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Read Ebook: A Treatise of Taxes and Contributions Shewing the nature and measures of crown-lands assessements customs poll-moneys lotteries benevolence penalties monopolies offices tythes raising of coins harth-money excize &c.; with several intersperst discourses an by Petty William Sir

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Ebook has 97 lines and 11386 words, and 2 pages

Il suivait la chasse obstin?ment sans perdre de terrain, lui et sa b?te ruisselant de sueur et de fatigue; et la reine eut bien vite remarqu? ce cavalier acharn? ? sa poursuite et son ?trange ?quipage: elle ?tait ? cheval elle-m?me et de temps en temps tournait la t?te gaiement pour voir si ce dr?le d'admirateur se laissait distancer: il tenait bon.

Enfin, au d?tour d'une all?e, le gros de la chasse s'?tant un peu dispers?, et la suite de la reine se r?duisant ? un petit nombre de personnes, M. Simonard maintenant sa poursuite, la reine s'arr?ta et se retournant vers lui avec un bon et franc rire:

<

--Aussi longtemps, Madame, que les jambes de mon cheval pourront me porter.>> La pauvre b?te expirait. La reine rit de nouveau, salua et prit le galop.

M. Simonard aimait ? conter cette aventure ? ceux qui reprochaient ? la reine un peu de hauteur.

Serait-il impossible que cette chasse ? courre ait ?t? celle dont M. de Chateaubriand fait le r?cit dans ses m?moires, et o?, en 1787, il fut admis ? monter dans les carrosses du roi?

? l'?poque o? Juliette arriva ? Paris pour ne plus quitter sa m?re, rien n'?tait d?j? plus charmant et plus beau que son visage, rien de plus gai que son humeur, rien de plus aimable que son caract?re. Le fils de M. Simonard, qui ?tait du m?me ?ge qu'elle, devint l'ami et le camarade de ses jeux. Voici une petite anecdote de leur enfance que j'ai entendu conter ? Mme R?camier:

L'h?tel que M. Bernard habitait rue des Saints-P?res, 13, avait un jardin dont le mur, mitoyen avec la maison voisine, s?parait les deux propri?t?s. Ce mur avait ? son sommet une ligne de dalles plates qui formaient une sorte d'?troite terrasse sur laquelle il ?tait facile de marcher. Simonard grimpait sur ce mur, y faisait grimper sa petite compagne et la roulait en courant sur le haut du mur dans une brouette. Ce dangereux plaisir les divertissait infiniment l'un et l'autre. Le jardin du voisin poss?dait de tr?s-beaux raisins en espalier le long de la muraille; les deux enfants les convoit?rent longtemps, et Simonard se hasarda ? en d?rober des grappes: Juliette faisait le guet. Ce man?ge se renouvela si souvent que le voisin s'aper?ut de la disparition de ses raisins. Il ne lui fut pas difficile de conjecturer d'o? pouvaient venir les picoreurs de sa vigne. Furieux, il se met en embuscade, et quand les deux enfants sont bien occup?s ? prendre le raisin, il leur crie d'une voix tonnante: <> D'un saut le petit gar?on disparut dans son jardin. La pauvre Juliette, rest?e au sommet du mur, p?le et tremblante, ne savait que devenir. Sa ravissante figure eut bien vite d?sarm? le f?roce propri?taire, qui ne s'?tait pas attendu ? avoir affaire ? une si belle cr?ature en d?couvrant les maraudeurs de son raisin. Il se mit en devoir de rassurer et de consoler la jolie enfant, promit de ne rien dire aux parents et tint parole: cette aventure fit cesser toute promenade sur le mur.

