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Words: 56674 in 24 pages

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? toute vol?e, tenant son parapluie sous le bras comme un magister, se frottant sans raison les mains.

Cyprien ?tait bien l'homme de sa peinture, un r?volt? au sang pauvre, un an?mique subjugu? par des nerfs toujours vibrants, un esprit fouilleur et malade, obs?d? par la sourde tristesse des n?vroses, ?peronn? par les fi?vres, inconscient malgr? ses th?ories, dirig? par ses malaises.

Mal ?quilibr?, versant ? gauche et ? droite, il ?tait incapable de produire une grande oeuvre, mais il avait par moments, une outrance, une audace de peinture curieuse, une recherche souvent r?ussie d'effets inos?s, une note bafouante et cruelle sur la fille surtout, la montrant telle quelle, avec les honteuses pourritures de ses dessous et les corruptions opulentes de ses dessus.

Moins lymphatique et moins nerveux, moins rebell? et moins ?pre, Andr? allait, lui aussi, de l'avant, mais bien qu'il s'emball?t et pr?ch?t moins, il raisonnait davantage. C'?tait un gar?on bien d?coupl?, ni gras, ni maigre, un peu jaune de teint comme les bilieux, le front court et touffu, la petite moustache noire ?bouriff?e comme celle d'un chat, le menton ? fossette, ras? et bleu, les doigts spatul?s et velus, l'oeil doux avec de longs cils, la l?vre p?le et les dents mauvaises. Il ?tait bourgeoisement v?tu sans n?gligence et sans pose, appartenait ? cette race de gens qui ne se crottent jamais et dont les habits m?me r?p?s semblent toujours neufs. Sous une apparence d'homme d?lib?r?, il cachait une timidit? de jeune fille, une peur terrible du qu'en dira-t-on et du ridicule. Il h?sitait, dans les circonstances les plus simples de la vie, ? prendre un parti, oscillait, voyait des difficult?s partout, les r?solvait parfois avec la bravoure d'un poltron et regrettait, deux minutes apr?s, la fermet? dont il avait fait preuve.

Il connaissait assez la vie pour vous d?monter le m?canisme des vertus et des vices de son prochain. Il vous expliquait clairement le caract?re de la femme des autres, d?signait les mesures ? prendre pour ?viter leurs supercheries et leurs tra?trises, perdait peu ? peu sa lucidit? d'analyse dans son propre m?nage ou bien quand il demeurait clairvoyant, il parait le coup qui le mena?ait, puis fatigu?, il se d?couvrait et se laissait frapper d'autant plus rudement par son adversaire qu'il l'avait d'abord ?chauff? par la r?sistance.

Et ce bon sens et cette finesse si vite ?mouss?s, si vite trahis, le suivaient dans ses livres. L?, comme dans son existence, il ?tait ent?t? et faible sans juste mesure. Ent?t? devant une id?e qu'il ?tait d?cid? ? ?mettre, faible devant les difficult?s qui se levaient lorsqu'il s'agissait de lui donner un corps et de la rendre. Il persistait dans sa volont?, mais il n'essayait m?me pas de tourner l'obstacle, se bornait ? l'?pier, attendant prudemment une occasion, un moment propice. Au fond il bloquait une oeuvre pour ne pas lui livrer assaut et une fois camp? devant elle, il se rel?chait et s'acagnardait dans l'inaction. Bien qu'il s'obstin?t ? ne pas entamer un chapitre autre que celui contre lequel il se battait, il ne parvenait pas ? r?agir contre ses d?faillances, contre son ennui.--La chose, aussit?t commenc?e, le lassait.--Il relisait le chapitre entam? puis se promenait, cherchant la suite, finissait par feuilleter un livre et enfonc? dans un fauteuil, loin de sa table de travail, il ne songeait plus ? son oeuvre, absorb? par celle des autres.

Il n'avait pas, au demeurant, le coup instinctif et furieux, le coup inattendu et lanc? droit de Cyprien, mais, d'un autre c?t?, n'e?t ?t? son inconstance dans le travail, son apathie dans la vie, son gnian-gnian dans l'attaque, il aurait cr?? une oeuvre moins brillante, moins saccad?e, moins accomplie au petit bonheur, mais plus sagement con?ue et plus solidement faite.

