ne prenait nul souci de les dissimuler.

Dans l'association avec le p?re de Juliette, M. Simonard ?tait ? la fois l'intelligence et le despote; M. Bernard, de temps en temps, se r?voltait, contre la domination du tyran dont l'amiti? et la soci?t? ?taient devenues indispensables ? son existence; puis, apr?s quelques jours de bouderie, il reprenait le joug, et son ami l'empire, ? la grande satisfaction de tous deux.

M. Simonard mourut un peu avant son ami, et comme lui, dans un ?ge fort avanc?. Il conserva jusqu'au bout de sa carri?re ses go?ts d'homme du monde, de gourmand aimable et de g?n?reux ami.

Atteint par la maladie dans la pl?nitude de son intelligence, il demanda un pr?tre, re?ut avec respect et recueillement les derniers sacrements de la religion et fit une mort ?difiante dont nous f?mes consol?s sans en ?tre surpris: en effet, les doctrines de Voltaire n'avaient fauss? que son esprit; son coeur ?tait rest? bon et charitable.

Je ne r?siste point ? l'envie de consigner ici une anecdote que j'ai entendu raconter d'une fa?on charmante ? cet aimable vieillard.

Royaliste, comme je l'ai dit, il conservait un culte v?ritable pour la m?moire de la reine Marie-Antoinette dont il avait ?t? le fervent admirateur.

En arrivant ? Paris, vers 1786, sa premi?re curiosit? avait eu la reine pour objet, et apr?s l'avoir vue il chercha, avec plus d'empressement encore, les occasions de la rencontrer. Apprenant qu'il allait y avoir une grande chasse ? courre ? Saint-Germain, il r?solut d'y aller, se promettant de jouir toute cette matin?e de la vue de sa belle souveraine.

M. Simonard ?tait petit, court, gros; son nez ?tait fort grand, il n'avait nulle habitude de monter ? cheval, et devait y faire une singuli?re figure. En arrivant ? Saint-Germain il s'assure d'un cheval de louage, l'enfourche et se rend au lieu du rendez-vous de la chasse royale; piquant sa m?chante monture, il prend le pas de la brillante cavalcade et parvient ? se placer assez pr?s de la reine.

Il suivait la chasse obstin?ment sans perdre de terrain, lui et sa b?te ruisselant de sueur et de fatigue; et la reine eut bien vite remarqu? ce cavalier acharn? ? sa poursuite et son ?trange ?quipage: elle ?tait ? cheval elle-m?me et de temps en temps tournait la t?te gaiement pour voir si ce dr?le d'admirateur se laissait distancer: il tenait bon.

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