Juliette ?tait extr?mement bien dou?e pour la musique; on lui donna des le?ons de piano. Le penchant qu'elle avait montr? dans son enfance devint chez elle avec les ann?es un go?t tr?s-vif, et, jeune femme, Mme R?camier fit de la musique avec les plus habiles artistes de son temps. Elle jouait non-seulement du piano, mais de la harpe, et prit de Bo?eldieu des le?ons de chant. Sa voix ?tait peu ?tendue, expressive, harmonieusement timbr?e. Elle cessa de chanter de tr?s-bonne heure; elle abandonna la harpe, mais elle trouva, jusqu'? la fin de sa vie, dans le piano, de vraies et vives jouissances. Juliette avait eu de tout temps une m?moire musicale ?tendue: elle aimait ? jouer de m?moire, pour elle-m?me, seule, ? la chute du jour. Je l'ai entendue souvent ex?cuter ainsi dans l'obscurit? tout un r?pertoire de morceaux des grands ma?tres, d'un caract?re m?lancolique, et en ?prouver une impression telle, que les larmes inondaient son visage. Cette habitude contract?e de bonne heure, cet heureux don de retenir les morceaux qui la frappaient, permirent ? Mme R?camier dans un ?ge avanc?, alors que la c?cit? avait voil? ses yeux, de jouer encore et d'endormir de tristes souvenirs ? l'aide de la musique.

Dans ces occasions, le public ?tait admis ? circuler autour de la table royale. Les yeux des spectateurs venus pour admirer les magnificences de Versailles et l'attention m?me de la famille royale furent, ce jour-l?, attir?s par la beaut? de l'enfant qui se trouvait au premier rang des curieux. La reine remarqua qu'elle paraissait ? peu pr?s de l'?ge de Madame Royale, et envoya une de ses dames demander ? la m?re de cette charmante enfant de la laisser venir dans les appartements o? la famille royale se retirait. L?, Juliette fut mesur?e avec Madame Royale et trouv?e un peu plus grande. Elles ?taient en effet pr?cis?ment de la m?me ann?e, et elles avaient alors onze ou douze ans. Madame Royale ?tait fort belle ? cette ?poque; elle parut m?diocrement satisfaite de se voir ainsi mesur?e et compar?e avec une enfant prise dans la foule.

Ce fut ? l'?glise Saint-Pierre-de-Chaillot, en 1791, que Juliette fit sa premi?re communion. ? l'?poque o? M. Bernard avait rappel? sa fille aupr?s de lui, sa femme ?tait jeune encore, remarquablement agr?able, spirituelle et gracieuse. Leur existence ?tait ais?e, ?l?gante; tous deux aimaient ? recevoir et leur maison, ouverte ? tous les gens d'esprit, devait l'?tre surtout aux Lyonnais. Mme Bernard recherchait et attirait les gens de lettres; elle avait une loge au Th??tre-Fran?ais, et donnait ? souper plusieurs fois par semaine.

Ce fut chez sa m?re que Juliette connut M. de Laharpe. Lemontey, venu ? Paris, qu'il ne quitta plus, comme d?put? ? l'Assembl?e l?gislative, ?tait fort assidu chez Mme Bernard; Barr?re y ?tait re?u, et rendit plus d'un service ? la famille dans les mauvais jours de la r?volution. Entre les Lyonnais qui fr?quentaient le plus habituellement cette maison se trouvait M. Jacques R?camier, qui occupait d?j? une situation importante parmi les banquiers de Paris. J'entre dans quelques d?tails ? son sujet.

Jacques-Rose R?camier ?tait n? ? Lyon en 1751; il ?tait le second fils d'une nombreuse famille dans laquelle s'?taient conserv?es les traditions de la pi?t?, des bonnes moeurs et du travail. Son p?re, Fran?ois R?camier, dou? d'une grande intelligence commerciale, avait fond? ? Lyon une tr?s consid?rable maison de chapellerie, dont les relations les plus importantes ?taient avec l'Espagne. En s'?tablissant ? Lyon, il n'avait point pour cela renonc? au Bugey, son pays natal, et tous ses enfants furent comme lui fid?lement attach?s ? ce village et ? ce domaine de Cressin qu'ils appelaient le berceau des R?camier.