Avec les n?cessit?s de ce temp?rament impressionnable, avec ces n?cessit?s de qui?tude et de bien-?tre, ce d?go?t des choses acquises, ce manque de ressort devant une r?sistance, ce caract?re versatile et mal assis, il avait forc?ment abouti, dans ses livres, ? un ou deux romans lentement pioch?s et douloureusement b?tis, et dans son existence, ? la placidit? d?sir?e du mariage, ? l'amour bon enfant dans une couche bourgeoise.

Avec les surexcitations de ses chloroses et ses lambinages maladifs, Cyprien devait, dans son art, apr?s avoir fl?n?, travailler, les jours de secousse, dans un coup de feu; il devait forc?ment encore, dans la vie apr?s avoir longuement r?v?, chercher sur des literies de rencontre l'apaisement de ses folies charnelles. Fortement ?chaud?s, l'un et l'autre, par les femmes, Andr? n'y songeait plus qu'avec une certaine douceur triste, Cyprien les consid?rait d'une fa?on ardente et inqui?te. Leurs oeuvres marquaient cette diff?rence des caract?res. Unis dans une commune haine contre les pr?jug?s impos?s par la bourgeoisie, ils s'encourageaient mutuellement, m?prisant l'opinion de la foule, la d?fiant, acceptant les insucc?s, tr?s ? l'?cart du monde des lettres et des peintres, r?guli?rement ?reint?s par tous les journaux, par tous les confr?res qui leur reprochaient leur isolement et leur d?dain. Leur amiti? d'enfance s'?tait affermie dans la lutte qu'ils soutenaient; ils avaient toujours v?cu ensemble et, ? part quelques bisbilles venues ? la suite de cancans de femmes qui les avaient comme de juste divis?s, jamais aucune brouille, aucune querelle ne s'?taient ?lev?es entre eux.

Il avait fallu le mariage d'Andr? pour briser tout d'un coup l'intime de leurs relations; ils se manqu?rent d?sunis. L'?pisode du d?ner ne laissait aucun doute sur les dispositions malveillantes de Berthe. Andr? ne vit bient?t plus son ami que chez les D?sableau qui l'invitaient dans l'espoir qu'il rentoilerait pour rien un portrait de famille. Ainsi ?taient justifi?es les proph?ties de Cyprien: p?core ignorante et grincheuse, amis fichus ? la porte, et enfin, ?clatant comme la gerbe finale, comme le bouquet de ces emb?tements, le cocuage op?r? par un gommeux fade.

Ce fut pour Andr?, du reste, un bonheur que de se retrouver pr?s du peintre, car celui-l? soufflait avec ses fi?vres, des ardeurs de travail aux autres. Il poussait maintenant Andr?, l'?p?e dans les reins, n'acceptant plus l'excuse des habitudes rompues et du logement fra?chement habit?. Il le talonna de telle sorte qu'Andr? se r?attela ? son livre.

La machine semblait avoir r?par? ses rouages mais elle fonctionnait avec lenteur. Il s'appesantissait des journ?es enti?res sur une page, mais il ?tait, somme toute, tr?s satisfait. La mise en train de son oeuvre ?tait termin?e, il n'avait plus d'inqui?tude, ne doutait pas qu'il ne p?t prochainement abattre de la besogne comme au bon temps et il passait des journ?es charmantes de labeur et de fl?ne, s'escrimant ? petits coups, se frottant joyeusement les mains, s'installant au soleil sur sa terrasse, fumant des cigarettes, regardant curieusement par les fen?tres d'un Minist?re situ?es vis-?-vis des siennes l'int?rieur des bureaux, des enfilades de cartons verts ? poign?es de cuivre, des tables de bois noir, ? casiers, des chaises de canne, des corbeilles, des cuvettes et des carafes, des cabriolets pleins de fiches, des amas de dossiers ?normes. Il avait en face de lui, juste, deux employ?s enferm?s dans la m?me pi?ce, l'un dont on apercevait le profil joufflu, l'autre qui vo?tait un dos dont l'?chine saillait. Puis, une tache blanche entrevue au fond du bureau, derri?re les vitres de la crois?e, disparaissait, ouvrant un jour sur une autre pi?ce et des gens entraient, des papiers ? la main, bavardaient, s'asseyaient sur des coins de table puis partant, ils d?pla?aient et remettaient de nouveau la tache blanche en place.


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