Jacques avait ?t? de tr?s-bonne heure le voyageur de la maison de son p?re; les int?r?ts de leur commerce le conduisirent souvent en Espagne: aussi parlait-il et ?crivait-il l'espagnol comme sa propre langue. Il savait bien le latin: quand je l'ai connu, il aimait encore ? citer des vers d'Horace ou de Virgile, et le faisait ? propos. Sa correspondance commerciale passait pour un mod?le; il avait ?t? beau, ses traits ?taient accentu?s et r?guliers, ses yeux bleus; il ?tait blond, grand et vigoureusement constitu?. Il serait difficile d'imaginer un coeur plus g?n?reux que le sien, plus facile ? ?mouvoir et en m?me temps plus l?ger. Qu'un ami r?clam?t son temps, son argent, ses conseils, M. R?camier se mettait avec empressement ? sa disposition; que ce m?me ami lui f?t enlev? par la mort, ? peine lui donnait-il deux jours de regrets. <> disait-il, et l? s'arr?tait sa sensibilit?. Toujours pr?t ? donner, serviable au dernier point, bon compagnon, d'humeur bienveillante et gaie, optimiste ? l'exc?s, il ?tait toujours content de tout et de tous; il avait de l'esprit naturel et beaucoup d'impr?vu et de pittoresque dans le langage; il contait bien.

Confiant jusqu'? l'imprudence, il poussait la longanimit? et l'indulgence jusqu'? discerner ? peine la valeur morale des individus avec lesquels il ?tait en rapport. Il avait cette parfaite politesse, habituelle parmi les hommes de sa g?n?ration; elle ?tait chez lui le r?sultat d'un grand usage du monde et d'un d?sir sinc?re d'?tre agr?able aux autres. Plac? par sa fortune ? la t?te des hommes de finance, ? Paris, il n'eut jamais la moindre sottise, recevant les plus grands seigneurs sans embarras et les pauvres gens sans hauteur. M. R?camier avait malheureusement des moeurs l?g?res, et il pr?f?rait souvent une soci?t? facile et subalterne ? celle de ses ?gaux. G?n?reux pour tous, il ?tait la providence de sa famille et en ?tait ador?. Lorsqu'au sortir de la Terreur, il fut en pleine possession de sa grande existence financi?re, une arm?e de neveux, log?s chez lui, employ?s et appoint?s par lui, trouvaient dans son hospitali?re et opulente maison tous les agr?ments de la vie.

Lorsqu'il demanda, en 1793, la main de Juliette Bernard dont il voyait depuis deux ou trois ans se d?velopper la merveilleuse beaut?, il avait lui-m?me quarante-deux ans, et elle n'en avait que quinze. Ce fut pourtant tr?s-volontairement, sans effroi ni r?pugnance, qu'elle agr?a sa recherche. Mme Bernard crut devoir faire ? sa fille toutes les objections que dictaient assez la diff?rence des ?ges et celle des go?ts et des habitudes qui devait en r?sulter; mais Juliette voyait venir M. R?camier depuis plusieurs ann?es chez ses parents, il avait toujours ?t? pr?venant et gracieux pour son enfance, elle avait re?u de lui ses plus belles poup?es, elle ne douta pas qu'il ne d?t ?tre un mari plein de complaisance; elle accepta sans la moindre inqui?tude l'avenir qui lui ?tait offert. Ce lien ne fut, d'ailleurs, jamais qu'apparent; Mme R?camier ne re?ut de son mari que son nom. Ceci peut ?tonner, mais je ne suis pas charg?e d'expliquer le fait; je me borne ? l'attester, comme auraient pu l'attester tous ceux qui, ayant connu M. et Mme R?camier, p?n?tr?rent dans leur intimit?. M. R?camier n'eut jamais que des rapports paternels avec sa femme; il ne traita jamais la jeune et innocente enfant qui portait son nom que comme une fille dont la beaut? charmait ses yeux et dont la c?l?brit? flattait sa vanit?. Ils se mari?rent ? Paris le 24 avril 1793.

Le mariage de Mlle Bernard avait donc lieu en pleine Terreur, ? l'?poque la plus sinistre de la r?volution, l'ann?e m?me du meurtre du roi et de la reine. ? ce moment toutes les habitudes de la soci?t? ?taient rompues, toutes les relations an?anties; l'unique souci de chacun consistait ? se faire oublier pour ?chapper, s'il le pouvait, ? la mort qui frappait incessamment parmi ses amis et ses proches. La vie s'?coulait dans une sorte de stupeur, qui seule peut expliquer l'absence de toute tentative de r?sistance ? ce r?gime de bourreaux. Je tiens de M. R?camier qu'il allait presque tous les jours assister aux ex?cutions. Il avait ?t? ainsi t?moin du supplice du roi, il avait vu p?rir la reine, il avait vu guillotiner les fermiers g?n?raux, M. de Laborde, banquier de la cour, tous les hommes avec lesquels il ?tait en relations d'affaires ou de soci?t?: et quand je lui exprimais ma surprise qu'il se condamn?t ? un aussi horrible spectacle, il me r?pondait que c'?tait pour se familiariser avec le sort qui vraisemblablement l'attendait, et qu'il s'y pr?parait en voyant mourir.

M. R?camier ?chappa n?anmoins, ainsi que la famille de sa femme, au couteau r?volutionnaire et on attribua ce bonheur, en grande partie, ? la protection de Barr?re. Quatre ann?es s'?coul?rent de la sorte sans que j'aie ? enregistrer aucun ?v?nement important dans la vie de Mme R?camier. Cependant le r?gne de la Terreur avait cess?, l'ordre s'essayait ? rena?tre, les existences se reconstituaient, les ?migr?s commen?aient ? rentrer, et la soci?t? fran?aise, incorrigible dans sa frivolit?, se jetait ? corps perdu, au sortir des prisons, de l'exil, de la ruine et des ?chafauds, dans le tourbillon des plaisirs.

Mme R?camier resta tout ? fait ?trang?re au monde du Directoire et n'eut de relation avec aucune des femmes qui en furent les h?ro?nes: Mme Tallien, et quelques autres. Plus jeune que ces dames de plusieurs ann?es, et prot?g?e par l'aur?ole de puret? qui l'a toujours environn?e, pas une de ces femmes ne vint chez elle et elle n'alla chez aucune d'elles.

Sa beaut? avait en ce peu d'ann?es achev? de s'?panouir, et elle avait en quelque sorte pass? de l'enfance ? la splendeur de la jeunesse. Une taille souple et ?l?gante, des ?paules, un cou de la plus admirable forme et proportion, une bouche petite et vermeille, des dents de perle, des bras charmants quoique un peu minces, des cheveux ch?tains naturellement boucl?s, le nez d?licat et r?gulier, mais bien fran?ais, un ?clat de teint incomparable qui ?clipsait tout, une physionomie pleine de candeur et parfois de malice, et que l'expression de la bont? rendait irr?sistiblement attrayante, quelque chose d'indolent et de fier, la t?te la mieux attach?e. C'?tait bien d'elle qu'on e?t eu le droit de dire ce que Saint-Simon a dit de la duchesse de Bourgogne: que sa d?marche ?tait celle d'une d?esse sur les nu?es. Telle ?tait Mme R?camier ? dix-huit ans.

? ce moment, au sortir de cette temp?te de la r?volution, qui semblait avoir tout englouti et qui laissait dans le sein de chaque famille, ? quelque rang qu'elle appart?nt, une marque sanglante de son passage, la soci?t? parut saisie d'une sorte de fi?vre de distractions et de f?tes. Les salons n'existaient plus, tout se passait en plein air; les succ?s d'une femme n'avaient plus pour th??tre les cercles d'un monde disparu, mais les lieux publics. C'?tait aux spectacles qui venaient de se rouvrir, dans les jardins, dans les bals par souscription, que l'on se rencontrait au milieu de la foule. La beaut? de Juliette causait dans toutes ces r?unions un fr?missement d'admiration, de curiosit?, d'enthousiasme, d'autant plus vif qu'il avait toute la spontan?it? des impressions de la multitude. Sa pr?sence ?tait partout un ?v?nement. Je crois qu'il n'est point inutile de rappeler aussi que cette ?poque ?tait celle d'une renaissance tr?s-prononc?e du go?t et d'une passion pour les arts que l'influence de David et de son ?cole avait r?pandue dans tous les rangs, et qui affectait des formes toutes pa?ennes dans son idol?trie de la beaut?. Toutes ces circonstances peuvent servir ? faire comprendre la promptitude avec laquelle la beaut? de Mme R?camier devint non-seulement c?l?bre, mais populaire. En voici deux exemples entre bien d'autres que je pourrais citer.

Lorsque le culte se r?tablit et que les ?glises se rouvrirent aux c?r?monies religieuses, on demanda ? Mme R?camier de qu?ter ? Saint-Roch pour je ne sais quelle bonne oeuvre; elle y consentit. Au moment de la qu?te, la nef de l'?glise se trouva trop petite pour la foule qui l'obstruait. On montait sur les chaises, sur les piliers, sur les autels des chapelles lat?rales, et ce fut ? grand'peine si l'objet de cet empressement, prot?g? par deux hommes de la soci?t? , put fendre le flot des curieux et faire circuler la bourse des pauvres. La qu?te produisit vingt mille francs.

L'autre circonstance se produisit ? la promenade de Longchamps.

La vogue extr?me de cette promenade tend ? dispara?tre, et d'ici ? quelques ann?es nos neveux ne sauront plus ce que c'?tait. Dans mon enfance, Longchamps avait encore sa signification et son importance: on renouvelait ses ?quipages, ses chevaux, ses livr?es, les modes de printemps s'arboraient ? Longchamps. Les femmes, dans leurs plus fra?ches et plus ?l?gantes toilettes du matin, rivalisaient trois jours, le mercredi, le jeudi et le vendredi saints de chaque ann?e, de beaut? et de bon go?t dans leurs ajustements.

Mme R?camier n'eut que deux fois en sa vie l'occasion de rencontrer Bonaparte. La premi?re, ce fut en 1797, dans des circonstances qui lui avaient laiss? une impression vive que je lui ai entendu rappeler. Je dirai plus tard sa seconde rencontre avec Napol?on.

Le 10 d?cembre 1797, le Directoire donna une f?te triomphale en l'honneur et pour la r?ception du vainqueur de l'Italie. Cette solennit? eut lieu dans la grande cour du palais du Luxembourg. Au fond de cette cour, un autel et une statue de la Libert?; au pied de ce symbole, les cinq directeurs rev?tus de costumes romains; les ministres, les ambassadeurs, les fonctionnaires de toute esp?ce rang?s sur des si?ges en amphith??tre; derri?re eux, des banquettes r?serv?es aux personnes invit?es. Les fen?tres de toute la fa?ade de l'?difice ?taient garnies de monde; la foule remplissait la cour, le jardin et toutes les rues aboutissant au Luxembourg. Mme R?camier prit place avec sa m?re sur les banquettes r?serv?es. Elle n'avait jamais vu le g?n?ral Bonaparte, mais elle partageait alors l'enthousiasme universel, et elle se sentait vivement ?mue par le prestige de cette jeune renomm?e. Il parut: il ?tait encore fort maigre ? cette ?poque, et sa t?te avait un caract?re de grandeur et de fermet?, extr?mement saisissant. Il ?tait entour? de g?n?raux et d'aides de camp. ? un discours de M. de Talleyrand, ministre des affaires ?trang?res, il r?pondit quelques br?ves, simples et nerveuses paroles qui furent accueillies par de vives acclamations. De la place o? elle ?tait assise, Mme R?camier ne pouvait distinguer les traits de Bonaparte: une curiosit? bien naturelle lui faisait d?sirer de les voir; profitant d'un moment o? Barras r?pondait longuement au g?n?ral, elle se leva pour le regarder.

? ce mouvement qui mettait en ?vidence toute sa personne, les yeux de la foule se tourn?rent vers elle, et un long murmure d'admiration la salua. Cette rumeur n'?chappa point ? Bonaparte; il tourna brusquement la t?te vers le point o? se portait l'attention publique, pour savoir quel objet pouvait distraire de sa pr?sence cette foule dont il ?tait le h?ros: il aper?ut une jeune femme v?tue de blanc et lui lan?a un regard dont elle ne put soutenir la duret?: elle se rassit au plus vite.

J'ai d?j? dit que Mme R?camier n'avait point fait partie de la soci?t? du Directoire: cependant au printemps de 1799, elle fut invit?e ? une soir?e donn?e par Barras dans les salons du Luxembourg. M. R?camier trouvait utile ? ses relations d'affaires que sa jeune femme accept?t cette fois l'invitation qui lui ?tait adress?e, et elle se pr?ta d'autant plus volontiers ? ce d?sir, qu'elle avait ? solliciter de Barras l'?largissement d'un prisonnier.

Mme R?camier rencontra fr?quemment M. de Talleyrand dans le monde; il ne vint jamais chez elle, o? j'ai vu plusieurs fois son fr?re, Archambauld de P?rigord.

? minuit on servit un splendide souper. Barras pla?a Mme Bonaparte ? sa droite, et pria Mme R?camier, que La R?veill?re-L?peaux avait conduite dans la salle ? manger, de se mettre ? sa gauche. Elle eut ainsi pendant le souper une occasion naturelle de parler ? Barras du vieillard dont elle voulait obtenir la mise en libert?. Il faut se rappeler la grande jeunesse de Juliette, l'expression pure et presque enfantine de sa physionomie, pour imaginer l'impression que devait produire, dans ce monde facile, cette virginale apparition. Barras ?couta avec un respectueux int?r?t l'histoire du pauvre pr?tre, emprisonn? pour ?tre rentr? en France avant sa radiation de la liste des ?migr?s, et depuis ce moment d?tenu au Temple; il promit de s'occuper du prot?g? de Mme R?camier et tint parole.

Les gazettes du temps rendirent compte de cette f?te et publi?rent un quatrain improvis? au souper par le po?te Despaze et adress? ? Mme R?camier.

Je rencontre dans les rares fragments de souvenirs de Mme R?camier, que j'ai eu le bonheur de retrouver apr?s la destruction de son manuscrit, un r?cit de sa premi?re entrevue avec la femme c?l?bre qui devint sa plus intime amie; je m'empresse de l'ins?rer ici.

L'h?tel de la rue du Mont-Blanc une fois acquis de M. Necker fut confi? ? l'architecte Berthaut pour ?tre restaur? et meubl?, et on lui donna carte blanche pour la d?pense. Il s'acquitta de sa t?che avec un go?t infini et se fit aider dans son entreprise par M. Percier. Les b?timents furent r?par?s, augment?s. Chacune des pi?ces de l'ameublement, bronzes, biblioth?ques, cand?labres, jusqu'au moindre fauteuil, fut dessin? et model? tout expr?s. Jacob, ?b?niste du premier ordre, ex?cuta les mod?les fournis; il en r?sulta un ameublement qui porte l'empreinte de l'?poque, mais qui restera le meilleur ?chantillon du go?t de ce temps et dont l'ensemble offrait une harmonie trop rare. Il n'y eut qu'un cri sur ce go?t et ce luxe, dont on avait perdu l'habitude, et les r?cits en exag?r?rent beaucoup la richesse.

Dans l'?t? de 1796, M. R?camier avait lou? d'une madame de L?vy le ch?teau de Clichy, tout meubl?, et y avait ?tabli sa jeune femme et sa belle-m?re: lui-m?me venait y d?ner tous les jours; il n'y couchait presque jamais, ses go?ts, ses habitudes et ses affaires s'accordant pour le rappeler ? Paris. La tr?s-courte distance qui s?pare le village de Clichy de la capitale rendait cette combinaison facile; aussi subsista-t-elle pendant plusieurs ann?es. Mme R?camier s'installait ? Clichy d?s le commencement du printemps, et lorsque les th??tres rouverts se peupl?rent du monde ?l?gant, elle se rendait apr?s d?ner ? l'Op?ra ou au Th??tre-Fran?ais, o? elle avait une loge ? l'ann?e, et revenait ? la campagne apr?s les repr?sentations.

M. R?camier tenait ? Clichy table ouverte: le ch?teau ?tait vaste; le parc, admirablement plant?, s'?tendait jusqu'au bord de la Seine. Mme R?camier, qui avait un go?t tr?s-vif pour les fleurs et les parfums, y faisait entretenir avec soin des fleurs en grand nombre. Ce luxe charmant, devenu tr?s-commun de nos jours, avait alors tout le prestige de la nouveaut?.

Au printemps de 1799, Mme R?camier, d?j? ?tablie ? Clichy, accepta l'invitation qui avait ?t? adress?e ? son mari et ? elle pour un d?ner ? Bagatelle chez M. Sapey. Parmi les invit?s de ce d?ner se trouva Lucien Bonaparte. D?s le premier moment qu'il vit Mme R?camier, il ne dissimula point la vive impression que lui causait sa beaut?; pr?sent? ? elle, il l'accompagna apr?s le d?ner dans une promenade ? travers les jardins de Bagatelle, et le soir au moment o? elle allait se retirer, il sollicita et il obtint la permission de la voir chez elle ? Clichy: il y accourut d?s le lendemain.

Lucien Bonaparte avait alors vingt-quatre ans; ses traits, moins caract?ris?s que ceux de Napol?on auquel il ressemblait, avaient pourtant de la r?gularit?. Il ?tait plus grand que son fr?re; son regard ?tait agr?able, bien qu'il e?t la vue basse, et son sourire ?tait gracieux. L'orgueil d'une grandeur naissante per?ait dans toutes ses mani?res, tout en lui visait ? l'effet: il y avait de la recherche et point de go?t dans sa mise, de l'emphase dans son langage et de l'importance dans toute sa personne.

La passion que Lucien Bonaparte avait con?ue pour Mme R?camier se d?veloppa rapidement, et il ne tarda pas ? chercher un moyen de la lui exprimer. Il y a dans l'extr?me jeunesse et l'innocence, lorsqu'elle est r?elle, quelque chose qui impose aux plus hardis. Mme R?camier non-seulement n'avait jamais aim?, mais c'?tait la premi?re fois qu'elle se voyait l'objet d'un sentiment passionn?. En recevant une premi?re lettre d'amour, elle fut d'abord un peu troubl?e, mais presque aussit?t l'instinct de sa dignit? de femme et la compl?te indiff?rence qu'elle ?prouvait lui r?v?l?rent la ligne de conduite ? suivre.

Lucien avait donn? ? sa d?claration d'amour le voile d'une composition litt?raire. Juliette r?solut de ne point para?tre comprendre l'intention de la lettre de Rom?o: elle la rendit le lendemain en pr?sence de beaucoup de monde, en louant le talent de l'auteur, mais en l'engageant ? se r?server pour des destin?es plus hautes et ? ne pas perdre ? des oeuvres d'imagination un temps qu'il pouvait plus utilement consacrer ? la politique. Lucien ne fut pas d?courag? par l'insucc?s de sa fiction romanesque; il renon?a seulement ? se servir d'un nom d'emprunt, et il adressa ? Mme R?camier des lettres dans lesquelles il peignit directement son ardente passion. Elle crut alors ne pouvoir faire autre chose que de montrer ces lettres ? son mari en r?clamant pour sa jeunesse les conseils et l'appui de l'homme dont elle portait le nom; elle voulait fermer sa porte ? Lucien Bonaparte, et elle en fit la proposition ? M. R?camier. Celui-ci loua la vertu de sa jeune femme, la remercia de la confiance qu'elle lui t?moignait, l'engagea ? continuer d'agir avec la prudence et la sagesse dont elle venait de faire preuve; mais il lui repr?senta que fermer sa porte au fr?re du g?n?ral Bonaparte, rompre ouvertement avec un homme si haut plac?, ce serait gravement compromettre et peut-?tre ruiner sa maison de banque: il conclut qu'il fallait ne point le d?sesp?rer et ne lui rien accorder.

Lucien ne plaisait point ? Mme R?camier, mais elle ?tait bonne et ne pouvait voir sans quelque piti? les angoisses qu'elle lui faisait ?prouver; elle ?tait rieuse d'ailleurs, et, quoique les femmes soient dispos?es ? l'indulgence pour les ridicules des gens vraiment amoureux d'elles, l'emphase de Lucien excitait parfois chez elle des acc?s de gaiet? qui le d?montaient; d'autres fois ses violences lui faisaient peur. Ce rapport tr?s-orageux dura plus d'une ann?e. Las enfin d'une rigueur impossible ? fl?chir, et s'apercevant, ? mesure que la certitude de ne rien obtenir ?teignait sa passion, du r?le ridicule qu'il jouait, Lucien se retira. Le monde n'avait pas manqu? de s'occuper de la passion tr?s-affich?e de Lucien; il e?t bien souhait? qu'on le cr?t l'amant favoris? de la plus c?l?bre beaut? de l'Europe, et ses courtisans s'?taient efforc?s de le faire croire, heureusement sans parvenir ? donner le change ? l'opinion.

Mme R?camier n'ignora pas ces honteuses men?es, et, bien que sa r?putation sort?t intacte de cette aventure, elle en ?prouva une vive douleur; ce fut son premier chagrin, et la premi?re fois que cette ?me pure sentit le contact de la m?chancet? et de la bassesse: sa timidit? s'en accrut, mais sa raison se fortifia ? cette ?preuve.

La correspondance de Lucien, il faut bien en convenir, est absolument d?pourvue de go?t et de naturel, et le dernier ?colier de nos coll?ges tournerait une lettre d'amour beaucoup mieux que ce tribun de vingt-cinq ans, dont la r?solution et le sang-froid eurent au 18 brumaire une si consid?rable influence sur le sort de la France et du monde. De l'emphase, des redites, des lieux communs, au milieu desquels on sent pourtant une passion sinc?re et la crainte du ridicule auquel il ne sait pas ?chapper, tel est le caract?re de ces lettres. On pourrait en multiplier les citations, mais un ?chantillon sera plus que suffisant pour les faire appr?cier.

LETTRES DE ROM?O ? JULIETTE

PAR L'AUTEUR DE LA TRIBU INDIENNE

Sans l'amour, la vie n'est qu'un long sommeil.

Encore des lettres d'amour!!! depuis celles de Saint-Preux et d'H?lo?se, combien en a-t-il paru!... combien de peintres ont voulu copier ce chef-d'oeuvre inimitable!... c'est la V?nus de M?dicis que mille artistes ont essay? vainement d'?galer.

Ces lettres ne sont point le fruit d'un long travail, et je ne les d?die point ? l'immortalit?. Ce n'est point ? l'?loquence et au g?nie qu'elles

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